République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1332-A
18. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant l'interdiction de prescription de psychotropes à des enfants de moins de 16 ans. ( -) P1332
Rapport de Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S), commission des pétitions

Dans ses séances des 5, 12 et 19 février 2001, la Commission des pétitions, sous la présidence de M. Hubert Dethurens, a traité la pétition 1332 dont voici le texte

Pétition(1332)

Mesdames etMessieurs les députés,

Situation .

Ces dernières années, un médicament (la Ritaline) a été prescrit de plus en plus fréquemment, et sur le plan mondial, à des enfants dits «hyperactifs».

Cette pratique, de même que ce produit, ont fait l'objet de grands débats dans les écoles et les médias.

Et pour cause: en Suisse, la consommation de produits psycho-pharmaceutiques a connu une augmentation alarmante (80% entre 1998-1999 pour la seule Ritaline). Il arrive même qu'on en prescrive à des enfants de 5 ans.

A l'heure actuelle, le diagnostic «hyperactif» ou THADA est souvent établi à la légère. Comme de nombreux psychiatres le disent, il n'existe aucune preuve claire qu'un comportement agité ou entêté puisse être catalogué comme un problème psychique et encore moins comme une maladie.

II semblerait en revanche que de tels troubles du comportement proviennent plutôt de problèmes éducatifs, voire nutritionnels et non pas médicaux.

Par exemple, il ne faut pas sous-estimer l'importance d'une alimentation correcte. Un manque de minéraux et de vitamines, trop d'hydrates de carbone, une nourriture trop pauvre en protéines peuvent également conduire à un manque de concentration.

L'administration de psychotropes tels que la Ritaline - au détriment d'une jeunesse saine et orientée vers le futur - est naturellement la solution de facilité.

Pétition

Sujet: interdiction de prescription de psychotropes à des enfants de moins de 16 ans

Mais on néglige trop le fait que les effets secondaires de ces produits induiront de bien pires problèmes de société. La Ritaline provoque entre autres: insomnie, manque d'appétit, troubles digestifs, irritabilité avec tendance à la violence, fatigue, tristesse, anxiété, migraines, etc.

Au vu de ce qui précède, je requiers qu'aient lieu les remplacements et ou modifications suivantes aux paragraphes correspondants de la loi sur la santé

La prescription et l'administration de produits psycho-pharmaceutiques dans le but de corriger des comportements devraient être interdite pour des enfants de moins de 16 ans.

La prescription et l'administration de produits psycho-pharmaceutiques à des écoliers pour remédier à des problèmes d'apprentissage devrait également être interdite.

La rapporteuse remercie la procès-verbaliste, Mme Pauline Schaefer qui a rapporté les propos de chacun avec beaucoup de talent.

En complément au texte de la pétition, Mme Leboissard n'entend pas nier qu'un enfant puisse rencontrer des difficultés. Elle déplore, en revanche, qu'on en soit arrivé à un stade où on met une étiquette sur un enfant parce qu'il présente un comportement excité. A l'heure actuelle, on observe une forte tendance à diagnostiquer le Thada (Trouble Hyperactivité Avec Déficit de l'Attention) à la hâte. Etant elle-même enseignante, elle constate ce phénomène au quotidien.

Il y a 30 ans, les enfants présentant des difficultés de ce type n'étaient pas traités de cette manière. Qu'il suffise maintenant de se tourner vers les Etats-Unis - qualifiés de Big Brother - pour prendre la mesure. Selon elle, plus de 5 millions de personnes consomment de la Ritaline. En Suisse aussi, la prescription augmente de manière conséquente. La revue « Markt » montre d'ailleurs une augmentation de 80 % de la consommation de ce psychotrope entre 1998 et 1999. Revenant à la situation américaine, elle rapporte qu'on administre de la Ritaline à des enfants de 5, voire 2 ans, sous prescription psychiatrique, alors que cette substance ne devrait pas être administrée au-dessous de l'âge de 6 ans.

