République et canton de Genève

Grand Conseil

No 58/IX

Jeudi 2 décembre 1999,

soir

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Jacques Béné, Gilles Desplanches, Pierre Ducrest, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Claude Haegi, Georges Krebs, Armand Lombard, Alain-Dominique Mauris, Catherine Passaplan et Alberto Velasco, députés.

RD 342
3. Hommage à Mme Madeleine Bernasconi, députée démissionnaire. ( )RD342

Le président. Nous vous avons donné connaissance de la démission de notre collègue, Mme Madeleine Bernasconi, lors de notre session de novembre.

Je prie la secrétaire de bien vouloir donner lecture de ce courrier :

Annexe lettre Mme Bernasconi

Le président. Il est pris acte de cette démission.

M. Bernard Lescaze (R). Puisque l'agréable coutume est en train de prendre corps de remercier les députés qui se retirent, je tiens à dire à notre chère et estimée collègue, Madeleine Bernasconi, élue brillamment aux Chambres fédérales, combien le groupe radical est désolé de perdre une agréable collègue qui faisait un lien parfait entre les communes, dont nous venons de tant parler - notamment les communes importantes - le canton, la population.

On prête parfois aux radicaux des réputations imméritées. Eh bien, aujourd'hui, la députation radicale aux Chambres fédérales est la seule qui soit aux deux tiers féminine, avec Mme Saudan et Mme Bernasconi. Je constate que c'est le dernier tiers : l'homme, qui est le seul à rester parmi nous !

Mme Bernasconi a choisi courageusement d'accomplir pleinement son mandat fédéral. Je tiens ici à la remercier en lui disant toute la joie que j'ai à la voir poursuivre sa carrière à Berne et le regret que j'ai de la voir nous quitter.

Mme Madeleine Bernasconi. Merci ! (Applaudissements.)

Mme Madeleine Bernasconi (R). Il y a des traditions auxquelles je ne voudrais pas déroger même si mon passage au Grand Conseil aura été bref. J'espère avoir apporté très modestement ma contribution.

En tout cas, tous les sujets concernant les communes m'ont beaucoup apporté; les autres aussi d'ailleurs. Cela m'a permis d'essayer d'avoir une vision plus globale au niveau du canton. Il y a des sujets qui m'interpellent toujours autant et que j'espère pouvoir traiter le plus efficacement possible à Berne. Soyez assurés, comme je vous l'ai écrit, que je défendrai Genève - Genève, sa ville et ses communes - parce que c'est extrêmement important pour moi, puisque nous figurons maintenant à l'article 50 de la nouvelle Constitution. Je souhaite pouvoir remplir ce rôle et être une digne représentante de Genève.

Merci de l'amitié que j'ai pu trouver durant ces deux années passées au Grand Conseil. Il est vrai que nous ne sommes pas toujours d'accord, mais le débat a souvent été extrêmement intéressant, très riche, même si, parfois, il a été un peu plus difficile... Mais n'est-ce pas là le jeu et le rôle d'un parlement ?

Je vous souhaite tous de poursuivre votre mandat pour le bien de Genève. Je suis absolument sûre que Genève peut encore faire beaucoup plus, même au niveau social. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, je reste persuadée que Genève ne pourra pas remplir le rôle important qui est le sien sur le plan social sans une économie forte. Elle devra aussi jouer son rôle au niveau de la sécurité, car nous avons des problèmes qui se ressentent dans les villes, dans les communes, ce d'autant plus qu'elles sont proches de la frontière française. Et nous devons nous donner les moyens de pouvoir répondre aux besoins de la collectivité meyrinoise.

Merci, Mesdames et Messieurs, de la confiance que vous m'avez témoignée pendant cette période. Je vous souhaite également bonne chance à tous ! (Applaudissements.) 

Le président. Elue conseillère nationale, mandat pour lequel nous la félicitons vivement, Mme Madeleine Bernasconi a été élue députée en 1997.

Nous lui souhaitons plein succès dans l'exercice de son nouveau mandat.

Je te prie, chère Madeleine, de venir jusqu'à moi pour prendre possession du traditionnel stylo. (Le président descend du perchoir, remet le stylo souvenir à Mme Bernasconi et l'embrasse.)

RD 344-1
4. Rapport oral de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sur la compatibilité de la/du successeur remplaçant Mme Madeleine Bernasconi, députée démissionnaire. ( -)RD344
Rapport oral de Mme Esther Alder (Ve), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

Mme Esther Alder (Ve), rapporteuse. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a examiné avec soin la compatibilité de M. Charles Seydoux, remplaçant de Mme Madeleine Bernasconi, démissionnaire, et a constaté, à l'unanimité, qu'il n'y avait aucune incompatibilité à l'exercice de son mandat de député. 

Liens d'intérêts :

Liste 3 RADICAL

______________________________________________

MONSIEUR SEYDOUX Charles

Chef d'entreprise Seydoux-DMB S.A.

Seydoux-DMB S.A.

Tramon S.A.

RAM S.A.

Seydoux-Ith SA

S.S.E. Genève (S.I. Meinier)

Le président. Je vous remercie. M. Charles Seydoux prêtera serment ce soir à 20 h 30.

J'ai le plaisir de saluer à la tribune notre ex-collègue : Mme Polla.

E 1010
5. Prestation de serment de Mme Vérène Nicollier, nouvelle députée, remplaçant Mme Barbara Polla, députée démissionnaire. ( )E1010

Mme Vérène Nicollier est assermentée. (Applaudissements.)

6. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 8157
a) Projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Christian Grobet, Pierre Vanek, Rémy Pagani et Marie-Paule Blanchard-Queloz modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Limites territoriales). ( ) PL8157
 Mémorial 1999 : Projet, 8898.
PL 8163
b) Projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Daniel Ducommun, Pierre Froidevaux, Bernard Lescaze, Jean-Louis Mory, Jean-Marc Odier, Walter Spinucci et Marie-Françoise de Tassigny modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Révision totale). ( ) PL8163
 Mémorial 1999 : Projet, 8898.
RD 340
c) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil relatif aux actions entreprises, dans le cadre de la réforme de l'Etat, dans le domaine de la répartition des compétences entre l'Etat, la Ville de Genève et les communes. ( ) RD340
 Mémorial 1999 : Rapport divers, 8898.

7. Suite du débat de préconsultation sur les objets suivants :

Suite du débat de préconsultation

M. Bernard Lescaze (R). Nous en arrivons maintenant, après le débat de tout à l'heure, à l'examen du rapport du Conseil d'Etat et des deux projets de lois qui subsistent.

Je ne m'étendrai pas davantage sur le rapport du Conseil d'Etat, puisque celui-ci est, au fond, un rapport d'étape purement intermédiaire.

En revanche, en ce qui concerne les deux projets de lois - que le groupe radical vous demande de renvoyer l'un et l'autre à la commission législative et non pas à la commission des droits politiques, et je m'exprimerai également sur ce point - le groupe radical tient à dire, s'agissant du projet de loi sur les limites territoriales des communes, que les observations qui ont été faites quant au relatif conservatisme de ce projet ne sont effectivement pas sans objet. Si une telle loi avait existé au siècle dernier, les communes de Gy et de Jussy n'auraient à l'évidence pas pu être séparées, pas plus que celles de Laconnex, de Soral et d'Avusy. Enfin, Chêne-Bourg et Thônex constitueraient toujours la commune de Chêne-Thônex. En effet, dans chaque cas, si une partie de la population de ces communes voulait faire dissidence, la majorité de la commune dans la plupart des cas, mais qui se trouvait sur un point précis du territoire, ne le voulait pas.

Il s'agit donc d'examiner ce projet avec beaucoup d'attention, mais il faut aussi se souvenir que, lorsqu'une commune fait une résistance acharnée à un projet de fusion, elle obtient généralement gain de cause. Dans les années 30, avant la fusion des communes du Petit-Saconnex, des Eaux-Vives, de Plainpalais et de Genève, il avait été question d'y adjoindre la commune de Carouge. Celle-ci, pour des raisons bien compréhensibles, s'y est obstinément refusée et avait obtenu gain de cause, et, aujourd'hui, Carouge continue d'être une ville distincte de la Ville de Genève. Cela pour dire que le projet déposé par l'Alliance de gauche, s'il contient une démarche intéressante dans laquelle nous pouvons entrer, ne correspond peut-être pas exactement à ce à quoi il faudra arriver.

J'en viens maintenant au projet de loi instituant une constituante. En réalité, ce projet a suscité de la part de quatre groupes - si je compte le mien - des réflexions plutôt positives et une réflexion plutôt négative de la part de deux groupes, marqués par un certain conservatisme face à la situation actuelle, puisque tant les Verts que les libéraux ont déclaré qu'au fond, en substance, tout allait bien dans l'organisation institutionnelle et qu'ils ne voyaient pas pourquoi, la constitution ayant été changée à de nombreuses reprises, il fallait y réfléchir à nouveau. Mesdames et Messieurs, les constitutions de nombreux cantons, comme la Constitution fédérale, ont été revues à de très nombreuses reprises au cours du siècle écoulé et, pourtant, ces constitutions cantonales ont fait l'objet d'un toilettage complet, de même que la constitution fédérale, et c'est bien à cela que nous voulons arriver.

J'en viens à quelques objections qui m'ont été apportées par M. Halpérin qui, en faisant une lecture juridique étroite du projet, a, je crois, perdu de vue l'essentiel de ce projet. Nous voulons donner la possibilité de réviser la constitution par le moyen d'une constituante. Mais il s'agit d'un projet ouvert. Nous ne voulons pas imposer telle ou telle solution. L'article 65 et l'article 65A, auxquels faisait allusion M. Halpérin, sont précisément des cas dans lesquels on peut proposer une révision totale ou partielle rédigée de toutes pièces par le moyen d'une initiative constitutionnelle. Nous pensons qu'il appartient à la constituante de la rédiger.

On nous dit, d'une manière un peu puérile, que le nombre de sièges n'a pas été prévu... C'est qu'il nous semblait évident, comme dans les cantons où une constituante a récemment été nommée, par exemple à Fribourg et dans le canton de Vaud, que le nombre de sièges était équivalent à celui du Grand Conseil. C'était d'ailleurs ce que prévoyait la constitution genevoise dans un article qui figurait en 1847 et qui a subrepticement et regrettablement été supprimé en 1993 sans que personne s'en aperçoive vraiment ! Il prévoyait la possibilité, tous les quinze ans, de réviser la constitution sur simple vote populaire. Une seule fois, en 1862, le peuple a accepté une constituante. Ce projet de constitution a été écrit par ses constituants, puis rejeté en votation populaire.

Ce que nous voulons - les véritables avancées de ce projet - c'est que désormais la constituante, si notre projet est accepté, peut être à la fois décidée par le peuple en votation populaire - système de l'initiative - mais peut également être décidée par le vote du Grand Conseil à la majorité de ses membres - nous sommes aussi les représentants des citoyennes et des citoyens qui nous ont élus - et la constituante pourrait encore être décidée par le Conseil d'Etat. Il suffit donc qu'à la tête du Conseil d'Etat se trouvent quatre personnes dynamiques, modernes, innovatrices et ce projet pourrait également entrer en vigueur...

M. Claude Blanc. C'est pas demain la veille ! (Rires.)

M. Bernard Lescaze. Je ne sais pas si le Conseil d'Etat se retrouve dans les propos de mon cher collègue démocrate-chrétien...

Ce projet, de plus, abaisse le quorum à 3% pour permettre à des groupes qui ne sont pas des groupes politiques, mais qui s'intéressent à la vie civique, de pouvoir plus facilement y participer. Alors, évidemment, les partis politiques prennent un risque : celui de voir le WWF, la Société d'Art Public ou Action patrimoine vivant, présenter des candidats. Pour ma part, je prétends que si ces groupes élisent des représentants ce sera un enrichissement : un enrichissement pour la vie civique, un enrichissement pour la vie politique, un enrichissement pour la constituante. Les partis politiques ne doivent donc pas avoir ce réflexe corporatiste de limiter à leurs représentants les sièges à la constituante en imposant un quorum trop élevé. C'est un quorum qui est peut-être normal dans une représentation proportionnelle, mais pas dans une constituante.

Enfin, Mesdames et Messieurs, je vais expliquer pourquoi nous souhaitons que ce projet de loi soit renvoyé à la commission législative : parce que la commission des droits politiques est considérablement embouteillée par de nombreux autres projets et que nous voulons, nous - et aussi parce que le Conseil d'Etat mérite qu'on lui fasse confiance (Rires.) - aller vite. Et puis, la commission législative - M. Halpérin n'avait sans doute pas lu l'article 216 dans son alinéa 3 qui dit : «Tout objet peut lui être renvoyé par le Grand Conseil.» - est la seule commission qui bénéficie d'un tel alinéa. C'est bien la preuve que pour des projets importants, de nature constitutionnelle, la commission législative est la plus appropriée - la plus idoine, pour parler genevois - pour traiter convenablement de ce sujet, étant entendu que nous n'aborderons pas le fond, car ce qu'il faut mettre dans la constitution appartient, bien entendu, aux constituants.

Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de renvoyer ces projets à la commission législative.

M. Claude Blanc (PDC). Le débat précédent, comme celui-là d'ailleurs, fait apparaître un nombre considérable d'options diverses et d'alliances subites tout autant - je le suppose - qu'éphémères sur les sujets les plus variés... Tous les partis ont exprimé des prises de position assez étranges, et des regroupements non moins étranges se sont faits, si bien que nous ne sommes pas encore au bout de nos peines !

Je me suis abstenu de participer au débat précédent, car j'avais été mis en minorité dans mon groupe. Par contre, le groupe démocrate-chrétien est unanime pour dire que nous devons renvoyer à la commission législative les projets de lois n° 8157 et n° 8163. Pour ce qui est du 8157 - auquel j'adhère, par ailleurs : je le dis tout de suite - j'avoue que j'admire la qualité des signataires de ce projet de loi, qui prétend donner aux communes un droit pour ainsi dire de «souveraineté» sur notre territoire... En effet, on retrouve ces mêmes signataires dans les projets concernant les communes de Troinex et de Chêne-Bourg, dans lesquels ils foulent aux pieds allègrement, avec la complicité d'autres Verts, le droit de discussion des communes, au mépris, d'ailleurs, de l'article 15A de la LaLAT - nous y reviendrons tout à l'heure - que vous invoquez dans votre exposé des motifs pour mieux pouvoir le violer ! Excusez-moi de vous le dire, mais vous êtes vraiment doubles ! Ce projet de loi constitutionnelle - auquel j'adhère, je le répète - tend à améliorer de manière très importante le droit d'autodétermination des communes, alors que les deux autres projets, où figurent les mêmes signatures plus celles de quelques Verts égarés, suppriment tout droit de discussion des communes dans les problèmes d'aménagement de leur territoire ! Alors, Mesdames et Messieurs, dites-moi où est la logique ! Evidemment, en ce qui concerne les députés de l'Alliance de gauche, la logique consiste à faire la loi telle qu'elle les arrange et au cas par cas...

Toutefois, j'adhère à votre projet de loi, et je suis d'accord que nous l'étudiions en commission.

Le projet de loi radical pose un certain nombre de problèmes que nous ne pouvons pas nier. J'ai entendu tout à l'heure avec intérêt les socialistes se précipiter dans la brèche, mais je ne sais pas si ces derniers ont mesuré toute la portée de leurs propos ou s'ils pensent qu'en chargeant le bateau exagérément, ce sera le plus sûr moyen de le faire couler...

Pour ma part, je pense qu'on ne devrait pas charger cette constituante d'une révision totale de la constitution. Compte tenu des circonstances et de la nécessité immédiate incontestée de modifier les rapports entre l'Etat et les communes, on devrait pouvoir - la commission y pourvoira peut-être - introduire dans cet article constitutionnel nouveau une restriction, c'est-à-dire charger la constituante de régler essentiellement ce type de problèmes. Madame la présidente du Conseil d'Etat, vous avez l'air de me dire que dans ces conditions j'aurais pu voter le projet...

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je ne dis rien !

M. Claude Blanc. Malheureusement, non seulement votre projet était mal étudié mais, en plus, il a été fait à la hussarde sans avoir fait l'objet d'une consultation, ce qui aurait été la moindre des choses dans une telle matière. De plus, le Conseil d'Etat a orchestré dans son sein des fuites qui ont ameuté la presse et qui a mis tout le monde sur les pattes de derrière... Il n'était donc plus possible de discuter sereinement d'un projet aussi mal parti.

Les radicaux nous tendent maintenant une perche pour reprendre le débat d'une manière sereine : nous allons saisir cette perche, mais, j'insiste, il faudrait aborder le problème d'une manière sectorielle. Il faudrait au moins vingt ans pour faire une révision totale de la constitution, et je ne suis même pas sûr du succès d'une telle entreprise. Si vous voulez vraiment arriver à quelque chose, il faut faire une révision sectorielle.

La commission des droits politiques est surchargée. Ce projet est très important et la commission législative est, déjà par sa composition plus restreinte, la commission la plus adéquate pour examiner ce projet, d'autant plus que le fait même qu'elle soit restreinte ont conduit les groupes à y envoyer les meilleurs de leurs membres... (Rires.) Je vous remercie de votre attention.

M. Christian Grobet (AdG). Je voulais intervenir sur un seul point, mais M. Blanc, qui a l'art de nous titiller, m'amènera à parler de l'autre, et c'est par là que je commencerai.

Monsieur Blanc, vous étiez déjà sur les bancs du Grand Conseil quand on a introduit le droit d'initiative en matière d'aménagement du territoire. Le but était de donner un droit d'initiative aux communes, mais également aux députés. Dans le cadre de l'exercice de ce droit d'initiative, il est évident que les procédures doivent être menées conformément à la LaLAT, c'est-à-dire enquêtes publiques, préavis, etc. Que je sache, ces procédures ont été régulièrement conduites par le département des travaux publics, en ce qui concerne les deux projets de lois que vous avez cités : de Troinex et de Chêne-Bougeries, cela malgré l'obstruction illégale de la commune de Troinex. Elles ont donc été écoutées ! Nous, par le dépôt de ce projet de loi, nous voulons simplement que le Grand Conseil prenne la décision finale qui sera débattue, soit d'accepter ce projet de loi, comme les auteurs de la proposition l'ont suggéré, soit de le refuser ou de le modifier en fonction des préavis communaux. La procédure légale est donc tout à fait respectée, aussi vos allusions sont totalement erronées !

