République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8667-A-1
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (création d'une zone de développement 3)
Rapport de majorité de M. René Koechlin (L)
Rapport de première minorité de M. Alain Etienne (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Rémy Pagani (AdG)

Premier débat

Le président. M. René Koechlin est rapporteur de majorité, MM. Alain Etienne et Rémy Pagani rapporteurs de minorité. Ces derniers devraient tous deux être vissés à leur siège, car il s'agit du troisième rapport de minorité qu'ils font chacun.

Mme de Haller va nous lire trois courriers dont la lecture a été demandée. On lui verse à boire pour qu'elle tienne le coup... Je vous prie de l'écouter ou de vous rendre à la salle des Pas-Perdus.

Les courriers dont la lecture a été demandée sont les suivants:

Courrier 1650

Courrier 1654

Courrier 1655

Le président. Nous reprenons nos débats. Je vous demande, dans un souci de clarté, de ne pas vous occuper des numéros des plans lors du vote, car nous sommes au point et au clair.

Trois projets de déclassement sont donc prévus: en premier lieu, le «grand» déclassement, soit le déclassement original prévu par le projet de loi et défendu par M. Pagani; en deuxième lieu, le «petit» déclassement, issu de la majorité de la commission et défendu par M. Koechlin; enfin, le déclassement «moyen», proposé par l'amendement du Conseil d'Etat et auquel M. Etienne, qui défendait dans son rapport le «grand» déclassement, s'est rallié. Maintenant que j'ai clarifié la situation et que vous disposez des plans, le débat peut s'engager sur une base plus ou moins sereine.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voudrais tout d'abord relever deux préalables. En premier lieu, contrairement aux déclarations de MM. Grobet, Sommaruga et Hediger lors de notre dernier débat - lesquels prétendaient que le terrain de football des Fourches appartenait à l'UBS - je vous annonce que ce terrain appartient à la Ville de Genève. Afin de clarifier la situation, j'ai déposé sur les places des députés l'extrait cadastral de la parcelle, document qui prouve bien que ce terrain est propriété de la Ville de Genève. Ce fait a d'ailleurs été confirmé par M. Ferrazino dans sa lettre. (L'orateur est interpellé par M. Grobet.)Eh oui, le terrain des Fourches se trouve dans le périmètre, et il appartient à la Ville de Genève ! Regardez bien vos plans, Messieurs, si tant est que vous sachiez lire des plans ! Mais il est évident que tout le monde ne sait pas lire un plan... M. Pagani expliquera à M. Grobet ce qu'il en est... (Rires.)M. Pagani, lui, sait lire des plans, vous comprenez... Je suis cependant étonné que M. Grobet, qui a tout de même dirigé pendant douze ans le département des travaux publics, ne sache pas déchiffrer un plan...

L'anecdote étant, je l'espère, close, je voudrais faire en deuxième lieu la remarque suivante: nul ne conteste le fait que la demande de logements est urgente à Genève. Cependant, déclarer à des personnes qui cherchent de façon urgente un logement que l'on va déclasser des terrains équivaut à dire à un affamé demandant du pain que nous allons semer du blé.

M. Claude Blanc. Et encore, lorsqu'on sème du blé, on a une chance de le récolter !

M. René Koechlin. Cela est vrai, alors que lorsqu'on déclasse, il n'est pas certain que l'on construise !

J'ai affirmé qu'il existait des dizaines d'hectares dans ce canton qui se trouvent depuis trente, voire plus de cinquante ans, en troisième zone de développement et qui n'ont pas encore connu de construction de logements collectifs. Je vous en citerai une dizaine: le périmètre de Champendal; le périmètre du Velours; les Falaises; le chemin de Grange-Canal, qui attend toujours son premier plan localisé de quartier; le célèbre périmètre de la Garance, qui se trouve également sur la commune de Chêne-Bougeries; la campagne Martin; l'Amandolier, situé entre la rue Agasse et la route de Chêne; le solde de la campagne Masset, à l'avenue d'Aïre; le périmètre de l'école Töpffer, qui est en attente depuis des décennies; enfin, tout près du terrain qui nous occupe ce soir, le solde du plateau de Frontenex, soit 20'000 m2 de terrain qui font l'objet d'un troisième plan localisé de quartier mais sur lequel il ne se construit toujours rien, et cela simplement parce que les propriétaires ont décidé de finir leurs jours dans leurs propriétés - ce qui, vous en conviendrez, est leur droit le plus strict. On peut donc déclasser encore plus de terrains, mais rien n'est certain quant à leur sort ni quant aux constructions qui pourront s'y édifier par la suite.