Bien qu'elle ne soit pas spécialiste en la matière, Mme Leboissard s'est documentée : la Ritaline est régie par la loi sur les stupéfiants et l'association psychiatrique américaine l'a classée sur la même liste que la morphine et la cocaïne. La pétitionnaire cite quelques effets secondaires : nervosité, vertiges, flou visuel, retard de croissance, etc., voire l'« hyperactivité » elle-même lorsqu'on a affaire à un diagnostic erroné.

Une revue du Tessin, opposée à la vivisection, donc très positionnée, a récemment prouvé que les enfants sous Ritaline sont déprimés, sujets au suicide et aux pulsions criminelles. Au surplus, ladite revue a montré que ces enfants pouvaient s'adonner à la drogue, dans la mesure où ce psychotrope crée la dépendance chez eux. Il n'est pas admissible, en outre, de constater que ce médicament est mis au point sur des animaux par des procédés cruels. L'émission de Temps Présent recevait d'ailleurs un psychologue qui expliquait que l'administration de psychotropes altérait le cerveau de ces animaux d'expérimentation. En revanche, il n'est, en l'état actuel des recherches, pas possible de savoir dans quelle mesure la prise de Ritaline affecte le cerveau humain. Un autre scientifique s'est vivement insurgé contre cette pratique à la Télévision romande en expliquant que la Ritaline faisait diminuer l'afflux sanguin dans le cerveau et qu'on pouvait constater d'importants dysfonctionnements dans le développement de l'enfant. En résumé, Mme Leboissard souligne que ce spécialiste dénonce le véritable lavage de cerveau qui est pratiqué au travers de ce type de médication. A ses yeux, il ne s'agit rien moins que d'« une forme pourrie de contrôle social ». Paraphrasant ce professionnel, elle rapporte que c'est un peu comme si l'on essayait d'élever une génération en lui disant : « Asseyez-vous et faites ce qu'on vous dit, sinon on vous drogue. » Certes de tels propos sont frappants, mais il convient de les faire valoir car l'heure est grave.

Il ne fait pas de doute que pour les enseignants et les parents, avoir recours à la Ritaline constitue une solution de facilité, plutôt que de chercher la véritable cause.

Au chapitre des solutions, la pétitionnaire, bien qu'elle admette que certains enfants puissent présenter des comportements exaspérants, cite :

une bonne nutrition qu'elle juge essentielle ;

une bonne hygiène de vie, passant par les promenades et la pratique du sport ;

une bonne communication familiale.

Au niveau de la nutrition, elle pense que « les phosphates alimentaires sont la cause de troubles du comportement, de difficultés scolaires et de délinquance juvénile » (titre d'un ouvrage auquel elle fait référence). D'autres auteurs ont expliqué que la nourriture consommée sous forme de hamburgers et l'ingestion de coca-cola sont une véritable bombe à retardement, contenant force additifs artificiels, et causant le Thada. Pour remédier à tous ces méfaits, Mme Leboissard pense que l'acupuncture, la détente et, d'une manière générale, toute méthode douce, peuvent remédier à ces désagréments.

Elle souhaite également insister sur la responsabilité des enseignants. Elle fait savoir qu'elle a travaillé au DIP, mais qu'elle est actuellement interprète serbo-croate et assiste des enfants à domicile pour les aider à rattraper leur retard scolaire. Dans ce contexte, la pétitionnaire affirme qu'elle connaît bien la souffrance et le désarroi des parents, pour avoir accueilli certains enfants en difficulté dans sa classe, pour lesquels elle n'a rien pu faire. En effet, ils n'étaient plus eux-mêmes, comme fous, allant jusqu'à mettre le feu aux cartables de leurs camarades. Pourtant, le corps enseignant s'accorde à dire que ce type d'enfants est doté d'un potentiel intellectuel élevé. Citation à l'appui, elle explique que ces jeunes débordent d'idées nouvelles dans le cadre de leur participation au quotidien scolaire, ils se montrent extrêmement rapides. En revanche, dès l'instant où ils sont placés dans une structure commune, ils s'impatientent très vite. Dans ces circonstances, leur attention diminue rapidement et ils finissent par accomplir des actions qui dérangent leurs camarades.

