République et canton de Genève

Grand Conseil

E 1523
Election d'une ou d'un président-e du Grand Conseil

La présidente. Je voudrais saluer à la tribune M. l'Ambassadeur d'Espagne à Berne, M. Fernando Riquelme Lidon et son épouse, M. l'Ambassadeur adjoint d'Espagne auprès de l'ONU, M. Joaquín de Arístegui, M. le Chancelier de la Mission permanente d'Espagne auprès de l'ONU, M. Juan Cenzual, M. le Consul général d'Espagne, M. Francisco Cádiz Deleito, M. Manuel Luis Rodríguez González, secrétaire général de l'émigration de la Xunta de Galicia, Mme Liliane Maury Pasquier, conseillère aux Etats, M. le vice-président du Conseil administratif de la Ville de Genève, M. Manuel Tornare, ainsi que les anciens présidents et présidentes qui sont à la tribune, M. Hervé Burdet, M. Michel Jacquet, M. René Koechlin, M. Bernard Lusti et Mme Christine Sayegh. (Applaudissements.) J'espère n'avoir oublié personne, et vous me pardonnerez si j'ai omis de saluer quelqu'un !

Nous passons au renouvellement du Bureau.

Mme Emilie Flamand (Ve). Avant de passer à l'élection de la présidente, je me permets de vous dire quelques mots pour rendre hommage à Anne Mahrer, notre présidente. Nous la remercions, car elle nous a brillamment représentés à la tête de ce parlement pendant une année, et a mené les débats avec fermeté mais toujours avec intelligence et sérénité.

Durant sa présidence, elle s'est beaucoup investie dans les relations avec les autres parlements cantonaux, cherchant ainsi à redonner au pouvoir législatif toute son importance, à l'heure où de nombreuses questions se règlent au niveau intercantonal et encore trop souvent au niveau des exécutifs seulement.

Anne Mahrer a également assumé avec intérêt et toujours avec élégance ses nombreux mandats de représentation. Le parlement perd une excellente présidente - dont le flambeau sera repris avec talent par la vice-présidente - mais nous nous réjouissons, car elle revient ainsi dans nos rangs ! Merci, Anne ! (Très chaleureux applaudissements.)

La présidente. Merci infiniment !

Mme Véronique Pürro (S). Avant de passer au renouvellement de la présidence, j'aurais également souhaité remercier notre collègue Anne Mahrer pour son engagement durant cette année de présidence. Merci, Anne !

Chers collègues, au nom du groupe socialiste, j'ai le plaisir de présenter Loly Bolay à vos suffrages pour la présidence de notre assemblée.

Loly Bolay siège au Grand Conseil depuis 1997. Elue au parti du travail, elle rejoindra trois ans plus tard le parti socialiste et sera réélue en 2001 puis en 2005 sur les listes de notre parti.

Au niveau politique, Loly Bolay est une véritable généraliste qui possède de multiples intérêts. Les questions économiques, les problèmes de sécurité ou l'organisation de la justice sont autant de sujets sur lesquels elle sait faire entendre sa voix et porter avec intelligence le point de vue de notre groupe, toujours de manière argumentée. Tous ceux qui la côtoient en commission reconnaissent la force de ses convictions, son réel sens politique et sa grande capacité de travail.

Mais Loly est aussi une vraie militante politique de terrain, qui ne saurait se contenter de son mandat de députée. Au parti socialiste, nous avons vu avec quelle énergie elle a passé des journées entières, sans compter ses heures, à tenir des stands ou à organiser des fêtes et des rassemblements; elle a aussi repris les rênes de sa commune, dans laquelle elle est très active et à laquelle elle est fortement attachée.

Enthousiaste, énergique, communicative et sachant attirer la sympathie des autres, Loly Bolay possède de nombreuses qualités pour présider nos travaux et nous représenter à l'extérieur de cette enceinte.

