République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8482
16. Projet de loi de Mmes et MM. Dominique Hausser, Esther Alder, Véronique Pürro, Cécile Guendouz, Gilles Godinat, Christine Sayegh, Bernard Clerc, Jean Spielmann et Christian Grobet sur la coordination de l'action sociale cantonale. ( )PL8482

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Champ d'application

1 L'action sociale a pour but de promouvoir l'autonomie individuelle, la vie dans la dignité selon des modalités librement choisies et la préservation de la cohésion sociale. Elle comprend la prévention, l'aide personnelle, l'aide matérielle, les mesures d'insertion sociale et l'action sociale communautaire.

2 L'âge, l'invalidité sous toutes ses formes y compris les grandes dépendances, la maladie, l'accident, le chômage, ainsi que d'autres formes d'exclusion sociale liées au sexe, à l'origine ethnique ou religieuse et aux conséquences des perturbations économiques donnent lieu à l'intervention de la solidarité collective qui doit tenir compte des besoins de la population.

3 La loi détermine les modalités d'intervention de l'Etat, des collectivités publiques et des établissements de droit public. Les services et organismes privés oeuvrant dans le domaine de l'action sociale, recevant ou non des subsides de l'Etat ou des communes, sont partenaires de l'action publique dans ce domaine.

Art. 2 Domaines relevant de l'aide personnelle

L'aide personnelle est assurée notamment par :

Art. 3 Mission de l'Etat

1 Le Conseil d'Etat, soit par délégation des départements qu'il désigne à cet effet, est chargé de l'exécution des législations fédérales dans les domaines suivants :

2 Le Conseil d'Etat est également chargé de l'exécution des législations cantonales se rapportant aux prestations complémentaires à celles accordées par des lois fédérales, que ces prestations complémentaires relèvent du droit fédéral ou du droit cantonal, y compris les subsides incombant aux cantons en vertu de la loi fédérale sur l'assurance-maladie. Il est également chargé de l'exécution des lois cantonales d'assurances sociales, telles que l'assurance-maternité et les allocations familiales.

3 Le Conseil d'Etat pourvoit à l'organisation de l'aide sociale et de l'assistance publique et veille à l'égalité de traitement en matière de prestations sociales individuelles. L'aide sociale cantonale prend notamment la forme d'un revenu minimum permettant à chacun une existence dans la dignité conformément à l'article 1, alinéa 1 de la présente loi.

4 Le Conseil d'Etat organise un réseau d'aide et de soins à domicile permettant à celles et à ceux qui le peuvent et qui le veulent de continuer à demeurer dans leur cadre de vie usuel.

5 Le Conseil d'Etat exerce la surveillance des établissements médico-sociaux et des logements à encadrement médico-social pour les personnes âgées, selon la législation en vigueur et organise leur financement de provenances diverses ;

6 Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la législation instituant une politique socio-sanitaire en faveur de la jeunesse, y compris l'application dans le canton des dispositions du Code civil suisse concernant la tutelle. Les compétences du Tribunal tutélaire sont réservées.

Art. 4 Rôle des communes et missions conjointes

1 Les communes assument la charge de la politique en faveur de la petite enfance. Le Conseil d'Etat édicte les normes et exerce la surveillance selon la législation en vigueur. L'Etat contribue financièrement à la mise en oeuvre d'une politique commune dans ce domaine.

2 L'Etat et les communes collaborent en vue de la mise à disposition d'un réseau de maisons de quartier et/ou centres de loisirs et de rencontre. Ils partagent les charges y afférentes selon des modalités fixées par la loi.

Les communes ont en charge l'organisation des services parascolaires, sous la surveillance et avec le concours de l'Etat.

3 Les communes collaborent avec les établissements de droit public placés sous la surveillance de l'Etat pour offrir des prestations sociales, tant individuelles que collectives. Le versement des subsides d'aide sociale et d'assistance publique régulières relève de la responsabilité des établissements publics placés sous la surveillance du Conseil d'Etat. Les communes peuvent intervenir à titre subsidiaire.

