République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1320-A
14. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour une meilleure qualité de vie de quartier Goetz-Monin/Blavignac. ( -) P1320
Rapport de M. Jean-François Courvoisier (S), commission des pétitions

Dans ses séances des 13 et 20 novembre et 4 décembre 2000, la Commission des pétitions a étudié, sous la présidence de Mme Louiza Mottaz d'abord, puis de M. Hubert Dethurens, la pétition dont voici le texte :

Pétition

(1320)

pour une meilleure qualité de vie de quartier Goetz-Monin/Blavignac

Mesdames etMessieurs les députés,

Une pétition contre l'extension tentaculaire du restaurant « L'Eléphant » et l'exploitation nocturne de sa terrasse d'été et de sa terrasse intérieure

Une pétition pour une diminution de la pollution sonore sans cesse croissante

Cette pétition regroupe à la fois les signatures d'habitants du périmètre concerné selon l'intitulé de la pétition (autour de la Maison de quartier de Plainpalais, ancienne Maison Blavignac), d'habitants du quartier élargi (Plainpalais), et d'autres habitants de Genève solidaires. Tous sensibles à leurs droits de citoyens, à leur droit à un environnement sain, à leur qualité de vie.

L'opposition à l'extension du restaurant « L'Eléphant » n'est en aucun cas une opposition aux activités standards d'exploitation d'un établissement, ni même le développement de celles-ci, à condition d'inscrire ces activités dans le respect des besoins des habitants du quartier et principalement le besoin de dormir.

Les habitants refusent de se laisser chasser de leur quartier parce que les autorités ont donné des autorisations sans tenir compte de leurs doléances.

De plus, il est regrettable que 30 habitants des rues Goetz-Monin et Prévost-Martin aient dû recourir à la Justice (Recours N° 6496 du 28 avril 2000. Dossier APA 16838) et ainsi prendre sur leur temps, leur énergie et leur argent la défense de l'un des besoins et des droits les plus fondamentaux à un être humain : celui de dormir.

Les maisons, les immeubles et le charme d'un quartier ne sont pas des décors de théâtre. Les habitants refusent que leur quartier devienne un lieu pour noctambules avec l'accompagnement évident de conséquences pénibles.

Face à cette « sauvagerie sociale » où priment les intérêts particuliers, l'inquiétude des habitants interpelle leur qualité de citoyen, et c'est en cette qualité de citoyen qu'ils ont signé cette pétition et que nous vous la remettons.

N.B. : 147 signatures

Association « Les passagers de la tour »

. .

Le 13 novembre, la Commission des pétitions a auditionné Mme Anne Osnowycz, MM. Didier Beux, Olivier Pollet et Jean-Claude Viano pétitionnaires, Association « Les passagers de la tour ».

Mme Osnowycz signale qu'en avril 2000 les habitants du quartier ont pris connaissance de l'agrandissement de l'établissement « L'Eléphant » situé dans un immeuble appartenant à la Ville de Genève et sis 8 rue Goetz-Monin. Les locataires se sont mobilisés pour faire recours contre l'autorisation, c'était peine perdue, cette autorisation ayant déjà été délivrée. Selon Mme Osnowycz, les nuisances sonores sont si importantes qu'il n'est plus possible de passer des soirées paisibles, ni de dormir.

M. Beux habite depuis sa naissance au N° 14 de la même rue. Il a suivi l'évolution du quartier mais, malgré les nuisances insupportables, il ne peut envisager de déménager.

Mme Osnowycz évoque la libéralisation en matière de patente, elle signale que n'importe quel commerçant peut ouvrir un commerce et obtenir une autorisation générale. M. Bayard, propriétaire de « L'Eléphant », en tant que juriste, connaît toutes les ficelles. Rien ne l'empêche d'ouvrir son établissement jusqu'à 2 h. du matin. Comme Ecotox ne travaille pas la nuit, il n'est pas possible de faire procéder à des mesures. La police n'intervient pas sachant que « L'Eléphant » agit en toute légalité. M. Beux prétend que lorsque certains établissements sollicitent une autorisation d'exploiter une terrasse dans une cour intérieure, elle leur est souvent refusée. Une telle autorisation a été délivrée à « L'Eléphant » alors que son propriétaire ne l'attendait plus. « Les passagers de la tour » en ont déduit que M. Bayard bénéficiait d'appuis lui permettant d'être au-dessus des lois. M. Beux se demande comment il a été été possible d'accorder cette autorisation sachant que 200 fenêtres donnent sur cette cour.