Enfin, elle dénonce les méfaits du petit écran.

Mme Wolf voudrait simplement insister sur le phénomène d'appellation « maladie » : tout trouble du comportement ne peut être étiqueté systématiquement comme tel. Elle étaie ses propos par le fait que pas une seule étude scientifique n'a encore pu démontrer que les enfants concernés souffraient d'une quelconque altération du cerveau. Elle déplore que l'on prenne des habitudes ou des comportements pour des diagnostics, en laissant croire qu'il s'agit d'une maladie qui nécessite un traitement idoine. Or, à ses yeux, le danger réside dans le fait qu'une telle position est acceptée de façon générale. Elle affirme que le Thada a été créé de toutes pièces par l'association psychiatrique américaine qui a décidé d'inscrire ce trouble dans le répertoire des diagnostics médicaux.

M. Fleurdepine explique que son enfant était très actif si bien que, dès l'âge de 1 à 2 ans, il a fallu trouver des solutions. Dès l'âge de 4 ans, la maîtresse lui a fait savoir qu'il serait utile que son enfant consulte un psychologue. A ce moment, il a décidé d'inscrire son enfant dans une autre école, arguant du fait qu'il ne voulait tout simplement pas cela. A partir de ce moment, il s'est mis à chercher des solutions. Comme il savait que le sucre est un excitant, il en a diminué la consommation chez son enfant. Ainsi, à 7 ans il a appris à lire. Puis, il a compris à quoi sert l'école et s'est calmé depuis lors. Agé de 11 ans aujourd'hui, son enfant reste encore actif, mais il n'est plus du tout « hyperactif », pour la bonne raison qu'on s'est occupé de lui. D'une manière générale, il pense que chaque enfant doit faire l'objet d'une attention toute particulière et qu'il convient d'être attentif à ses problèmes individuels. En revanche, il affirme que la Ritaline ne constitue nullement une solution. Un médicament ne remplace pas le fait qu'il faille simplement s'occuper d'un enfant et tout mettre en oeuvre pour lui créer un avenir.

Répondant aux questions des députés, Mme Wolf explique qu'elle fait partie de la Commission des citoyens pour les droits de l'homme, une association fondée par l'Eglise de scientologie qui a mené beaucoup d'études sur le sujet.

Mme Leboissard répète qu'elle est enseignante et qu'elle résout les problèmes qu'elle rencontre par les méthodes qu'elle a exposées.

Elle précise toutefois qu'elle est engagée par le département de pédagogie générale. En tant qu'interprète, elle ne dirige aucune classe. A ce titre, il lui est demandé de faire preuve de neutralité et elle ne peut entretenir des contacts avec des parents concernés. En revanche, si certains parents la sollicitent en dehors de son activité, elle se sent habilitée à leur donner son opinion.

Elle reconnaît qu'elle ne peut pas les inviter à renoncer au médicament, étant donné qu'elle travaille avec des enfants de langue étrangère.

Finalement, elle admet avoir été en contact avec un seul enfant dans le cadre de son travail. Face à la violence de cet élève, la directrice de l'école l'avait rassurée en l'informant qu'il était suivi.

C'est à la suite de cet événement que Mme Leboissard s'est informée.

Par rapport au libellé absolu de l'invite de la pétition, demandant l'interdiction de prescription des psychotropes à des enfants de moins de 16 ans, Mme Leboissard répond que, pour ce qui la concerne, elle souhaiterait qu'il n'y ait carrément pas de limite d'âge. Quand bien même la majorité est fixée à 18 ans dans notre pays, elle estime que la barre fixée à 16 ans constitue déjà une première étape.

