République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8425
38. Projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, Luc Gilly, Bernard Clerc, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Salika Wenger, Pierre Meyll, Jeannine de Haller, Rémy Pagani, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi 8196 du 31 août 2000 ouvrant un crédit d'investissement de 1 284 000 F au titre de subvention cantonale à l'Association Média@muros pour l'élaboration du projet, l'organisation et la réalisation des manifestations liées à la journée genevoise à l'Expo.02. ( )PL8425

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi 8196 du 31 août 2000 ouvrant un crédit d'investissement de 1 284 000 F au titre de subvention cantonale à l'Association Média@muros pour l'élaboration du projet, l'organisation et la réalisation des manifestations liées à la journée genevoise à l'Expo.02, est modifiée comme suit :

Art. 8 (nouveau)

Le montant du crédit inscrit à l'article 1 est ramené au montant des engagements financiers au 31 décembre 2000.

Le 31 août dernier, les députés de l'Alliance de Gauche ont voté contre les deux crédits respectivement de 1 936 300 F et 1 284 000 F accordés par la majorité du Grand Conseil à titre de participation de notre canton à Expo.02.

Le premier crédit correspond à une subvention accordée à un projet qui doit être réalisé par les 25 cantons suisses. Le second porte sur une subvention accordée à deux sociétés privées (ayant créé à cet effet une pseudo-association, dénommée Association Media@muros) sélectionnées par le Conseil d'Etat pour l'organisation et la réalisation des manifestations liées à la journée genevoise d'Expo.02.

Les députés de l'Alliance de Gauche ont refusé de se laisser embobiner par le prétendu « sens du devoir » invoqué par certains députés pour participer à ce grand raout national.

Non seulement nous exprimons de très fortes réserves à l'égard de cette exposition nationale dont le concept et la gestion suscitent de plus en plus de scepticisme dans la population, mais encore nous refusons de cautionner ce gouffre financier pour les deniers publics, alors que des besoins sociaux élémentaires ne sont pas satisfaits.

Expo.02 aurait été l'occasion de développer un concept d'investissements s'inscrivant dans le développement durable, utile pour l'avenir d'une région, alors que c'est exactement le contraire qui est envisagé à savoir un événement éphémère dont il ne restera rien, avec un énorme gaspillage d'énergie, d'argent et de ressources écologiques, sous réserve de quelques heureux bénéficiaires de mandats souvent hautement lucratifs !

A cela s'ajoute la course aux sponsors avec toute l'ambiguïté qui résulte de cette forme de financement de projets publics et les dérapages qui peuvent en résulter.

L'exemple du projet genevois est la meilleure illustration de ce non-sens. En effet, ce projet est très nébuleux et s'inscrit dans le cadre de gestes dits créatifs difficilement compréhensibles pour le grand public, tout en étant sans lendemain, même si les deux mandataires choisis par le Conseil d'Etat pour organiser la journée genevoise de l'exposition nationale prétendent que leur projet présente un caractère durable pour justifier sa réalisation. Ils soutiennent que cet objectif serait atteint du fait que ce projet va être réalisé dans la durée, grâce à la participation, durant les 18 mois précédant Expo.02, de 50 communautés diverses à créer, d'une dizaine de personnes chacune, qui « par leur existence, entameront une forme de « brassage » de la population, de façon à initier ou à renforcer l'existence d'un nouveau type de lien au sein de la société genevoise ».

L'exposé des motifs du projet de loi du Conseil d'Etat à l'appui du crédit accordé par le Grand Conseil explique dans les termes suivants ce concept plein d'ambition, mais pour le moins nébuleux :

« Les droits de l'enfant préoccupent différentes personnes, que ce soit au sein d'une agence de l'ONU, d'une association juridique, de l'enseignement ou d'une maison de quartier. Comment les faire se rencontrer ? Quels points de vues partagent-elles ? Quelles idées nouvelles peuvent émerger de leur rencontre ?

Vit-on la vieillesse dans les mêmes conditions et en a-t-on la même représentation, lorsque l'on est né à Genève (« Genevois »), que l'on a émigré du Portugal ou décidé de rester à Genève après une carrière internationale ?

Un nez, une chimiste, un parfumeur, un collectionneur, un habitant de Satigny ou le Body Shop ont chacun un lien différent avec l'industrie cosmétique ou celle du parfum. Autour de Givaudan ou de Procter & Gamble et au travers du rapport de chacun à l'odorat, comment se comprend la relation de l'industrie à son environnement ? Quel regard porte-t-on sur cette industrie, sa place dans la collectivité au plan local ou international ? Y a-t-il des convergences, des points communs entre les passions des uns et les intérêts des autres ?