Enfin, chers collègues, en la désignant comme première citoyenne de notre canton, nous réaffirmerons, en cette période où de plus en plus de voix se font à nouveau entendre contre les populations étrangères, que Genève demeure une terre d'accueil, capable d'intégrer celles et ceux qui sont venus y chercher refuge ou travail, jusqu'à leur confier la présidence de son parlement. C'est en effet avec l'espoir de trouver une nouvelle terre où s'établir que Loly Bolay a suivi en Suisse sa famille républicaine espagnole il y a maintenant près de quarante ans. C'est l'occasion de rappeler ici que pour de nombreux émigrés espagnols de cette époque - et je le dis de manière d'autant plus émue que ma propre mère en faisait partie - fuir la dictature franquiste signifiait aussi perdre sa nationalité. C'est ce qui est arrivé à Loly Bolay même si, depuis lors, devenue suisse par mariage, elle a eu la fierté de retrouver sa nationalité espagnole, et qu'elle compte ainsi parmi les nombreux binationaux de notre canton.

Loly, personnellement, j'aime ton sourire pétillant, ton accent ensoleillé qui trahit tes origines, ta capacité à t'indigner et à défendre tes convictions. Je suis profondément convaincue que tu seras une excellente présidente et je recommande à nos collègues de te désigner à cette importante fonction. (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote, veuillez donc regagner vos places. Je prie les huissiers de bien vouloir distribuer les bulletins de vote. Pendant la procédure de vote, je demanderai aux photographes de ne pas prendre de clichés.

Je vous rappelle la procédure, qui figure à l'article 115 de la loi portant règlement du Grand Conseil:

«1. Est élu celui qui, au premier tour, obtient la majorité absolue des suffrages valables. Le deuxième tour a lieu à la majorité relative.

» 2. Les bulletins blancs et les bulletins nuls ne comptent pas dans le calcul de cette majorité.» (Les députés remplissent leur bulletin de vote.)

Je prie les huissiers de récolter les bulletins de vote. Le scrutin est clos. J'invite donc les scrutateurs à se rendre dans la salle Nicolas-Bogueret pour le dépouillement. En attendant le résultat de l'élection, je suspends la séance quelques minutes. Je salue encore les députés qui sont arrivés et qui se trouvent à la tribune. (Applaudissements.)

La séance est suspendue à 17h25.

La séance est reprise à 17h35.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de retourner à vos places.

Résultats de l'élection de la présidente du Grand Conseil:

Bulletins distribués: 88

Bulletins retrouvés: 88

Bulletins blancs: 15

Bulletins nuls: 5

Bulletins valables: 68

Majorité absolue: 35

Est élue: Mme Loly Bolay (S), avec 68 voix. (Longs applaudissements. L'assemblée se lève. Des bouquets de fleurs sont offerts à Mmes Anne Mahrer et Loly Bolay.)

Discours de Mme Anne Mahrer, présidente sortante

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de féliciter chaleureusement Mme Loly Bolay pour son élection. Nous aurons en commun, chère Loly, «une première». J'ai été la première présidente Verte de ce Grand Conseil, tu seras la première présidente issue de l'immigration. La première citoyenne de ce canton, désormais galicienne, nous représentera dans cette Genève internationale et multiculturelle qui m'a si souvent et si bien reçue durant mon mandat.

Pour la deuxième fois seulement, depuis 1965, une femme succède à une femme. Ce constat nous rappelle que nous ne représentons encore que 31% de ce parlement. Cette année, trois de nos collègues députées ont démissionné, confrontées aux difficultés de concilier responsabilités familiales, professionnelles et politiques. Elles ont été remplacées par des hommes.

Chers collègues, au terme de cette année privilégiée, je tiens à vous dire tout le plaisir que j'ai eu à représenter notre institution et à présider cette assemblée. Je vous remercie pour votre collaboration respectueuse.

Nous fêtons ce soir un anniversaire: les dix ans d'autonomie du service du Grand Conseil. En effet, le 6 novembre 1997 - très exactement - entrait en vigueur la loi instaurant l'indépendance du service vis-à-vis de la Chancellerie, indépendance que les présidences successives se sont attachées à inscrire dans les faits.

Cette année, le Bureau a souhaité changer sa dénomination et adopter celle de «Secrétariat général du Grand Conseil». Cette adaptation pourrait paraître anodine si elle ne symbolisait pas l'égalité de traitement qui doit régner entre les pouvoirs législatif et exécutif. Revêtant de ce fait la plus haute importance, elle devrait faciliter la transversalité des fonctions, souhaitée par le Conseil d'Etat.

Cela m'amène naturellement à remercier chaleureusement Mme Maria-Anna Hutter, désormais Sautière du Secrétariat général du Grand Conseil, ainsi que ses collaboratrices et collaborateurs, pour leurs compétences et leur engagement à notre égard.