Art. 5 Voies de droit

1 Les lois énumérées à l'art. 2 ou la loi d'organisation judiciaire prévoient au moins une juridiction de pleine capacité en tant qu'instance cantonale unique ou ultime.

2 En cas de silence des lois concernées à ce sujet, la juridiction sociale cantonale est le Tribunal administratif.

3 Des réclamations peuvent être adressées aux départements concernés de l'Etat, aux autorités exécutives municipales et aux conseils d'administration ou de fondation concernés.

Art. 6 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation.

Le présent projet de loi permet de définir une politique cantonale de l'action sociale et rassemble dans un seul texte l'ensemble des lois existantes ou à venir qui traitent de l'aide sociale cantonale, que cela soit des prestations financières ou non.

Elle vise à une harmonisation des prestations et des barèmes avec une définition de paliers et de critères identiques pour l'ensemble des résidentes et résidents de ce canton.

Pour les auteurs de ce projet, il est en effet indispensable d'assurer une égalité pour l'ensemble des habitantes et des habitants, tant du point de vue des aides financières que de l'accès aux prestations sociales individuelles.

L'article 1 de la présente loi définit le champ d'application, soit son but général à l'alinéa 1, les personnes directement concernées par les aides personnelles à l'alinéa 2 et les modalités d'application à l'alinéa 3.

Dans la mesure où l'aide sociale relève de diverses lois, tant fédérales que cantonales, il est précisé à l'article 2 les lois cantonales actuelles et discussion devant le Grand Conseil qui sont concernées. Le terme notamment permettra d'inclure automatiquement de nouvelles lois cantonales qui pourraient en particulier découler de décisions fédérales.

L'article 3 précise les missions de l'Etat en particulier en ce qui concerne l'application de législations fédérales.

L'article 4 décrit le rôle et les missions des communes. Les 2 premiers alinéas visent l'encadrement de la petite enfance, des écoliers et des jeunes en général. L'alinéa 3 définit un rôle de subsidiarité des communes en ce qui concerne en particulier les aides financières individuelles, de manière à respecter le principe d'égalité pour l'ensemble des résidentes et résidents du canton.

L'article 5 concerne les voies de droit. Il a pour but d'instaurer dans le champ du droit social, toujours plus complexe, l'existence d'au moins une juridiction « professionnelle ». Actuellement des commissions de recours diverses produisent des jurisprudences disparates aux conséquences non anodines. Il ne s'agit pas de supprimer à tout prix le système d'assesseurs, mais l'ambition de ce projet consiste à s'assurer de la présence du pouvoir judiciaire au moins à un échelon. La formulation de cet article tient à la diversité du champ juridique envisagé à l'art. 2. Il est de plus prévu qu'en cas de vide juridique dans les diverses lois de l'aide sociale, ce soit le Tribunal administratif qui soit la juridiction ordinaire. L'alinéa 3 prévoit des voies de réclamation préalable inspirées de la pratique actuelle à teneur de la loi sur l'assistance publique ou en matière fiscale.

Mesdames et Messieurs les députés, cette loi offre ainsi l'avantage de faciliter le travail du législateur et des institutions chargées d'assurer des conditions de vie respectueuses des droits de la personne à tous les résidents de ce canton.

Nous vous remercions de lui réserver un accueil favorable.

Préconsultation

M. Dominique Hausser (S). Cela fait plusieurs années que nous pensons qu'il est nécessaire d'inscrire dans une seule loi, une loi-cadre, la politique cantonale en matière d'action sociale, et nous souhaitions le faire de manière extrêmement précise.

Malheureusement, il s'agit d'un champ complexe, régi par la législation fédérale - donc, une multitude de lois - régi par la législation cantonale - une multitude de lois également - et par un certain nombre de compétences communales. Il était donc extrêmement difficile d'élaborer une loi sur la politique en matière sociale dans le canton.