J'aimerais surtout en revenir à la commission à laquelle ces projets de lois constitutionnelles devraient être renvoyés. Nous pensons que la commission législative est la plus adéquate et non la commission des droits politiques comme vous l'avez suggéré, Monsieur Halpérin. Votre intervention de tout à l'heure est d'ailleurs la meilleure démonstration des raisons pour lesquelles il faut renvoyer ces deux projets de lois constitutionnelles à la commission législative. Vous avez du reste bien fait de souligner que la commission des droits politiques s'occupe des droits politiques des citoyens. Or, ces projets dépassent largement les questions de droit de vote. Ces projets de lois posent des problèmes institutionnels - nous avons toujours considéré qu'il était souhaitable que de tels problèmes soient traités par la commission législative, mais ils posent surtout des problèmes de constitutionnalité. Vous avez fait un long discours pour dire tout le mal que vous pensiez de la rédaction du projet de loi radical, si j'ai bien compris. Vous ne pouviez pas faire une meilleure démonstration de la nécessité de renvoyer ces deux projets de lois à la commission législative !

C'est la proposition que nous faisons, Monsieur le président !

Le président. Madame Sayegh, je vous rappelle que nous sommes en préconsultation et que chaque groupe disposait de 10 minutes. Il vous en reste une ! (Rires.)

Mme Christine Sayegh (S). Cette minute me suffira pour exprimer que le groupe socialiste propose également le renvoi des deux projets ainsi que du rapport à la commission législative pour toutes les raisons qui ont déjà été invoquées par mes préopinants.

PL 8157 et PL 8163

Le président. Deux proposition ont été faites pour la poursuite de l'étude de ces deux projets de lois : le renvoi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil et le renvoi à la commission législative. Je vais les opposer : celles et ceux qui sont favorables au renvoi à la commission législative se manifestent en levant la main.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ces projets à la commission législative est adoptée.

RD 340

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport divers à la commission législative est adoptée.

 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant de prendre le point 20 de l'ordre du jour tel que nous l'avions décidé, je prends rapidement le point 19 étant donné qu'il ne va vraisemblablement pas susciter de discussion.

PL 8054-A
8. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement pour l'acquisition du matériel et de logiciels nécessaires au projet «Apprendre à communiquer» dans les écoles. ( -) PL8054
Mémorial 1999 : Projet, 2455. Renvoi en commission, 2679.
Rapport de M. Dominique Hausser (S), commission des finances

Ce projet de loi a été renvoyé à la Commission des finances dans le cadre de l'examen du budget 1999. La commission unanime a souhaité examiner ce crédit d'investissement de façon indépendante et a demandé à la sous-commission des finances chargée des projets liés à l'informatique de l'Etat d'en étudier les aspects techniques avant de se prononcer.

La sous-commission a étudié ce projet lors de sa séance du 7 juillet 1999 en présence de M. Raymond Morel, du Centre pédagogique des technologies informatiques et de communication, DIP et de M. Nicolas Baumgartner, contrôleur de gestion, CTI.

La Commission des finances a examiné ce projet de loi lors de la séance du 22 septembre 1999, présidée par M. Bernard Lescaze et avec la participation de M. Raymond Morel.

L'exposé des motifs accompagnant ce projet de loi décrit dans le détail les enjeux et les objectifs pédagogiques dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC).

Les paragraphes suivants qui les résument sont repris d'un texte publié dans la revue Informatique-Informations n° 33, pages 6 à 10 (en juin 1997).

Les TIC au DIP

Objectif du document

Ce texte constitue le projet-cadre du Département de l'instruction publique en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le domaine de la formation : il montre dans quel cadre s'inscriront les projets pédagogiques du département, lesquels seront présentés - après avoir obtenu l'approbation départementale - aux responsables de la gestion du portefeuille de la réforme Symphonie.

Ce document définit d'une manière générale ce que sont les TIC, à quoi elles servent, comment elles s'intègrent dans un système éducatif en mutation et quel est leur impact dans la formation des jeunes, aujourd'hui et demain.

Ensuite, chaque ordre d'enseignement décrira plus spécifiquement à partir des tableaux ci-dessous les compétences et les savoirs développés dans leurs écoles.

Préambule

Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont en passe de bouleverser considérablement les sociétés qui y ont accès, les rapports des citoyens au travail et aux loisirs. Plus particulièrement, elles bouleverseront, selon toute hypothèse, autant sinon plus que l'irruption des mass médias et de la télévision, les rapports des individus et des collectivités aux savoirs. A ce titre, il n'est pas concevable qu'un système d'éducation, de surcroît lorsqu'il est engagé dans un processus de réforme ou de rénovation, se permette d'ignorer les défis, les apports et les risques que ces technologies entraînent de facto.

On compare souvent la révolution induite par l'apparition des TIC à celle de l'émergence de l'écriture dans les sociétés antiques ou à celle de l'invention de l'imprimerie à la Renaissance. Sans recul historique, ces affirmations ne sont pas vérifiables. Dans une vision prospective, il est néanmoins nécessaire d'en tenir compte:

A l'instar de l'écriture, les TIC surgissent comme un code nouveau réservé à un groupe d'initiés alors qu'elles possèdent un potentiel d'universalité dont il ne faut pas tenir éloignés les élèves.

Elles reposent sur des savoir-faire techniques spécifiques qui, comme dans l'apprentissage de l'écriture, peuvent se décliner dans un éventail d'aptitudes qui vont des plus simples aux plus sophistiquées.

En tant que média, et support d'informations et de connaissances, les TIC donnent naissance à de nouvelles conventions de lecture et d'écriture, de la même manière que l'imprimé ou la télévision, en des temps différents, ont changé les habitudes de leurs « utilisateurs ».

Les TIC, dans les domaines du savoir, ne s'appliquent pas particulièrement à telle ou telle discipline constituée. Elles n'ont pas plus de préférences pour les sciences que pour l'étude des langues. Elles se plient volontiers aux usages actuels de chaque discipline et ouvrent des possibilités nouvelles qui sont encore largement à explorer.

Les TIC revalorisent paradoxalement l'écrit dans une culture qu'on a parfois identifiée à celle de l'image. Le numérique est aujourd'hui le dénominateur commun de domaines d'expression jusqu'ici disjoints : l'écrit, l'image, le son, la vidéo, etc. Il est assez naturel dès lors de chercher à unifier l'approche et l'analyse de ces différents domaines. C'est un des rôles des systèmes d'éducation et des enseignants que de ré-élaborer les connaissances nouvelles pour les mettre à la portée des élèves, sans les simplifier à outrance ni les déformer.

La place et le statut des TIC dans les processus de réforme de l'enseignement et des apprentissages

A la fin du XIXe siècle, savoir lire, écrire, compter a été jugé primordial pour vivre et travailler dans la société qui s'annonçait. Apprendre, être autonome et exercer des choix en tant qu'individu et citoyen dans une société en mutation peut difficilement se concevoir à l'aube du prochain siècle sans une connaissance et une pratique des TIC. L'école doit armer les élèves pour un futur changeant et incertain, pour des processus d'apprentissage et de formation continue qui prendront place dans un décor en permanente mutation, pour des métiers qui n'existent pas encore. A l'heure des réflexions sur les nécessaires changements qui doivent affecter les systèmes d'éducation, les TIC et ce qu'elles mettent en jeu dans le domaine des savoirs s'inscrivent comme incontournables.

L'apprentissage de l'autonomie des élèves implique désormais l'apprentissage et la maîtrise des TIC. L'école ne réussira à intégrer ces technologies valablement qu'en plaçant les élèves dans des situations d'apprentissage actif. Le passage d'une logique de l'enseignement à une logique des apprentissages est autant une condition qu'un objectif d'une mise en oeuvre réussie des TIC.

Défi pour l'école

Les TIC constituent une source d'informations et de savoirs en compétition avec les mass médias (en particulier pour le public qui relève de l'école obligatoire). Il est probable que l'école, en tant que prestataire de savoirs, restera la seule source ayant une réelle capacité d'analyse et de synthèse des différents domaines de la connaissance et de ses modes de diffusion. Maintenir cette capacité, c'est là le défi majeur que l'école doit relever à brève échéance.

Par ailleurs, il est difficile de considérer les TIC comme un domaine particulier de savoirs, de compétences à acquérir, d'aptitudes à développer de manière spécifique. Elles ne sont pas une nouvelle branche de l'arbre des connaissances utiles à l'Homme du XXIe siècle. Si l'on compare les TIC avec l'émergence de l'écriture, c'est plutôt comme un contenant, une forme, un équivalent général, comme une langue ou un langage qu'il faut les considérer. Il est urgent que les institutions scolaires prennent conscience que se produit actuellement un changement qui affecte toute la société. Il faut qu'elles s'engagent à tirer les conséquences qui s'imposent au regard des compétences de base qu'elles doivent développer chez les élèves. L'école doit agir de manière responsable face aux dangers du chômage et des exclusions sociales. Voilà encore un défi pour l'école.

Heureusement, l'école n'est pas démunie pour donner les réponses qui s'imposent et intégrer les TIC de manière adéquate. Il est possible d'analyser les besoins actuels en formation, pour autant que l'on sache les replacer dans un cadre général.

Compétences et savoirs à développer dans les systèmes d'éducation

Les tableaux ci-après essaient de répertorier les besoins en formation des générations actuelles d'élèves. Ils sont volontairement assez généraux pour intégrer les ordres d'enseignement primaire, secondaires I et II, y compris les écoles professionnelles. Il faut cependant les lire de manière dynamique.

Il revient à chaque type d'école ou à chaque centre de concertation de porter un accent préférentiel sur tel ou tel type d'approche (certains aspects techniques seront plus développés dans telle école, certains aspects critiques davantage dans telle autre, par exemple). Tous les niveaux éducatifs sont néanmoins concernés par les compétences et les savoirs liés aux notions fondamentales des TIC.

Ces tableaux restent ouverts...

A. Compétences et savoirs liés aux TIC en particulier

Les TIC sont considérées comme un objet de connaissance (rapport sujet-objet) :

traiter l'information ;

communiquer ;

utiliser des interfaces (dialogue homme-machine) ;

comprendre le fonctionnement d'un automate ;

savoir utiliser les applications professionnelles.

B. Compétences et savoirs liés aux TIC en tant que média

Les TIC sont considérées comme un vecteur de connaissance (rapport sujet-sujet) :

être capable de lire, de produire et de traiter des documents, y compris multimédia ;

diffuser, mettre à disposition de l'information (processus de communication) ;

rechercher, organiser, critiquer l'information ;

réalité/« réalité » virtuelle.

C. Compétences et savoirs liés aux TIC dans les disciplines scolaires

Les TIC sont considérées en tant qu'apport dans les domaines constitués du savoir :

utiliser les nouvelles possibilités de représentation des savoirs liés à une discipline particulière ;

simuler et modéliser ;

traiter des informations de divers types et de différentes sources ;

développer le caractère opératoire lié aux différents savoirs ;

compléter certains apprentissages de base existants ;

renforcer la communication ;

favoriser la créativité.

D. Compétences et savoirs liés aux TIC et au statut du savoir

Les TIC sont considérées comme facteur de changement des savoirs et des rapports aux savoirs (approches « méta- » (y compris didactiques), philosophiques, éthiques).

anticiper les modifications de statut du savoir (information dynamique, récepteur-auteur) ;

renforcer le potentiel transdisciplinaire des TIC ;

favoriser l'élaboration et l'exécution de projets pédagogiques, au niveau des élèves, des enseignants, des écoles ;

renforcer le travail collaboratif ;

tenir compte de nouveaux besoins liés à l'évolution de la relation entre les divers partenaires de l'école ;

faciliter les interactions entre l'école et la société.

Formation des maîtres

La définition d'un projet-cadre du Département de l'instruction publique en matière de TIC, la reconnaissance de la nécessaire mise sur pied de projets pédagogiques donnant leur place aux TIC dans un système éducatif en mutation ne peuvent se limiter à tracer le profil des apprentissages des élèves.

En amont, la question de la formation des enseignants se pose avec acuité, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue. Du point de vue des divers aspects du perfectionnement professionnel des enseignants, on peut considérer les TIC tour à tour comme un domaine de compétence en tant que tel, comme une panoplie d'outils au service des processus d'apprentissage, et, last but not least, comme un champ de savoirs de référence ouvrant à une nécessaire pratique réflexive. Une formation bien pensée à l'intention des enseignants ne devrait pas négliger des dimensions aussi importantes que celles de la communication et des méthodes de travail (pédagogie), des conditions d'appropriation et de construction des savoirs (didactique), ainsi que les dimensions psychologiques et sociologiques de ces technologies.

Il est nécessaire dès lors que les différentes instances du département concernées par la formation des maîtres coordonnent leurs visées et leurs démarches en vue de proposer aux enseignants actuels et futurs l'acquisition des compétences qui leur permettent de mieux connaître les TIC, d'en user à bon escient dans leur pratique professionnelle, d'y former les élèves de manière adéquate, d'être conscients de leurs limites, de se préserver des dérives toujours possibles lorsqu'un domaine du savoir n'est pas suffisamment pris en compte par les systèmes éducationnels.

Des réponses concrètes

Parmi les difficultés rencontrées par les systèmes éducationnels, il faut mentionner l'apparition périodique de nouveaux champs du savoir et l'explosion des connaissances, en particulier scientifiques. L'école ne peut faire face à ces transformations par un simple procédé d'addition. Pour répondre à cette explosion, elle est amenée à modifier ses pratiques et ses objectifs.

L'introduction ou plutôt la prise en compte des TIC ne doit pas se profiler comme la possibilité d'une crise à venir mais plutôt comme une réponse partielle mais pertinente à certaines difficultés actuelles. L'intégration des TIC est une composante nécessaire des rénovations en cours. A ce titre, il faut engager l'autorité scolaire et les professionnels de l'enseignement à envisager les TIC comme une opportunité de développement...

Que demande le projet de loi ?

Il s'agit d'installer 92 ateliers de 12 postes de travail dans des établissements de l'enseignement primaire, du cycle d'orientation de l'enseignement post obligatoire, du CEPSPE, de l'OJ/service médico-pédagogique (voir le tableau résumé ci-dessous). Ceux-ci seront déployés d'ici à 2001.

Le prix de l'équipement est de 30 000 F, soit 2500 F par poste, comprenant tant les PC que les logiciels nécessaires. Ce prix est tout à fait raisonnable.

Le décompte total retenu pour les ateliers à installer est le suivant sur les trois ans :

Nombre d'ateliers

F

Observations

Enseignement primaire

30

900 000 F

passage d'un poste pour 40 élèves à un poste pour 20 élèves

Cycle d'orientation

20

600 000 F

3e atelier

Enseignement postobligatoire

36

1 080 000 F

(n+1)e atelier

CEPSPE

3

90 000 F

3 lieux

OJ/Service médico-pédagogique

3

90 000 F

à répartir

Total

92

2 760 000 F

Il conduit au plan d'investissement suivant :

La Commission des finances, après avoir entendu M. Morel, a souhaité avoir des garanties concernant d'une part la demande et la véritable utilisation de ces équipements, et d'autre part quels seraient les critères de répartition dans les divers établissements, si des efforts étaient entrepris pour ne pas porter préjudice aux établissements des quartiers populaires, quartiers dans lesquels les possibilités d'utilisation de l'informatique étaient à la maison sont moindres.

M. Morel a précisé que les propositions de projets étaient nombreuses et la répartition géographique et sociale variée.

La Commission des finances a voté l'entrée en matière et le vote final à l'unanimité.

Mesdames et Messieurs les députés, la Commission des finances vous recommande de suivre sa recommandation et d'approuver ce projet de loi qui relève de la pédagogie et non de l'informatique administrative de l'Etat de Genève.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8054)

ouvrant un crédit d'investissement pour l'acquisition du matériel et de logiciels nécessaires au projet «  Apprendre à communiquer » dans les écoles

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

décrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit d'investissement

Un crédit de 2 760 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition du matériel et de logiciels nécessaires au projet « Apprendre à communiquer ».

Art. 2 Budget d'investissement

Ce crédit est réparti en trois tranches annuelles inscrites au budget d'investissement en 1999 (360 000 F), 2000 (1 200 000 F) et 2001 (1 200 000 F) sous la rubrique 17.00.00.506.49 du centre des technologies de l'information.

Art. 3 Financement et couverture des charges financières

Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement « nets-nets » fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

Art. 4 Amortissement

L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.

Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

PL 7611-A
a) Projet de loi de Mmes et MM. René Longet, Bernard Lescaze, Vesca Olsommer et Erica Deuber Ziegler sur le partenariat. ( -) PL7611
Mémorial 1997 : Projet, 4685. Renvoi en commission, 4701.
Rapport de M. Michel Halpérin (L), commission judiciaire
P 1222-A
b) Pétition : Soutien au projet de loi sur le partenariat. ( -)P1222
Rapport de M. Michel Halpérin (L), commission judiciaire

9. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :

Introduction

Le projet de loi sur le partenariat a été déposé le 5 mai 1997 par Mmes et MM. les députés René Longet, Bernard Lescaze, Erica Deuber-Pauli et Vesca Olsommer.

Ce projet et son exposé des motifs sont annexés au présent rapport, pour permettre aux députés qui le souhaiteraient de comparer ces textes à ceux qui sont issus des travaux de la Commission.

En substance, la proposition consisterait à permettre à deux personnes de se faire reconnaître « partenaires » par un officier d'état civil. Les effets de ce partenariat consisteraient, pour l'essentiel, en une application analogique aux partenaires des dispositions cantonales régissant les conjoints.

