République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1255-A
17. Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la pétition pour une physiothérapie de qualité. ( -) P1255
Mémorial 1999 : Renvoi en commissions, 4335, 5791.
Rapport de Mme Nelly Guichard (DC), commission de la santé

Sous la présidence de Mme Janine Hagmann, la Commission de la santé s'est réunie les 9 et 16 mars 2001 pour traiter de la pétition 1255, pour une physiothérapie de qualité, déposée le 10 juin 1999 par la Fédération suisse de physiothérapeutes, section Genève (ci-après FSP-GE).

M. Paul-Olivier Vallotton, directeur de cabinet et Mme Annie Mino, directrice à la Direction générale de la santé, ainsi que M. Jean-Luc Constant, procès-verbaliste, nous ont assisté dans nos travaux. Nous les remercions de leur précieux concours.

Il convient de rappeler que la pétition 1255 (voir annexe) a été déposée principalement pour s'opposer au tarif de 1,15 F le point fixé par le Conseil d'Etat et entré en vigueur au 1er janvier 1999.

En outre, emboîtant le pas à la Fédération genevoise des assureurs-maladie, les physiothérapeutes ont recouru auprès du Conseil fédéral contre la décision du Conseil d'Etat. En date du 9 mars 2001, la FAO a publié la décision prise par le Conseil fédéral de fixer le point à 0,99 F.

M. Ernest Leuenberger, président de l'Association des physiothérapeutes, M. John Roth, vice-président de l'Association des physiothérapeutes, et M. Jacques Beney, membre de l'Association Physio-Action.

M. Leuenberger rappelle que la pétition déposée par la Fédération suisse des physiothérapeutes a recueilli 12 638 signatures, et il précise qu'il s'agit essentiellement de signatures émanant de patients.

Il explique que le problème rencontré par les physiothérapeutes remonte à deux ans. La LAMal a institué un tarif de physiothérapie pour toute la Suisse. Les physiothérapeutes ont été contraints de souscrire au nouveau tarif dès le 1er janvier 1999. Restait alors à fixer le prix du point, la LAMal précisant que la fixation du point échoit aux cantons. A l'époque, la Fédération suisse des physiothérapeutes, section Genève (ci-après la FSP-GE) et la Fédération genevoise des assureurs-maladie (ci-après FGAM) ont cherché à trouver un accord sur la valeur du point. Mais les revendications de la FSP-GE différaient de 30 à 40 % par rapport aux propositions de la FGAM, étant cependant précisé que les tarifs pratiqués jusque-là dans le canton de Genève étaient peut-être supérieurs aux tarifs pratiqués par les physiothérapeutes dans le reste de la Suisse. Il convient cependant de relever que le tarif appliqué à l'époque par les physiothérapeutes genevois était en vigueur depuis dix ans. Il n'avait jamais été demandé une réadaptation du prix du point.

Lors des négociations entre la FSP-GE et la FGAM, les physiothérapeutes n'ont pas demandé plus que le statu quo. Ils étaient même prêts à envisager une petite diminution du prix du point. Faute d'accord, les parties se sont adressées au Conseil d'Etat. La FSP-GE revendiquait la valeur du point à 1,32 F et la FGAM offrait une valeur de point à 0,91 F. Le Conseil d'Etat s'est prononcé, dans une décision motivée, en faveur d'une valeur de point à 1,15 F. Cette décision a fait l'objet d'un recours de la FGAM, puis, après quelques hésitations, de la FSP-GE, auprès du Conseil fédéral.