Revenons au terrain des Fourches: comme elle l'a confirmé dans sa lettre, la Ville de Genève avait déclaré devant la commission de l'aménagement que ce terrain pourrait accueillir des logements à condition de trouver dans le secteur, et si possible à proximité, un lieu de remplacement sur lequel transférer le terrain de football et les vestiaires. Nous ne contestons nullement ces propos. Nous avons posé aux représentants de la Ville, et plus particulièrement à M. André Hediger - qui se trouvait à la tête de la délégation auditionnée par la commission - la question suivante: «Si l'on trouvait un terrain de remplacement, accepteriez-vous que l'on construise des logements sur le terrain des Fourches ?». La réponse a été positive, et M. Ferrazino l'a encore confirmée. Autre question posée: «Est-il possible de déplacer ce terrain des Fourches dans le périmètre Pré-Picot, qui se trouve à proximité ?». Réponse: «Non, c'est exclu». Il nous faut donc trouver un autre terrain. Or, dans l'hypothèse où l'on trouverait un autre terrain à proximité, rien ne nous garantit que ce terrain ne se prêterait pas aussi bien, sinon mieux, à la construction de logements que le terrain des Fourches. Je vous suggère donc d'attendre de connaître le terrain de remplacement qui sera proposé.

J'ajouterai que l'ensemble de ce déclassement a fait l'objet de multiples contestations de la part de la commune, des propriétaires, du promoteur concerné ainsi que des habitants occupant les deux villas qui figurent à l'inventaire.

Il ressort de tous ces éléments que le seul terrain qui se prêterait, dans l'immédiat, à un déclassement est celui qui prolonge la zone 3 de développement le long du chemin de Grange-Canal. Telle est la proposition de la majorité.

Je souhaite ajouter un élément au sujet de la volonté de construire. La volonté de construire existe chez le propriétaire du terrain Pré-Picot...

Des voix. Pré-Babel !

M. René Koechlin. ...Pré-Babel, pardon ! Il s'agit d'un lapsus. Le propriétaire du terrain Pré-Babel nous a donc exposé les objets qu'il entendait construire ainsi que la manière dont il comptait le faire. Or la proposition faite par la majorité va exactement dans le sens de l'ensemble des propriétaires, lesquels sont représentés par un constructeur. Nous pensons qu'il faut aménager le territoire dans le sens requis par les constructeurs, et non contre leur volonté. Il faut le faire avec l'assentiment de la commune, et non contre son avis. Il faut également le faire, si possible, avec l'assentiment des voisins, et non contre leur point de vue. Si, comme le propose le projet de loi du Conseil d'Etat, on le fait contre ces avis, on va directement à un échec.

Enfin, je voudrais reprendre la suggestion de M. Sommaruga - suggestion d'ailleurs formulée dans la lettre du «Rassemblement pour une politique sociale du logement» - de se conformer au plan directeur cantonal. Or le plan directeur cantonal prévoit pour l'ensemble du secteur, bien au-delà des limites du périmètre qui nous est proposé au déclassement, l'étude préalable d'un plan d'aménagement coordonné, PAC. Cette étude est en cours, mais elle est loin d'être achevée. Vouloir tout déclasser la tête dans un sac sans même connaître le résultat de cette étude, soit sans savoir si un tel déclassement s'inscrit dans le PAC ou non, me paraît être une mauvaise façon d'aménager le territoire. Il s'agit en tout cas d'une démarche qui n'est pas conforme au plan directeur cantonal voté par ce Grand Conseil l'année dernière.