Nous nous sommes donc décidés à faire une loi de coordination de cette action sociale, qui rassemble ses définitions et ses principes dans ce texte et d'abord en son premier article «Champ d'application» et qui, également, fait référence à l'ensemble de la législation tant fédérale que cantonale, de manière que toutes celles et ceux qui s'occupent de ce domaine puissent enfin avoir un texte simple qui leur dise sur quoi ils peuvent s'appuyer pour permettre d'appliquer cette politique sociale. C'est le premier point.

Le deuxième point est extrêmement important : il consiste à définir la mission de l'Etat par rapport aux communes. Et dans ce domaine, il nous semblait essentiel de dire que tout un chacun sur le territoire cantonal doit, de manière égalitaire, accéder aux mêmes prestations et que les prestations communales sont offertes de manière subsidiaire. Ce qui signifie que celles-ci viennent tout au plus en complément pour des actions ponctuelles mais ne viennent pas en supplément dans le domaine général ou dans l'action continue, en particulier dans l'aide financière, sachant que l'on touche 150 F de plus ou de moins par mois selon qu'on se trouve d'un côté ou de l'autre de la rue des Acacias, car celle-ci est à cheval sur deux communes.

Le troisième point, également très important, porte sur les voies de recours. Aujourd'hui, elles sont très mal définies, et il nous semblait essentiel de définir un seul processus de recours, une seule juridiction, qui permette de recevoir l'ensemble des revendications par rapport à l'application de la loi. Cette proposition ne modifie pas fondamentalement le paysage social tel qu'il existe. Il y a d'autres lois en discussion, en particulier sur le revenu minimum, qui est actuellement traité en commission et qui, évidemment, jouera un rôle fondamental dans l'aide financière et dans le fait d'avoir un véritable droit, une fois que le projet de loi du Conseil d'Etat sera amendé. Mais, au moins, ce projet présente l'avantage d'offrir de travailler de manière un peu plus coordonnée, comme le dit la loi dans son titre, et de manière plus simple pour les personnes concernées qui sont jour après jour confrontées aux problèmes sociaux.

Ce sont les raisons pour lesquelles le renvoi en commission est évident. Mais le travail devra être fait rapidement de manière que nous puissions enfin avoir une véritable loi. 

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral appuie le renvoi de ce projet de loi sur la coordination de l'action sociale cantonale à la commission des affaires sociales, ce qui n'a rien d'étonnant.

Par contre, ce qui est plus étonnant aux yeux de notre parti est le moment choisi par les auteurs pour déposer ce projet de loi. La commission des affaires sociales traite actuellement et traitera au cours de ces prochains mois plusieurs projets de lois relatifs à la politique sociale cantonale. Il y a tout d'abord la réorganisation des CASS demandée par les principaux acteurs de terrain de la politique sociale cantonale. Tous les commissaires de la commission des affaires sociales s'accorderont pour dire que ce sujet est délicat, et qu'il pourrait aboutir, à terme, à une remise en cause du fonctionnement de certaines institutions ainsi qu'à une remise en cause du rôle des communes en matière de politique sociale.

Et puis il y a la problématique des allocations familiales, également pendante à cette commission sociale. Celle-ci devra se pencher sur plusieurs aspects de ces allocations : veut-on des allocations familiales à taux unique, ou pas ? Les veut-on paritaires, ou pas ? Veut-on élargir le cercle des bénéficiaires et les montants alloués, ou pas ?

A propos de la multitude des sujets évoqués dans cette commission sociale, l'un des auteurs de ce projet de loi, le député Hausser, a d'ailleurs en commission utilisé le terme de «fatras législatif»... Sur ce point, nous le rejoignons totalement !