Pour ses auteurs, ce projet était destiné à prendre en considération l'évolution du mode de vie en Suisse et le fait que le mariage « n'est de loin, plus la seule forme de vie en commun pour deux personnes ». Le but était « d'offrir à ceux et à celles qui ont choisi de vivre à deux sans se marier, qu'ils soient de même sexe ou de sexe opposé, les aménagements nécessaires à l'épanouissement et la protection de leur communauté et les mêmes avantages fiscaux qu'aux couples mariés. »

II. Travaux de la Commission

La Commission judiciaire est généralement surchargée. Elle l'a été plus encore qu'à l'accoutumée en 1997 et 1998, notamment en raison de l'élaboration de la législation relative aux prud'hommes. Elle a donc cumulé des retards qui ont entraîné, le 21 octobre 1998, le dépôt d'une pétition comportant 2000 signatures, pour soutenir le projet de loi 7611.

La Commission, sous la présidence ferme et bienveillante de Mme la députée Fabienne Bugnon, a commencé ses travaux au mois de mars 1999 et elle s'est, jusqu'au 8 septembre 1999, réunie à huit reprises pour traiter de ce sujet.

Elle a procédé aux auditions du Grepa, du groupe Sida Genève, de l'Association Dialogai, du Centre Nathalie Barney, de l'Association des juristes progressistes, de Me Jean-Pierre Garbade, principal rédacteur du projet de loi, de M. Bernard Lescaze, député et signataire du projet. Elle a également interrogé par écrit M. Bernard Gruson, directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Ses travaux ont été suivis, pour le Département de justice et police et des transports (DJPT), par M. Nicolas Bolle, secrétaire adjoint.

1. Audition du GREPA :

Ce groupement a vu le jour en 1996 sur la base des réflexions de trois couples réunis par les multiples difficultés qu'ils rencontraient au quotidien du fait qu'ils n'étaient pas mariés (l'un de ces couples était hétérosexuel, les autres homosexuels).

Ce groupe a élaboré, avec le concours actif de Me Garbade, le texte qui a été présenté par les députés signataires du projet de loi 7611.

Il s'agissait, dans l'esprit des concepteurs, de palier aux nombreuses embûches que rencontrent les couples homosexuels, particulièrement face à des situations dramatiques telles que maladie du compagnon, funérailles, etc. Selon les personnes auditionnées, le vide juridique régnant à l'heure actuelle a notamment pour conséquence d'empêcher ces couples, victimes de tracasseries et de discrimination, d'assumer leur mode de vie en pleine lumière.

2. Audition du groupe Sida Genève :

Ce groupe est plus particulièrement préoccupé par les circonstances douloureuses que traversent des personnes victimes de cette maladie, soit du fait d'un accès difficile à l'hôpital pour le compagnon ou la compagne de la personne malade, qu'il s'agisse de visites ou d'orientation sur les choix du traitement, soit, lors d'un décès, dans l'organisation des cérémonies funéraires. Des problèmes se posent aussi en termes de droits successoraux, qu'il s'agisse du partage des biens communs, de la dévolution successorale ou encore de l'imposition ou du deuxième pilier. Ces couples, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, rencontrent aussi des difficultés de logement, en ce sens par exemple que si le locataire est décédé, le survivant ne peut faire valoir aucun droit à l'égard du bailleur.

Le groupe signale également que les lois de procédures civile et pénale permettent à des couples mariés ou à des membres de la famille de ne pas témoigner dans des affaires touchant leurs proches, mais que ce droit ne s'applique pas aux couples non mariés.

Ces situations pénibles révèlent la difficulté des personnes concernées à vivre normalement leur vie de couple.

A l'appui de ses explications, le groupe a déposé un résumé de synthèse figurant en annexe à la présente.

3. Audition de Dialogai :

Cette association, qui réunit des homosexuels, est naturellement favorable au projet de loi, mais non sans réserve. D'une part, la plupart des problèmes matériels évoqués relèvent du droit fédéral - ce qui n'empêche pas qu'il soit nécessaire de légiférer déjà au niveau des cantons, ne serait-ce qu'à titre pédagogique. D'autre part, il serait plus honnête, plus rigoureux et plus courageux de limiter ce projet aux couples de même sexe. En effet, les couples hétérosexuels ont, eux, la possibilité de se marier.

Pour Dialogai, l'un des points essentiels est celui du permis de séjour. Lorsqu'un des deux partenaires est étranger, le fait de son compagnonnage avec un citoyen suisse devrait lui permettre de bénéficier d'un permis. Cette question, elle aussi, relève du droit fédéral, mais un message cantonal serait le bienvenu.

Pour le surplus, sont évoqués, comme par les précédents intervenants, les problèmes de fisc, notamment dans le cadre du droit successoral, d'assistance sociale et de logement.

4. Audition du Centre Nathalie Barney :

Cette association, fondée il y a dix ans, défend la cause des femmes homosexuelles. Elle anime un centre de documentation et une permanence téléphonique.

Il s'agit d'un groupe militant qui attache la plus grande importance au projet de loi sur le partenariat car il est propre à conduire à la fin des discriminations dont les homosexuels sont victimes.

Quant au contenu concret du projet, l'accès à l'hôpital et la question successorale sont les sujets les plus importants.

5. Audition de l'Association des juristes progressistes :

Cette dernière est surtout intéressée par les problèmes juridiques que fait apparaître le projet de loi. Elle présente des propositions d'amendements tendant à renforcer la portée des engagements mutuels que devraient prendre les partenaires.

Pour les Juristes progressistes, le projet de loi devrait s'appliquer tant aux couples homosexuels qu'hétérosexuels non mariés.

Il devrait comporter une modification de la législation fiscale actuelle avec une réduction, pour le partenaire survivant, des droits de succession. Ce qui implique évidemment que soit aussi prise en compte la problématique de l'impôt sur le revenu.

De même, les questions de droit de visite et de choix thérapeutiques doivent être réglées de façon claire, comme celles du témoignage, des caisses de pensions et du droit au bail (ces deux derniers points relevant pour l'essentiel du droit fédéral).

Quant à la proposition contenue dans le projet de loi de placer les partenaires sous le régime de la séparation de biens, il n'est pas nécessairement favorable aux objectifs des personnes concernées qui cherchent plutôt à s'assurer une forme de droit au partage de leurs biens communs. Il serait sans doute plus judicieux de placer ces partenaires sous le régime de la participation aux acquêts.

Comme les autres personnes auditionnées, les représentants des Juristes progressistes estiment que si l'essentiel des problèmes relèvent du droit fédéral, l'impulsion peut et doit venir des cantons.

6. Audition de Me Jean-Pierre Garbade :

Cet avocat a rédigé le projet de loi en concertation avec les milieux intéressés.

Il complète ses travaux par la remise de quelques propositions d'amendements ainsi que de diverses dispositions cantonales, relevant de la procédure civile ou pénale, du fisc, de la santé ou de la fonction publique.

Me Garbade évoque d'abord l'évolution de Dialogai. Cette association soutient aujourd'hui un projet de loi exclusivement destiné aux homosexuels, mais cela n'a pas toujours été son point de vue.

Il s'arrête ensuite sur la finalité du projet de loi. Le bien protégé devrait être « la communauté de toit » qui mérite, en tant que telle, reconnaissance et protection.

Le but essentiel du projet de loi est d'assimiler la notion de partenaire à celle de proche et de conjoint. Il ne s'agit pas de créer une institution, mais de reconnaître un état de fait.

Le projet de loi a naturellement un intérêt particulier pour les homosexuels, mais il peut servir aussi à éviter les mariages blancs, c'est-à-dire ceux qui sont contractés de façon artificielle, pour permettre à l'un des conjoints d'obtenir des avantages qui lui seraient sans cela refusés. Il importe en définitive de fixer les paramètres principaux de la vie commune et de la solidarité mutuelle qui en découle. Dès lors qu'ils ne cohabitent plus, il n'est pas nécessaire de prévoir une protection d'un des partenaires à l'égard de l'autre, ni un prolongement de leur devoir de solidarité, puisque la vie commune est terminée.

7. Déposition écrite de M. Bernard Gruson :

Les drames décrits par un certain nombre de personnes auditionnées autour de l'hospitalisation du partenaire ont conduit la Commission à vouloir entendre le directeur des HUG. Dans l'impossibilité de procéder à cette audition dans un délai suffisamment rapproché, la Commission a adressé à M. Gruson par écrit ses questions, auxquelles celui-ci a répondu par lettre du 26 mai 1999, annexée au présent rapport.

En résumé : la législation genevoise a introduit à plusieurs reprises la notion de « proches » dans les textes, en particulier dans les lois régissant les rapports entre les membres des professions de la santé et les patients. Si cette notion n'est pas définie par la législation en vigueur, elle l'a été par le Tribunal fédéral, qui considère qu'est un « proche » du patient la personne qui lui est le plus étroitement liée, sans nécessairement habiter avec lui, ni même appartenir à sa famille.

Dans la pratique, c'est le patient qui donne son consentement au traitement. A défaut, le représentant légal. Ainsi, la famille n'a pas de droit particulier en cette matière et à cet égard la notion de proche s'entend aussi bien de la famille que d'autres personnes telles qu'un partenaire ou un concubin.

Lorsque des difficultés surgissent, elles ne sont en général pas le fait de l'hôpital, de son personnel ou de sa réglementation mais plutôt la résultante d'un conflit entre certains membres de la famille et le (la) partenaire ou concubin(e) du patient.

Les équipes soignantes disposent d'une certaine marge d'appréciation qui peut parfois être mal appliquée, mais, d'une manière générale, la pratique des hôpitaux est plutôt de donner une interprétation large de la notion de proche en y incluant en tout cas le partenaire ou concubin.

8. Audition de M. Bernard Lescaze :

En sa qualité de coauteur et signataire du projet de loi, notre collègue estime que ce projet de loi devrait viser aussi bien les couples homosexuels que ceux, hétérosexuels, qui ne désirent pas se marier. Il devrait avoir une application universelle, mais pas aussi large que le texte le fait apparaître. En particulier, M. Lescaze pense qu'il n'a jamais été question dans l'esprit des auteurs d'étendre l'application de ce texte à des partenaires n'entretenant pas de relations sexuelles (partenaires commerciaux ; grands-pères et petit-fils, etc.).

III. Débats au sein de la Commission

1. Finalités de la législation proposée

Les attentes des proposants sont, en synthèse, les suivantes :

A) Sur le principe :

Tous les intervenants, auteurs ou personnes auditionnées, ont insisté sur la nécessité d'un acte de reconnaissance du droit de chacun à choisir le mode de vie qui lui convient, en d'autres termes à faire en sorte que disparaissent les discriminations actuellement pratiquées à l'endroit des homosexuels, hommes ou femmes.

Tous souhaitent également que le législateur prenne acte de l'évolution des moeurs et du fait que le mariage ne serait plus le seul mode de vie possible, ainsi qu'en atteste la grande diversité des expériences vécues par nos compatriotes, ou du moins par un nombre croissant d'entre eux.

La plupart enfin des personnes auditionnées sont favorables à un projet de loi qui s'applique tant aux couples homosexuels qu'à ceux qui, hétérosexuels, font le choix de ne pas se marier. Il s'agit, surtout, d'éviter l'adoption d'un texte qui, en mettant un terme à la discrimination à l'endroit des homosexuels, en créerait une autre, touchant les couples hétérosexuels non mariés.

B) Sur les modalités et le contenu du partenariat :

D'une manière générale, pour les auteurs et partisans du projet de loi, les questions à résoudre sont les suivantes :

a) Reconnaissance d'une communauté de droit et d'un devoir de solidarité corrélatif au sein des couples non mariés.

b) Création d'un régime analogue aux régimes matrimoniaux pour les partenaires.

c) Instauration d'un droit pour les partenaires à un bail conjoint, ainsi que d'un droit au maintien de l'un des deux partenaires dans les locaux dont l'autre serait seul locataire, même en cas de départ ou de décès de ce dernier.

d) Révision du droit des successions pour faciliter la désignation d'un partenaire comme héritier de l'autre.

e) Création d'un droit pour le partenaire étranger à obtenir un permis de séjour s'il vit en ménage avec un compagnon ou une compagne suisse.

f) Droit pour les partenaires aux fonds de prévoyance, caisses de retraites ou allocations diverses habituellement réservés au conjoint.

g) Reconnaissance de la qualité de « proches » à des partenaires, surtout dans le cadre des relations avec les établissements hospitaliers.

h) Révision de la fiscalité, particulièrement au chapitre de l'impôt de succession.

i) Modification de l'obligation de témoigner dans des procédures judiciaires.

2. Discussions au sein de la Commission

A) Le principe du partenariat :

De l'avis des personnes auditionnées, ce partenariat est fondé sur un concept de vie commune rattaché à l'existence de liens affectifs et sexuels. Il n'est donc pas question de créer une variante particulière de la société simple régie par le Code des obligations, ni de passer outre aux interdictions qui frappent la conclusion d'un mariage.

Pourtant, le texte du projet de loi n'est ni aussi clair dans ses propos, ni aussi précis dans sa formulation :

a) Quelques auditions et les débats au sein de la Commission ont fait apparaître, ce qui est évident, que certains mariages n'ont ni véritable vocation familiale, ni contenu affectif ou sexuel. De sorte qu'il est permis de se demander, ce qu'ont fait certains, pourquoi il serait exigé des partenaires la réalité d'un type de liens qui n'est que supposé lorsqu'il s'agit de conjoints unis par ceux du mariage.

Par opposition, si le partenariat n'était qu'une forme d'association comme beaucoup d'autres, il ne serait nullement nécessaire de légiférer, les instruments utiles figurant déjà dans le Code civil (articles 60 et suivants) ou dans le Code des obligations, qui connaît de nombreuses formes de sociétés.

Ce dont il s'agit relève donc bien du mode de vie à deux, ce qu'attestent au demeurant les propositions contenues dans le projet de loi puisque figure à son article 1er l'obligation pour les partenaires de faire ménage commun et de s'assister mutuellement.

b) Les commissaires ont par conséquent été pour le moins surpris que l'article 2 du projet prévoie la possibilité pour chacun des partenaires de mettre un terme unilatéral au partenariat avec effet immédiat.

Cette formule, qui s'apparente à une répudiation, serait justifiée, selon plusieurs des personnes auditionnées, dès lors que le partenariat ne serait pas une institution, mais un simple état de fait.

D'où un paradoxe : un état de fait a-t-il besoin d'être institutionnalisé par le législateur ? Et dans l'affirmative, le législateur peut-il créer un cadre comportant des engagements mutuels susceptibles d'être résiliés unilatéralement et immédiatement ? On retiendra que le droit du divorce, lui, ne permet rien de tel.

c) Face à cette confusion, la Commission, constatant qu'il est inutile de fixer un cadre à un mode de vie qui se définit précisément comme un refus de la norme, aurait pu rejeter le projet. Ce d'autant qu'elle était soucieuse de ne pas introduire dans la législation une sorte de « mariage au rabais » ou une quelconque autre caricature d'institution.

d) Elle a cependant tout de même choisi d'entrer en matière, essentiellement en raison de la situation particulière des homosexuels.

Car si le partenariat est bien un mode de vie, les couples hétérosexuels qui l'ont choisi gardent la faculté, s'ils le souhaitent, de se marier. Dès lors, ne pas leur réserver un statut juridique en dehors du mariage ne consacre aucune forme de discrimination.

Les homosexuels en revanche sont dans l'impossibilité de se marier. Ils marquent en outre une vive attente d'une reconnaissance publique leur permettant d'assumer leur choix de vie en pleine lumière et sans inégalité de traitement.

Certes, ce choix du mode de vie, implicitement, est couvert par la Constitution genevoise. Mais il n'est pas totalement garanti dans les faits et les commissaires ont constaté la réalité des discriminations dont sont encore trop souvent victimes des couples homosexuels.

Bien que ces discriminations relèvent plutôt du climat social que de la législation, les commissaires ont abouti à la conclusion que l'adoption d'un projet de loi, consacrant la possibilité pour les couples homosexuels qui le désirent de faire enregistrer leur partenariat, serait une réponse adéquate à une demande légitime.

Dans la logique de ce choix, la Commission a décidé d'amender profondément le projet de loi dont elle était saisie, quant à ses modalités et son contenu.

B) Sur les modalités et le contenu du partenariat :

La Commission a pu d'emblée constater, comme l'avaient fait avant elle les personnes auditionnées, que la plupart des modalités proposées dans le projet de loi, ou des sujets qui, de l'avis des initiants, mériteraient l'attention du législateur, relevaient exclusivement du droit fédéral. Ainsi en va-t-il de tout ce qui a trait au mariage et à ses effets, du droit successoral, du droit du bail et du séjour et établissement des étrangers, ainsi que de l'AVS.

C'est si vrai que le conseiller national libéral Jean-Michel Gros, par une initiative parlementaire du 30 novembre 1998 (annexe jointe), a proposé des mesures législatives portant sur la révision du Code civil suisse, de la législation fiscale, du droit des successions, de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers, de la législation sur les assurances sociales et du droit du bail.

Dans tous ces domaines, le canton ne dispose d'aucune compétence.

Il ne pourrait donc intervenir que dans les autres, à savoir :

a) La fiscalité cantonale :

Il est juste de dire que l'impôt successoral frappant la transmission héréditaire d'un partenaire à l'autre est extrêmement élevé (il peut dépasser 50 % des biens successoraux, puisque les taux applicables, sont en général ceux qui frappent des personnes n'ayant entre elles aucun lien de parenté). Mais cette situation compense en quelque sorte le statut fiscal des couples mariés qui subissent, durant toute leur vie commune, une fiscalité ordinairement plus lourde que ceux qui vivent en concubinage, du fait que leurs revenus et fortunes respectifs sont additionnés pour fixer l'assiette et le taux d'imposition. Une réforme pourrait être envisagée, mais devrait alors porter sur l'ensemble de ces éléments, et non seulement sur l'impôt successoral. Interviendrait-elle qu'elle devrait concerner les couples non mariés hétérosexuels aussi bien qu'homosexuels. La Commission a donc résolu de ne pas s'engager dans cette entreprise, d'une grande ampleur, et irréalisable sans le concours et l'accord de l'autorité fédérale en raison de l'impôt fédéral direct et de la loi fédérale d'harmonisation des impôts directs.

b) La réglementation des rapports au sein des hôpitaux entre patients et proches :

L'audition de M. Bernard Gruson l'a démontré avec clarté : la réglementation existe. Les visites aux malades, la possibilité de s'exprimer au sujet d'un traitement, si la personne concernée n'a plus l'autonomie voulue, ne sont pas de la compétence exclusive de la famille « institutionnelle », mais s'étendent aux partenaires.