Mme Osnowycz pense qu'il serait possible de trouver un juste équilibre entre la libéralisation commerciale et la vie des résidents.

M. Beux signale que les murs de son appartement jouxtent la terrasse de « L'Eléphant ». Autrefois, il bénéficiait d'un petit jardin. Il prétend avoir rendu son bail sans difficulté mais s'étonne de la manière dont M. Bayard a repris les lieux.

Mme Osnowycz dit que c'est au moment de l'ouverture de la terrasse et l'organisation de fêtes jusqu'à minuit que les habitants se sont inquiétés.

M. Beux reconnaît que l'immeuble a été restauré avec goût, en suite de quoi le propriétaire a invité tout un chacun à l'inauguration. Ce n'est que par la suite que les habitants se sont rendu compte qu'il y avait aussi un bar à l'intérieur. En théorie, ce bar n'existe plus puisque l'enseigne a été supprimée. Mais on y fait toujours du bruit, c'est le gérant de la terrasse qui fait fonctionner le bar dont les voisins doivent supporter le bruit.

A la question d'un commissaire, Mme Osnowycz répond qu'il ne lui a pas été possible de voir l'autorisation d'exploiter la terrasse, mais que l'autorisation s'étend à toute l'exploitation, terrasse comprise. Lorsqu'un commissaire demande si Ecotox a été consulté, M. Beux répond qu'Ecotox a constaté un seuil de 3 décibels supérieur à la normale, mais que lorsqu'il a appelé les gendarmes, ceux-ci ont prétendu ne rien entendre. M. Beux précise qu'il n'aurait rien contre « L'Eléphant » si celui-ci fermait son bar et sa terrasse. Mme Osnowycz déplore que la régie qui soutient M. Bayard ne fasse rien d'autre que de détourner le problème en disant que ces sont les squatters du boulevard de la Tour qui sont responsables de tous les maux. Les pétitionnaires expliquent qu'ils ont besoin d'un appui politique. Ils sont épuisés. M. Ramseyer a refusé d'accorder une entrevue à l'Association, la gérance immobilière de la Ville de Genève a fait de même.

Le lundi 20 novembre 2000, la Commission des pétitions auditionne M. Gautschi, directeur du Service des autorisations et patentes.

Il nous informe que la terrasse est provisoire, car l'immeuble va être rénové et la terrasse peut-être supprimée. Il précise qu'il s'agit d'une cour privée et que son service n'est pas compétent, que seule la régie peut intervenir. A la demande d'un commissaire, M. Gautschi répond que les autorisations d'ouvrir et d'exploiter s'étendent jusqu'à 2 h. du matin, mais que comme les terrasses mécontentent les habitants, son service, d'entente avec la Ville de Genève, cherche à améliorer la situation. Selon lui, « L'Eléphant » ne cause aucun problème, en tous cas pendant la période hivernale. Il précise qu'il lui faudrait un rapport pour pouvoir intervenir.

Le président constate que le dernier rapport date de janvier 2000 et qu'il lui paraît difficile de penser que l'établissement ne génère aucune nuisance sonore. M. Gautschi dit avoir eu en main un rapport du 23 janvier 2000. Ce jour-là, la porte du bar était restée ouverte à 7 h. 30 le matin et une musique bruyante se propageait dans tout le quartier. Le responsable a été condamné à une amende de 200 Frs.

Le 4 décembre 2000, la Commission des pétitions auditionne M. Bayard, propriétaire du 10 rue Goetz-Monin et M. Magerl, directeur du bar « Le Thermos », situé en sous-sol de « L'Eléphant ».

M. Bayard dit qu'il a acheté l'immeuble avec son associé en 1986. M. Beux père était alors au bénéfice d'un bail de 30 ans concernant la petite maison qui jouxte son immeuble. Alors qu'il aurait pu l'inscrire au Registre foncier, il ne l'a pas fait.

Après avoir reçu son congé, la famille Beux a recouru jusqu'au Tribunal fédéral où elle a perdu son recours. A ce moment commence la guerre entre la famille Beux et « L'Eléphant ». M. Bayard signale qu'un procès est en cours devant le Tribunal de première instance. Après que la maison Blavignac ait été transformée en Maison de quartier, on pouvait y voir des affiches avec des slogans tels que : « A bas les jaunes, mort aux jaunes », car l'épouse de M. Bayard est asiatique. M. Beux a même dessiné une affiche avec une tête de mort. Par la suite, un pétitionnaire a écrit à M. Bayard qu'il regrettait d'avoir signé cette pétition et qu'il retirait sa signature.

M. Bayard reconnaît que son établissement génère du bruit, mais faut-il empêcher les établissements de s'installer en ville ? M. Magerl dit que le bruit est le cheval de bataille des mécontents. Depuis qu'il gère le bar « Le Thermos », la police est intervenue quarante fois en deux ans. Aucune de ces plaintes n'a donné lieu à des amendes puisque la moitié des plaintes est intervenue alors que le bar était fermé.

« Le Thermos » est un bar d'homosexuels, sa clientèle, composée entre autres d'avocats et d'hommes politiques, n'apprécie pas de se trouver chaque week-end en face de la police et d'être souvent insultée par les habitants du quartier.

M. Bayard s'exprime au sujet des fêtes bruyantes qui durent jusqu'à 2 h. du matin. L'unique mariage a été fêté le 21 juillet dernier. Il réunissait une centaine de personnes et comme il a plu, il a dû les faire rentrer à l'intérieur. Les anniversaires ne réunissent qu'une dizaine de personnes, qu'il place à l'intérieur à cause des risques de mauvais temps. Il estime que la vie de « L'Eléphant », qui reste ouvert et allumé tard dans la nuit, diminue le nombre d'agressions. Il n'a jamais eu de problème avec un autre établissement qu'il possède aux Pâquis, dont la vie de quartier est différente. Il pense que toute l'affaire provient de la malveillance de M. Beux, mécontent de la résiliation de son bail et qui a monté les gens du quartier en exacerbant leurs sentiments racistes contre les homosexuels et les asiatiques, car ce sont des gens différents d'eux.

A la suite des auditions, certains commissaires admettent que les pétitionnaires ont eu une attitude extrémiste inadmissible, mais un commissaire revient sur la remarque de M. Bayard qui dit n'avoir en aucun problème aux Pâquis.

Le cas de « L'Eléphant » est tout différent. C'est un établissement récent qui s'est installé dans une rue tranquille et qui en a considérablement modifié le caractère auquel les habitants étaient habitués et attachés. Le commissaire se montre sensible à ce problème et comprend le mécontentement des pétitionnaires.

La majorité de la commission se montre néanmoins plus favorable aux arguments de MM. Bayard et Magerl qu'à ceux des pétitionnaires et vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les député-e-s, le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil par 10 oui (1 AdG, 2 DC, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve), sans opposition et avec une abstention (R).

Débat

M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur. Il y a eu des plaintes contre les squatters de la Tour et leur squat a été évacué. Ce problème n'existe donc pas.

Par ailleurs, lors de la dernière séance, les pétitionnaires m'ont remis une lettre adressée à la présidence... Je ne savais pas si c'était la présidence de la commission ou celle du Grand Conseil. Je l'ai donc donnée à mon ami, président de la commission, M. Hubert Dethurens, qui m'a dit que cette lettre n'avait aucune importance, puisqu'elle ne faisait que redire ce qui avait déjà été dit en commission. Et, vous avez pu le constater, nous avons de nouveau reçu une lettre disant qu'ils regrettaient que nous donnions davantage d'importance aux propos des autres personnes qu'aux leurs...

Cette lettre ne comporte aucun nouvel élément, mais je l'ai tout de même remise, par acquit de conscience, à Mme Reusse-Decrey qui a trouvé qu'il fallait éviter de lire les lettres en séance pour ne pas prolonger inutilement les séances. 

La présidente. Monsieur le député, cette lettre a en effet été mise dans la correspondance, de manière que chacun puisse en prendre connaissance.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.