Néanmoins, au vu de ce programme, pourquoi un énième projet de loi sur l'action sociale cantonale et, surtout, pourquoi le déposer maintenant ? M. Hausser et les signataires de ce projet de loi ne trouvent-ils pas qu'il y a déjà suffisamment de pain sur la planche comme cela ? Ne pourrait-on pas d'abord liquider les affaires courantes, ce qui risque d'ailleurs de prendre plusieurs semaines avant de poser les principes d'une loi-cadre, dont les contours nous apparaissent flous aujourd'hui, pour ne pas dire superflus ? Et, dans cette longue énumération, j'ai encore oublié le débat à suivre sur le RMR...

En résumé, on ne règle pas en quatre pages la coordination de l'action sociale cantonale. D'où l'accueil plutôt mitigé du groupe libéral à ce projet de loi, qui appuie néanmoins son renvoi à la commission des affaires sociales.

M. Pierre Marti (PDC). Effectivement, M. Dominique Hausser demande que l'on travaille rapidement... Mais cette loi fera-t-elle vraiment avancer les choses ? Ou consiste-t-elle plutôt à mettre un peu de crème chantilly sur un certain nombre de questions ou de lois qui sont actuellement en discussion ? Dire qu'il faut essayer de coordonner l'action sociale cantonale, c'est de la poudre aux yeux ! Très franchement, je ne vois pas ce qu'est cette coordination, si ce n'est un inventaire à la Prévert !

A mon avis, par rapport à ce projet de loi que nous enverrons à la commission des affaires sociales, il faut préserver un certain nombre d'actions privées et ne pas tout mettre dans le...

Une voix. Même panier !

M. Claude Blanc. Dans le giron de l'Etat !

M. Pierre Marti. ...dans le giron de l'Etat. Merci beaucoup, Monsieur Blanc ! Il faut aussi examiner tout ce qui se fait sur le plan de l'aide communale.

Nous envoyons donc très mollement ce projet de loi à la commission des affaires sociales, en demandant à cette commission de travailler d'abord sur des projets très concrets au sujet desquels nous avons besoin de réponses rapides. 

M. Gilles Godinat (AdG). Monsieur Roulet, je vous réponds à propos du moment que nous avons choisi pour déposer ce projet de loi.

Effectivement, lorsque nous étions en train de travailler sur l'organisation des centres d'action sociale et de santé, nous avons constaté qu'en étudiant le maillon essentiel du dispositif de l'action sociale dans ce canton, on commençait, à travers la mise en place de structures dans les centres d'action sociale et de santé, de penser à l'action sociale générale au plan cantonal, à savoir définir des principes de répartition entre le niveau cantonal et le niveau communal. Par exemple, confier des tâches essentiellement financières à l'Hospice général et des tâches de proximité, d'actions communautaires et collectives, uniquement aux communes. Et c'est bien sur ce genre de difficultés que nous avons dû trouver un cadre plus général - et ne pas nous contenter d'une simple organisation du centre d'action sociale et de santé - pour essayer de définir la philosophie générale de l'action sociale, ce que propose ce projet de loi, et d'organiser l'action sociale sur la base de principes clairs.

Un de ces principes, c'est vrai, est l'égalité de traitement sur le plan financier. Et on sait que ce n'est pas chose facile, que ce n'est pas acquis, puisque, pour l'instant, il y a des inégalités dans ce canton. Cette loi est donc indispensable pour donner des cadres généraux, des principes généraux, qui nous permettent ensuite, dans le cadre particulier des CASS, d'organiser le travail. 

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). C'est un projet de loi un peu fourre-tout, qui a pour ambition de faire l'inventaire de toutes les aides personnelles, de lier la gerbe du social... C'est un voeu très ambitieux, mais est-ce prioritaire alors que nous n'arrivons même pas à traiter des sujets très concrets comme les CASS ? Alors est-ce pour nous noyer complètement ou est-ce une nouvelle bouée ? J'espère que c'est plutôt la bouée...

Toutefois, comme les signataires se sont donné beaucoup de peine pour nous proposer ce projet, nous accepterons de le traiter à la commission des affaires sociales. 

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales.