République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8927-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi de MM. Rémy Pagani, Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek, René Ecuyer instituant la Commission cantonale de partenariat avec La Poste
Rapport de majorité de M. Patrice Plojoux (L)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (AdG)

Premier débat

La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

M. Patrice Plojoux (L), rapporteur de majorité. Oui, Madame la présidente. En fait, ce projet de loi demande la création d'une commission, laquelle serait formée de différentes personnes représentant la Ville de Genève, l'Association des communes genevoises, des associations de quartier, de consommateurs, l'AVIVO, la Chambre de commerce, la Communauté d'action syndicale, des Comités citoyens pour la sauvegarde de la Poste de Saint-Jean, etc. Cette commission devrait, dans le fond, prendre des décisions par rapport à l'inventaire des services postaux ou les projets de réorganisation de la Poste...

Nous avons étudié ce projet de loi en commission des affaires régionales et, à l'exception de l'Alliance de gauche, nous avons été convaincus que, si le but était certes louable, ce n'était pas la manière la plus efficace de travailler dans la mesure où cette commission n'aurait quasiment aucun pouvoir pour atteindre ses objectifs. Par conséquent, cela ne ferait qu'une commission de plus, voire, peut-être, des gens déçus, puisqu'ils seraient membres d'une commission sans pouvoir.

C'est pour cette raison que nous vous demandons de rejeter ce projet de loi.

Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon rapport hormis ceci.

Finalement, que de résignation sur le vaste sujet de la restructuration de La Poste ! Les habitants s'organisent, les élus se mobilisent, et, après un certain temps, quelques victoires, quelques sursis, le découragement, la résignation commencent à percer.

On entend dire que nous ne sommes pas de taille à affronter un adversaire qui fait fi de ses interlocuteurs, semble tout-puissant, et qu'il faudrait bien que l'usager se résolve à accepter des diminutions de prestations, une baisse de qualité de ces dernières.

Si d'aucuns croyaient avoir bu jusqu'ici l'entier de l'amer breuvage de la restructuration de La Poste, ils devront déchanter ! Ils n'ont encore pas bu la lie !

Des licenciements ont encore été annoncés avec leur lot de fermetures ou de réductions d'horaires d'offices postaux. Cela au mépris des assurances qui avaient été données par M. Moritz Leuenberger qu'aucune décision ne serait prise sans concertation. Et pourtant !

Le service public est en péril. Les habitants qui se mobilisent l'ont compris. Ils ne s'y résignent pas. Joignons nos efforts aux leurs et entrons en matière, Mesdames et Messieurs les députés, sur une proposition qu'il vous appartiendra d'améliorer si elle ne vous paraît pas en tout point adéquate ! Mais je vous y invite. N'éludons pas cette question sous prétexte que nous ne pouvons rien y faire ! Le service public est en danger. Il nous appartient également de nous mobiliser et de faire entendre la voix du canton !

M. Christian Grobet (AdG). Je suis à la fois étonné et pas étonné du sort réservé par la majorité de ce Grand Conseil à notre projet de loi...

C'est une habitude, que ce soit au Conseil national ou au Grand Conseil ou ailleurs: la majorité de droite et les socialistes font semblant de se préoccuper de la politique désastreuse menée par la direction de La Poste, qui est en train de fermer des offices postaux à maints endroits et de démanteler ce service public. Mais quand une mesure concrète est proposée, alors, là, comme par hasard, personne n'est prêt à la voter ! Il est évidemment beaucoup plus facile de prétendre, en paroles, défendre les usagers; il est beaucoup plus facile de tenir des propos lénifiants que de décider d'agir concrètement !

Ce projet de loi est tout à fait modeste: il propose de créer une commission pour s'occuper des problèmes engendrés par la politique de la Direction générale de La Poste en ce qui concerne les services postaux dans notre canton. Le Conseil d'Etat - je ne veux pas jeter la pierre à M. Lamprecht, parce qu'il est difficile de trouver des solutions avec la Direction générale de La Poste - n'est finalement pas arrivé à obtenir des résultats. Il paraît donc souhaitable de créer une structure permanente qui essaie d'apporter un certain nombre de solutions à ce sujet. La Ville de Genève a pris des initiatives concrètes, ce qui n'est pas le cas de l'Etat - en tout cas je n'ai entendu parler de rien... Avec de l'imagination, il devrait être possible de trouver des solutions.