Quand des problèmes surgissent, ils sont moins le fait de l'hôpital que des parents ou d'autres proches de la personne hospitalisée.

Et naturellement, la Commission est impuissante à résoudre des conflits ou des tensions opposant l'un des partenaires à l'ex-conjoint, aux enfants ou aux parents de l'autre.

Dans ces conditions, le problème n'est pas tant celui d'une réglementation, qui existe, que d'une éventuelle légitimation de celui qui se présente à l'hôpital en qualité de « proche ».

Le certificat de partenariat créé par le projet de loi de la Commission satisferait parfaitement à ce besoin.

c) Les prestations sociales :

Sous cette appellation sont regroupées des catégories très diverses de prestations, les unes servies par l'Etat dans des conditions qui relèvent de l'urgence ou de l'assistance publique (chômage, etc.), d'autres, toujours étatiques, mais au titre de la sécurité sociale (le deuxième pilier relève du droit fédéral, mais on peut songer au troisième pilier relevant des caisses de prévoyance cantonales), d'autres, enfin, de même nature étant, elles, à charge d'institutions de droit privé.

A l'heure actuelle, dans la plupart des fonds de prévoyance, les calculs des réserves mathématiques et du taux de cotisation sont effectués sur la base des dispositions régissant la vie des conjoints ; il est donc impossible de modifier, sans risquer des déséquilibres massifs au sein de ces caisses, la réglementation en vigueur. De surcroît, ces modifications prendraient place dans des conditions très différentes selon que les caisses sont publiques ou privées et soumises ou non à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle.

La Commission, sur ce sujet, n'est donc tout simplement pas en mesure de mettre en oeuvre une réforme, aussi peu significative soit-elle, sans se heurter à des difficultés théoriques et pratiques insurmontables. Un projet de ce type ne serait concevable qu'à l'initiative du Gouvernement et des milieux intéressés (caisses de prévoyance notamment).

Comme pour la question fiscale évoquée plus haut, et plus encore que pour celle-ci, la Commission n'a donc pas vocation à formuler, sur ce sujet, des propositions.

d) Outre son utilité pour faire reconnaître la qualité de « proche » dans le cadre des relations avec les établissements hospitaliers, le certificat de partenariat se révélera aussi bienvenu, selon l'évolution de la législation, pour permettre à des partenaires de se faire reconnaître comme tels dans le cadre d'une demande de permis de séjour, pour conclure un bail en qualité de colocataire ou pour se faire reconnaître un statut particulier dans le cas où l'un d'eux serait appelé comme témoin devant des tribunaux dans une affaire concernant l'autre.

3. Réaction des personnes auditionnées

Avant sa troisième lecture, la Commission a soumis le projet issu de ses travaux aux personnes et organisations auditionnées.

Le Grepa n'a pas réagi. Les commentaires de Dialogai ont été globalement favorables. En revanche, le Centre Nathalie Barney et Me Garbade se sont montrés déçus et critiques (annexes jointes).

IV. Le texte de la Commission

Ce texte a été adopté par la Commission à l'unanimité de ses membres moins, pour l'une ou l'autre des dispositions qui suivent, une abstention occasionnelle.

Commentaire article par article :

Article 1

1. Un couple homosexuel dont l'un des membres au moins est domicilié dans le Canton peut faire une déclaration de partenariat devant un notaire du Canton.

La Commission a adopté cette proposition à l'unanimité moins une abstention « Verte ».

2. Il est donné acte aux partenaires de cette déclaration sous la forme d'un certificat de partenariat qui leur est remis.

La Commission a adopté cette proposition à l'unanimité.

La Commission s'est longuement interrogée sur la formule la plus indiquée s'agissant du lieu de la déclaration de partenariat. Elle a finalement renoncé au choix de l'officier d'état civil, d'une part pour éviter des confusions avec le mariage et, d'autre part, en raison de l'importante réorganisation des offices d'état civil en cours actuellement.

Article 2

Cette déclaration ne peut être faite que par des personnes qui :

a ) Sont majeures.

b ) Sont capables de discernement.

c ) Ne sont pas mariées, ni déjà partenaires au sens de la présente loi.

Cette disposition, adoptée sans opposition, est reprise du projet de loi originel.

Article 3

1. Le partenariat est prohibé :

a) entre parents en ligne directe, ainsi qu'entre frères ou soeurs germains, consanguins ou utérins, que la parenté repose sur la descendance ou sur l'adoption ;

b) entre alliés, dans le cas particulier du lien unissant une personne et l'enfant de son conjoint ; l'empêchement subsiste lorsque le mariage dont résulte l'alliance a été annulé ou dissout.

Cette disposition, adoptée à l'unanimité à l'exception d'une abstention verte, est la reprise, presque textuelle, du texte de l'article 95 CCS qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain.

Après avoir observé que l'Assemblée fédérale avait supprimé les empêchements au mariage frappant tantes et neveux, oncles et nièces, la Commission a estimé qu'elle devait s'en tenir aux dispositions du législateur fédéral, s'agissant des partenaires. Sont ainsi exclus du partenariat tous les cas relevant de l'inceste.

Article 4

Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite devant un notaire du Canton. Ce dernier constate la date de la déclaration de résiliation qui prend effet le même jour.

Ce texte, accepté par toute la Commission, avec une abstention socialiste, a pour seul objet de dater précisément la fin du partenariat et de préciser que ce choix de vie, entièrement volontaire, peut être terminé aussi simplement qu'il a été conclu.

Article 5

Il est tenu un registre cantonal du partenariat auquel les notaires doivent transmettre les déclarations d'enregistrement de partenariats et leur résiliation. Le registre est soumis à la loi sur les informations traitées par ordinateur du 17 décembre 1981.

Cet article, adopté à l'unanimité, est indispensable. En effet, l'article 2 n'ouvre le partenariat qu'à des gens qui ne sont pas déjà partenaires. Le seul moyen, pour le notaire qui doit recevoir la déclaration, de s'en assurer, est de pouvoir accéder à un registre cantonal dont il nous appartient de créer la base légale.

Les commissaires n'ont pas été pour autant insensibles au risque de voir ce registre être perçu comme une sorte d'index des homosexuels. Ce qui est évidemment à l'opposé de sa volonté d'agir contre la discrimination. Certes, par définition, les partenaires sollicitent l'enregistrement et nul n'y sera astreint. Mais la Commission a jugé indispensable de rappeler que ce registre devait être soumis à la protection des données. Il importe en effet de préserver la sphère privée contre les abus, qu'ils soient ceux de l'Etat ou de particuliers. L'accès à ce registre devra donc être très sévèrement limité.

Article 6

Il est perçu un émolument lors de la délivrance du certificat et lors de sa résiliation.

Cet article a été adopté à l'unanimité, moins une abstention verte.

Article 7

Le Conseil d'Etat désigne le département chargé de la tenue du registre et fixe le montant des émoluments.

Cette disposition a été acceptée à l'unanimité.

La Commission a cependant émis le voeu que le Conseil d'Etat, lorsqu'il complétera le règlement sur les émoluments des notaires (E6 05.03) fixe à un niveau raisonnable (CHF 100.- à CHF 200.-) le montant des émoluments relatifs à l'enregistrement d'un partenariat ou sa résiliation.

De même, la Commission souhaite que le Conseil d'Etat se montre particulièrement attentif au moment de la désignation du département chargé de la tenue du registre. Il apparaît en particulier aux commissaires unanimes qu'il serait inadéquat, pour ne pas dire indélicat, d'en charger l'Office cantonal de la population ou plus généralement l'un des services du Département de justice et police.

S'agissant d'une loi qui vise essentiellement un objectif de non discrimination, il serait envisageable que ce registre soit confié au Bureau de l'égalité ou, plus simplement, à la Chancellerie. La Commission a reçu du Conseil d'Etat des assurances en ce sens (annexe).

V. Pétition 1222

On l'a vu : cette pétition n'avait pas d'autre objet que d'encourager les commissaires à se mettre à la tâche. C'est désormais chose faite.

La Commission a donc achevé ses travaux par le traitement de la pétition dont à l'unanimité elle recommande le classement.

VI. Conclusions

Le présent projet se borne, avec une certaine modestie, à affirmer par des moyens concrets mais limités le droit de chacun à vivre sa sexualité et sa vie affective comme il l'entend. C'est toute son ambition : marquer, dans un domaine où les antagonismes sont encore très vifs, l'égalité des droits, même au risque d'une redondance avec les textes constitutionnels. En ce sens, le projet qui vous est soumis est d'abord un rappel de principe et pour le surplus aménage un cadre légal à l'intérieur duquel les homosexuels qui le désirent pourront assumer, avec la visibilité qu'ils souhaitent, leur mode de vie.

Le caractère symbolique de ce projet apparaîtra peut-être insuffisant à ceux qui auraient souhaité voir le Parlement genevois consacrer ce qui apparaît à quelques-uns comme une évolution irréversible des moeurs. La législation, c'est bien connu, évolue moins vite que ces dernières dont elle procède, mais il n'est nullement certain que les institutions fondamentales qui sont constitutives de notre vie sociale soient dépassées. Les sensibilités divergentes sur ce sujet ne méritent pas moins de respect que celles des initiants. Au demeurant, notre parlement doit respecter le droit fédéral qui dispose en ces matières d'une compétence exclusive.

C'est dans cette perspective, à la fois consciente des limites de son travail et de l'importance de sa contribution au débat sur l'égalité des droits, que la Commission, unanime en troisième lecture, vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le présent projet de loi.

Projet de loi(7611)

sur le partenariat

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

1 Un couple homosexuel dont l'un des membres au moins est domicilié dans le canton peut faire une déclaration de partenariat devant un notaire du canton.

2 Il est donné acte aux partenaires de cette déclaration sous la forme d'un certificat de partenariat qui leur est remis.

Article 2

Cette déclaration ne peut être faite que par des personnes qui :

Article 3

1 Le partenariat est prohibé :

2 L'adoption ne supprime pas l'empêchement résultant de la parenté qui existe entre l'adopté et ses descendants, d'une part, et sa famille naturelle, d'autre part.

Article 4

Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite devant un notaire du Canton. Ce dernier constate la date de la déclaration de résiliation qui prend effet le même jour.

Article 5

Il est tenu un registre cantonal du partenariat auquel les notaires doivent transmettre les déclarations d'enregistrement de partenariats et leur résiliation. Le registre est soumis à la loi sur les informations traitées par ordinateur du 17 décembre 1981.

Article 6

Il est perçu un émolument lors de la délivrance du certificat et lors de sa résiliation.

Article 7

Le Conseil d'Etat désigne le département chargé de la tenue du registre et fixe le montant des émoluments.

Pétition(1222)

pour le soutien au projet de loi sur le partenariat

Mesdames etMessieurs les députés,

Deux personnes vivant ensemble sans être mariées se voient confrontées tous les jours à des réglementations qui font obstacle à l'épanouissement de leur vie commune tandis que les conjoints mariés bénéficient de nombreux aménagements et facilités même s'ils ne vivent plus sous le même toit, n'ont pas d'enfants ou ne sont plus unis que par le parchemin qui consacra leur union.

Le mariage n'est, de loin, plus la seule forme de vie en commun pour deux personnes. De plus en plus de personnes choisissent de vivre en communauté avec d'autres personnes ou de partager à deux " le toit, la table et le lit " ou seulement " le toit et la table ", sans convoler en mariage.

Ce projet de loi ne vise pas à réglementer toutes les formes de vie commune hors mariage mais à offrir à ceux et à celles qui ont choisi de vivre à deux sans se marier, qu'ils soient de même sexe ou de sexe opposé, les aménagements nécessaires à l'épanouissement et la protection de leur communauté et les mêmes avantages fiscaux qu'aux couples mariés.

Les soussignés invitent le Grand Conseil genevois à adopter le projet de loi 7611 déposé le 5 mai 1997 par les députés Mmes et MM. René Longet, Bernard Lescaze, Erica Deuber-Pauli et Vesca Olsommer.

N.B. : 2 000 signatures

GREPA, M. Yves de Matteis, 26, avenue Krieg, 1208 Genève

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes et MM. René Longet, Bernard Lescaze, Erica Deuber-Pauliet Vesca Olsommerdu Conseil d'Etat

Dépôt: 5 mai 1997

Disquette

PL 7611

PROJET DE LOI

sur le partenariat

(E 1 27)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Sont partenaires au sens de la présente loi 2 personnes reconnues comme tels par l'autorité compétente.

2 La reconnaissance est accordée sur requête commune de 2 personnes qui:

a)

sont majeures;

b)

sont capables de discernement;

c)

ne sont pas mariées, ni déjà partenaires au sens de la présente loi;

d)

sont domiciliées dans le canton ou s'apprêtent à y prendre domicile;

e)

s'engagent à faire ménage commun;

f)

se reconnaissent mutuellement le droit de partager la demeure commune et

g)

s'engagent à contribuer chacune dans la mesure de ses moyens aux besoins de leur ménage et à se prêter assistance et secours.

3 Les engagements doivent résulter d'un acte écrit. Cet acte peut être signé devant un officier d'état civil.

4 L'officier d'état civil du domicile genevois de l'un des requérants est compétent pour enregistrer les engagements et accorder la reconnaissance.

5 La commune délivre une attestation de partenariat sur demande de l'un des partenaires.

Art. 2

1 Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite devant l'officier d'état civil de leur domicile ou du lieu de leur ménage commun. L'officier constate la date de la déclaration de résiliation qui prend effet le même jour.

2 La commune est compétente pour révoquer la reconnaissance des partenaires dès lors que l'une de ses conditions fait défaut, notamment en cas d'absence prolongée de vie commune.

3 La suspension de la vie commune en vue de fréquenter une école ou motivée par le service militaire, le placement dans un hospice, un hôpital, une maison de détention ou toute autre institution ainsi que le transfert du ménage commun des partenaires hors du canton, ne constituent pas des motifs de révocation de la reconnaissance.

Art. 3

1 Les dispositions légales et réglementaires concernant les conjoints s'appliquent par analogie aux partenaires dans tous les domaines régis par le canton.

2 Le canton reconnaît le statut de partenaire de toute personne enregistrée comme tel ou au bénéfice d'un certificat de vie commune dans un autre canton ou pays.

Art. 4

1 A défaut de stipulation contraire les dispositions du code civil suisse concernant le régime de la séparation de biens (art. 247 à 251CCS) s'appliquent par analogie à la jouissance et à l'administration des biens des partenaires.

2 Le partenaire titulaire du bail ou propriétaire du logement commun ne devra sans le consentement exprès de l'autre partenaire ni résilier le bail, ni aliéner le logement commun, ni affecter par d'autres actes les droits dont dépend celui-ci. Les obligations envers le bailleur et les droits de celui-ci sont réservés.

3 Cette obligation cesse à l'expiration d'un délai de6 mois au moins après enregistrement officiel de la déclaration ou décision mettant fin au partenariat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

Les modes de vie ont subi ces dernières décennies en Suisse comme ailleurs de profondes mutations qui ont conduit à un décalage croissant entre le droit et la réalité sociale.

Le mariage n'est, de loin, plus la seule forme de vie en commun pour deux personnes. Les communautés familiales composées des parents et enfants de plusieurs générations ont presque disparu. De nombreux ménages familiaux formés par des couples mariés ne vivent plus avec des enfants âgés de moins de 18 ans. Le nombre des divorces augmente. De plus en plus de personnes choisissent de vivre en communauté avec d'autres personnes ou de partager à deux le "toit, la table et le lit" ou seulement le "toit et la table" sans convoler en mariage. Quant au "concubinage homosexuel il tend à se normaliser".

___________

Henri Deschenaux, Pierre Tercier, Franz Werro, Le mariage et le divorce, Berne 1995, ch. 1000, page 203.

"Le partenariat homosexuel vous paraît-il souhaitable?" oui: 63,6%; non: 27,3%, Enquête effectuée par l'institut Link. Source: Dialogai infos, no 66, novembre 1995.

Or, aucune de ces formes de vie commune ne fait l'objet d'une réglementation, voire d'une attention quelconque de la part du législateur suisse, ce qui expose ceux et celles qui les ont choisies à des difficultés majeures. Ce n'est qu'en matière de saisie pour dettes ou d'assistance publique que l'Etat, non sans une certaine hypocrisie, reconnaît de facto la vie commune hors mariage en réduisant par exemple les prestations de l'Hospice général et de l'assistance juridique d'une personne qui partage son appartement avec un partenaire dont on peut attendre qu'il contribue à son entretien, ou en matière de prétentions alimentaires après divorce, puisque celles-ci s'éteignent à l'égard d'un ex-conjoint qui vit en concubinage depuis cinq ans ou plus (ATF 109 II 188 et suivants).

Le présent projet de loi ne vise pas à réglementer toutes les formes de vie commune hors mariage mais à offrir à ceux et à celles qui ont choisi de vivre à deux sans se marier, qu'ils soient de même sexe ou de sexe opposé, les aménagements nécessaires à l'épanouissement et la protection de leur communauté et les mêmes avantages fiscaux qu'aux couples mariés.

Deux personnes qui vivent ensemble sans être mariées se voient confrontées tous les jours à des réglementations qui font obstacle à l'épanouissement de leur vie commune tandis que les conjoints mariés bénéficient de nombreux aménagements et facilités même s'ils ne vivent plus sous le même toit, n'ont pas d'enfants ou ne sont plus unis que par le parchemin qui consacra leur union.

