République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1371-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Bernard Annen, Gilles Desplanches, Pierre Ducrest, Pierre Froidevaux, Nelly Guichard, Geneviève Mottet-Durand, Jean-Marc Odier, Stéphanie Ruegsegger, Jean Rémy Roulet concernant une demande d'étude des conséquences économiques de la journée "sans ma voiture" du 22 septembre 2000
Proposition de motion: Mémorial 2000, p. 10599.

Débat

M. Gilles Desplanches (L). Il est utile de rappeler le but de la motion 1371, qui demandait au Conseil d'Etat de l'ancienne majorité d'établir un bilan sous l'angle des trois piliers du développement durable, à savoir social, économique et environnemental, pour savoir si la journée «sans ma voiture» dans la conception actuelle correspondait bien à sa vocation liée au développement durable et si l'enquête de satisfaction émise par la Ville de Genève était objective, en rappelant que le parlement, sous l'ancienne majorité, avait rejeté une pétition de quatre mille cent citoyens qui demandaient la mise en place d'une politique de transports sauvegardant le trafic de proximité.

A la lecture du rapport, on constate que la diminution de la circulation s'est située entre 8 et 11% malgré la gratuité du transport en commun et une campagne très forte pour réduire le trafic privé. Cet exemple montre que l'objectif environnemental est atteint, tout du moins momentanément.

Il n'en va pas de même des ressources économiques et des exigences sociales ! L'acceptabilité d'une telle politique n'a pas été abordée et, pourtant, c'est bien là le véritable enjeu du 22 septembre.

Concernant le bilan présenté par la Ville, on constate que celui-ci est très subjectif.

S'agissant du volet économique, seuls quatre-vingts commerçants ont été interrogés dans tout le périmètre concerné et 69% d'entre eux ont répondu avoir eu moins de clients. Le bilan ne dit pas quels types de commerces ont fait l'objet de ce questionnaire, ni où ils se trouvent, ni leur importance. Une fois de plus, le volet économique passe à la trappe.

Le bilan repose sur une enquête réalisée auprès de cinq cents personnes. Il n'a pas été posé de question par rapport au nombre de clients, ni sur les sommes encaissées, pour faire une comparaison valable avec un autre vendredi. La catégorie socio-professionnelle pas plus que le lieu de résidence n'ont été pris en compte dans cette enquête. Les catégories d'âge ont été évaluées d'une façon surprenante: en effet, les moins de 20 ans sont deux fois plus nombreux dans l'enquête qu'à Genève même... (Brouhaha.)Je sais que ça n'intéresse pas M. Dupraz, mais il pourrait quand même écouter, ce serait assez sympa...

Le président. Faites un petit effort, s'il vous plaît, Monsieur Dupraz !

M. Gilles Desplanches. Les plus de 64 ans sont presque ignorés, alors que les 20 à 30 ans sont sous-représentés. Selon l'observatoire universitaire de la mobilité, les personnes interrogées ne sont pas représentatives de la structure de la population genevoise. Quant aux coûts, ils semblent impossibles à chiffrer vu les efforts consentis pour offrir l'attractivité.

En conclusion, le rapport du Conseil d'Etat met en évidence l'impossibilité d'évaluer sous l'angle du développement durable la journée «sans ma voiture», et ceci principalement en raison du volet économique largement sous-estimé dans le bilan présenté par la Ville, comme de l'angle social vu le peu de représentativité des citoyens interrogés.

A l'avenir, il serait souhaitable que les actions sensibles soient pour le moins évaluées par un organisme neutre avant publication: cela évitera que certains ne confondent information et promotion.

Monsieur le président, nous pensons que ce rapport doit être renvoyé au Conseil d'Etat.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien prendra donc acte de ce rapport.

Nous faisons deux constats à la lecture de ce rapport: d'abord, qu'il est difficile de faire un bilan de cette journée «sans ma voiture» et, ensuite, qu'il est difficile d'en tirer des conclusions probantes, car nous avons peu d'éléments quantifiables pour tirer un bilan sérieux de cette journée. Les seuls éléments probants sont, d'une part, l'insatisfaction des commerçants et, d'autre part, le coût de la journée.

Au niveau de l'insatisfaction des commerçants on peut également avoir des doutes sur le sondage qui a été effectué, puisqu'il est aussi partial que partiel... On ne sait pas quels commerçants ont été interviewés, on ne sait pas de quels types de commerces il s'agit, on ne sait pas dans quels secteurs ils se trouvent... On ne sait pas grand-chose ! Il est donc difficile d'en tirer la moindre conclusion.