Ce prélude passionnant à la journée genevoise constitue l'enjeu du projet. »

La réalité de la durabilité du projet est tout autre, lorsque l'on se réfère au budget du projet, annexé au projet du Conseil d'Etat. En effet, l'essentiel du budget de base de 2 238 700 F, subventionné par le canton à concurrence de 985 000 F, correspond pour l'essentiel à la rémunération des sociétés des deux mandataires ! A noter, que ceux-ci ont déclaré lors de leur audition par la Commission des finances, que les rentrées financières pour leurs sociétés respectives étaient « peanuts » et que leurs sociétés n'avaient pas besoin de l'exposition nationale pour vivre, tout en ajoutant, après avoir rappelé leur mécénat dans d'autres domaines, que « le projet est en quelque sorte un luxe que s'offrent les deux sociétés qui ne vont pas tourner avec leur projet » !

Quant à nous, nous persistons à penser que ce projet est un luxe inutile pour les contribuables genevois, sans parler du caractère totalement ambigu de la réalisation de celui-ci qui comporte un caractère officiel indiscutable, mais qui est réalisé par deux sociétés privées dont on ignore totalement la nature des relations avec l'Etat.

Le Conseil d'Etat n'a donné aucune explication dans son projet de loi sur la manière dont l'Etat le maîtriserait. Il a délégué ses compétences à une association sans que l'on ne sache quel est le contrôle de l'Etat sur la réalisation de ce projet.

Qui est finalement le responsable de celui-ci ? Qui a pris les décisions ? Où en est sa mise au point et son financement ? L'Etat devra-t-il verser une rallonge ? Qui a sollicité les sponsors ? Comment le choix de ceux-ci s'est-il effectué ? Quelles sont les contreparties escomptées par les sponsors ? Comment le Conseil d'Etat s'est-il mis dans la position de demander qu'un sponsor, retenu pour le projet, soit écarté et que la manifestation prévue pour le lancement du projet soit abruptement annulée !

Cette dernière affaire, pour laquelle la « raison d'Etat » est invoquée par le Conseil d'Etat, a été largement évoquée par la presse. Elle met en évidence l'extrême légèreté avec laquelle le Conseil d'Etat a suivi cette affaire. Le sponsoring par une entreprise est déjà une opération délicate. Recourir à une personne privée, qui soit véritablement désintéressée, l'est encore davantage, surtout s'il s'agit de sommes importantes comme cela semble être le cas en l'espèce. Il y a déjà eu assez de cas de « généreux donateurs » dans notre République qui se sont autoproclamés mécènes et dont la situation n'était pas nette notamment sur le plan fiscal ou qui étaient engagés dans des opérations spéculatives.

Nous le disons clairement: des règles éthiques très nettes doivent être établies en matière de sponsoring et il faut renoncer à des dons de sociétés ou de personnes qui sollicitent des autorisations ou des commandes de l'Etat.

Lors de leur audition par la Commission des finances, les deux commanditaires du projet ont souligné que le sponsoring correspondait à des « centres de profit » et qu' « un sponsor doit être considéré à la fois comme donateur et comme une entité qui attend quelque chose en retour. » Cela paraît évident, mais le Conseil d'Etat ne semble pas l'avoir compris et le choix d'un sponsor concerné par une procédure de naturalisation qui a conduit à une décision de refus de sa part est d'une maladresse insigne, indépendamment du fait de savoir si les griefs formulés à l'égard de l'intéressé dans le cadre de cette procédure sont fondés ou pas.

La façon lamentable dont le projet cantonal pour Expo.02 est menée par le Conseil d'Etat, le manque total de transparence de son financement (on ignore qui sont les sponsors retenus et le montant des engagements financiers pris par ces derniers) ainsi que les échéances à respecter en fonction de l'ouverture de l'exposition nationale amènent les auteurs du présent projet de loi à considérer qu'il faut abandonner le projet retenu et c'est la raison pour laquelle ils proposent l'abrogation de la loi votée le 31 août dernier, sous réserve des dépenses déjà engagées.

Nous proposons que le Conseil d'Etat élabore un projet simple et compréhensible pour la journée genevoise à l'Expo.02, illustrée, par exemple, par une exposition sur le thème de la solidarité, aussi bien à l'égard des étrangers que des habitants de notre pays confrontés aux dures réalités de notre société.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.