A des députés curieux de connaître les liens qui unissent les intervenants, Mme Wolf répond que le mouvement dont elle a parlé a été fondé par la scientologie dont elle fait partie. Mme Leboissard, supputant que cette question allait lui être posée, informe qu'elle appartient aussi à la scientologie. Cela étant, elle est ici en sa qualité de citoyenne préoccupée par un problème grave. La pétitionnaire n'a que faire des questions philosophiques, mais est mue par des problèmes vécus au quotidien. A leur tour, Mme Sanna et M. Fleurdepine confirment qu'ils appartiennent à la scientologie.

En introduction, le Dr Haenggeli tient à préciser qu'il jouit d'une expérience de presque trente ans en neuropédiatrie, durant laquelle il a eu l'occasion de suivre de nombreux enfants souffrant d'hyperactivité. Alors que tout se passait très calmement, le climat s'est détérioré depuis trois ans.

Reprenant chaque point de la pétition, le Dr Haenggeli apporte les commentaires suivants :

Le Dr Haenggeli confirme que la prescription de ce médicament est en augmentation (de même que la prescription de somnifères, anxiolytiques, antidépresseurs, antipsychotiques). Cependant, il est important de s'interroger sur les raisons de ce phénomène. A titre d'information, il explique que la Ritaline est utilisée depuis 1954 déjà, en tant qu'anti-hypotenseur et stimulant similaire à la caféine dans un premier temps, puis très rapidement pour traiter les enfants avec ADHD (Attention Deficit/Hyperactivity Disorder), en français Thada. Actuellement, il n'existe que deux indications, le syndrome ADHD, fréquent, et la narcolepsie, très rare. La Ritaline peut être utilisée par des toxicomanes en tant que stimulant.

Il existe de bonnes et de mauvaises raisons de prescrire ce médicament. Le corps médical reconnaît le ADHD comme un trouble bien défini qui touche 3-5 % des enfants en âge scolaire. Cette reconnaissance a gagné l'opinion publique, notamment par le biais d'un certain nombre d'émissions télévisées et de conférences. Genève participe à ce mouvement, mais il est regrettable de constater que ce battage médiatique a causé beaucoup de tort, alimentant la polémique et donnant lieu à de venimeuses discussions, tout particulièrement entre pédiatres et neuropédiatres d'une part, pédopsychiatres et psychologues d'autre part. En effet, psychiatres et psychologues ont longtemps nié l'existence du ADHD et considéré ce trouble comme une conséquence de troubles relationnels précoces. Suite à ces émissions, nombre de parents ont reconnu leurs enfants dans ce type de comportement, et n'ont pas compris pourquoi on ne leur avait jamais expliqué la nature des difficultés auparavant. Ainsi, beaucoup d'enfants sont venus consulter en pédiatrie. Des mois durant, la consultation de neuropédiatrie a reçu des enfants souffrant de ADHD, ceci représentant une augmentation de 1'000 %. L'évaluation a permis de confirmer le diagnostic chez la majorité de ces enfants, et environ 50 % d'entre eux ont été traités, en plus des autres mesures, par la prise de Ritaline. Cette médication permet aux autres mesures thérapeutiques d'être plus efficaces et a permis à certains enfants de retrouver leur place en école publique. Après la flambée de 1997 et 1998, le Dr Haenggeli constate heureusement une certaine stabilisation.

Pour le Dr Haenggeli, il est important de ne pas pénaliser un enfant atteint d'ADHD en le plaçant dans une classe spécialisée. Ceci est d'autant plus important que la majorité des enfants avec ADHD ont une intelligence normale, voire supérieure à la norme, certains des enfants étant même surdoués. Ainsi, un enfant avec un QI de 140 avait été exclu de plusieurs écoles et s'était retrouvé en classe spécialisée. Grâce au traitement médicamenteux, il a pu retourner à l'école publique, où il travaille avec succès.

