République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7887-A
10. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (obligation de renseigner) (H 1 05). ( -) PL7887
Mémorial 1998 : Projet, 4717. Renvoi en commission, 4719.
Rapport de Mme Fabienne Bugnon (Ve), commission judiciaire

Renvoyé à la Commission judiciaire par le Grand Conseil lors de sa séance du 24 septembre 1998, ce projet de loi déposé par le Conseil d'Etat a été traité lors des séances des 25 novembre et 9 décembre 1999 ainsi que le 13 janvier 2000, sous la présidence originale et détendue de notre collègue Michel Balestra.

Laurent Walpen, chef de la police, était présent lors de la séance du 9 décembre 1999.

Mme Françoise Saillen, directrice du service juridique du DJPT, M. Pierre Hospital, du service des contraventions et M. Christophe Friederich, secrétaire adjoint du DJPT ont assisté à tout ou partie de nos travaux.

But du projet de loi

Ce projet de loi permettra de régler certains problèmes relatifs à l'identification d'un conducteur fautif. Une distinction est faite entre personnes physiques et personnes morales. Actuellement, il n'y a pas de disposition légale permettant d'identifier le conducteur qui a commis une infraction à la loi sur la circulation routière (LCR). La police ne dispose pas d'autres moyens que de présumer que le détenteur du véhicule en était le conducteur au moment des faits.

En ce qui concerne les infractions à la LCR causées par le détenteur d'un véhicule immatriculé au nom d'une société, la contravention ne peut être établie à l'encontre de la société dans la mesure où, en droit suisse, on admet que les personnes morales ne sont pas responsables pénalement des actes commis par leurs organes. En prévoyant l'obligation de renseigner à la charge de la direction de la société, le projet permettrait de sanctionner l'infraction commise par son organe ou par son employé. Actuellement, le service des contraventions est dans l'impossibilité de recouvrer le montant des contraventions établies à l'encontre de conducteurs de véhicules immatriculés au nom d'une société, ce qui représentait au mois de juin 1998 (date du dépôt du projet) plus de 4000 contraventions auxquelles 1100 sociétés n'avaient pas donné suite pour un montant de plus de 400'000 F.

Les difficultés d'encaissement s'expliquent par le fait que la présomption selon laquelle le détenteur du véhicule en était également le conducteur est inapplicable puisque les véhicules de société sont utilisés indifféremment par plusieurs personnes.

Le projet prévoit par ailleurs que soit réservée l'application de l'article 48 du code de procédure pénale, du 29 septembre 1997, relatif au refus de témoigner, car on ne peut exiger du détenteur qu'il donne des renseignements qui sont de nature à l'exposer personnellement ou qui exposent ses proches à des poursuites pénales.

Enfin, le refus de renseigner tel que prévu dans le projet sera réprimé par l'article 20 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, qui prévoit que les contrevenants sont passibles des arrêts ou de l'amende.

Travaux de la commission

Les buts du projet de loi ont été longuement exposés aux membres de la Commission judiciaire et très rapidement s'est dégagée une majorité favorable à un traitement différencié des infractions commises par des personnes physiques de celles commises par des personnes morales (société, etc.).

Concernant les infractions commises par des personnes physiques, actuellement et sur la base du numéro de plaques, le détenteur incriminé est appelé à indiquer l'auteur de l'infraction. Lorsque le détenteur refuse de renseigner, soit il retourne le formulaire en précisant qu'il ne dénoncera personne, soit il ne renvoie rien et est dès lors considéré comme responsable de l'infraction.

La procédure est identique dans le cas de personnes morales, mais si l'entreprise ne fournit pas l'identité de la personne qui conduisait, il est impossible d'aller plus loin. Cela concerne à ce jour (octobre 1999) environ 6000 infractions pour un montant non recouvert d'environ 600'000 F. Autrefois, si le nom du détenteur n'était pas fourni, l'administrateur de la société était rendu responsable, mais depuis 1996, faute de base légale, cette situation n'existe plus.