En ce qui me concerne, je constate que les prestations continuent à se dégrader, que des offices postaux sont en train d'être fermés en ville de Genève, que les heures d'ouverture de l'office de Montbrillant... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... ont été réduites ou modifiées sans qu'aucune annonce n'ait été faite auprès du public. La poste de Montbrillant est fermée le samedi après-midi, sans avertir, ce qui fait qu'on s'y déplace pour rien: celles et ceux qui, dans le temps, trouvaient commode de venir à 22h30 trouvent maintenant porte close. Ensuite, cette poste a été ouverte jusqu'à 21h. Maintenant, elle ferme à 20h, à 19h... Les gens ne se rendent même pas compte que, tous les six mois, les heures d'ouverture sont réduites, alors que c'est la seule poste permanente pour une agglomération de 400 000 habitants... Je vois, Monsieur Lamprecht, que vous n'êtes pas intéressé par ce problème ! Vous trouvez sans doute plus important de discuter en aparté avec un député: cela montre le degré d'engagement qui est le vôtre sur ce dossier ! (Protestations. La présidente agite la cloche.)

Pour ma part, je pense - pour ne prendre que l'exemple de la poste de Montbrillant - qu'étant donné l'importance d'une ville comme Genève et les activités économiques qui s'y déploient, il n'est absolument pas normal que plus une seule poste ne soit ouverte en dehors des heures normales comme c'était le cas dans le passé. C'est un élément extrêmement défavorable pour toute une série d'entreprises de différentes natures.

Alors, nous avons fait une proposition. Nous constatons que nous sommes finalement les seuls à vouloir faire quelque chose, à moins que certains ne changent d'opinion sur le vote de ce projet de loi... Nous demandons l'appel nominal sur la prise en considération de cet objet.

M. Christian Brunier (S). Les socialistes n'ont pas à démontrer aujourd'hui qu'ils luttent au côté des citoyens pour maintenir les prestations servies par La Poste.

Nous avons condamné sans appel la politique menée à la tête de La Poste: sous prétexte de rentabilité, sous prétexte d'efficacité, des offices postaux sont fermés et les prestations diminuent. Cela est scandaleux ! Nous l'avons dit et répété, et nous le répéterons encore !

Je rappelle à M. Grobet que le parti socialiste genevois a demandé l'exclusion de M. Gigy - membre du parti socialiste, qui dirige La Poste - parce que nous considérons qu'il est indigne de compter dans les rangs de notre parti ! Nous avons condamné clairement la politique menée par le conseiller fédéral socialiste, Moritz Leuenberger et nous continuons à le faire ! Nous pensons qu'il mène un mauvais combat, et nous n'acceptons pas sa politique en matière de prestations postales. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Notre position à ce sujet est donc tout à fait claire.

Nous avons soutenu, au côté de l'Alliance de gauche - il faut bien le reconnaître - au côté des Verts, mais aussi au côté de certaines personnes de droite - je me rappelle, par exemple, que Mme Brunschwig Graf était venue soutenir les habitants de Saint-Jean au moment où l'office postal de ce quartier était en train d'être fermé. C'est cette mobilisation qui compte, et, si celle-ci peut dépasser les clivages gauche/droite, je crois que les usagers de La Poste ont tout à y gagner.

Maintenant, comment lutter contre cette politique ? C'est le fond du problème ! Le problème n'est pas de savoir qui est pour ou contre la politique menée par la Direction de La Poste: nous le savons. Il faut déterminer quels sont les meilleurs moyens de lutter contre la politique menée en la matière.

Je rappellerai à M. Grobet que les luttes qui ont débouché sur une victoire en Suisse et à Genève en particulier sont surtout des luttes citoyennes, quand les autorités politiques et les partis politiques ont joué un rôle de soutien, mais pas en première ligne. Il faut continuer dans cette voie ! La seule chance de gagner la lutte contre le démantèlement de La Poste, c'est la mobilisation des citoyens en premier et le soutien des autorités et des partis politiques ! C'est ce que nous avons fait à Genève. C'est pour cela que nous avons gagné à Saint-Jean et dans d'autres communes, et c'est comme cela que nous gagnerons d'autres combats ! Une commission composée d'un membre par parti, d'un représentant du Conseil d'Etat, d'un représentant de la Ville de Genève, d'un représentant des Communes genevoises, etc., serait une lourdeur administrative supplémentaire ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Cela ne ferait qu'institutionnaliser la lutte et ne serait d'aucune efficacité. Maintenons le combat, comme nous l'avons fait jusqu'à présent ! C'est un bon combat, un juste combat. Laissons les citoyens se battre ! Nous devons juste être un support. C'est le seul moyen de pression sur La Poste. Ce n'est pas en institutionnalisant cette lutte, en renforçant la bureaucratie, que nous allons arriver à infléchir la politique de La Poste ! (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Il s'agit, bien sûr, d'un problème qui préoccupe beaucoup la population, à savoir l'évolution des services publics et plus particulièrement de La Poste...