Ainsi, seul le conjoint marié et les "proches", membres de la famille, sont autorisés selon la loi actuelle à Genève à entourer le mourant à l'hôpital "sans contrainte d'horaire et dans un environnement approprié" ou à s'opposer à un internement psychiatrique ou encore à obtenir du médecin traitant des informations sur l'état de santé du malade tandis que le ou la partenaire qui partage la vie, le toit et peut-être même le lit du malade est privé-e de ces aménagements et traité-e en étranger-ère. La vie intime des deux partenaires non mariés n'est pas protégée et peut être exposée lors d'un procès civil, pénal ou administratif, car seul le conjoint marié ou divorcé et les proches, membres de la famille, peuvent refuser de témoigner. Quant aux statuts de la Caisse de pension des fonctionnaires du canton de Genève, ils n'autorisent pas la désignation du partenaire de vie comme bénéficiaire privilégié des prestations. Enfin, selon la législation cantonale actuelle, le survivant non marié doit s'acquitter au décès de sa compagne ou de son compagnon de vie, s'il a été institué héritier et que les héritiers légaux ne s'opposent pas au testament, d'un impôt sur la succession pouvant aller jusqu'à 54% alors que le conjoint sans enfant n'est taxé qu'à 9%, même si, par hypothèse, il ne partage plus depuis longtemps le même toit que le défunt.

Un souci élémentaire d'humanité exige que, dans tous ces domaines, la personne qui partage votre vie soit assimilée à un "conjoint".

Le présent projet de loi ne touche pas aux domaines des permis de séjour, de l'adoption ou du droit des successions, qui sont de la compétence exclusive de la Confédération. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'attendre une réglementation de la vie en commun hors mariage au niveau fédéral pour accorder aux partenaires non mariés, qui vivent ensemble et se promettent aide et assistance, les mêmes facilités qu'aux conjoints mariés dans tous les domaines qui sont régis par le droit cantonal. Le présent projet de loi ne vise qu'à compléter la législation cantonale en étendant aux partenaires non mariés, dûment enregistrés auprès de l'officier d'état civil, les droits et obligations qu'elle confère ou impose aux conjoints mariés. Il s'agit donc de l'exercice par le canton d'une constellation de compétences cantonales, et en l'occurrence en vue d'adapter la législation existante à l'évolution des esprits.

Rappelons que le canton de Berne a adopté récemment une disposition qui va dans le même sens. L'article 13, alinéa 2, de sa nouvelle constitution garantit en effet à chacun "la liberté de choisir une autre forme de vie en commun". Le professeur Walter Kälin et Urs Bolz commentent cet article comme suit:

"L'alinéa 2 consacre un nouveau droit fondamental. Le mariage n'est (plus) la seule forme de vie en commun pour un couple. C'est pourquoi l'alinéa 2 consacre le droit d'opter pour une autre forme de vie en commun. Ce droit n'appartient pas uniquement aux partenaires de sexes différents. C'est dire que les communautés d'homosexuels ou de lesbiennes bénéficient également de la garantie de l'alinéa 2. De l'avis de la commission, seules les formes de vie en commun durables sont visées par l'alinéa 2. L'article 10, alinéa 1, protège les autres formes de partenariat des discriminations. (...) L'article 13 va plus loin que l'article 10, alinéa 1, notamment en ce sens qu'il laisse entendre que les formes de vie en commun doivent être préférées à la vie en solitaire."

"Le législateur cantonal est naturellement lié par le droit fédéral dans ce domaine également. Par conséquent il faut se référer au Code civil suisse et non à l'article 13, alinéa 2, pour savoir si les couples d'homosexuels peuvent se marier ou adopter des enfants (voir message concernant la garantie de la Constitution, FF 1994 I 407). Seules les formes de vie en commun ne violant pas le droit pénal sont garanties."

____________

 Professeur Walter Kälin, Urs Bolz, Manuel de droit constitutionnel bernois,pages 270-272.

Les Länder allemands de Brandebourg, Thuringue et Berlin consacrent eux aussi dans leur constitution la protection des communautés de vie hors mariage. Une proposition analogue a été approuvée par la majorité de la Commission constitutionnelle d'Allemagne en vue d'une modification de la loi fondamentale allemande. Aussi bien la Cour constitutionnelle allemande que la Cour suprême hollandaise ont jugé que, si les couples homosexuels ne sont certes pas autorisés à se marier, l'absence de législation accordant à ce genre de partenariat une reconnaissance juridique pouvait être contraire à la constitution.

BVerfG 640/93, 13.10.1993; Hoge Raad 19.10.1990, RvdW 1990, 176.

Euro-Letter no 32, page 9f, mars 1995.

Euro-Letter no 42.

____________

Euro-Letter no 32, page 2, mars 1995.

26003 Ley 29/1994 de 24 de Noviembre de Arrendamientos Urbanos, BOE no 282, 25.11.1994.

Euro-Letter no 32, page 10.

Euro-Letter no 39, page 6.

Euro-Letter no 37, page 2.

ILGA-Bulletin 4/95, page 17.

Compétences cantonales

La compétence de légiférer en matière civile appartient à la Confédération (art. 64, al. 2, Constitution fédérale). Le droit des personnes et de la famille, en particulier le mariage et l'adoption, relève typiquement du droit civil. Il est admis que la Confédération a épuisé sa compétence et que les cantons ne peuvent plus légiférer dans ce domaine. Les avis sont toutefois partagés quant à savoir si les cantons conservent dans ce domaine, en vertu de l'article 6, alinéa 1, du Code civil suisse (CSS) la compétence d'édicter des règles de droit public, c'est-à-dire des dispositions servant principalement (mais non exclusivement) l'intérêt général pour autant que l'intérêt public soit pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil ni n'en contredisent le sens ou l'esprit.

ATF 114 Ia 355 cons. 4a; 113 Ia 311 cons. 3b; 112 II 424; 109 Ia 67, etc.

Cependant, l'institution sociale du "partenariat enregistré" ne relève à notre avis pas de l'article 6, alinéa 1, CCS puisque les dispositions proposées n'y attachent aucun effet de droit civil et ne touchent pas au mariage. Il ne s'agit pas non plus d'un passage obligé pour être autorisé à vivre ensemble, puisque deux personnes vivant ensemble restent libres de requérir ou non l'enregistrement de leur vie commune. Ce projet de loi relève du seul domaine des compétences cantonales (fonction publique, fiscalité, santé, instruction, procédure civile, administrative et pénale, assistance publique, etc.) que les cantons peuvent réglementer comme ils l'entendent en tenant compte de la réalité sociale. Ils peuvent faire dépendre des droits et obligations dans ces domaines-là d'une situation patrimoniale ou sociale particulière, par exemple du nombre des enfants, ou encore de l'existence ou de l'absence de vie commune, ce qui se fait déjà en matière d'assistance publique. L'enregistrement des personnes qui souhaitent bénéficier de la loi ne sert qu'à garantir une certaine sécurité juridique dans son application, car sans enregistrement il serait difficile de déterminer sans risque d'arbitraire qui satisfait aux conditions fixées par la loi pour bénéficier de ses avantages, si deux personnes vivent ensemble de manière durable, s'ils ont pris des engagements de solidarité entre eux, etc. On peut enfin relever qu'en donnant son approbation au nouvel article 13, alinéa 2, de la Constitution bernoise, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, qui garantit "la liberté de choisir une autre forme de vie en commun", le Conseil fédéral a reconnu aux cantons la compétence de légiférer pour protéger certaines formes de vie commune hors mariage de toute discrimination.

Méthodes

Deux méthodes s'offrent au législateur pour atteindre le but visé par le projet de loi, à savoir conférer sur le plan cantonal aux partenaires reconnus les mêmes droits et obligations qu'aux conjoints. La première méthode consiste à décréter que toutes les dispositions cantonales légales et réglementaires concernant les conjoints s'appliquent par analogie aux partenaires, ce qui signifie que les droits et obligations qu'une loi ou disposition cantonale accorde ou impose à un conjoint marié sont automatiquement accordés ou imposés aussi aux partenaires reconnus au sens de la nouvelle loi qui prime les dispositions légales antérieures. C'est la voie choisie ici (voir art. 3, al. 1). Elle est la plus simple et la plus concise. L'autre méthode consiste à rechercher dans la législation cantonale et dans les règlements et dispositions statutaires des établissements publics les éléments qui visent à accorder aux conjoints des droits et obligations particuliers sur le plan cantonal et d'ajouter après chaque occurrence de "conjoint": "et partenaire reconnu". Il appartiendra à notre avis à la commission de se déterminer sur la méthode à adopter.

Il serait également possible d'accompagner la modification de la loi par une modification de la constitution à l'image de ce qui a été fait dans le canton de Berne, certes à l'occasion d'une révision totale. Ainsi on pourrait par exemple compléter l'article 2B de la Constitution genevoise qui dispose que "la famille est la cellule fondamentale de la société. Son rôle dans la communauté doit être renforcé", par une disposition qui pourrait avoir la teneur suivante: "Les formes de vie en commun hors mariage sont protégées; les conjoints et partenaires reconnus sont égaux en droit; la loi règle les conditions de reconnaissance des partenaires". Mais nous pensons que cela n'est ni nécessaire ni utile puisque la modification légale souhaitée, n'ayant aucune incidence sur le droit civil, ne porte pas atteinte à la prééminence du rôle de la famille.

Commentaire article par article

Article 1: L'emploi dans la législation cantonale des termes partenariat ou partenaires renvoie à une notion dont le contenu doit être précisé. La solution proposée consiste à accorder, sur demande, une reconnaissance officielle aux relations hors mariage de deux personnes lorsque certaines conditions, limitativement énumérées à l'alinéa 2 de la loi, sont respectées. Parmi ces conditions figure un engagement formel d'assistance mutuelle car l'extension aux partenaires des facilités accordées aux conjoints ne nous paraît justifiée qu'en raison d'une communauté de vie fondée sur la solidarité.

L'autorité la plus appropriée pour enregistrer cet engagement de solidarité, vérifier si les conditions du partenariat sont réalisées et accorder la reconnaissance nous semble être l'officier d'état civil de la commune de domicile genevoise de l'un des partenaires qui sera aussi compétent pour délivrer l'attestation de partenariat nécessaire pour faire valoir les droits qui y sont attachés. L'un des deux futurs partenaires devra déjà être domicilié à Genève avant de pouvoir obtenir la reconnaissance par un officier d'état civil de notre canton.

Article 2: Le partenariat prend fin soit parce que les conditions énumérées à l'article 1, alinéa 2, de la loi ne sont plus remplies, ce qui entraînera la révocation de sa reconnaissance par la commune, soit parce que les partenaires décident de se séparer. Et comme il faut être deux pour vivre ensemble, il suffira qu'un seul des partenaires déclare à l'officier d'état civil vouloir mettre fin à la communauté de vie pour que le partenariat prenne fin. Si les effets liés à la reconnaissance du partenariat, comme par exemple les avantages fiscaux ou les facilités de visite dans les hôpitaux, prennent fin le jour de la révocation ou déclaration de résiliation, d'autres effets subsisteront jusqu'à l'échéance d'un certain délai. Ce sera le cas des droits liés à l'usage du logement (voir art. 4, al. 3), car il est inconcevable qu'un partenaire puisse mettre sa compagne ou son compagnon à la porte par une simple déclaration unilatérale. Quant aux effets patrimoniaux ils subsisteront, comme en matière de liquidation du régime matrimonial ou d'une société, jusqu'à l'issue d'une procédure de liquidation des biens.

Article 3: Cet article constitue le corps de la loi. Il définit les effets liés à la reconnaissance des partenaires.

Article 4: Cet article règle, d'une part, les effets patrimoniaux de la communauté des partenaires en renvoyant à des dispositions du droit civil fédéral concernant les conjoints. Mais celles-ci ne s'appliqueront qu'à titre subsidiaire si les partenaires n'ont pas pris d'autres dispositions et seulement à titre de droit cantonal supplétif. D'autre part, il institue une interdiction de droit public faite aux partenaires de résilier le bail, d'aliéner le logement commun ou de restreindre par d'autres actes juridiques les droits dont dépend le logement commun. Cette interdiction ne prendra fin que six mois après la fin du partenariat. En outre, elle ne déploiera d'effets qu'entre les deux partenaire, et ne pourra pas être opposée au bailleur, puisque le droit cantonal ne peut restreindre des droits civils de celui-ci régis exclusivement par le droit fédéral (Code des obligations) mais liera les partenaires entre eux. En d'autres termes, le partenaire qui est seul titulaire du bail du logement commun pourra valablement résilier celui-ci, sans l'accord de l'autre partenaire, mais il s'exposera à devoir réparer le préjudice subi par le partenaire lésé du fait de la résiliation non autorisée par celui-ci du bail.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer le présent projet en commission pour examen plus approfondi.

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Premier débat

M. Michel Halpérin (L), rapporteur. Je n'ai pas grand-chose à ajouter au rapport que vous avez sous les yeux, si ce n'est pour compléter une information qui y figure. J'ai indiqué dans ce rapport que le texte issu des travaux de la commission avait été soumis à ceux des intervenants que nous avions pu auditionner et qu'à l'exception de quelques-uns d'entre eux il n'y avait pas eu de réaction négative.

Depuis lors, nous avons reçu des réactions complémentaires, notamment de Dialogai et de Me Garbade, en particulier une lettre que vous avez dû recevoir tous, en date du 10 septembre, sauf erreur, qui critique ce projet essentiellement - j'en fais la synthèse - au motif qu'il est trop symbolique... Et je comprends bien cette critique tant par rapport à l'attente des protestataires actuels, qui sont aussi les personnes auditionnées, que par rapport au projet de loi initial que nous avons examiné - le projet de loi 7611.

Je voudrais simplement attirer l'attention de ce Conseil sur le fait que c'est de propos parfaitement délibéré que la commission judiciaire du Grand Conseil, qui a beaucoup siégé sur ce sujet, a fait le choix d'une réponse plutôt symbolique que pratique, en ce sens que les questions posées relèvent pour la plupart de la législation fédérale et en particulier tout ce qui a trait au mariage, à ses effets, aux conditions d'une séparation, à d'éventuels traitements analogiques des régimes matrimoniaux proprement dits et du régime de biens communs qui serait celui des partenaires. De sorte que nous avons dû constater notre incompétence sur toute une partie de ces sujets, et la nécessité, alors que nous savions les Chambres fédérales déjà saisies d'un projet, de ne pas multiplier des démarches qui pourraient être perçues comme des signaux contradictoires.

A cela s'ajoute le fait que le projet tel qu'il nous a été soumis - le projet de loi 7611 - dans sa forme initiale était d'un maniement pour le moins malaisé, parce qu'il mêlait des concepts assez différents et leur apportait des réponses contradictoires. C'est au terme de ses travaux que la commission unanime a constaté qu'elle ne pouvait guère faire beaucoup mieux en l'état que d'observer la demande unanime des personnes auditionnées et des organisations qui représentaient ces personnes de voir un geste symbolique, sans doute, mais fort être accompli par notre parlement pour marquer son souci de lutter contre toute forme de discrimination. Nous savons d'expérience que les personnes qui ont une vie sexuelle différente de celle de la majorité font souvent l'objet de traitements discriminatoires, qui ne sont naturellement pas permis par la constitution genevoise. La commission judiciaire a toutefois jugé utile que ce message soit réitéré de façon claire et que le corps constitué central qu'est notre parlement prenne la peine de dire ce qui est probablement déjà vrai même sans qu'il le dise : à savoir que toute discrimination, notamment en raison de la vie sexuelle des gens, est parfaitement inacceptable.

Et puis, il fallait donner un contenu concret à cette volonté et il fallait essayer - c'était notre objectif - de répondre par la même occasion à un certain nombre de pratiques qui ont été jugées cruelles et douloureuses par les membres de la commission, lorsqu'ils ont entendu la présentation qui leur était faite. C'était en particulier le cas d'un certain nombre de problèmes administratifs rencontrés par des compagnons ou des compagnes, lorsque l'un des deux membres du couple se trouvait hospitalisé et qu'il y avait des contestations sur les qualités permettant à la partie hospitalisée de recevoir des visites de son partenaire ou de son compagnon. Et, dans ces circonstances, nous avons pensé que le texte qui serait soumis aujourd'hui à vos suffrages régulariserait, par un document à caractère officiel, le statut de ces personnes permettant alors aux médecins ou aux responsables des hôpitaux ou des cliniques de constater le lien privilégié unissant les membres d'un couple partenaire pour faciliter l'accès à l'hôpital.

Nous avons aussi constaté que ce certificat permettrait de donner d'une autre manière des légitimations quand elles s'avèrent nécessaires, par exemple dans la recherche d'un bail commun ou pour la demande d'un permis de séjour pour l'un des partenaires.

Voilà, au fond, les moyens principaux dont nous avons voulu nous doter en attendant que le législateur fédéral fasse ce qui relève de sa compétence. Il y a certes des sujets de droit cantonal dans lesquels nous aurions pu pénétrer s'ils n'étaient pas techniques, comme celui de la fiscalité. La commission a en effet constaté que si, notamment en matière d'impôt successoral, les partenaires sont traités dans des conditions difficilement compatibles avec le lien privilégié qui unit le partenaire survivant au partenaire décédé, cette différence trouve partiellement sa justification dans la différence également existante de traitement fiscal entre des couples mariés et des couples non mariés, les premiers étant généralement assujettis pendant la vie commune à une charge fiscale plus lourde, de sorte que la modification de la législation fiscale ne pouvait pas se comprendre du seul impôt successoral; elle devait nécessairement se faire également sous l'angle de l'imposition ordinaire sur les revenus. Et il nous est apparu que la commission judiciaire, en l'absence d'un projet spécifique et techniquement bien élaboré, n'était pas en mesure de le faire.

Voilà en synthèse, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui a amené la commission unanime à recomposer totalement le texte du projet de loi 7611, à en réserver strictement la destination aux couples homosexuels et non aux couples hétérosexuels, qui sont dans une situation différente et non discriminée - en tout cas pas dans les mêmes termes. Nous pensons que cet acte symbolique est modeste à certains égards. Nous pensons surtout qu'il est symboliquement mais fortement important comme valeur déclaratoire, comme signal adressé à l'autorité fédérale que les moeurs et leurs évolutions sont perceptibles dans un parlement comme le nôtre et qu'il y a lieu, par conséquent, d'y donner suite.

C'est dans cet esprit que la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le projet de loi qui vous est ainsi soumis. Quant à la pétition, elle vous en recommande le classement, puisqu'elle avait trait, précisément, à l'adoption de ce projet. 