Ma gratitude va également à l'ancienne vice-présidente, Mme Loly Bolay, au vice-président, M. Mario Cavaleri pour leur soutien sans faille, aux membres du Bureau, Mmes Caroline Bartl, Sandra Borgeaud, Patricia Läser, MM. Henri Rappaz et René Stalder.

J'adresse mes remerciements au Conseil d'Etat, et en particulier à son président, M. Charles Beer.

Nous avons collaboré de manière cordiale, dans le respect de nos prérogatives et dans un souci commun de l'intérêt général.

Enfin, je remercie le service du protocole pour son assistance efficace, ainsi que toutes les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat qui apportent leur concours à nos travaux parlementaires.

C'est au nom de ce respect évoqué plus haut que je me permets ici une réflexion : nous avons cette année, à plusieurs reprises, reçu des projets de lois du Conseil d'Etat, à traiter en urgence, souvent motivée par des délais légaux, donc connus. Or l'urgence ne garantit pas un projet de qualité, un traitement satisfaisant en commission et un débat serein en plénière. C'est ce que j'appelle l'effet domino, qui, si l'on fixait les priorités, pourrait être évité.

Je le dis en pensant au défi qui nous attend ces deux prochaines années: la réforme de la justice conduite au niveau fédéral. Cette refonte du système judiciaire passera par des modifications législatives importantes et nécessitera le dépôt de multiples projets de lois dans les filières pénales, civiles et administratives d'ici le 31 mars 2008. Dans cette perspective, le Bureau organisera en janvier prochain un séminaire sur la réforme de la justice, afin de mieux aborder le défi qui nous attend à l'horizon 2010.

De mémoire de mémorial, chaque nouvelle présidence a eu pour ambition d'améliorer le fonctionnement de notre parlement et de voir son rôle renforcé.

Pour ma part, avec l'appui du Bureau, j'ai souhaité tenir le cap, faire avancer nos travaux et poursuivre l'effort d'information en proposant des séminaires sur des sujets d'importance : la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons - RPT - et le projet d'agglomération.

Dès janvier 2007, le Bureau a mis en oeuvre les nouvelles procédures issues du projet de loi 9560, qui lui confère de nouvelles compétences relatives au classement des objets par catégorie.

Nos séances plénières, cette année, ont souvent commencé par des prestations de serment. Ainsi, j'ai eu l'honneur de faire prêter serment aux magistrats de la Cour des comptes, aux juges, aux députés. Des serments différents qui, passées les premières hésitations, n'ont plus eu de secret pour moi.

En présidant nos débats, j'ai acquis la ferme conviction que ce n'est pas en modifiant à l'infini notre loi portant règlement du Grand Conseil que nous parviendrons à rendre notre travail parlementaire plus efficace ou à juguler le retard de notre ordre du jour, mais en nous donnant les moyens d'accomplir notre mandat de député-e de milice dans de meilleures conditions.

J'ai mesuré à quel point siéger après une journée d'activités professionnelles et/ou familiales, de surcroît jusqu'à 23h, est peu propice à un travail de qualité.

La majorité des cantons siègent la journée et notamment le matin, ce qui, expérience faite, est doublement favorable à l'efficacité de nos travaux et à l'organisation de notre emploi du temps.

Mesdames et Messieurs les députés, nous devons sérieusement envisager, pour le début de la prochaine législature, un changement d'horaire des sessions et des commissions.

Vous le savez, la collaboration intercantonale s'intensifie et nous devons suivre de près cette évolution. Pour que celle-ci ne demeure pas que l'affaire des exécutifs et des institutions qui en dépendent, nous devons renforcer le rôle de nos parlements et éviter le risque qu'ils ne deviennent de simples chambres d'enregistrement.

C'est précisément cette préoccupation qui a motivé la rencontre à Genève, en septembre dernier, des présidentes et présidents des parlements cantonaux, et c'est dans le but de concrétiser cette collaboration interparlementaire que nous avons décidé de créer ensemble une plate-forme d'information de la Communauté d'intérêts des parlements cantonaux.

Située à l'extrême sud-ouest de la Suisse, Genève, tournée vers la région franco-valdo-genevoise, a tendance à se crisper à l'évocation de la collaboration intercantonale et à se poser en victime face aux cantons alémaniques, certes majoritaires, mais que nous avons tendance à méconnaître.