Je me permets de rappeler à tous ceux qui me font face ici que la population genevoise, très récemment, s'est prononcée favorablement sur une initiative - peut-être lancée un peu tard - qui posait le problème de La Poste. Et vous avez été battus à plate couture ! (L'orateur est interpellé.)Je ne vous parle pas, Monsieur Brunier ! Gardez votre souffle: vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure ! (Rires.)Pour le moment, je m'adresse à ceux qui me font face: il y a un fossé entre les mots d'ordre que vous avez donnés à la population et le résultat de la votation. La population à Genève a très majoritairement soutenu l'initiative de La Poste, alors que vous l'invitiez à la refuser. C'est un des éléments sur lequel vous êtes coupés de la base populaire. Et il y a là un problème de fond qui se pose.

Pour ce qui est de La Poste, il est vrai que les gens comprennent de moins en moins bien ce qui se passe avec le service public de La Poste. La Poste était un des points forts de notre pays: toutes les régions de Suisse bénéficiaient de prestations de qualité égale et le courrier arrivait toujours à temps. Tout fonctionnait correctement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. On peut voir ce que le début de privatisation de ce service public a déjà généré comme problèmes.

Et si La Poste n'est pas privatisée, nous savons tous pourquoi... C'est parce qu'au départ il y avait les Postes, les Telecom et les Télégraphes. Puis les Telecom ont eu les moyens financiers de rembourser ce que la Confédération n'avait pas payé, c'est-à-dire la part patronale des cotisations du deuxième pilier. C'est aussi un des paradoxes: l'administration fédérale, chargée de contrôler les caisses de pension, ne versait même pas, depuis 1920, sa part patronale aux employés de la Confédération ! On jouait sur la pérennité des activités et on a privatisé les Telecom et construit les CFF SA en versant des sommes considérables pour rembourser les cotisations non payée, mais La Poste n'a pas pu en faire autant. Pendant longtemps, La Poste a eu une situation financière correcte, parce qu'elle était liée aux Telecom et qu'ensemble ils formaient un tout efficace répondant aux besoins de la population. Pendant un certain temps, les gens ont cru à la privatisation; ils ont cru que les Telecom allaient répondre à leurs besoins. Force est de constater aujourd'hui que, à ce niveau aussi, les problèmes commencent à surgir, et cela va continuer. Ils vont se développer jusqu'à ce que le réseau soit défectueux, parce que, jusqu'à présent, on n'a pas encore réussi à l'entretenir de manière correcte.

Mais le problème de La Poste reste posé, et c'est un vrai problème ! Allez dans les postes, discutez avec les gens ! Il faut voir comment les choses se passent: ce qui se vend, les guichets sont tous fermés - de temps en temps, il y en a un d'ouvert - les files d'attentes n'en finissent pas ! Les prestations de La Poste se dégradent de jour en jour, parce que les effectifs ont été réduits. C'est un véritable problème de fond, qui résulte bien sûr de la décision de privatiser !

Je dois dire à cet égard que nous étions très peu nombreux à Berne à nous opposer à cette privatisation. Malheureusement, la gauche, y compris les syndicats, avait soutenu les projets de privatisation et de séparation de La Poste et des Telecom; elle porte une lourde responsabilité ! Il est bien sûr bien plus difficile aujourd'hui de revenir en arrière et de s'opposer à la politique qui est menée en la matière. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Les gens se rendent compte que continuer dans cette voie et réduire les prestations des services publics ne permet pas de répondre aux besoins de la population, pas plus qu'aux besoins du secteur économique.

La proposition qui est faite est certes modeste, mais elle entre dans le cadre général de la défense de ce service public. Je pense qu'elle est intéressante et peut déboucher sur des solutions. Monsieur Brunier, c'est bien joli de descendre dans la rue pour soutenir tout le monde, mais ici, au parlement, nous devons prendre nos responsabilités ! Or, malheureusement, les gens continuent à travailler et à voter pour le démantèlement de La Poste et pour la réduction de sa capacité de répondre aux besoins de la population.