M. Leuenberger précise encore que les physiothérapeutes genevois ont été payés pendant une certaine période, c'est-à-dire dès l'arrêté du Conseil d'Etat, au tarif de 1,15 F le point. La FGAM a alors demandé des mesures provisionnelles. Les autorités fédérales ont imposé une valeur de point à 0,91 F pendant la procédure. La décision sur recours du Conseil fédéral est intervenue à la veille de Noël 2000, soit le 20 décembre 2000. Le Conseil fédéral a rejeté le recours de la FSP-GE et a partiellement admis celui de la FGAM. Il a fixé la valeur du point des prestations des physiothérapeutes dans le canton de Genève à 0,99 F, rétroactivement à compter du 1er janvier 1999. Par conséquent, aujourd'hui, la valeur du point appliquée par les physiothérapeutes genevois est donc fixée à 0,99 F.

M. Leuenberger constate que la décision du Conseil fédéral ne correspond à rien. Il estime qu'il s'agit d'une décision politique bricolée pour donner raison aux caisses maladies. Les autorités fédérales ont essentiellement tenu compte de l'indice des loyers et de l'indice des salaires.

M. Roth signale qu'une disparité de l'ordre de 25 % apparaît aujourd'hui entre le canton de Genève et le canton de Zoug, dont la valeur du point s'avère la plus élevée de Suisse, soit 1,05 F ! A Zurich, la valeur du point s'élève à 1,03 F, à Berne et à Bâle à 0,95 F.

M. Leuenberger remarque que le partenariat avec les assureurs-maladie apparaît de moins en moins possible. La FSP-GE estime que cette perspective se traduit par une perte d'autonomie des cantons dans le domaine de la santé. En l'espèce, la FSP-GE a été déçue, non pas d'un manque de soutien des autorités cantonales, mais de l'impossibilité dans laquelle se trouvent celles-ci pour agir dans le domaine de la santé.

M. Beney précise que la FSP-GE est bien évidemment déçue de la décision du Conseil Fédéral, mais surtout choquée par le fait que le Conseil fédéral n'a pas entériné la décision du Conseil d'Etat.

La présidente fait remarquer que la décision a été déposée au mois de juin 1999. On est aujourd'hui en 2001. Il a, depuis, coulé passablement d'eau sous les ponts. Les choses étant à présent ce qu'elles sont, il n'est pas sûr que les députés aient encore un pouvoir dans le domaine, sachant qu'une décision a été prise par le Conseil fédéral.

M. Leuenberger signale néanmoins que le Grand Conseil du canton de Schaffouse a demandé à l'exécutif cantonal d'intenter une action auprès des autorités fédérales.

M. Roth indique que la situation financière de nombreux physiothérapeutes, surtout les femmes, devient très précaires. Certains physiothérapeutes vont cesser leurs activités et certains cabinets vont fermer leurs portes.

M. Leuenberger remarque que les physiothérapeutes genevois avaient à l'époque de bonnes relations avec les assureurs-maladie. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Pour le surplus, il estime que les assureurs-maladie bénéficient d'un pouvoir supérieur à celui des cantons en raison de la centralisation. Et il pense que même si la FSP-GE n'avait pas interjeté recours, la situation aurait été la même que celle prévalant aujourd'hui.

M. Roth évoque ensuite la question de la qualité du traitement. En plus d'une baisse du revenu, les physiothérapeutes doivent s'accommoder d'une diminution des possibilités de traitement. Les assureurs contestent systématiquement le grand tarif appliqué par les physiothérapeutes, tarifs que ces derniers doivent à chaque fois justifier. Dans un tel contexte, c'est la qualité qui risque de disparaître.

M. Leuenberger fait remarquer que l'on assiste, conjointement à la baisse des tarifs, à une baisse du nombre des prescriptions due à la pression exercée sur les médecins par les assureurs-maladie. Et comme il s'agit de coûts indirects, il apparaît plus facile de faire pression sur ces derniers.

La présidente signale qu'elle a pris connaissance à l'époque d'une comparaison effectuée sur le plan européen. Les arguments déployés ne plaidaient alors pas en faveur des physiothérapeutes genevois.