M. Christian Grobet (AdG). Le groupe de députés de l'Alliance de gauche a toujours déclaré d'une manière très claire qu'il était favorable à l'adoption d'une loi qui permette de reconnaître le statut des couples vivant en commun - des couples de même sexe.

Une de nos députées, Mme Erica Deuber Ziegler, était cosignataire du projet de loi qui a été déposé il y a maintenant plus de deux ans, avec d'autres députés de ce Grand Conseil, sur une question qui touche effectivement de près un nombre important de concitoyennes et de concitoyens, dont certains ont probablement subi des traitements douloureux, comme vient de le dire le rapporteur de majorité. Il était donc évidemment souhaitable que l'on puisse légiférer le plus rapidement possible.

La réalité a été différente dans la mesure où, malheureusement, la commission judiciaire est engorgée de projets de lois, chacun apparaissant bien sûr comme étant plus urgent que l'autre... Cette année, nous avons notamment passé beaucoup de temps pour aboutir avec le projet de loi constitutionnelle sur le Tribunal des prud'hommes qui a débouché sur l'élection, ce soir, des juges prud'hommes, et notamment la possibilité d'élire des juges prud'hommes étrangers. Le projet de loi sur le partenariat n'a pas été oublié... Il était délicat, il y a eu de nombreuses auditions, et le temps a passé. Fin juin, la commission a eu l'ambition légitime d'essayer d'en finir avant l'été, pour répondre aux aspirations justifiées de celles et ceux qui attendent l'adoption de ce projet de loi avec impatience et pour leur donner satisfaction. En réalité, nous avons - je le considère et mon groupe aussi - travaillé trop vite et, surtout, nous n'avons pas donné le temps nécessaire aux organisations représentatives des milieux intéressés d'exprimer un avis réfléchi et de nous indiquer si elles étaient d'accord de se satisfaire d'une solution que vous avez à juste titre qualifiée de «modeste», Monsieur le rapporteur. Par ailleurs, je ne sais pas si le terme de «symbolique» est véritablement le plus adéquat...

Quant à l'exemple, selon vos termes, que l'on donnerait aux autorités fédérales, je me vois obligé de vous dire que nous sommes un peu dépassés par les événements. En effet, en ce qui concerne les Chambres fédérales, et plus particulièrement le Conseil national, il y a eu un vote tout à fait précis et favorable à la motion de M. Gross, à une large majorité, motion qui va beaucoup plus loin que le projet de loi dont nous débattons ce soir. Alors il est vrai que les compétences cantonales sont limitées, mais, néanmoins, nous pouvons aller plus loin que ce qui a été proposé et qui ressort des travaux de commission, et, surtout, nous pouvons le faire différemment.

Par exemple les associations avec lesquelles nous avons discuté souhaitent des amendements sur des questions qui peuvent paraître relativement modestes sur les termes, mais que l'on peut comprendre. Par exemple, qu'on parle de couples de même sexe sans désigner ouvertement les couples homosexuels. D'autre part, nous souhaitons instamment que le statut officiel que nous allons donner à ce partenariat soit homologué par un service public sans obligation de passer par une étude de notaire. Je n'étais pas là quand la commission a changé sa position sur ce point, parce qu'il s'avère probablement à juste titre que les services d'Etat civil, qui ont des fonctions déterminées par le code civil, ne peuvent pas s'occuper de ce genre de cas, mais il est très facile de trouver ou d'instituer un service de l'Etat qui pourrait s'occuper de cette mission, et c'est l'un des amendements que nous avons déposés.

Monsieur le président, je ne veux pas défendre maintenant les six ou sept amendements que nous avons déposés. Par contre, je souhaite qu'ils soient photocopiés et remis à l'ensemble des députés. Il est vrai que ces amendements sont délicats et risquent de générer une discussion importante, c'est pourquoi nous proposons de renvoyer ce projet de loi à la commission judiciaire, qui pourra examiner les différents amendements que nous avons déposés et que d'autres pourraient déposer sur ce projet de loi. Nous souhaitons surtout, lorsque la commission judiciaire aura terminé ses travaux et aura modifié, comme nous l'espérons, le projet de loi issu de ses travaux, qu'il soit communiqué aux associations intéressées avec un délai raisonnable pour que celles-ci puissent l'étudier et nous faire part de leurs ultimes observations.

Mais il est clair qu'il n'est pas possible, sur des problèmes aussi délicats que ceux soulevés par ce projet de loi, de travailler à la hussarde et de donner un délai de réflexion de quelques minutes - ou d'une semaine - à des personnes, par le biais d'un coup de téléphone. Je n'en fais pas le reproche à la commission qui voulait terminer son travail : c'était légitime. Il est toutefois évident que nous avons été trop vite et que mieux vaut consacrer encore deux mois à ce projet et revenir en plénière avec un texte qui donne satisfaction aux intéressés que de s'entendre dire que ce que nous votons c'est «de la gnognotte» ou que certains se demandent si le but de ce projet de loi n'est pas de créer un fichier des homosexuels, ce qui n'est évidemment pas le but de notre démarche !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, une proposition de renvoi en commission judiciaire a été formulée. Trois députés ont demandé la parole et je vais leur donner, mais je souhaiterais qu'ils prennent position sur cette proposition. Madame Sayegh, vous avez la parole.

Mme Christine Sayegh (S). Le groupe socialiste soutient également le projet de loi, en rappelant qu'un des auteurs de ce projet est notre ancien collègue René Longet.

Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur, M. Halpérin, de son rapport qui a fidèlement relaté les travaux et les décisions de notre commission. Il est vrai que la commission unanime a souhaité que le projet, issu des travaux de la commission, permette de faire un premier pas décisif vers la reconnaissance des partenaires homosexuels, cette reconnaissance préalable au droit à être assimilé à des couples - des couples «mariés», pour reprendre l'expression qui a déjà été donnée dans l'explication - sur le plan fiscal, sur le plan successoral et sur le plan social. Ce mode de faire aurait permis de construire le statut avec des bases solides qui auraient peut-être fait l'unanimité dans ce Grand Conseil.

Toutefois, les milieux concernés ont eu une réaction relativement passionnelle, je trouve, et très négative, rejetant ce projet sans nuances, le qualifiant de «stérile», «inutile», voire «hypocrite». Je dois dire que ces qualificatifs m'ont laissée un peu perplexe...

Les solutions proposées par certaines personnes auditionnées ne sont pas forcément acceptées par d'autres. Ce projet de loi doit-il inclure les partenaires hétérosexuels ? Faut-il que le domicile soit commun ? Les domaines de la fiscalité, des successions, en particulier du séjour, du droit du travail, du droit social, relèvent pour la plupart du droit fédéral, comme cela a été relevé.

Je ne pense pas que notre commission ait travaillé à la hussarde. Au contraire, elle a mené une réflexion très intense sur le sujet et elle s'est sentie motivée pour arriver à une solution si possible consensuelle afin de progresser dans la reconnaissance des couples homosexuels. Toutefois, les solutions retenues par la commission n'ont pas rallié la majorité des groupes homosexuels concernés. Nous avons aujourd'hui un nombre important d'amendements qu'il n'y a effectivement pas lieu d'examiner en plénière.

C'est pourquoi le groupe socialiste soutiendra le renvoi en commission de ce projet.

Mme Salika Wenger (AdG). Je vais juste vous raconter une petite anecdote.

Lorsque j'ai présenté le projet au groupe de Dialogai, ils ont résumé la chose ainsi : «En fait, il s'agit de s'inscrire sur une liste pour faire savoir que nous sommes homosexuels...» J'ai répondu par l'affirmative, car ce projet ne comporte pratiquement rien d'autre. Alors, un de mes amis a ajouté : «Et les étoiles roses, c'était pas mal non plus !». Voilà, en gros, quelle a été la réaction.

En raison de cette réaction et, peut-être, grâce à cette réaction, je soutiens aussi le renvoi en commission, pour pouvoir travailler de manière plus complète ce projet de loi, qui, à mon avis, est une bonne chose.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Il me semble que Mme Sayegh a employé le mot «perplexe». C'est vraiment le mot qui me vient à l'esprit en entendant ce débat, et particulièrement les propos de Mme Wenger. En effet, s'exprimer comme elle vient de le faire, alors que c'est elle qui a guidé tous les travaux de la commission et qui leur a donné ce sens : j'en reste effectivement tout à fait «perplexe» !

Le projet de loi initial, Mesdames et Messieurs, voulait reconnaître des droits à des personnes vivant ensemble sans être mariées, droit découlant du droit du mariage, en créant un statut de partenaires, puis, ensuite, intervenir dans des domaines tels que la fiscalité, le logement, les successions, etc.

Nous avons eu en commission un certain nombre d'auditions intéressantes, mais qui ne reflétaient malheureusement pas la réalité des mouvements représentés. Il suffit de penser à Dialogai : les différentes auditions que nous avons eues ne correspondaient pas au courrier; même chose pour le groupe Nathalie Barney qui s'est exprimé avec un certain enthousiasme en commission et qui a ensuite envoyé un courrier que je ne qualifierai pas ici...

Nous nous sommes également trouvés dans l'impossibilité de travailler avec les auteurs du projet de loi ce qui n'était pas spécialement pratique. J'ai demandé, en ma qualité de présidente de la commission, à plusieurs reprises aux auteurs de bien vouloir participer à l'une ou l'autre de nos séances, mais personne ne s'est déplacé, en dehors de M. Lescaze qui est venu à la fin des travaux...

Les débats autour de ce projet de loi ont été intéressants, extrêmement profonds, touchant à l'évolution des moeurs dans un domaine qui relève plus de la sphère privée que des considérations politiques. Le texte issu de nos travaux et rappelé dans le rapport de M. Halpérin a été adopté à l'unanimité, même si les principes n'étaient pas toujours adoptés par l'ensemble des commissaires.

Quels ont été les constats et les principes qui ont guidé nos travaux ?

La difficulté de légiférer dans un domaine sensible, où la reconnaissance publique est voulue par certains, mais ressentie par d'autres comme un fichage.

Le pas en direction des homosexuels, en adoptant un principe de partenariat ou, au contraire, comme certains le pensaient une manière de les marginaliser et, donc, de donner cette possibilité à tous les couples non mariés.

Enfin, l'intervention. Peut-on intervenir, s'agissant de successions ? La réponse est clairement négative au niveau cantonal. Peut-on intervenir au niveau de la fiscalité ? C'est possible sur le plan cantonal, par le biais de la loi fiscale, mais pour cela il est indispensable de procéder par étapes, la première étant la reconnaissance du statut de partenaire.

Ces constats, Mesdames et Messieurs, ont été le fil conducteur de nos débats, rapportés avec justesse et sensibilité dans le rapport de M. Halpérin. Les débats se sont déroulés dans la sérénité. Chacun a pu exprimer son opinion. A la fin des débats et par souci de transparence, ce qui ne se fait pas habituellement, j'ai envoyé le nouveau projet de loi en consultation auprès des intéressés en leur donnant non pas quelques minutes, comme l'a dit M. Grobet, mais une semaine. Seul Me Garbade s'est donné la peine de répondre... Quand on est si concerné par un projet, il me semble qu'on arrive à répondre dans ce délai !

La commission judiciaire a eu les deux mérites suivants :

- ouvrir le débat sur un sujet sensible, et permettre ainsi de démontrer que le choix de vie est essentiel; qu'il mérite reconnaissance et respect;

- éclaircir l'attitude de l'hôpital à l'égard des couples non mariés et son interprétation du terme «proches».

Pourtant, tout cela n'était pas gagné d'avance. En effet, je vous rappelle que ce projet de loi dormait dans les tiroirs de la commission judiciaire depuis deux ans. Je m'étais engagée à obtenir l'accord de la commission judiciaire de traiter ce projet en priorité : ce que j'ai fait !

Ceux qui choisiront ce soir de le renvoyer à la commission judiciaire devront être conscients qu'il n'en reviendra pas avant longtemps, que le petit pas proposé aujourd'hui ne sera pas franchi et qu'en définitive : «Un tien vaut mieux que deux tu l'auras» ! Notre groupe est partagé. Certains accepteront le renvoi proposé, notamment parce qu'ils sont acquis au fait que ce projet doit s'appliquer aussi bien aux couples hétérosexuels qu'aux couples homosexuels. D'autres, dont, vous l'aurez compris, je fais partie, voteront ce premier pas, afin de mettre un terme à la marginalisation des couples homosexuels, qui souffrent, pour la plupart, tant sur le plan familial que professionnel. Reconnaître aujourd'hui aux couples homosexuels le statut de partenaires est le minimum que nous puissions faire dans un processus de reconnaissance du choix de vie.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur. J'ai écouté avec beaucoup d'attention, comme vous l'imaginez, les quelques interventions qui viennent d'être faites. Je voudrais d'abord remercier Mme Sayegh et Mme Bugnon d'avoir mis l'accent sur le soin que j'ai essayé d'apporter à traduire fidèlement les travaux de la commission.

En fait, nous avons fait beaucoup de choses que nous ne faisons pas d'habitude en commission. Non seulement Mme Bugnon, qui a admirablement présidé nos travaux, a pris la peine de consulter, à la fin de nos travaux, en été, les personnes auditionnées pour leur demander leur avis - ce que personne ne fait jamais dans aucune commission - et le recueillir mais j'ai pris moi-même celle de soumettre par écrit mon projet de rapport à la commission pour qu'il y soit débattu et m'assurer que je ne m'étais pas trompé.

Je voudrais tout de même vous dire que, lors de la dernière séance de nos travaux, le 8 septembre - Mme Wenger, que j'ai connue très inspirée pendant ces travaux, nous disait qu'elle avait eu des contacts avec les personnes à l'origine du projet, dont Me Garbade et le directeur de Dialogai - tout le monde soutenait ce projet de loi. La concertation sur le texte a commencé à la fin du mois de juin. En effet, nous avons abouti à quelque chose de concret au terme de huit séances de commission, c'est-à-dire au moins seize heures, Monsieur Grobet - si nous n'avons pas fait de prolongations... Ce texte a été adopté, je crois, dans l'enthousiasme et nous l'avons fait circuler pendant l'été. Au début du mois de septembre, Me Garbade et le directeur de Dialogai ont dit à Mme Wenger qu'ils étaient d'accord avec le projet, avec un bémol s'agissant de Me Garbade, tandis que M. De Matteis qui était le véritable initiateur du projet à travers le GREPA avait tenu les mêmes propos à Mme Bugnon, notre présidente. Et j'observe que nous avons procédé à des auditions tout de même assez nombreuses, parce que nos huit séances n'ont pas été consacrées uniquement à des débats inter nos. Nous avons entendu le GREPA, le groupe Sida Genève, Dialogai, le centre Nathalie Barney, les Juristes progressistes, Me Garbade, le directeur de l'hôpital, par écrit, et M. Bernard Lescaze, l'un des auteurs du projet de loi initial.

Il est donc difficile de faire mieux, d'autant que, outre ces auditions, nous avons procédé en commission à une réflexion à caractère quasi philosophique sur le mariage, sur sa signification dans notre société, sur l'évolution des moeurs et le fait qu'aujourd'hui, à la différence de ce qui était courant au XIXe, on ne se marie plus pour des raisons d'intérêts ou pour des raisons d'arrangement conclu par les parents sur le dos des mariés, mais pour des raisons purement affectives ou en tout cas essentiellement affectives, de sorte que la finalité du mariage, comme cellule de la famille, pourrait être remise en question. Mais nous avons constaté que même s'il est des mariages atypiques la famille reste encore au centre des préoccupations de la majorité de la population et que nous avons, comme parlement, certaines responsabilités à ne pas malmener nos institutions jusqu'à un point où elles deviendraient méconnaissables pour nos concitoyens.

Et c'est avec cette préoccupation que nous nous sommes efforcés - je le répète, au terme de très longs débats - de parvenir à une vision synthétique. Comment ménager la sensibilité qui semble être encore majoritaire dans la population sur une institution matrimoniale non modifiée tout en donnant aux couples qui ne veulent pas se marier la reconnaissance à laquelle ils ont droit, en particulier, aux couples dont le choix sexuel est un choix différent de celui de la majorité qui les voue à un certain nombre de difficultés à la fois pratiques - on les a évoquées à propos des hôpitaux - mais aussi théoriques, parce qu'il y a le sarcasme, parce qu'il y a le regard en biais, parce qu'il y a le commérage ? Nous nous sommes donc dit que nous avions une responsabilité collective : celle de faire passer un message, qui serait entendu ou qui ne le serait pas, mais serait un message d'apaisement, un message de reconnaissance d'un mode de vie et, en tout cas, un message d'affirmation de pratiques non discriminatoires.

Prétendre aujourd'hui, comme le fait M. Grobet, que nous avons travaillé trop vite, que nous avons donné trop peu de temps aux personnes auditionnées pour s'exprimer, c'est tout simplement travestir la réalité des travaux que nous avons conduits !

Mesdames et Messieurs les députés, je pense, comme Mme Bugnon l'a dit juste avant moi, que si nous prenons aujourd'hui la responsabilité de renvoyer ce document à la commission judiciaire pour nous éviter la lecture des quelques amendements qui nous sont proposés, nous allons procéder à un enterrement de première classe. La commission était surchargée de 1997 à 1999, et elle n'a pas eu le temps d'examiner ce projet. Je n'ai pas remarqué récemment que la liste des points qui figurent à son ordre du jour se soit beaucoup réduite. Il doit y en avoir une trentaine. Nous n'allons certainement pas pouvoir lui donner la priorité, par principe. Je suis aussi étonné du fait que nous nous sentions dans cette affaire, contrairement à toutes les autres, une sorte de mission comminatoire des initiants : ils voulaient une reconnaissance, ils n'en veulent plus de cette façon-là, et nous nous alignerions sur leurs positions, parce que c'est leur position ? C'est possible, mais c'est une sérieuse entorse à notre autonomie de réflexion !

De sorte que pour ne pas déboucher sur un non-projet - ce projet, comme je le disais, ne ressortira pas de sitôt de la commission - je pense que nous devons en finir aujourd'hui, faute de quoi la reconnaissance d'un statut de partenaire quelconque et l'affirmation par un parlement de ce que le droit de choisir librement son mode de vie est une donnée désormais établie par les autorités politiques de ce canton ne sont pas prêtes de voir le jour, et ceux qui auront voulu faire progresser les choses les auront fait régresser. Il faut qu'ils assument leurs responsabilités. Pour ma part, je ne me sens pas autorisé à le faire.