Si la polémique a été particulièrement virulente à Genève, cela provient du fait que l'école publique entretient des liens étroits avec le Service médico-pédagogique (SMP), dont les psychiatres et psychologues ont longtemps refusé d'accepter le diagnostic ADHD. Le Dr Haenggeli admet que, depuis lors, des ouvertures ont lieu avec certains secteurs du SMP et que la situation s'améliore progressivement, grâce à différents entretiens et conférences. Il ajoute que le corps enseignant collabore également de plus en plus étroitement avec pédiatres et neuropédiatres.

Le diagnostic du ADHD se fait le plus souvent à l'âge scolaire, mais parfois seulement à l'âge adulte. Même chez l'adulte, il peut occasionnellement être traité à la Ritaline. Ce médicament est très efficace et offre immédiatement une aide aux enfants, tant à la maison qu'à l'école, qui plus est sans effets secondaires majeurs, ceux-ci étant très légers.

Un problème réside dans le fait que certains parents consultent le médecin en désirant immédiatement une prescription pour la Ritaline. Aussi posent-ils en quelque sorte eux-mêmes le diagnostic, ce qui est inapproprié. En effet, la démarche diagnostique doit être pluridisciplinaire et prend du temps, et il est exclu de conclure en quinze minutes de consultation. Pourtant, certains médecins prescrivent la Ritaline à titre d'essai thérapeutique, sans recherche approfondie de l'origine des difficultés de l'enfant. La Ritaline a fait l'objet d'abus énormes aux Etats-Unis. Il s'est avéré qu'à un moment donné, elle était prescrite à tous les enfants présentant des difficultés scolaires. Or, il est bien connu qu'environ 10-20 % des enfants rencontrent des difficultés scolaires, mais leurs causes sont extrêmement variées, et seuls les enfants avec ADHD peuvent bénéficier de la Ritaline.

Le Dr Haenggeli estime qu'il est légitime de se poser des questions à propos de la prescription de Ritaline. Pour sa part, il admet qu'il « déteste » ce médicament, et qu'il n'est pas facile de prendre la décision de le prescrire à des enfants souvent très jeunes. Il insiste sur le fait qu'en neuropédiatrie, la Ritaline n'est en règle générale jamais prescrite avant l'âge scolaire. Certains enfants auront à prendre le médicament deux fois par jour, les jours d'école, certains également le week-end et les vacances, et ceci sur plusieurs années. Il est donc essentiel qu'une telle décision soit justifiée.

Au niveau de la dépendance, il est formel : il n'y en a pas. Preuve en est que la dose n'augmente pas avec l'âge et que la médication peut être arrêtée en tout temps.

Par rapport à la problématique de la toxicomanie, le Dr Haenggeli signale que des statistiques américaines démontrent qu'un enfant bien traité avec la Ritaline présente moins de risques qu'un enfant rejeté de son école et entraîné dans la spirale de l'exclusion. Il est regrettable que certains écrivent à propos de ce médicament sans avoir jamais écouté les parents directement concernés par le trouble ADHD. Il n'est tout simplement pas admissible de parler de quelque chose qu'on ne connaît pas. Il a eu l'occasion de rencontrer des centaines de familles, et les histoires qu'elles évoquent sont souvent dramatiques. Il faut donc insister sur les aspects rassurants qu'offre la Ritaline. Si son efficacité ne dure que quatre heures par prise, elle permet d'atténuer les tensions auxquelles l'enfant, sa famille, la classe d'école sont confrontés.

Le Dr Haenggeli explique que la Ritaline vise à alléger un défaut héréditaire de transmission de dopamine dont souffrent les enfants ADHD. Ainsi, les circuits dopaminergiques ne fonctionnent-ils correctement que pendant quatre heures à l'aide du traitement. La prescription doit donc être adaptée aux horaires d'école, et il est primordial que l'enfant atteint du ADHD puisse travailler à l'école aussi bien que les autres. Ce soutien lui permet, entre autres, d'éviter les très nombreuses fautes d'inattention et de ne pas être en permanence distrait. A cet égard, le Dr Haenggeli précise que la Ritaline n'est qu'un traitement symptomatique, dont les effets doivent être renforcés par les mesures prises conjointement. Son effet bénéfique joue néanmoins un rôle favorable immédiat dans la perception que l'enfant a de lui-même, car il lui est enfin possible d'avoir du succès dans ce qu'il entreprend.

En règle générale, la Ritaline n'est prescrite qu'après la mise en route des autres mesures thérapeutiques indispensables pour traiter les enfants ADHD. Dans un premier temps, il est indispensable de reconnaître ce trouble et de l'expliquer à l'enfant et à ses parents. Ceux-ci ont souvent passé par plusieurs entretiens psychiatriques ou psychologiques, et ont reçu le message que les difficultés étaient de leur faute, qu'ils ne savaient pas s'occuper de leur enfant. Une telle affirmation n'est tout simplement pas correcte : le ADHD n'est pas la conséquence d'un trouble familial, en revanche il entraîne des difficultés familiales parfois énormes. Aujourd'hui, l'école collabore pour une prise en charge adéquate de ces enfants, dont la souffrance est désormais reconnue par les enseignants. Le Dr Haenggeli insiste sur le bien-fondé d'une approche pluridisciplinaire, et, quand bien même la Ritaline n'est qu'une des mesures thérapeutiques, elle est importante car elle permet aux différents spécialistes, psychiatres, psychologues, logopédistes, psychomotriciens, d'accomplir un travail bien plus bénéfique avec les enfants.

A Genève, le Dr Haenggeli se plaît à souligner le sérieux avec lequel le diagnostic est approché à l'Hôpital des enfants. Il s'agit de faire un bilan complet afin de cerner la problématique. Aussi procède-t-on à une évaluation clinique : anamnèse actuelle, anamnèse personnelle, anamnèse familiale, examen clinique et neurologique et évaluation psychologique. L'évaluation psychologique est particulièrement importante et doit répondre à plusieurs questions : l'enfant suspecté d'ADHD a-t-il des capacités cognitives lui permettant d'étudier normalement ? Quelles sont les éventuelles autres causes des difficultés scolaires et familiales ? Quelles sont les répercussions de l'échec scolaire sur l'enfant et l'entourage familial ? Existe-t-il des comorbidités, par exemple un trouble de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ? Le déficit d'attention peut-il être mis en évidence par des tests ? Les différentes démarches nécessaires prennent un ou deux mois et aboutissent à une synthèse au cours de laquelle les résultats sont discutés et des propositions thérapeutiques faites.

Il existe des formes précoces de ADHD et on a même observé des cas in utero. L'affection peut se manifester par des difficultés alimentaires et des troubles du sommeil chez le nourrisson. Lorsque l'enfant commence à marcher, il a tendance à toucher à tout, à faire des bêtises et doit être surveillé en permanence. Les choses se gâtent cependant au moment où l'enfant est intégré en crèche, en jardin d'enfants ou à l'école.

Quand il lit qu'« il n'existe aucune preuve claire qu'un comportement agité ou entêté puisse être catalogué comme un problème psychique et encore comme une maladie » dans la pétition, le Dr Haenggeli ne peut que s'inscrire en faux contre cette affirmation. En effet, le trouble ADHD correspond à un ensemble de critères cliniques tout à fait précis. La présence de ces caractéristiques, tant par leur qualité que par leur quantité, fait sortir ces enfants du cadre de leurs camarades.