Indépendamment des difficultés institutionnelles, nous devons nous rencontrer, échanger, en un mot, nous parler.

Nous parler ? Dans quelle langue ? Une plaisanterie veut que les Suisses s'entendent bien parce qu'ils ne se comprennent pas, même s'il n'est pas rare de surprendre des conversations en anglais entre députés aux Chambres fédérales !

Comunicare ? In che lingua ? Una battuta vuole che gli Svizzeri s'intendono fra loro perché non si capiscono, anche se non di rado capita di sorprendere delle conversazioni in inglese tra deputati alle camere federali !

Miteinander sprechen ? Aber in welcher Sprache ? Man sagt scherzhaft, dass die Schweizer gut untereinander auskommen, weil sie sich nicht verstehen können. Es ist im Bundeshaus sogar nicht selten zu hören, dass die Parlamentsmitglieder untereinander in Englisch Gespräche führen !

Vous l'aurez compris, les nombreux échanges que j'ai eus cette année avec nos collègues suisses alémaniques, tessinois, grisonnais et romands m'incitent à poursuivre cette collaboration interparlementaire dans le cadre de la plate-forme de la Communauté d'intérêts des parlements cantonaux.

Chers collègues, il est temps pour moi de passer le témoin. Pendant une année, j'ai pris de la hauteur. Je laisse là mon devoir de réserve pour retrouver mon entière liberté d'expression. Je me réjouis de débattre à nouveau et de reprendre les dossiers qui me tiennent à coeur.

Chère présidente, par égard pour vous et pour cette fonction que j'ai exercée avec bonheur, je ne manquerai pas de m'exprimer par des interventions précises, respectueuses et mesurées dans le temps. Je vous remercie.

(L'assemblée se lève. Mme Bolay offre des fleurs à Mme Mahrer et l'embrasse. Très longs applaudissements. Mme Mahrer descend de l'estrade et reçoit des fleurs des mains de Mme Flamand.)

Discours de Mme Loly Bolay, nouvelle présidente

La présidente. Mesdames et Messieurs les député-e-s, je tiens tout d'abord à vous exprimer ici toute ma reconnaissance et ma gratitude pour l'honneur que vous me faites en m'élisant à la présidence de ce parlement. Ces remerciements vont également à mon parti, le parti socialiste - et je tiens ici à remercier Véronique Pürro pour les mots qu'elle m'a adressés - qui m'a donné la possibilité d'accéder à cette haute fonction.

Mais en tout premier lieu, j'aimerais, si vous le permettez, Mesdames et Messieurs les député-e-s, adresser quelques mots dans ma langue maternelle - une fois n'est pas coutume - aux autorités espagnoles qui me font l'honneur et l'amitié d'être ici ce soir: Excelencia, Señor Embajador de España en Suiza, y Señora, Excelencia, Señor Embajador de la Mission permanente de España en las Naciones Unidas, Excelencia, Señor Consul general de España en Ginebra, Excelencia, Señor Secretario general de l'emigracion de la Xunta de Galicia, quisiera agradecerles por su presencia en este dia importante en la vida politica y institucional de este canton, y un poco tambien para mi pais de origen. Señorias, su presencia es un gran honor para mi. Espero tener la oportunidad de saludarles al final de este acto.

J'aimerais également saluer nos collègues récemment élu-e-s aux Chambres fédérales, Mme Liliane Maury Pasquier, qui me fait l'amitié d'être là, et M. Jean-Charles Rielle, nouveau conseiller national, ainsi que M. Manuel Tornare, conseiller administratif de la Ville de Genève, M. Jean-Marc Comte, qui représente la Ville du Grand-Saconnex, Mesdames et Messieurs les ancien-ne-s député-e-s et ancien-ne-s président-e-s, les représentant-e-s du Conseil municipal de la commune du Grand-Saconnex et, pour finir, je tiens également à saluer les représentant-e-s des associations espagnoles, galiciennes, italiennes, portugaises, turques, de la Kosove, qui sont présent-e-s ce soir, et plus particulièrement M. Francisco Viñas, l'homme incontournable du Servette FC qui me fait l'amitié d'être là. D'ailleurs, il est catalan, il n'est pas galicien ! Je vous remercie, Monsieur Viñas, d'être là ! (Rires. Applaudissements.) J'aimerais aussi saluer la présence des parents de Philippe Senderos, joueur de l'équipe de Suisse, dont les origines sont les mêmes que les miennes. Madame et Monsieur Senderos, soyez les bienvenus ! (Applaudissements.)

