République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1488
Proposition de motion de Mme et MM. Charles Beer, Christian Brunier, Antoine Droin, Françoise Schenk-Gottret, Sami Kanaan demandant de ne pas confondre opération de propagande politique et affectation des fonctionnaires de police

Débat

Le président. Madame Schenk-Gottret, vous avez la parole... (Brouhaha.)S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, je n'ai pas levé la séance ! Je vous remercie de bien vouloir écouter Mme la députée Françoise Schenk-Gottret. (Le président agite la cloche.)

Allez-y, Madame la députée ! Vous allez voir, ils vont se calmer...

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Quel que soit le sort que vous réserverez à cette proposition de motion, son effet aura été immédiat, puisqu'elle a été déposée en urgence...

En effet, Mme Spoerri, qui avait emmené avec elle des fonctionnaires fédéraux et cantonaux, lors d'une conférence-débat organisée par le parti libéral, a renoncé à se faire accompagner lors de la réunion qui a suivi - de peu - le dépôt de cette proposition de motion.

C'était le but voulu, mais ce n'est pas suffisant.. C'est pourquoi nous demandons au Conseil d'Etat d'édicter des règles claires à ce sujet.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je n'ai pas très bien compris le sens de votre intervention, Madame... Ou je ne vous ai pas comprise ou vous vous êtes trompée... J'ai en effet cru vous entendre dire que j'aurais renoncé à donner cette conférence... C'est bien cela ? (Exclamations.)Bien ! Quoi qu'il en soit, ce n'est pas grave...

Mesdames et Messieurs, tout d'abord, permettez-moi simplement de vous dire que j'aurais beaucoup apprécié que cette motion fût retirée... Mais cela n'a pas été le cas ! Je m'en étais du reste ouverte directement à mon cher collègue, M. Charles Beer.

Sachez simplement que, depuis le début de mon mandat, je suis très fréquemment sollicitée dans diverses assemblées à l'invitation de différentes instances dont des communes. Et les communes des Trois-Chêne font partie des communes les plus touchées par les problèmes de sécurité - problèmes dont nous nous préoccupons à juste titre, car ils s'aggravent de plus en plus. J'ai pris l'habitude de me faire accompagner pour donner au débat un contenu le plus complet possible, afin de répondre au mieux aux inquiétudes des citoyens. Naturellement, je me fais accompagner de spécialistes, qui sont, dans le cas particulier, respectivement le chef de la police, le responsable des garde-frontières, etc...

Il s'agit, en l'occurrence, d'une assemblée organisée par le parti libéral... Si maintenant il m'est interdit de faire des conférences au parti libéral, je veux bien... Mais vous pouvez toujours légiférer en la matière...

Je crois qu'il faut faire un minimum confiance aux magistrats qui ont été élus par la population genevoise - je vous le rappelle tout de même - et à nos fonctionnaires et collaborateurs... Car, sinon, ils ne pourraient plus - accompagnés ou non de leur magistrat - donner, par exemple, leur appréciation lors d'un débat politique... Si tel était le cas, il faudrait que j'annule toute une série de conférences prévues en 2004, dont certaines le sont - je vous le précise - à l'appel des partis politiques de gauche.

Mesdames et Messieurs, je pense que cette motion n'est plus d'actualité. Il faut, me semble-t-il, faire confiance à la droiture de vos magistrats, et je considère être une «magistrate» droite. Je vous recommande donc de rejeter cette motion.

M. Christian Brunier (S). Madame Spoerri, vous avez commencé votre intervention en disant que vous aviez mal compris les propos de Mme Schenk-Gottret...

Je me permets de revenir sur ce sujet, juste pour expliquer les raisons qui nous ont poussés à déposer cette motion. Cela n'a rien à voir avec cette conférence-débat en particulier ni avec votre liberté, en tant que magistrate, de pouvoir donner des conférences, c'est une question de principe.

Notre but n'est pas de polémiquer à propos de cette conférence en disant qu'il est scandaleux que le parti libéral invite une magistrate libérale... Nous voulons simplement que soient établies des règles de déontologie dans de tels cas.

Lorqu'un parti politique invite un élu de son parti - ce qui est logique, et tout le monde le fait - et que ce dernier demande à ses hauts-fonctionnaires de l'accompagner, on peut en effet se demander s'ils ont la liberté de refuser de l'accompagner et s'ils ont véritablement la possibilité de s'exprimer sans être en phase directe avec lui... Il me semble qu'il y a là un vrai problème de déontologie, car il n'est pas facile à ces hauts fonctionnaires de refuser une invitation de leur patron - ou de leur patronne - et qu'ils risquent de se retrouver dans des positions extrêmement délicates, surtout lorsque c'est dans un cadre politique. Je pense - tout comme mon groupe - que le Conseil d'Etat devrait fixer des règles en la matière - c'est valable pour les conseillers d'Etat de gauche comme de droite, car cela n'a rien à voir avec les couleurs politiques - pour éviter de mettre des hauts-fonctionnaires dans une position délicate, voire inacceptable, en termes de déontologie de travail et de déontologie politique. C'est tout !

Et je ne vois pas pourquoi Mme Spoerri - ou le gouvernement - refuserait cette motion qui demande simplement que des règles simples soient établies dans ce domaine. A mon avis, c'est le minimum de déontologie que l'on peut attendre du gouvernement.

Le président. Madame la conseillère d'Etat, souhaitez-vous répondre, ou non ? Bien ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette proposition de motion, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 30 non contre 25 oui.