De multiples études ont prouvé que le trouble ADHD est un syndrome d'origine génétique, donc héréditaire. Ceci est prouvé par des études de jumeaux ou d'enfants adoptés, qui confirment que l'entourage n'est pas responsable de cette affection, mais bien les gènes. Pour des raisons inconnues, le trouble se manifeste beaucoup plus fréquemment chez le garçon, et dans de nombreuses familles semble être transmis de père en fils. Parfois, le père, présent à la consultation de son fils, reconnaît qu'il rencontre, encore à l'âge adulte, des difficultés similaires.

En revanche, aucune étude scientifique n'a pu à ce jour prouver que le ADHD prend racine dans une mauvaise alimentation. Toutefois, il est vrai que certains parents observent que lorsqu'un enfant hyperactif consomme trop de sucre, ou des aliments riches en phosphates, ses troubles comportementaux s'aggravent. Le Dr Haenggeli encourage les familles qui ont fait ces observations à poursuivre un régime alimentaire. Il n'y est donc pas opposé.

Le Dr Haenggeli avoue être étonné lorsque la pétition 1332 énonce que « l'administration de psychotropes tels que la Ritaline - au détriment d'une jeunesse saine et orientée vers le futur -- est naturellement la solution de facilité » ! Au demeurant, cette phrase lui a rappelé un paragraphe lu dans une récente brochure de l'Eglise de scientologie. Il rapporte qu'on lui adresse des jeunes adolescents, âgés de 13-14 ans, internés à La Clairière, dont le comportement fait suspecter un syndrome ADHD. Même si l'anamnèse faite auprès des parents correspond, la prise en charge thérapeutique des jeunes de cet âge est extrêmement difficile. L'alternative à une prise en charge précoce, pluridisciplinaire, incluant, si l'indication est posée, la Ritaline, n'est pas une jeunesse saine et orientée vers le futur, mais des enfants en échec scolaire, renvoyés à plusieurs reprises, ayant, malgré des capacités cognitives normales, un cursus d'école publique, classe spécialisée, écoles privées, internat, exclusion définitive. Les enfants, rejetés par leurs camarades, en confrontation permanente avec leur entourage, se sentent nuls. A l'adolescence, ils nouent des contacts avec d'autres hors-la-loi et risquent de tomber dans la délinquance.

Comment dès lors prôner que ce type de médication soit interdite avant 16 ans ? Diagnostic et prise en charge thérapeutique, y compris, pour certains, la Ritaline, doivent être faits le plus tôt possible. Il est impossible de débuter un traitement de Ritaline chez des adolescents tombés dans la délinquance. Ils ne prendront pas le traitement prescrit, mais risquent bien de le distribuer à leurs copains qui ne souffrent pas d'ADHD. L'absence ou le retard de diagnostic et de mesures thérapeutiques pluridisciplinaires provoque les problèmes de société. Au contraire, les mesures thérapeutiques, éducatives, et la prescription médicamenteuse, les préviennent.

Le caractère absolu de l'invite, visant l'interdiction de prescription de psychotropes à des enfants de moins de 16 ans, d'une part, l'appartenance des pétitionnaires à l'Eglise de scientologie, qui de notoriété publique s'affiche contre la psychiatrie, d'autre part, ont fait réagir l'ensemble des députés. Ils ne souhaitent pas donner de l'importance à leurs propos, ce d'autant plus que les pétitionnaires n'ont pas été en contact avec beaucoup d'enfants souffrant du ADHD.

Certains députés ont émis des craintes quant à un éventuel abus en matière de prescription. L'audition du Dr Haenggeli a permis de les rassurer partiellement.

Enfin, un débat a eu lieu concernant le classement ou le dépôt de la pétition. Pour les uns, le dépôt signifie que la commission s'est intéressée au problème soulevé, sans pour autant être d'accord avec l'invite. Pour la majorité, cette pétition ne revêt aucun caractère d'intérêt général vu l'aspect intégriste des propos des pétitionnaires et mérite donc d'être classée.

C'est pourquoi la majorité de la Commission des pétitions vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir suivre ses conclusions.

Vote pour le classement :

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition) sont adoptées.