Je tiens à remercier tout particulièrement la présidente sortante Anne Mahrer, avec laquelle j'ai eu la chance de travailler. Sa force tranquille, son pragmatisme, sa manière de mener les débats sans jamais se défaire de son sourire et sa disponibilité m'ont impressionnée. Et pourtant, les défis et les écueils n'ont pas manqué ! Mais elle a su faire preuve de compétence et surtout d'aplomb pour les affronter. Chère Anne, tu vas me manquer ici au perchoir car, étant d'un tempérament du Sud - comme tu as pu t'en apercevoir - je ne suis pas persuadée que j'aurai la force de caractère pour rester, comme toi, d'un calme olympien ! (Rires.)

Je remercie également tous les autres membres du Bureau avec lesquels j'ai passé une année enrichissante et pleine d'émotions. Et je voudrais dire ô combien le service du Grand Conseil tient une place importante dans l'accomplissement de notre tâche grâce à sa disponibilité, son savoir-faire et son professionnalisme, qui nous permettent de faire face au travail immense que représente la préparation de nos ordres du jour, avec la présence sans faille de Mme Maria Anna Hutter. Merci pour tout ce que vous faites et je me réjouis de prolonger cette collaboration !

Mesdames et Messieurs les député-e-s, aujourd'hui est une date importante, et on peut dire qu'un nouveau pas a été franchi, non pas parce que je suis élue à ce perchoir, mais parce que pour la première fois l'une des vôtres, issue de l'immigration et de la première génération, devient la première citoyenne du canton.

Votre choix est aussi un message de reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui, comme moi, ont un jour choisi ce pays pour y vivre, quelles que soient les circonstances qui nous ont poussés à le faire. Et j'aimerais saluer au passage mes collègues député-e-s qui sont, comme moi, d'origines diverses. Ils et elles se reconnaîtront !

Mesdames et Messieurs les député-e-s, la Suisse s'est construite au fil des siècles, elle a su intégrer ses différences tout au long de son histoire. Elle est depuis des lustres une terre d'accueil pour les persécutés. En 1550 déjà, Genève donne refuge aux protestants qui s'exilent de France et d'Italie, la population de la ville doublera en dix ans. Au XIXe siècle, la croissance de la population de notre canton est surtout due aux immigrants étrangers. En 1850, la proportion de ces derniers est de 24%, alors qu'elle sera de 42% en 1913, dont une majorité de Français.

Puis, au début des années 60, c'est l'immigration dite «économique», avec tout d'abord les Italiens, les Espagnols et les Portugais. Cette main-d'oeuvre s'oriente là où le pays a le plus besoin de bras, principalement dans les métiers du bâtiment. Ces étrangers ont construit nos routes, nos écoles, nos appartements. Des ouvrages tels que les tunnels du Simplon et du Lötschberg, pour ne citer que ceux-là, n'auraient sans doute jamais vu le jour sans leur participation. Parmi ces hommes, beaucoup perdront la vie à la tâche. La tragédie du Mattmark, dans laquelle 88 ouvriers sont morts - dont une grande majorité d'Italiens - restera gravée dans la mémoire collective.

Puis, c'est l'arrivée des persécutés de guerre, ceux d'Amérique latine d'abord, du Chili, suite au coup d'état de Pinochet, et d'Argentine, et plus tard l'immigration de Kosove, de Serbie, puis de contrées plus lointaines comme la Turquie, le Maghreb, l'Inde, et de bien d'autres encore. Tous, ou la grande majorité d'entre eux, ont su s'intégrer, s'adapter. Ils font partie de notre quotidien, ils sont devenus nos voisins, nos collègues de travail, nos amis.

Cette République, petite par sa superficie, mais ô combien grande par sa générosité, peut se vanter d'avoir sur son territoire une multitude de nationalités, un assemblage de cultures, une mosaïque, une multiculturalité, et c'est sans doute ce qui fait sa force aussi.