Pour répondre à un député qui se demande comment les physiothérapeutes sont parvenus à absorber la diminution de la valeur du point, M. Leuenberger explique que bien que les physiothérapeutes constituent une profession très individualiste, une des possibilités pour absorber cette diminution est le regroupement, ce qui permet de répartir les charges.

M. Roth explique qu'il faut distinguer la séance de la physiothérapie passive, à l'aide d'appareils, de la technique manuelle. Dans le nouveau tarif forfaitaire, Il n'est plus tenu compte du temps de traitement. Avec la technique manuelle, le physiothérapeute doit diminuer le temps de traitement et se verra donc contraint d'accueillir plus de patients. La qualité de la prise en charge en pâtira inévitablement.

Un des commissaire explique qu'il travaille dans un cabinet de groupe. Depuis quelques temps, il n'a plus la possibilité, en tant que psychiatre, de délivrer des bons de physiothérapie. Il y a même une limitation pour les rhumatologues. Cet exemple montre l'effort énorme fourni par les assureurs-maladie pour diminuer l'activité en question. Dans ce contexte, le forfait tend à favoriser l'approche machine.

Pour répondre à différentes questions en matière de formation, M. Leuenberger précise que l'école de physiothérapie accueille 22 élèves et dispense une formation qui s'étend sur 4 ans. A ce jour, il n'est pas nécessaire d'être porteur d'une maturité pour y être admis.

Le canton de Genève compte environ 600 physiothérapeutes.

Pour répondre à une députée qui s'interroge au sujet du grand tarif et du petit tarif, M. Beney explique que le tarif forfaitaire correspond à 48 points. Et celui de physiothérapie complexe, appliquée à certaines pathologies indépendamment du temps, correspond à 77 points. Il ajoute que les physiothérapeutes étaient par le passé mandatés par des actes médicaux. Aujourd'hui, le médecin laisse le soin au physiothérapeute de décider de la méthode.

La décision du Conseil fédéral faisant mention d'une application rétroactive de la nouvelle valeur du point, une députée se demande comment cette décision va être appliquée.

M. Leuenberger explique que les physiothérapeutes ont dû se mettre d'accord avec leurs partenaires. Il a fallu reprendre toutes les factures et les pondérer en fonction de la nouvelle valeur de point. Le travail administratif s'est également avéré très important, travail à la charge des physiothérapeutes. Un délai de 30 jours avait été fixé pour trouver des solutions.

Au vu de l'évolution du dossier depuis le dépôt de la pétition, la présidente demande aux pétitionnaires s'ils entendent maintenir leur pétition ou s'ils pensent la retirer vu la décision du Conseil fédéral. Estimant qu'à leur yeux, cette pétition est toujours d'actualité, et par respect pour les patients qui l'ont signée, ils déclarent qu'ils n'envisagent pas de la retirer.

Un des commissaire explique qu'il se bat depuis longtemps pour la maîtrise des coûts de la santé. Mais, on se trouve ici dans une situation où les physiothérapeutes ont été manifestement pénalisés. Le Conseil fédéral s'est basé, s'agissant de sa décision, sur un revenu de référence qui ne tient pas compte de la situation des indépendants. Par contre l'arrêté qu'avait pris par le Conseil d'Etat, qui consistait à fixer le point à 1,15 F, apparaît par contre comme une solution médiane et bonne. En effet, cette décision tenait compte à la fois de la demande des physiotérapeutes et des exigences des assureurs-maladie. Mais à partir du moment où il y a eu recours contre cette position, la décision du Conseil fédéral s'impose.

Malgré cet état de fait, plusieurs députés, estimant que ce groupe professionnel a été pénalisé par la décision fédérale, trouvent qu'un renvoi de la pétition au Conseil d'Etat représenterait un soutien de la commission en faveur de la décision prise à l'époque par le Conseil d'Etat.

Mme Mino rappelle que la LAMal donne compétence aux partenaires de négocier la valeur du point. C'est seulement en cas de recours que l'autorité fédérale intervient. Une fois le recours interjeté, il n'y a plus de moyen d'action.