Aujourd'hui, nous faisons une proposition; la population verra bien qui est favorable aux mesures concrètes pour défendre le service public !

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Il ne faut pas affirmer, Monsieur le député Grobet, que nous n'avons fait aucune tentative pour La Poste... Nous avons tout de même eu quelques succès ensemble ! Nous avons gagné la bataille de la douane-poste, ce qui n'était pas une mince affaire à l'époque; nous l'avons fait à travers nos institutions, bien entendu; nous sommes allés ensemble à Berne avec des maires de communes, avec des députés, et moi-même. Nous avons gagné sur le terrain, à Saint-Jean, comme l'a dit M. le député Brunier, grâce à une action citoyenne. Des actions ont donc été menées, et on peut s'en réjouir.

Il est vrai que le Conseil d'Etat, tout comme vous, ne peut pas laisser faire n'importe quoi. Il ne peut pas laisser brader le service public, et cela, nous l'avons affirmé clairement à chaque fois que nous avons eu affaire aux dirigeants de La Poste. Mais ce problème ne concerne pas seulement Genève, il est beaucoup plus général. Et il faut bien admettre que certains services de La Poste aujourd'hui ne répondent plus aux critères du marché, étant donné les nouveaux systèmes de télécommunication qui ont fait leur apparition.

Je voudrais aussi vous dire que nous n'avons pas perdu pour autant le contact, puisque nous sommes régulièrement informés des projets de La Poste, mais nous ne sommes pas les seuls à l'être. Aujourd'hui, La Poste tient à informer, à consulter: elle fait un effort certain à ce niveau. Les résultats ne sont peut-être pas tout à fait ceux que nous escomptions, mais cet effort est visible, notamment au niveau des syndicats, de la Ville de Genève: je reçois la Direction de La Poste pour lui expliquer le nouveau concept du projet IMAGO; elle rencontre le Conseil administratif de la Ville de Genève pour parler des problèmes et des projets en cours. Le dialogue existe !

Il est vrai que je ne vois pas aujourd'hui, après tous les efforts que nous avons faits, comment nous pouvons intervenir localement sur une stratégie nationale. Nous sommes attachés, je le répète, à défendre le service public, mais, en même temps, nous devons être objectifs. Ce sont les Chambres fédérales qui prennent les décisions et aussi le conseiller fédéral en charge. Et nous ne pouvons pas inverser une évolution inéluctable à notre niveau.

Mesdames et Messieurs, si ce parlement décidait de créer une commission, il faudrait déjà que La Poste en fasse partie. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Car ce ne serait pas très efficace de parler des problèmes entre nous. Et puis, cette commission arriverait-elle véritablement à influencer la politique de la Direction de La Poste ? Je ne le pense pas ! Je pense plutôt qu'il faut s'attacher à défendre les problèmes locaux, avec l'appui des communes ou de la Ville de Genève et avec le soutien des autorités cantonales. Et, s'il le faut, que le peuple, comme il l'a fait pour la défense remarquable de La poste de Saint-Jean, continue à agir !

Pour ma part, je me rallie à la décision de la majorité sur ce projet de loi, tout en disant objectivement que, si ce projet de loi devait être accepté, ce n'est pas le rôle du Conseil d'Etat d'y participer, il doit avoir un certain recul. Mais si ce projet de loi devait être accepté, il faudrait que La Poste soit représentée, sinon l'efficacité de cette commission s'en trouverait réduite.

Voilà ce que je tenais à dire sur ce projet de loi.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'être attentifs. Je vais vous soumettre, au moyen du vote électronique, la recommandation de la commission, soit le rejet de ce projet de loi. Celles et ceux qui le rejettent voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront... (Protestations.)C'est la recommandation de la commission ! (Exclamations.)On m'avait dit qu'il fallait procéder ainsi, mais, si vous le souhaitez, je vais m'y prendre différemment. Je vous soumets donc la prise en considération du projet de loi 8927-A... (Exclamations.)Pardon ? Monsieur Anor, vous avez une demande à formuler ? Je vous donne la parole. (M. Alexandre Anor demande le vote nominal.)Etes-vous soutenu ? (Appuyé.)C'est le cas !

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet est rejeté en premier débat par 62 non contre 13 oui et 1 abstention.

Appel nominal