Mais, Mesdames et Messieurs les député-e-s, la générosité de l'accueil ne consiste pas à faire payer les droits acquis par des devoirs imposés d'une manière dissimulée. L'intégration, c'est savoir reconnaître la culture et l'identité de l'autre, et, sur cette base, lui donner les droits pour qu'il s'intègre dignement, sans perte d'identité. Le droit d'être intégré sans discrimination, d'avoir un toit, un travail, s'accompagne aussi du devoir de respect du pays où l'on vit, de ses lois et de ses us et coutumes.

Ceux qui prétendent que l'avenir de ce beau pays est le repli sur soi et pensent qu'on a raison tout seul se trompent: la Suisse est devenue telle qu'elle est, telle que le monde l'admire, justement parce qu'elle est ouverte sur le monde et sur les autres, tolérante et humaniste. Il ne saurait en être autrement à Genève, siège des organisations internationales, berceau des droits de l'Homme, patrie d'Henri Dunant.

Genève qui, un 15 novembre 1920, accueillait la première assemblée de la Société des Nations, devenue l'ONU en 1946, et où déjà le souffle de l'esprit de Genève soufflait sur le monde entier; Genève, ville de paix, est la plus petite des grandes capitales et la plus cosmopolite aussi.

Mon arrivée à Genève se situe à un moment où le peuple suisse devait se prononcer sur une initiative qui visait à limiter l'entrée des étrangers. C'était l'initiative Schwarzenbach, en 1969. A ce moment-là, à peine arrivée, j'étais une sans-papiers. Mais pas pour longtemps, le temps d'une votation, car, à mon plus grand soulagement et à celui de beaucoup d'autres, le peuple suisse refusa cette initiative.

Moi j'arrivais d'un pays de dictature, de l'Espagne de Franco, ce pays devenu aujourd'hui une vraie démocratie. L'Espagne est totalement métamorphosée depuis qu'elle fait partie intégrante de l'Union européenne.

L'engagement en politique se situe parfois à un moment où les aléas de la vie nous surprennent durement. La politique m'a aidée à surmonter bien des épreuves, elle m'a surtout permis de rendre un peu de tout ce que ce pays m'a donné.

J'aimerais aborder ici le thème du respect: le respect des institutions, le respect de l'autre, dans cette société où l'individualisme prend une place prépondérante. Nous devons aujourd'hui plus que jamais mettre l'humain au centre des nos préoccupations. Avec un taux de chômage record, notre canton se doit de relever le défi de ce fléau. Mettre l'humain au centre de nos préoccupations, cela veut dire se battre contre les injustices sociales, car il n'est pas acceptable que, dans ce pays, un des plus riches du monde, des personnes, des familles entières se retrouvent poussées dans la plus grande précarité, dans l'exclusion, alors que dans le même temps les revenus des nantis explosent. Mettre l'humain au centre de nos préoccupations, cela veut dire réduire les inégalités sociales en procurant à tout un chacun un toit, un emploi, afin qu'il ou elle retrouve sa dignité.

Le respect porté à nos institutions démocratiques, auxquelles nous sommes très attaché-e-s, doit être une réalité constante, entre collègues du parlement et entre les représentant-e-s des deux autres pouvoirs, judiciaire et exécutif. Les défis qui nous attendent les semaines ou les mois à venir plaident pour une plus grande collaboration entres les trois pouvoirs, sans pour autant renier la séparation des pouvoirs ancrée dans notre constitution depuis 1847. Cette collaboration est souhaitable pour le bien de cette République et de ses citoyens qui nous ont élu-e-s et nous donnent, par leur soutien, une parcelle d'un pouvoir somme toute assez éphémère !

Pour conclure, j'aimerais rappeler ici la tâche difficile qui est celle des député-e-s de milice que nous sommes. Il y a à l'évidence une disproportion entre l'accomplissement de notre devoir et les moyens dont nous disposons. Même si, il faut bien le reconnaître, des améliorations notables ont été réalisées ces derniers temps.

Je tiens ici à rendre hommage à ceux qui m'ont précédée à cette fonction et à les remercier. Je pense bien sûr aux anciens présidents et présidentes, Pascal Pétroz, Marie-Françoise de Tassigny, Michel Halpérin et Anne Mahrer, qui ont permis à ce parlement d'avoir un meilleur fonctionnement et une meilleure visibilité. Je continuerai dans cette voie, en m'y employant avec toute ma force et toute mon énergie. (Longs applaudissements.)