Pourquoi...

Le président. Il faut conclure, Monsieur!

M. René Koechlin. Pourquoi déclasser le périmètre le plus ténu, comme il paraît à certains ? Parce qu'il fait partie d'un terrain ayant fait l'objet d'une demande d'autorisation de construire. Or cette autorisation a été suspendue en vertu de l'article 17 LALAT. Le délai conservatoire expirant le 6 juillet prochain, il faut rapidement prendre une mesure d'aménagement. Il y a urgence ! Mais agissons dans le sens de la volonté et de la commune et du propriétaire, et non pas contre leurs voeux! C'est pourquoi je vous invite à accepter le rapport de majorité.

M. Alain Etienne (S), rapporteur de première minorité. J'aimerais revenir sur les propos tenus lors de notre dernière séance, puisque le débat avait été interrompu.

En premier lieu, Monsieur le président, vous avez laissé entendre que la commission avait mal travaillé. Je tiens à affirmer que la commission a fait normalement son travail. Mais force est de constater que l'amendement déposé par le Conseil d'Etat montre à quel point la position défendue dans le rapport de majorité est en totale contradiction avec le plan directeur adopté par ce Grand Conseil, ainsi qu'avec la politique menée actuellement pour réduire la pénurie de logement !

En deuxième lieu, je pourrais être d'accord avec M. Portier, selon lequel il faut obtenir autant que possible l'accord des communes pour voir aboutir des projets. Je souhaite toutefois rappeler à cette assemblée qu'il est également de notre responsabilité de veiller au développement équilibré de notre territoire. Or il n'est pas acceptable que les efforts de densification soient toujours faits par les mêmes communes - Carouge, Onex, Lancy et autres - alors que la défense de la zone villas est toujours plus forte dans la région dont il est question, région qui ne connaît pas un développement très marqué.

Bien évidemment, tout le monde revendique un environnement préservé. Je constate cependant que nous ne sommes pas tous égaux devant la qualité de la vie. Nous sommes ici en présence d'une parcelle peu ou pas bâtie - comme cela a été rappelé dans les différents courriers lus - à proximité de la ville et proche des transports publics. Alors oui, il existe une arborisation importante, mais c'est justement le plan localisé de quartier qui déterminera la meilleure manière de préserver cet environnement! Je mentionnerai à titre d'exemple la parcelle Lancou, à Carouge, qui a permis d'appliquer une densité de 0,6 tout en préservant l'arborisation.

Pensez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'avec la petite bande de terrain que vous nous proposez de déclasser, vous arriverez à construire en quantité suffisante les logements qui sont réclamés aujourd'hui? Je ne le crois pas. Et une fois que les villas seront construites, pensez-vous que les habitants accepteront d'avoir des immeubles devant leurs fenêtres?

Monsieur Koechlin, vous avez rappelé tout à l'heure que certaines parcelles sont déjà déclassées en zone de développement, mais que leurs propriétaires refusent depuis des années de vendre. Ces parcelles constituent toutefois, à mon sens, des exceptions face aux nombreux PLQ qui sont adoptés et réalisés. Encore une fois, il faudrait déterminer dans quels secteurs du canton se trouvent les exemples que vous nous avez cités. D'après les noms que vous avez mentionnés tout à l'heure, il semble que c'est plutôt vers Chêne-Bougeries que ces parcelles ne peuvent pas être réalisées.

Quant à M. Barrillier, il a, lors de notre précédent débat, évoqué le PAC. M. Koechlin l'a également mentionné tout à l'heure. Je pense cependant qu'une fois les villas construites, le PAC ne pourra plus exercer aucune influence sur cette parcelle.