Pour ce qui est du coût, ce que l'on sait, c'est qu'une seule journée a coûté plus de 300000 F à la collectivité. C'est à peu près le seul bilan que l'on puisse faire de cette journée.

Quant aux sondages auprès de la population, ils sont aussi légers que les sondages qui ont été effectués auprès des commerçants, puisqu'on ne sait même pas où ces sondages ont été effectués et qu'on ne sait pas non plus ce que pensent les gens qui ne sont pas venus en ville pour la journée «sans ma voiture». Il aurait pourtant été intéressant de savoir pourquoi ces personnes ne se sont pas rendues en ville ce jour-là.

Donc, en fait, on ne peut tirer aucune conclusion de la journée «sans ma voiture». Les effets de cette journée sont à peu près nuls, mais ce que l'on sait, c'est qu'on ne peut en tout cas pas faire un bilan objectif de cette journée pour promouvoir une opération de plus grande envergure.

M. Albert Rodrik (S). Je vais commencer par un mea culpa... (Exclamations.)Nous avions mal accueilli cette motion ! Nous l'avions accueillie avec goguenardise: oui, parfaitement ! Nous l'avions prise de haut, nous l'avions persiflée... Eh bien, je présente mes excuses.

Non pas grâce aux motionnaires, mais grâce au Conseil d'Etat on en tire un certain nombre de choses. Oh, ce ne sont pas des révélations, ce n'est pas la nouvelle Bible et ça n'a pas le mérite d'une étude scientifique universitaire bien sérieuse, gründlich !

Mais quand même - quand même ! - qu'est-ce que cela signifie? Que nous avons l'obligation les uns et les autres de ne pas partir dans le décor de l'extrémisme: ni dire que c'est la panacée universelle, ni peindre le diable sur la muraille en disant que c'est la mort du commerce au centre-ville.

Nous avons tout de même appris une chose, c'est que le commerce représente beaucoup de monde, beaucoup d'intérêts divers, beaucoup de situations particulières... Et si nous ne vous entendons pas dire, à propos de cette journée sans voiture, que si le pneu avant du véhicule automobile privé ne mord pas sur le paillasson du commerçant du centre-ville, c'est la faillite, en échange nous éviterons de dire que c'est sans conséquence et que c'est merveilleux... Voilà !

Alors, une fois qu'on a admis cela et qu'on fait l'armistice sur cette affaire, on va, grâce à ce rapport du Conseil d'Etat - non pas le lui renvoyer, parce qu'il contribue à l'avancement des idées et peut-être à la fin des guerres civiles - on va poser les problèmes dans leur relativité totale.

Oui, cela pose des problèmes, mais ce n'est pas la catastrophe organisée !

Ensuite, il faut des journées pareilles pour apprendre aux gens, petit à petit, que la voiture est un instrument au service de l'homme et non pas l'inverse. Rien que pour cela, ce rapport est utile: nous souhaitons que de plus en plus de communes avec la Ville de Genève - l'abominable Ville de Genève ! - ensemble - ensemble ! - continuent ce travail de persuasion, d'adhésion au fait que l'on peut vivre sans son véhicule, qu'aucun «terroriste» ne va empêcher quelqu'un de prendre sa bagnole mais, inversement, qu'aucun «terroriste» ne nous convaincra que le véhicule automobile privé, c'est l'alpha et l'oméga de l'existence et que le nirvana, c'est d'avoir un volant entre les mains...

Alors, je remercie le Conseil d'Etat pour avoir relativisé le problème et limité l'excès dans ce domaine. Nous pouvons vivre avec des journées sans voiture, nous pouvons demander à nos concitoyens de réfléchir avant de prendre leur véhicule, et les commerçants du centre-ville ne mourront pas si le tuyau d'échappement des voitures n'arrive pas sur leur paillasson !

Merci, Mesdames et Messieurs les députés, et merci au Conseil d'Etat ! Nous prenons acte de ce rapport. Et nous attendons la prochaine, Monsieur Ferrazino ! (Applaudissements.)

Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi du rapport au Conseil d'Etat. Je mets aux voix cette proposition...

Mis aux voix, le renvoi du rapport au Conseil d'Etat est adopté.