M. Gérard Ramseyer. J'aimerais vous donner rapidement l'appréciation du département.

Comme le souligne fort justement l'excellent rapport de M. le député Halpérin, le projet de loi issu des travaux de la commission judiciaire tient à la fois compte du désir de toutes les personnes auditionnées d'obtenir un acte de reconnaissance du droit de chacun à choisir le mode de vie qui lui convient et du fait que la plupart des modalités initialement proposées dans le projet de loi relevaient exclusivement du droit fédéral.

A ceux qui regrettent le caractère essentiellement symbolique du projet de loi issu des travaux de la commission judiciaire, il convient de rappeler que l'Office fédéral de la justice a lancé, au mois de juin 1999, une procédure de consultation concernant la situation juridique des couples homosexuels en vue de la rédaction d'un projet de loi fédéral. C'est donc dans ce cadre qu'il faudrait déterminer si on doit ou non en arriver à un véritable partenariat enregistré avec des effets semblables au mariage.

Cela étant, j'aimerais dire - une fois n'est pas coutume - combien je partage l'appréciation de Mme la députée Bugnon. Je crois qu'il serait effectivement dommage pour tout le monde que ce projet soit renvoyé en commission, car, je le confirme, la commission judiciaire a un programme très copieux, et par conséquent, ce projet ne pourra pas être traité rapidement.

PL 7611-A

Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoyer ce projet à la commission judiciaire.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire par 41 oui contre 40 non.

P 1222-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission judiciaire (classement de la pétition) sont adoptées.

PL 7911-A
10. Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat concernant le concordat sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996 (I 2 14). ( -) PL7911
 Mémorial 1998 : Projet, 5179. Renvoi à la commission judiciaire, 5203.
 Mémorial 1999 : Renvoi à la commission législative, 1068.
Rapport de M. Michel Balestra (L), commission législative

I. Introduction

Le projet de loi 7911 vise à autoriser le Conseil d'Etat à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996, approuvé par le Conseil fédéral le 17 décembre 1996.

Quant au concordat lui-même, qui s'inspire très largement de la loi genevoise sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985 (I 2 15), son but est de fixer des règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents, et d'assurer la validité intercantonale des autorisations accordées par les cantons (cf. art. 2 du concordat).

Présidée par M. Bernard Lescaze, la commission législative s'est réunie les 21 mai, 11 juin, 2 juillet et 17 septembre 1999. M. Nicolas Bolle, secrétaire adjoint au Département de justice et police et des transports (ci-après : DJPT) a assisté aux trois premières séances ; MM. Bernard Duport, secrétaire adjoint au DJPT, et Raphaël Martin, directeur de la Direction des affaires juridiques à la Chancellerie d'Etat (et « père » du projet de loi sur la profession d'agent de sécurité privé, alors qu'il était secrétaire adjoint au DJPT) ont assisté à la dernière séance. Leur concours a été précieux pour répondre aux nombreuses questions des commissaires et pour rédiger les amendements qui ont finalement été votés par la commission.

Les procès-verbaux ont comme d'habitude été tenus par M. Jean-Luc Constant, qui est remercié ici pour la qualité de son travail.

Résumé des auditions

1. M. Nicolas Bolle, excusant M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du DJPT, a tout d'abord fait une brève présentation de la profession en question et du cadre juridique qui la régit avant d'examiner si la loi genevoise actuellement en vigueur doit être abrogée partiellement ou totalement, ce que le projet de loi 7911 adopté par le Conseil d'Etat ne prévoit pas formellement.

S'agissant de la profession, M. Bolle relève que depuis quelques années on assiste à une forte augmentation de l'activité des entreprises de surveillance et de protection des personnes et des biens, activité qui se rapproche à certains égards des missions générales de la police. Une stricte délimitation des sphères d'action respectives s'avère donc nécessaire. Au niveau des prestations offertes, ces entreprises offrent différents services, soit principalement les surveillances personnelles (vigiles opérant des rondes dans des magasins ou des villas, ou gardes du corps), les surveillances techniques (centrales d'alarme), les services d'ordre lors de grandes manifestations commerciales ou sportives et les transports de fonds et valeurs (fourgons blindés). Trois types d'entreprises se partagent le marché : deux ou trois grandes sociétés d'importance nationale occupant plusieurs milliers de collaborateurs, un grand nombre d'entreprises moyennes et un très grand nombre d'entreprises souvent constituées en nom propre, dont l'effectif se limite parfois au dirigeant lui-même et à un ou deux collaborateurs. Aucun des métiers de la sécurité ne s'inscrit actuellement dans un cadre reconnu de formation.

S'agissant du cadre juridique, M. Bolle précise qu'il n'existe aucune législation en la matière au niveau fédéral et que le domaine est simplement soumis au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Agissant sur une base contractuelle, les agents de sécurité n'ont pas plus de droits, pour ce qui est d'éventuelles interventions contre des tiers, que ceux de la personne qu'ils protègent. A cet égard, ils sont principalement soumis aux dispositions du Code pénal suisse sur la légitime défense et sur l'état de nécessité. La plupart des cantons romands ne disposaient, avant l'entrée en vigueur du concordat sur les entreprises de sécurité, d'aucune législation, mis à part quelques règlements disparates. Dans ce contexte, le canton de Genève a fait figure de pionnier en adoptant, le 15 mars 1985, la loi sur la profession d'agent de sécurité privé. C'est donc dans ce cadre juridique extrêmement divers qu'est né un besoin de législation pour les cantons qui n'avaient pas légiféré et un besoin d'uniformisation pour les cantons qui disposaient déjà d'une loi en la matière. La conférence des chefs des départements de justice et police des cantons romands a pris en compte ces différents éléments pour adopter un projet de concordat auxquels tous les cantons romands ont d'ores et déjà adhéré, à l'exception de Genève.

S'agissant de la question de savoir s'il faut abroger partiellement ou totalement la loi genevoise sur la profession d'agent de sécurité privé, M. Bolle relève que le projet de loi 7911, adopté par le Conseil d'Etat, ne prévoit pas formellement d'abroger la loi précitée. Dans le cadre de l'élaboration du concordat, le DJPT a manifesté le désir de conserver, pour le canton de Genève, les quatre principes suivants qui sont actuellement ancrés dans la loi sur la profession d'agent de sécurité privé et qui ont donné entièrement satisfaction, à savoir :

la soumission à autorisation des agents de sécurité privés engagés par des particuliers ou des entreprises ordinaires (par exemple un garde du corps engagé par une personne domiciliée à Genève ou un agent de sécurité privé engagé par une banque ou un grand magasin) ;

le système des amendes administratives, avec recours au Tribunal administratif (dès lors que cette juridiction est déjà saisie en cas de recours contre les retraits ou les refus d'autorisation, au lieu des sanctions pénales, avec recours au Tribunal de police) ;

la possibilité, pour les frontaliers d'être engagés en qualité d'agents de sécurité privés, que ce soit par une agence, par un particulier ou une entreprise ;

la soumission du permis de port d'armes à la réussite d'un examen de maniement des armes et de tir.

Les quatre points précités n'ont finalement pas été repris dans le concordat, dont les articles 2 et 3 réservent toutefois la possibilité au canton de Genève de conserver des prescriptions plus rigoureuses, raison pour laquelle le projet de loi 7911 du Conseil d'Etat n'a pas prévu d'abroger la loi sur la profession d'agent de sécurité privé. Suite à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1999, de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions, du 20 juin 1997, les permis de port d'arme sont désormais délivrés uniquement après la réussite d'un examen, ce qui n'était pas le cas auparavant dans la plupart des cantons, à l'exception de Genève. En d'autres termes, la « réserve » du DJPT s'agissant du permis de port d'arme n'a plus de raison d'être à l'heure actuelle.

A la réflexion, il semble toutefois extrêmement difficile, dans l'hypothèse où Genève adhère au concordat, de conserver entièrement la loi sur la profession d'agent de sécurité privé. En d'autres termes, le DJPT a suggéré à la commission législative de décider si elle partageait ou non le souhait du Conseil d'Etat d'adhérer au concordat, tout en continuant à soumettre à autorisation l'engagement d'agents de sécurité privés par un particulier ou par une entreprise ordinaire, à conserver le système des amendes administratives en lieu et place des contraventions, et enfin à autoriser l'engagement d'agents de sécurité privés frontaliers par des agences, par des particuliers ou par des entreprises. Dans l'affirmative, le DJPT a proposé de soumettre des amendements à la commission.

2. M. Christian Richert, responsable de la surveillance des agents de sécurité privés au commissariat de police, a confirmé que la police estimait que l'article 5 du concordat (selon lequel les tâches de protection et de surveillance exercées par le personnel d'entreprises commerciales ou industrielles au seul profit de celles-ci n'entrent pas dans le champ d'application du concordat) était amplement suffisant et que le canton de Genève pouvait parfaitement renoncer à l'article 5 de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé qui soumet à autorisation les agents de sécurité privés engagés par des particuliers ou des entreprises. Citant l'exemple de l'agent de sécurité privé, employé par un grand magasin pour surveiller les rayons et qui dispose actuellement d'une autorisation du DJPT et d'une carte de légitimation, M. Richert relève que si le gérant du même magasin attrape un client en flagrant délit de vol à l'étalage, il va également l'interpeller et lui demander de le suivre dans son bureau, effectuant en réalité le même travail que l'agent de sécurité privé, mais sans disposer d'une autorisation du DJPT. Il en va de même dans les établissements bancaires, dès lors qu'il n'existe aucun moyen de vérifier si du personnel armé ne circule pas dans les couloirs ou dans la salle des coffres. Le DJPT sait parfaitement qu'un certain nombre d'employés effectuent des missions de sécurité au sein de leur entreprise mais ne sont pas déclarés en tant qu'agents de sécurité privés. Dans ces conditions, l'abrogation de l'article 5 de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé modifierait les choses sur le plan théorique, mais pas sur le plan pratique. Alors qu'il s'occupe, de par sa fonction, de tous les problèmes relatifs aux agents de sécurité privés, M. Richert précise qu'il ne lui arrive qu'exceptionnellement de devoir traiter le cas d'un agent de sécurité privé faisant partie du personnel d'une entreprise commerciale ou industrielle.

En résumé, M. Richert relève que la police est tout à fait favorable à l'adhésion du canton de Genève au concordat, ainsi qu'à l'abrogation de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, sous réserve de la conservation du système d'amendes administratives avec recours au Tribunal administratif, qui a largement fait ses preuves, et de la possibilité, pour les agences de sécurité privées, d'engager des agents frontaliers, catégorie de personnel qui pose moins de problèmes que les agents de sécurité suisses ou au bénéfice d'un permis d'établissement (qui craignent moins de perdre leur emploi s'ils commettent des infractions).

3. MM. Sylvère Salvisberg, président de l'Association patronale des entreprises de sécurité et surveillance en Suisse (ci-après : APESS), et Daniel Lanier, vice-président, accompagnés de Me Christine Sordet, avocate, ont expliqué que les entreprises de sécurité étaient favorables à l'existence d'un concordat, dans la mesure où il faciliterait leur travail. Les représentants de l'APESS remarquent que l'exposé des motifs, à l'appui du projet de loi, mentionne à plusieurs reprises des difficultés de collaboration entre la police et les entreprises de sécurité privées. Ils s'inscrivent en faux contre ces affirmations et estiment que les entreprises sont là pour aider la police. Ils relèvent en outre que l'APESS est intervenue au niveau fédéral pour mettre sur pied un brevet fédéral d'agent de sécurité privé.

Les représentants de l'APESS estiment qu'il conviendra certainement de modifier rapidement l'article 5 du concordat, ce qui ne les empêchent pas d'être favorables à son acceptation. Ils évoquent ensuite un deuxième aspect sur lequel les entreprises souhaitent insister, à savoir le fait que le concordat ne prévoit aucun délai pour la délivrance des autorisations, alors que la loi sur la profession d'agent de sécurité privé prévoit un délai de trente jours pour statuer.

Les représentants de l'APESS précisent enfin qu'ils ne sont pas opposés à l'idée du DJPT de maintenir le système actuel concernant l'engagement d'agents de sécurité privés frontaliers, dès lors que ce personnel constitue une main-d'oeuvre non négligeable à Genève.

III. Premières options prises par la commission

Suite aux auditions précitées, la commission a fait un large tour de table et a invité le DJPT à rédiger des amendements afin de régler le problème des amendes administratives et des agents de sécurité privés frontaliers.

S'agissant de la question de savoir s'il faut ou non renoncer à soumettre à autorisation les agents de sécurité privés, engagés par des particuliers ou des entreprises, comme le prévoit l'article 5 du concordat, plusieurs commissaires ont fait part de leurs craintes en songeant notamment aux personnes qui - sans faire partie du personnel d'une agence - sont chargées de prévenir les vols dans les grands magasins ou de contrôler certaines grandes manifestations.

IV. Première série d'amendements proposes par le DJPT

A la demande de la commission, le DJPT a donc rédigé une première série d'amendements qui ont été discutés lors de la séance du 2 juillet 1999.

Le projet de loi comprend désormais trois chapitres. Le premier chapitre a trait à l'adhésion, proprement dite, au concordat et à la désignation du département compétent. Il s'agit en fait d'une reprise du projet de loi 7911 du Conseil d'Etat. Le chapitre II contient un certain nombre de dispositions particulières concernant, d'une part, l'engagement d'agents de sécurité frontaliers par des entreprises de sécurité, l'engagement d'agents de sécurité par des particuliers ou des entreprises, et les amendes administratives. Le chapitre III a trait aux dispositions d'application, à l'abrogation de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé et à l'entrée en vigueur.

Les représentants du DJPT et de la police ont toutefois fait part de leur très vive hésitation à l'idée d'inciter la commission à continuer à soumettre à autorisation les agents de sécurité privés engagés par des particuliers ou des entreprises, conformément à l'article 5 de la loi genevoise actuellement en vigueur. Il s'agirait là d'une institution unique en Suisse qui serait contraire au but d'uniformisation poursuivi par le concordat et qui ne manquerait pas de poser des problèmes au niveau de son champ d'application. Comment traiter une personne chargée d'approvisionner les rayons d'un magasin et d'assurer en même temps la sécurité des lieux ? Quelle serait la situation d'un barman de boîte de nuit faisant en même temps office de videur ? Il convient en effet de tenir compte du fait qu'il existe un certain nombre d'activités où l'on ne discerne pas vraiment les limites de la sécurité.

Les représentants du DJPT et de la police ont en outre attiré l'attention de la commission sur le fait que si elle s'engageait dans cette voie, cette catégorie particulière d'agents de sécurité pourrait ensuite obtenir sans difficulté un permis de port d'armes en application de la nouvelle législation fédérale en la matière. A terme, il faudrait compter avec une augmentation d'environ cinq cents permis de port d'armes, uniquement pour la catégorie professionnelle en question, et sans compter le personnel des agences de sécurité privées. Si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, il faudrait encore soumettre à autorisation l'engagement des concierges qui effectuent des rondes dans les sous-sols de leurs immeubles, les employés qui délivrent des tickets à l'entrée des cinémas, ou qui indiquent aux spectateurs les sorties de secours ou les places de parking lors de grandes manifestation. Il convient en outre de tenir compte du fait qu'en quatorze ans de pratique les gros problèmes rencontrés concernaient uniquement des chefs d'agence ou leurs employés, et non des agents de sécurité privés, employés par des particuliers ou des entreprises commerciales ou industrielles, dont seul un tiers (selon une estimation raisonnable), est recensé actuellement.

Au terme d'une longue discussion, la commission a voté l'entrée en matière à l'unanimité et s'est déterminée comme suit au sujet des premiers amendements présentés par le DJPT :

Les articles 1 (adhésion) et 2 (compétence), qui reprennent mot à mot les articles 1 et 3 du projet de loi 7911 du Conseil d'Etat, ont été acceptés à l'unanimité.

L'article 3 (nouveau) intitulé « Engagement d'agents de sécurité frontaliers par des entreprises de sécurité », selon lequel « l'autorisation d'engager du personnel prévue à l'article 9 du concordat peut également être accordée à une entreprise de sécurité dont le siège ou la succursale se trouve dans le canton pour des agents de sécurité titulaires d'une autorisation frontalière depuis trois ans au moins », a également été adopté à l'unanimité.

L'article 4 (nouveau) initialement intitulé par le DJPT « Engagement d'agents de sécurité par des particuliers ou des entreprises » (disposition qui reprenait en réalité l'article 5 de la loi genevoise actuellement en vigueur) a par contre été modifié par la commission qui, après réflexion, a estimé qu'il convenait de supprimer le statut d'agent de sécurité privé pour les personnes engagées par des particuliers ou des entreprises et de le dire clairement dans la législation genevoise pour éviter tout vide juridique à ce sujet. Un commissaire a donc proposé de remplacer l'article 4, initialement souhaité par la commission, par une nouvelle disposition intitulée « Tâches de surveillance et de protection » dont la formulation est la suivante : « Le personnel d'entreprises commerciales ou industrielles exerçant des tâches de protection et de surveillance au profit de celles-ci n'est pas assimilé à des agents de sécurité privés au sens de la présente loi ».

L'article 5 (nouveau) intitulé « Amende administrative » n'a pas fait l'objet de grandes discussions. Alors que le DJPT proposait d'en rester à la fourchette actuelle de 100 F à 20 000 F, la commission a estimé qu'il convenait d'augmenter le montant maximum à 60 000 F, comme dans d'autres lois de nature administrative.

L'article 6 (nouveau) intitulé « Dispositions d'application », a repris le texte de l'article 2 du projet de loi 7911, selon lequel le Conseil d'Etat édicte, par voie réglementaire, toutes les dispositions complémentaires nécessaires, tout en rajoutant le complément de phrase suivant : « ... et fixe les émoluments. ».