Vous prenez une lourde responsabilité en laissant construire ces villas, car vous prétéritez le potentiel à bâtir qui existe sur cette parcelle ! Or, il est très important que ce potentiel constructif soit réalisé au maximum.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je tiens en premier lieu à relever la manière particulière dont M. Koechlin relate nos débats. Il est facile de reporter la responsabilité sur mes collègues Grobet ou Hediger alors que le débat ne portait pas, en fin de discussion, sur le fait de trancher entre le terrain de Pré-Picot et celui des Fourches! Le débat, Monsieur Koechlin, portait sur le point suivant: si, par malheur, on acceptait le projet croupion de déclassement à 0,4 que vous nous proposez, la Ville de Genève pourrait-elle ou non construire sur le terrain dont elle est propriétaire et qui se trouve dans le secteur qui nous est aujourd'hui soumis au déclassement? La Ville de Genève est bien propriétaire du terrain des Fourches! Le débat s'est ensuite déplacé sur le terrain de Pré-Picot, et tout le monde a pensé que la Ville de Genève n'était pas propriétaire d'un terrain à construire sur le périmètre à déclasser...

Or Monsieur Koechlin, j'affirmais lors de notre précédent débat - je continue de le faire et me réjouis de constater que vous avez enfin compris - que la Ville de Genève veut construire sur le terrain des Fourches qui fait partie intégrante du terrain à déclasser... (L'orateur est interpellé par M. Koechlin.)Non, Monsieur Koechlin: vous avez prétendu que la Ville de Genève s'était opposée en commission à toute construction sur ce terrain !

L'enjeu est évident: aujourd'hui, la Ville de Genève démontre une réelle volonté de construire, de même que le propriétaire, M. Prokesch. Or vous lui interdisez de construire par ce projet croupion que vous nous proposez au déclassement ! Des contacts ont été pris pour trouver un terrain de sport proche, et je peux vous annoncer que ce terrain devrait être trouvé assez rapidement. Mais en votant ce projet croupion, vous allez interdire à la Ville de Genève de construire rapidement, et celle-ci se verra contrainte de déposer un nouveau projet par l'intermédiaire du Conseil d'Etat ou par une initiative municipale ! J'ai bien peur qu'elle n'obtienne pas le feu vert dans les deux ans à venir en raison de toutes les procédures nécessaires - déclassement et mise à l'enquête publique. Ce n'est que dans six ans au minimum que la Ville de Genève pourra effectivement construire! En revanche, si nous votions le déclassement total aujourd'hui, elle pourrait construire au bas mot dans trois ans.

Sur le fond de cette affaire, je trouve spécial - spécieux même - que certains députés de la majorité aient tenté lors de notre dernière discussion, d'imaginer toute une bagarre en proférant des mensonges et en allant jusqu'à me traiter de menteur alors que la Ville de Genève a très clairement précisé ses volontés et l'avait déjà fait en commission.

Ce terrain est idéal sur plusieurs points. En premier lieu, il est proche de voies de communication importantes. Je vous rappelle à cet égard que nous avons voté à l'unanimité la traversée La Praille - Les Eaux-Vives. Cette voie de communication ferroviaire sera très prisée, mais l'on doit aussi trouver les personnes qui monteront dans les wagons! Ce terrain se trouve en outre à proximité de zones habitées et de collèges; il est situé à cinquante mètres du collège de la Gradelle et à cent cinquante mètres d'une zone habitée dotée de toutes les infrastructures nécessaires - école primaire, boutiques etc. Il se situe de surcroît à la périphérie de la ville, ce qui en fait une continuité naturelle de la ville et non une zone urbaine ou périphérique telle que celles qui ont été décriées dans les années soixante - je pense notamment au Lignon. En dépit de tous ces atouts, on vient nous dire qu'il faut construire des villas à 0,4, car ce terrain arborisé constitue un poumon de verdure! Mais les alentours de ce terrain ne sont que verdure! Venez dans mon quartier, à la Jonction, et je pourrai vous désigner les poumons de verdure! Mais prétendre que le terrain des Fourches constitue un poumon de verdure est pour le moins particulier...

