République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1348-A
24.  Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : «Sauvons le Clos-Voltaire». ( -) P1348
Rapport de Mme Yvonne Humbert (L), commission des pétitions

Lors de sa séance du 21 mai 2001, la Commission des pétitions, présidée par M. Luc Barthassat, s'est penchée sur le problème de la sauvegarde du « Clos Voltaire. » Voici la teneur de la pétition :

Pétition« Sauvons le Clos-Voltaire »

Le Clos Voltaire était, à l'époque où Voltaire séjourna aux Délices, une dépendance de la maison de maître, la seule qui subsiste de nos jours. Cette demeure pleine de charme est aujourd'hui à l'abandon. Il sera bientôt trop tard pour la sauver.

Les soussignés demandent aux autorités compétentes de prendre les mesures de protection qui s'imposent pour préserver cette maison de la ruine et de la destruction.

L'actuel bâtiment appelé le « Clos Voltaire » est la dernière des dépendances du domaine que Voltaire baptisa « Les Délices ». L'origine du noyau de cet édifice remonte sans doute à la construction de la maison de maître entre 1730 et 1735, pour le banquier Gédéon Mallet et son fils. Les Mallet avait hérité de ce domaine au tournant du XVIIIe siècle, terrain alors essentiellement agricole qui se trouvait en dehors des fortifications de la ville de Genève.

Voltaire arriva à Genève en décembre 1754 et c'est son ami François Tronchin, conseiller d'Etat genevois, qui obtint pour lui en février 1755, un permis de séjour à Genève et prêta son nom pour acquérir le domaine des Mallet afin de ne pas violer les lois de la République de Genève qui interdisait alors à tout étranger n'étant pas de religion protestante l'accès au titre de propriétaire sur son territoire. Voltaire devint ainsi locataire de cette propriété par un bail à vie ne comportant pas le paiement d'une location !

Voltaire s'installa en mars 1755 et baptisa du nom « Les Délices » sa nouvelle demeure. A l'un de ses amis, il écrivit : « Je suis dans ma chaumière ; on la nomme les Délices, parce que rien n'est plus délicieux que d'y être libre et indépendant... ».

Aussitôt installé, Voltaire entreprend d'importants travaux dans sa maison de maître ainsi que dans son jardin. Il y fit construire son théâtre et transforma l'ancienne ferme en une maison d'habitation, appelée par la suite « Clos Voltaire », demeure formée de plusieurs bâtiments ou adjonctions et occupée par un pressoir, une écurie et des communs.

Actuellement, le « Clos Voltaire » est le dernier vestige des dépendances du domaine des Délices. Constituée de deux corps de bâtiments distincts, cette structure d'un étage sur rez-de-chaussée incluait probablement, dans la partie sud, les anciennes écuries et la grange. Tandis que la partie nord est vraisemblablement le résultat des aménagements de Voltaire lui-même.

M. Baertschi nous fait part des éléments suivants : le DAEL a commandé un rapport historique sur le Clos Voltaire, dernière dépendance du domaine des Délices. Les deux corps de bâtiment datent de 1730 à 1755 et Voltaire a fait procéder à un certain nombre de transformations.

C'est en 1999 que le DAEL fut alerté sur la situation du Clos Voltaire, puisque la pension de famille qui occupait la maison devait procéder à des travaux.

De son côté, la Société d'Art Public a demandé l'inscription de ce lieu à l'inventaire. La procédure d'inscription est en cours. Il s'est avéré que les propriétaires et gérants de la pension de famille ont fait faillite et que le Clos Voltaire appartient à l'UBS. Cette dernière, contactée, a fait savoir qu'elle ne s'opposerait pas à la procédure pour l'extérieur de la maison. Par contre, elle ne juge pas pertinente une mise à l'inventaire de l'intérieur de la bâtisse. Une affectation de cette maison doit être trouvée sans quoi elle risque de tomber en ruine.

En outre, il faut savoir que la Ville de Genève possède la propriété des Délices. Un rachat du Clos Voltaire serait-il envisageable soit par cette dernière soit par l'Etat ; toutefois notre interlocuteur ne sait pas si l'UBS désire vendre cette propriété dont la surface de terrain est assez limitée et toute extension du bâti toucherait aux limites de propriété. Ce terrain n'est pas accessible aux gens du quartier, il est privé.

Un accord doit être trouvé avec l'UBS, actuel propriétaire, afin d'empêcher toute destruction de ce bâtiment ; toutefois il faudra donner la possibilité d'effectuer certaines transformations. M. Baertschi nous rappelle que la procédure de la mise à l'inventaire est une procédure de médiation entre les différents points de vue.

Audition des pétitionnaires

M. Michel Jeanneret, président de l'association, M. François Rieger, vice-président, et M. Alexis Barbey, secrétaire, indiquent que la pétition a recueilli 1288 signatures auxquelles se sont encore ajoutées une centaine après le dépôt de la pétition. Il s'agit essentiellement de gens du quartier dont les motivations sont d'une part de conserver un espace de verdure dans un quartier très urbanisé et d'autre part de préserver un bâtiment qui fait partie du domaine des Délices.

M. Jeanneret poursuit en nous signalant que cette pétition a connu un certain écho dans la presse écrite et que plusieurs institutions ont manifesté leur soutien à leur démarche. Enfin, la Société d'Art Public a demandé officiellement la mise à l'inventaire du bâtiment le 22 mars 2000 et s'étonne du peu de réaction de la part du DAEL. Enfin, il précise que le but de cette démarche est de sauver la maison et entamer une restauration.

A la demande de savoir si la maison est occupée, il est répondu qu'à ce jour il y a un occupant régulier et quelques personnes présentes à titre provisoire. La maison n'est pas entretenue et les pétitionnaires craignent qu'elle soit squattée.

Selon M. Rieger, l'UBS aurait l'intention de vendre le Clos Voltaire. La surface au sol est de 450 mètres carrés qu'il faut multiplier par deux étages et ajouter les combles.

Les pétitionnaires seraient favorables que l'Etat rachète cette maison et avisent que cette même pétition a été déposée à la Ville de Genève.

Discussion et vote

A la demande de savoir s'il serait opportun d'entendre l'UBS quant à ses projets pour le Clos Voltaire, il est répondu que ceux-ci n'influent pas sur la préservation du bâtiment s'il est mis à l'inventaire. Une étude historique et architecturale du « Clos Voltaire » a été entreprise par Mme Catherine Courtiau, historienne de l'art, mandatée par le DEAL.

C'est à l'unanimité (11 oui : 3 AdG, 3 S, 1 Ve, 2 L, 1 R, 1 DC) que nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse. J'aimerais relever ici qu'une fois de plus, le Genevois est très sensible à tout ce qui touche à son passé. Il aime son histoire et souvent regrette d'assister à la disparition du patrimoine lié à cette histoire.

M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous informer que nous avions ouvert la procédure de mise à l'inventaire du Clos-Voltaire ce printemps. Cette procédure a suivi les étapes nécessaires et le projet a obtenu les préavis favorables de la commune - préavis que je suivrai, Madame Humbert, comme presque toujours - ainsi que de la commission des monuments et des sites. La rédaction de l'arrêté de mise à l'inventaire est terminée et je le signerai tout prochainement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.