Entendu sur cet objet, M. Laurent Walpen, chef de la police, a concédé que la situation des personnes morales était plus injuste, car les sociétés incriminées échappent à toute poursuite, du fait du vide juridique, mais il estime que « tous les citoyens doivent être égaux devant la loi », et qu'il n'est donc pas question que « certains soient plus égaux », d'où la volonté de vouloir traiter, par le biais de ce projet de loi, sur un pied d'égalité les personnes physiques et les personnes morales. M. Walpen relève qu'il ne s'agit pas d'une problématique typiquement genevoise et que le Tribunal fédéral a admis que cette pratique pouvait être introduite par les cantons (voir en annexe les lois vaudoise et zurichoise). Il insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une obligation absolue, dans la mesure où la personne aura le choix de ne rien communiquer, cependant elle commettra de fait une infraction supplémentaire.

Après avoir pris connaissance de la loi zurichoise, les commissaires ont estimé qu'elle était mieux rédigée et ont demandé au chef de la police de bien vouloir produire un texte allant dans ce sens.

Ce qui fut fait pour la séance du 13 janvier 2000.

Conclusions et votes de la commission

En l'absence de M. Walpen, malheureusement alité, la commission n'a pas pu recevoir les réponses adéquates et complètes à toutes ses questions.

Se basant toutefois sur la nouvelle mouture proposée, les commissaires ont voté sur le principe de distinguer les personnes physiques des personnes morales, en votant sur la suppression de renseigner pour les personnes physiques par 9 OUI (3 AdG, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 2 NON (1 DC, 1 L) et 2 abst. (1 L, 1 R)

Des différents amendements proposés ensuite, on retiendra la version définitive, soit :

Alinéa 1

« En cas d'infraction à la loi sur la circulation routière commise avec un véhicule immatriculé au nom d'une personne morale ou immatriculé sous l'adresse d'une entreprise à raison individuelle, le détenteur de ce véhicule est tenu d'indiquer à la police l'identité du conducteur ou de désigner la personne à laquelle le véhicule a été confié. »

(accepté par 11 OUI (3 AdG, 1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve) contre 2 NON (1 DC, 1 L)

Alinéa 2

« Si le détenteur est une personne morale, notamment une société anonyme, l'obligation de renseigner incombe à l'administrateur de la société. Lorsqu'il y a plusieurs administrateurs, l'obligation de renseigner incombe au président du conseil d'administration. »

(accepté par 12 OUI (3 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve) contre 1 NON (1 L)

Alinéa 3

« Celui qui professionnellement loue des véhicules à moteur doit tenir un registre des locataires auxquels la police peut accéder en tout temps. »

(accepté par 12 oui (3 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve) contre 1 NON (1 L)

Alinéa 4

« L'article 48 du code de procédure pénale du 2 septembre 1977 demeure réservé.»

(accepté par 12 OUI (3 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve) contre 1 NON (1 L)

Le projet de loi 7887 tel qu'amendé par la Commission judiciaire est accepté dans son ensemble par 10 OUI (3 AdG, 2 R, 3 S, 2 Ve) contre 1 NON (L) et 2 abst. (1 DC, 1 L).

La commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, à l'issue de ces travaux, de bien vouloir accepter le projet tel qu'il vous est présentement soumis.

Annexes : lois zurichoise et vaudoise

Projet de loi(7887)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit :

Art. 9A Obligation de renseigner (nouveau)

1 En cas d'infraction à la loi sur la circulation routière commise avec un véhicule immatriculé au nom d'une personne morale ou immatriculé sous l'adresse d'une entreprise à raison individuelle, le détenteur de ce véhicule est tenu d'indiquer à la police l'identité du conducteur ou de désigner la personne à laquelle le véhicule a été confié.

2 Si le détenteur est une personne morale, notamment une société anonyme, l'obligation de renseigner incombe à l'administrateur de la société. Lorsqu'il y a plusieurs administrateurs, l'obligation de renseigner incombe au président du conseil d'administration.

3 Celui qui professionnellement loue des véhicules à moteur doit tenir un registre des locataires auxquels la police peut accéder en tout temps.

4 L'article 48 du code de procédure pénale du 2 septembre 1977 demeure réservé.

ANNEXE

Loi zurichoise d'application de la LCR

ANNEXE

Loi vaudoise d'application de la LCR

Premier débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Je vous signale qu'une erreur s'est glissée dans ce projet de loi. En effet, l'article 9 qui a été adopté par la commission contient un alinéa 4 qui réservait l'article 48 du code de procédure pénale. Cet alinéa a en fait été abrogé par la commission, au lieu d'être adopté. Il s'agit de l'alinéa 4 que vous trouvez au bas de la page 4.