Il paraît donc évident que le Conseil d'Etat n'aura plus aucun moyen d'action pour modifier la décision, rappelons-le, fédérale.

Une députée signale que les psychiatres ont vécu la même situation que les physiothérapeutes et sont aussi passés par des négociations avec les assureurs-maladie. C'est finalement le Conseil fédéral qui a rendu une décision au bout de deux ans, décision favorable aux assureurs-maladie.

Elle se demande aussi si le Grand Conseil pourrait être consulté lors de ces fixations de tarifs. Mme Mino précise que la procédure, en particulier les négociations entre partenaires, est fixée par la LAMal. La seule structure médiane cantonale est le Conseil d'Etat. Il s'agit d'un protocole de fonctionnement clair.

Il faut préciser aussi que nous sommes dans ce cas de figure face à un recours au Conseil fédéral, et non un recours au Tribunal fédéral, dont l'ultime voie de recours est précisément le Conseil fédéral.

Un autre député constate avec dépit que la décision prise ne tient absolument pas compte de la réalité cantonale. Cet avis est par ailleurs largement partagé par les membres de la commission.

Force est de constater que bien que les deux parties recourantes la FGAM et FSP-GE, aient introduit des recours pour des raisons différentes, voire opposées. Il n'en reste pas moins que le point a été fixé par l'Autorité fédérale à 0,99 F, en lieu et place des 1,15 F fixés par le Conseil d'Etat. Il n'est dès lors plus possible de revenir sur la décision prise par le Conseil fédéral.

A cela il convient d'ajouter que la pétition elle-même porte sur la valeur du point fixée à 1,15 F par le Conseil d'Etat qui est contestée par les pétitionnaires. La pétition n'apparaît dès lors plus d'actualité dans la mesure où elle réfute la position médiane du Conseil d'Etat.

A ce stade, les membres de la commission constatent que la seule issue possible est le dépôt de la pétition dûment accompagnée d'un rapport explicite.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, les membres de la Commission de la santé vous invitent à déposer la pétition 1255 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Pétition(1255)

pour une physiothérapie de qualité

Mesdames etMessieurs les députés,

L'utilité de la physiothérapie est reconnue depuis de nombreuses années. Elle est d'ailleurs prise en charge par l'assurance maladie de base.

Cependant, dans le cadre de la politique de réduction des coûts de la santé, il apparaît que les assurances maladie exercent de fortes pressions auprès des médecins et des patients, afin de limiter de plus en plus le nombre des prescriptions de physiothérapie (moins 20% en 5 ans).

Il faut relever que le coût global de la physiothérapie en Suisse ne représente que 1,2% des coûts de la santé. Par ailleurs, les coûts de la physiothérapie à Genève ne cessent de diminuer depuis 1995 (moins 10% en 3 ans) et, nos tarifs n'ont pas changé depuis 1991.

Les physiothérapeutes ont dont déjà consenti des efforts importants.

Aujourd'hui, les physiothérapeutes défendent une valeur du point à Frs. 1,32. Cette valeur est basée sur des critères d'économie d'entreprise stipulés dans la LAMAL et réalise en outre, l'objectif de neutralité des coûts visé par ladite Loi.

Or, à l'évidence, le prix du point en vigueur depuis le 1er janvier 1999 de Frs. 1,15, ne répond pas aux conditions légales, mais instaure une diminution de 12 à 30% selon le type de traitement.

Par cette pétition, nous souhaitons obtenir des instances compétentes, le respect des conditions requises par la LAMAL quant à la fixation de la valeur du point, et correspondant aux données économiques objectives du marché genevois actuel, ceci afin de maintenir pour nos patients l'accès à une physiothérapie de qualité.

N.B. : 12 638 signatures

Fédération suisse des Physiothérapeutes

98, rue de Saint-Jean1201 Genève

Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.