Je saisis bien vos intentions: vous voulez une fois de plus laisser passer des gestes urbanistiques importants en faveur des attaques de la zone agricole! Hier, on a fait remarquer que des crèches pourraient être construites sur des zones de verdure. Eh bien, demain on attaquera les zones agricoles, et peut-être même avant puisque votre majorité a déposé un projet proposant de prendre 1 % de la zone agricole, ce qui sera véritablement catastrophique! Je ne comprends absolument pas la direction suivie par la majorité de ce parlement en matière d'aménagement urbain, majorité qui, je le rappelle, a, durant les élections parlementaires, accusé la gauche d'être responsable de la pénurie de logements. Vous faites ici la démonstration évidente que vous souhaitez attaquer la zone agricole, d'une part, et que vous ne souhaitez pas, d'autre part, résoudre la crise du logement, d'autant moins que ce périmètre est idéal.

Le président. Il est temps de conclure!

M. Rémy Pagani. Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président?

Le président. Quatorze secondes!

M. Rémy Pagani. Je trouve pour le moins particulier de privilégier un propriétaire privé au détriment d'un acte urbain essentiel pour notre communauté. Je me réserve donc le droit de revenir sur ce problème lors d'une prochaine intervention.

Le président. Je constate que la liste des orateurs s'allonge. Nous n'allons donc pas terminer le débat sur cet objet d'ici la fin de la séance. Le bureau a décidé de clore la liste. Sont inscrits: MM. Sommaruga, Koechlin, Portier, Moutinot, Grobet, Mme Künzler, MM. Vaucher, Reymond, Pagani et Etienne.

Nous écouterons M. Sommaruga, après quoi nous lèverons la séance. Nous reprendrons le débat après les réponses aux interpellations urgentes.

Comme le débat est interrompu pour la troisième fois, je prie tous les intervenants de ne pas refaire l'historique du dossier. On commence à connaître ces parcelles comme si on y était né...

M. Carlo Sommaruga (S). J'entends de la bouche du rapporteur de majorité qu'il faudrait accepter son rapport et la position minimaliste qui y est défendue dès lors que les propriétaires des maisons, leurs locataires et la commune de Chêne-Bougeries auraient manifesté leur opposition à une vision plus large et conforme au plan d'aménagement cantonal. Il s'agit malheureusement d'une vision extrêmement étriquée puisqu'elle ne prend en considération que les intérêts particuliers et locaux au détriment de l'intérêt général.

Avec une telle vision et s'il avait suivi les intérêts particuliers au lieu d'adopter une vision prospective de l'aménagement dans ce canton, James Fazy n'aurait pas détruit les forteresses et les murs de la ville, et la ceinture fazyste n'existerait pas aujourd'hui! Or cette ceinture, qui constitue l'un des éléments de notre patrimoine architectural, a rendu possible la progression de la ville et a permis de loger nombre de personnes. Une telle vision n'aurait non plus pas abouti, en 1947, au vote de la loi sur les zones de développement - loi qui a permis la création de nombreuses zones ayant contribué à l'extension de la zone urbaine. Il est vrai qu'en 1947 il était beaucoup plus facile d'urbaniser le canton, car il y avait peu de constructions existantes et qu'il était possible de délimiter les zones sur lesquelles on voulait que le canton s'urbanise. Malheureusement, depuis 1947, il n'y a eu aucune réflexion prospective qui aurait permis de définir une deuxième série de zones de développement et de déterminer la direction dans laquelle la ville allait s'étendre. Seule, une vision défensive de la zone agricole a été adoptée; cette protection était justifiée. Or la situation devient aujourd'hui extrêmement difficile à gérer. Nous devons faire face à des besoins non seulement immédiats, mais aussi collectifs et cantonaux, et c'est pourquoi il nous faut adopter une vision à long terme en matière de logements!

Il est impossible de gérer la planification en suivant uniquement les intérêts immédiats, locaux et individuels.

Nous savons que nombre de plans localisés de quartier, voire nombre de zones, sont encore aujourd'hui inexploités précisément parce que des intérêts particuliers les bloquent. Il faut prendre acte de cette situation et gérer la planification dans le temps. Or décider aujourd'hui de déclasser une large partie du périmètre dont nous parlons répondra précisément aux problèmes du logement et du développement de notre zone urbaine, non seulement aujourd'hui mais dans les années à venir. Il faut tenir compte de cet élément!