Vous aviez d'ailleurs distribué, Monsieur le président, lors de la précédente séance, un amendement allant dans ce sens.

A part cela, je pense que le rapport est suffisamment clair pour que je n'aie pas besoin de vous dire de quoi il s'agit. Toutefois, je répondrai volontiers à vos questions s'il y a lieu. 

M. Rémy Pagani (AdG). Je vais dire quelques mots à propos de ce projet de loi. Nous avons pris garde, bien qu'il s'intitule : «obligation de renseigner» de ne pas sombrer dans la délation... Nous avons essayé de faire en sorte de sanctionner notamment les grosses entreprises de transport qui profitent de la législation actuelle et non les petits qui essayent tant soit peu de se soustraire et de magouiller, mais qui ne sont qu'une minorité, je le rappelle. 

Mme Christine Sayegh (S). Je vous remercie, Madame Bugnon, de votre excellent rapport qui permet ainsi de limiter nos interventions.

Je rappellerai que ce projet de loi comble une lacune. Il sera possible de sanctionner le conducteur fautif dans le cas d'une infraction à la loi sur la circulation routière et non pas le détenteur du véhicule. La loi élimine également une inégalité de traitement parce qu'effectivement si un véhicule est immatriculé au nom d'une personne morale, le conducteur fautif échappe à l'évidence à toute sanction, puisqu'on ne peut pas poursuivre pénalement une personne morale mais seulement une personne physique. Ainsi, cet objectif est clair et bien ciblé.

Par ailleurs, si nous avons abrogé l'alinéa 4 de l'article 9A c'est parce qu'en fait c'est un élément de procédure, et il s'agit là d'une loi d'application de la législation fédérale. Donc, de toute façon, l'article 48 du code de procédure s'applique.

Le groupe socialiste vous invite tous à voter ce projet de loi. 

M. Michel Halpérin (L). Je n'interviendrai pas longuement sur ce projet de loi dont le sort est d'ores et déjà certain...

Je voudrai faire observer que nous nous y sommes opposés pour une raison de principe. Il est vrai que le problème existe et que la situation actuelle n'est guère satisfaisante, puisque des abus sont commis et que certaines personnes qui se voient infliger des contraventions se débrouillent pour n'avoir jamais à les payer. Aussi je comprends que la tentation soit venue d'essayer de mettre un terme à ces pratiques.

Mais, d'un autre côté, le remède qu'on nous propose est à bien des égards pire que le mal. Il a deux conséquences que nous ne jugeons pas acceptables. La première c'est l'obligation de délation que la loi comporte. M. Pagani peut la nommer comme il voudra, mais c'est bien de cela qu'il s'agit. La deuxième c'est de faire payer l'amende à celui qui n'a pas commis d'infraction, lorsqu'on ne parvient pas à identifier celui qui en est véritablement l'auteur. Si l'on veut bien faire abstraction des abus et qu'on veut bien se poser, comme nous l'avons fait sur les bancs libéraux, la question de principe, on s'apercevra qu'il est tout à fait inadmissible d'encourager la délation et tout à fait inadmissible de sanctionner celui qui n'a pas commis d'infraction !

Pour ces deux raisons nous voterons contre cette mauvaise réponse à une bonne question. 

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 9A (nouveau)

Le président. Je vous fais voter sur l'amendement que vient de nous rappeler Mme le rapporteur, à savoir l'abrogation de l'article 9A, alinéa 4.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 9A ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7887)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit :

Art. 9A Obligation de renseigner (nouveau)

1 En cas d'infraction à la loi sur la circulation routière commise avec un véhicule immatriculé au nom d'une personne morale ou immatriculé sous l'adresse d'une entreprise à raison individuelle, le détenteur de ce véhicule est tenu d'indiquer à la police l'identité du conducteur ou de désigner la personne à laquelle le véhicule a été confié.

2 Si le détenteur est une personne morale, notamment une société anonyme, l'obligation de renseigner incombe à l'administrateur de la société. Lorsqu'il y a plusieurs administrateurs, l'obligation de renseigner incombe au président du conseil d'administration.

3 Celui qui professionnellement loue des véhicules à moteur doit tenir un registre des locataires auxquels la police peut accéder en tout temps.

4 abrogé