Que l'on ne vienne pas nous dire, Monsieur Koechlin, que le fait de prendre ce soir une décision allant dans le sens des rapports de minorité bloquerait le processus du PAC ! Vous savez très bien que, quelle que soit l'issue de ce vote, cet argument pourrait être retourné: si l'on accepte le type de déclassement que vous défendez, il n'y a plus besoin de PAC, et la concertation peut s'arrêter puisque vous avez décidé de stopper le développement de cette zone! Il serait nettement plus intelligent de décider, ainsi que cela avait été prévu lors du dépôt du projet de loi, de déclasser la totalité du périmètre et de laisser le groupe de réflexion du PAC La Tulette - Frontenex décider en détail de l'aménagement de ce périmètre! Il est possible d'utiliser l'instrument du PLQ pour moduler les densités. Mais le fait de voter le déclassement de 50% de la totalité du périmètre ne remet nullement en question la possibilité d'aller plus avant, sauf - sauf ! - si l'on considère que le vote de votre projet de loi clôt le débat sur l'aménagement de ce périmètre.

Il convient aujourd'hui de prendre en considération le périmètre le plus large possible, qui s'inscrit dans une préoccupation d'intérêt public au niveau cantonal. Il est important que notre Grand Conseil puisse assumer sa responsabilité cantonale en adoptant une vision à moyen et à long terme par rapport à la problématique du logement et de l'urbanisme. Fléchir devant les intérêts individuels, particuliers, voire communaux revient à abandonner notre autorité cantonale et à transformer les préavis communaux en des vetos de la part des autorités communales!

Monsieur Koechlin, voter le projet défendu par votre groupe et par la majorité des membres de la commission de l'aménagement, c'est donner le signal à tout particulier et à toute commune qu'ils peuvent s'opposer à la réalisation de la politique cantonale votée par ce Grand Conseil en matière d'aménagement ! Au-delà de ce périmètre, ce sont les outils de planification et de développement de ce canton que vous mettez en danger, outils d'ailleurs indispensables à la défense de la construction de logements non seulement pour les habitants du canton, mais également pour les employés des multinationales que vous souhaitez accueillir ! J'ai à cet égard récemment appris que ce milieu se plaignait du manque de logements disponibles. Planifions donc, mais planifions à long terme, et non au coup par coup, en se limitant aux intérêts municipaux!

Je rappelle par ailleurs, et ce point a été relevé par l'un de mes préopinants, que le périmètre dont il est question est d'excellente qualité: en assurant la desserte de cette zone, la CEVA contribuera à la valorisation de ce périmètre; les transports publics déjà existants permettent en outre de se rendre en dix minutes au centre de Genève. Il est donc possible d'offrir des logements accessibles aux services, aux commerces et au centre-ville, non seulement à une minorité privilégiée mais à l'ensemble des classes sociales, par la production de logements à bon marché et de logements destinés à la classe moyenne.

Le président. Il est temps de conclure !

M. Carlo Sommaruga. Rappelons par ailleurs que les infrastructures scolaires - écoles, collèges et cycles d'orientation - existent déjà. Il est donc possible de développer un pôle important qui ne se limiterait pas uniquement à la mise en valeur à titre privé d'une opération de promotion individuelle et à une vision locale et étriquée dictée par des intérêts particuliers. C'est pourquoi je vous invite à partager la vision plus large défendue par le «Rassemblement pour une politique sociale du logement», par des riverains ainsi que par des habitants de Chêne-Bougeries. Cette vision consiste à se tourner vers l'avenir et à adopter au moins - au moins! - la position du Conseil d'Etat, qui me paraît un compromis tout à fait acceptable - bien que le «Rassemblement pour une politique sociale du logement» et le milieu que je défends auraient nettement préféré le déclassement de la totalité du périmètre. Soyons raisonnables et allons vers ce compromis, qui constitue un minimum !