L'article 7 (nouveau) intitulé « Clause abrogatoire », qui prévoyait l'abrogation de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé du 15 mars 1985, a fait l'objet d'une proposition d'un commissaire visant à lui ajouter un alinéa 1, selon lequel « Le statut d'agent de sécurité privé engagé par des particuliers résidant de façon durable sur le territoire du canton, ainsi que par des entreprises ayant leur siège ou déployant une activité régulière sur sol genevois, est supprimé ».

Un commissaire a encore proposé d'ajouter, avant l'article 9 (nouveau) intitulé « Entrée en vigueur » (selon lequel le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur du concordat pour le canton et de la présente loi), un article 8 (nouveau) intitulé « Disposition transitoire », selon lequel « les particuliers et les entreprises qui ont engagé des agents de sécurité privés conformément à la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, ont un délai de huit mois pour se conformer à la présente loi ».

Le vote concernant les amendements, relatifs aux articles 4 à 9, précités a été renvoyé à une dernière séance.

V. Deuxième série d'amendements proposés par le DJPT

L'été portant conseil, le DJPT a examiné avec M. Raphaël Martin, directeur des affaires juridiques à la Chancellerie d'Etat et « père » de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, les différents amendements discutés lors de la séance de la Commission législative du 2 juillet 1999. Ce dernier a pris bonne note que la Commission législative estimait, d'ailleurs sur proposition du DJPT et de la police, qu'il n'y avait pas lieu de maintenir une autorisation d'engagement pour les agents de sécurité privés, employés par des entreprises commerciales ou des particuliers, et qu'il était préférable de s'aligner, sur ce point, sur le concordat intercantonal sur les entreprises de sécurité, auquel le Conseil d'Etat serait autorisé à adhérer, en vertu de l'article 1 du projet de loi 7911.

M. Martin a estimé que cette volonté politique se trouverait pleinement réalisée par la seule abrogation de la loi genevoise sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, et qu'il était superflu et même peu heureux, en bonne technique législative, d'indiquer en plus dans cette même loi que « le personnel d'entreprises commerciales ou industrielles exerçant des tâches de protection et de surveillance au profit de celles-ci ne sont pas des agents de sécurité privés au sens de la présente loi ». 4 envisagé par la commission), et que « le statut d'agent de sécurité privé employé par un particulier ou une entreprise est abrogé » (art. 7, al. 1 envisagé par la commission). A son avis, il s'agissait là d'explications à faire figurer dans le rapport de la Commission législative et non de normes à insérer dans le texte législatif lui-même.

Quant à l'article 8 (Disposition transitoire) envisagé par la commission, M. Martin estimait que sa portée était ambiguë. Les particuliers et les entreprises ayant engagé des agents de sécurité privés en application de la loi genevoise sur la profession d'agent de sécurité privé ne se trouveraient plus soumis à la législation considérée dès le jour même de l'entrée en vigueur du concordat sur le territoire du canton de Genève. Dans ces conditions, il ne voyait pas pourquoi un délai de huit mois devait leur être imparti « pour se conformer à la présente loi ». En revanche, il pourrait s'avérer utile d'imposer aux agents de sécurité privés engagés par des particuliers ou des entreprises en application de la loi genevoise précitée, par le biais d'une disposition transitoire, l'obligation de restituer leur carte de légitimation dans un délai de six mois. De cette façon, non seulement il y aurait dans la loi elle-même, conformément au souhait de la Commission législative, l'expression politique du fait que l'activité d'agent de sécurité privé employé par un particulier ou une entreprise ne serait plus soumise à la législation considérée mais encore on éviterait que des cartes de légitimation délivrées à de tels agents continuent à être en circulation, alors qu'elles n'attesteraient de plus aucun statut au regard de cette législation, et on préviendrait le risque de créer des confusions. Il faudrait encore assortir cette obligation de restitution d'une sanction. La disposition transitoire considérée pourrait prendre la teneur suivante : « Les agents de sécurité privés engagés par des particuliers ou des entreprises en application de l'article 5 de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, ont l'obligation de restituer leur carte de légitimation au département dans un délai de six mois dès l'entrée en vigueur de la présente loi. A défaut, le département peut la leur faire saisir et leur infliger une amende administrative en appliquant, par analogie, l'article 5 de la présente loi ».

Enfin, s'agissant des émoluments prévus par le concordat ou par les dispositions d'application de ce dernier et de la loi en voie d'adoption, M. Martin a insisté sur la nécessité de prévoir une base légale suffisante, comportant un montant minimum et surtout un montant maximum, afin de se prémunir contre les contestations ultérieures, relatives à la qualification des émoluments considérés (cf. ATF 125 I 173).

Tenant compte des remarques formulées par M. Martin, le DJPT a donc rédigé une deuxième série d'amendements qui ont été discutés lors de la séance de la Commission législative du 17 septembre 1999.

L'article 4 intitulé « Tâches de protection et de surveillance », qui avait été envisagé par la commission, a finalement été supprimé à la quasi unanimité de la commission (5 oui, dont 1 Ve, 1 DC, 1 R et 2 L, 0 non et une abstention S). La commission s'est ainsi rangée aux arguments précités et au fait qu'il était inutile de rappeler dans la loi d'adhésion au concordat que le personnel d'entreprises commerciales ou industrielles exerçant des tâches de protection et de surveillance au profit de celles-ci ne sont pas des agents de sécurité privés, dès lors que l'article 5 du concordat le dit lui-même. La Commission législative a également tenu compte du fait que, lorsqu'elle a entrepris de réformer la juridiction administrative en lui octroyant la plénitude de compétences, elle a systématiquement ôté, avec un pointillisme de bon aloi, toutes les clauses attributives à la juridiction administrative figurant dans les autres lois, choisissant d'assurer ainsi une cohérence générale de la législation.

Dans la foulée, la commission a également voté, à l'unanimité, l'article 7 (devenu 6) intitulé « Clause abrogatoire », selon lequel la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, est abrogée, renonçant par là à l'alinéa 2, qui avait été envisagé précédemment par la commission, pour préciser que « le statut d'agent de sécurité privé employé par un particulier ou une entreprise est abrogé ».

L'article 5 intitulé « Dispositions d'application » a été complété par le plancher et le plafond de l'émolument ainsi que la clause classique relative à l'adaptation, à l'évolution du coût de la vie. Cette disposition a finalement été adoptée à l'unanimité.

Les articles 7 et 8 intitulés « Disposition transitoire » et « Entrée en vigueur » ont également été adoptés à l'unanimité, mais dans un ordre différent, conformément à l'usage.

Le projet de loi ainsi amendé a finalement été adopté à l'unanimité (1 S, 1 Ve, 1 DC, 1 R et 2 L).

VI Bref commentaire du projet de loi et des propositions d'amendements

Article 1 Adhésion

Pas de commentaire particulier dès lors qu'il s'agit de la clause classique d'adhésion.

Article 2 Compétence

Article 3 Engagement d'agents de sécurité frontaliers par des entreprises de sécurité

Comme exposé ci-dessus, les représentants du DJPT et de la profession estiment qu'il convient de maintenir la possibilité, pour les agences de sécurité dont le siège ou la succursale se trouve dans notre canton, d'engager des agents de sécurité titulaires d'une autorisation frontalière depuis trois ans au moins, possibilité qui était expressément prévue par la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, mais qui n'a malheureusement pas été reprise par le concordat. A noter que la Commission concordataire, prévue à l'article 27 du concordat, ne voit aucune objection à ce que le canton de Genève continue à autoriser des agents de sécurité privés frontaliers. La commission précitée a par ailleurs décidé, par le biais d'une directive interprétative, de reconnaître les agents de sécurité privés frontaliers autorisés dans le canton de Genève.

Article 4 Amende administrative

Article 5 Dispositions d'application

Cette disposition permettra non seulement au Conseil d'Etat d'édicter les dispositions complémentaires nécessaires, mais encore de fixer les émoluments dans une limite comprise entre 50 F et 1000 F. La fourchette précitée correspond à celle prévue par le règlement d'exécution de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 10 juillet 1985, qui devra être abrogé suite à l'entrée en vigueur de la loi, ainsi qu'aux émoluments moyens souhaités par la Commission concordataire.

Article 6 Clause abrogatoire

Pas de commentaire particulier en dehors des explications fournies ci-dessus sous chiffres IV et V concernant l'abrogation de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, et la volonté de la commission de ne pas soumettre à autorisation l'engagement d'un agent de sécurité privé par un particulier ou une entreprise, à l'instar de l'article 5 du concordat.

Article 7 Entrée en vigueur

Cette disposition, relativement technique, permettra à la Chancellerie d'Etat d'insérer, dans l'arrêté de promulgation de la loi, une disposition fixant l'entrée en vigueur de ses articles 1 (autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au concordat) et 5 (autorisant le Conseil d'Etat à édicter les dispositions d'application) dès le lendemain de la publication de l'arrêté de promulgation, ainsi qu'une disposition rappelant que, conformément à l'article considéré de la loi, le Conseil d'Etat fixera ultérieurement la date d'entrée en vigueur du concordat pour le canton ainsi que des autres dispositions de la loi concernant le concordat (à moins que le DJPT ne puisse d'ores et déjà préciser à la Chancellerie d'Etat, la date à retenir pour l'entrée en vigueur de ces textes législatifs).

Article 8 Disposition transitoire

Comme exposé ci-dessus sous chiffre V, cette disposition exprime non seulement le souhait de la Commission législative de faire en sorte que l'activité d'agent de sécurité privé employé par un particulier ou une entreprise n'est plus soumise à la législation considérée, mais encore d'éviter que des cartes de légitimation délivrées à de tels agents sous l'empire de la loi du 15 mars 1985, continuent à être en circulation alors qu'elles n'attestent de plus aucun statut au regard de cette législation.

VII. Conclusions

Tel qu'amendé par notre commission, le projet de loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité permettra au Conseil d'Etat d'adhérer enfin au concordat (adhésion très attendue de la part de la profession) tout en conservant les spécificités genevoises qui ont fait leurs preuves, qu'il s'agisse de la possibilité d'engager des agents de sécurité privés frontaliers dans des agences ou d'infliger des amendes administratives (en lieu et place des sanctions pénales).

Quant aux craintes de certains commissaires au sujet des tâches de protection et de surveillance exercées par le personnel d'entreprises commerciales ou industrielles au seul profit de celles-ci, tâches qui n'entrent pas dans le champ d'application du concordat, elles peuvent raisonnablement être dissipées en fonction des explications qui ont été fournies par les représentants du DJPT et de la police.

Au bénéfice des explications qui précèdent, notre commission vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le projet de loi dans la version issue de ses travaux.

Premier débat

M. Michel Balestra (L), rapporteur. La République et canton de Genève a fait oeuvre de pionnier en adoptant, en 1985 déjà, un projet de loi visant à réglementer la profession d'agent de sécurité. (Brouhaha.)

Le président. J'aimerais bien que l'on fasse silence ! Les commentaires sur le projet de loi précédent peuvent se faire à la buvette ! Nous poursuivons nos travaux dans le calme. Vous pouvez reprendre, Monsieur Balestra !

M. Michel Balestra, rapporteur. Mesdames et Messieurs, je vous signalais que la République et canton de Genève a fait oeuvre de pionnier en adoptant, en 1985 déjà, un projet de loi visant à réglementer la profession d'agent de sécurité. Aujourd'hui, tous les cantons romands s'inspirant largement de la loi genevoise ont adhéré à un concordat. Ce concordat reprend les principes de la pratique genevoise.

La commission législative a demandé au département de justice et police et des transports de conserver les spécificités genevoises en matière d'amendes administratives et d'engagement d'agents de sécurité frontaliers par les amendements qu'elle a proposés et qu'elle a votés. La commission législative vous propose à l'unanimité et une abstention de voter le projet de loi, qui permettra au Conseil d'Etat d'adhérer au concordat en conservant les spécificités genevoises validées par quinze ans de pratique. 

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7911)

concernant le concordat sur les entreprises de sécurité,du 18 octobre 1996 (I 2 14)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

Art. 1 Adhésion

Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996 (ci-après : le concordat), approuvé par le Conseil fédéral le 17 décembre 1996.

Art. 2 Compétence

Le département de justice et police et des transports (ci-après : le département) est chargé des relations avec les cantons concordataires.

Art. 3 Engagement d'agents de sécurité frontaliers par des entreprises de sécurité

L'autorisation d'engager du personnel, prévue à l'article 9 du concordat, peut également être accordée à une entreprise de sécurité dont le siège ou la succursale se trouve dans le canton pour des agents de sécurité titulaires d'une autorisation frontalière depuis 3 ans au moins.

Art. 4 Amende administrative

1 Le département peut infliger une amende administrative de 100 F à 60 000 F à celui qui :

2 Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables.

Art. 5 Dispositions d'application

Le Conseil d'Etat édicte, par voie réglementaire, les dispositions complémentaires nécessaires et fixe les émoluments dans une limite comprise entre 50 F et 1'000 F. La limite maximale est adaptée à l'évolution du coût de la vie, calculée à partir de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, selon l'indice genevois des prix à la consommation

Art. 6 Clause abrogatoire

La loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985 (I 2 15), est abrogée.

Art. 7 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur du concordat pour le canton et de la présente loi.

Art. 8 Disposition transitoire

Les agents de sécurité privés engagés par des particuliers ou des entreprises en application de l'article 5 de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, ont l'obligation de restituer leur carte de légitimation au département dans un délai de 6 mois, dès l'entrée en vigueur de la présente loi. A défaut, le département peut la leur faire saisir et leur infliger une amende administrative en appliquant, par analogie, l'article 4 de la présente loi.

Concordat sur les entreprises de sécurité,

du 18 octobre 1996, approuvé par le Conseil fédéralle 17 décembre 1996

Les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève et Jura,

considérant :

la nécessité de se doter d'une législation commune dans le domaine des entreprises de sécurité

conviennent :

du présent concordat sur les entreprises de sécurité (ci-après : le concordat) exerçant leurs activités dans les cantons romands parties.

Art. 1 Parties

Sont parties au concordat les cantons qui déclarent leur adhésion.

Art. 2 Buts

Le présent concordat a pour buts :

Art. 3 Réserve des législations fédérale et cantonale

Sont réservées les dispositions fédérales ainsi que les prescriptions plus rigoureuses édictées par un canton concordataire pour les entreprises dont le siège ou la succursale est sis sur son territoire ou pour les agents de ces entreprises qui y pratiquent.

Art. 4 En général

Le présent concordat régit les activités suivantes exercées à titre principal ou accessoire soit par du personnel soit au moyen d'installations adéquates :

Art. 5 Exception

Les tâches de protection et de surveillance exercées par le personnel d'entreprises commerciales ou industrielles au seul profit de celles-ci n'entrent pas dans le champ d'application du présent concordat.

Art. 6 Définitions

Au sens du présent concordat, on entend par :

Art. 7 Principes

1 Une autorisation est nécessaire pour :

2 Elle est délivrée par l'autorité compétente du canton où l'entreprise a son siège ou, dans le cas de l'article 10, par l'autorité compétente du canton où l'activité s'exerce.

3 L'entreprise constituée en personne morale doit désigner un responsable auquel elle confère les pouvoirs pour la représenter et l'engager auprès des tiers.

Art. 8 Conditions - Autorisation d'exploiter

1 L'autorisation d'exploiter ne peut être accordée que si le responsable :

2 L'examen est organisé par le canton de siège de l'entreprise ou de sa succursale. Ses modalités sont réglées par la commission concordataire.

Art. 9 Autorisation d'engager du personnel

1 L'autorisation d'engager du personnel n'est accordée que si l'agent de sécurité ou le chef de succursale :

2 Le chef de succursale ne doit pas en outre avoir fait l'objet d'actes de défaut de biens définitifs et doit avoir subi avec succès l'examen prévu à l'article 8, alinéa 1, lettre f.

Art. 10 Autorisation d'exercer

1 Les agents des entreprises de sécurité qui n'ont ni siège ni succursale dans l'un des cantons concordataires ne peuvent y exercer une activité qu'après autorisation délivrée aux conditions de l'article 9 du présent concordat.

2 La demande est présentée par l'entreprise de sécurité.

3 L'autorité compétente reconnaît les autorisations délivrées par les cantons non concordataires, conformément à la législation fédérale sur le marché intérieur.

Art. 11 Communication à l'autorité

1 Les entreprises de sécurité communiquent immédiatement aux autorités cantonales compétentes toute modification de l'état de leur personnel ainsi que tout fait pouvant justifier le retrait d'une autorisation.

2 L'exploitation d'une succursale dans un canton concordataire doit être annoncée à l'autorité du canton où elle se situe.

Art. 12 Validité de l'autorisation

1 L'autorisation accordée par une autorité compétente est valable sur l'ensemble des cantons concordataires.

2 Elle est valable quatre ans et renouvelable sur demande du titulaire.

Art. 13 Mesures administratives

1 L'autorité qui a accordé l'autorisation doit la retirer lorsque le titulaire ne remplit plus les conditions prévues aux articles 8 et 9 ou lorsqu'il contrevient gravement ou à de réitérées reprises aux dispositions du présent concordat ou de la législation cantonale d'application.

2 L'autorisation est en outre retirée lorsqu'elle cesse d'être utilisée ou lorsqu'il n'en est pas fait usage dans les six mois à compter de sa délivrance.

3 L'autorité peut également prononcer un avertissement ou une suspension de l'autorisation de un à six mois.

4 Demeurent réservées les mesures urgentes que peut prendre l'autorité du canton où s'exerce l'activité lorsque l'entreprise ou l'un de ses agents viole gravement la loi ou le concordat.

Art. 14 Collaboration intercantonale

1 Les cantons concordataires dans lesquels pratiquent des agents ou une entreprise de sécurité se communiquent tout fait pouvant entraîner le retrait de l'autorisation ainsi que toute autre décision prise à leur égard.

2 Les dispositions cantonales relatives à la protection des données personnelles et à l'échange d'information s'appliquent pour le surplus.

Art. 15 Respect de la législation

1 Les entreprises de sécurité et leur personnel doivent exercer leur activité dans le respect de la législation.

2 En particulier, le recours à la force doit être limité à la légitime défense et à l'état de nécessité au sens du Code pénal suisse.

Art. 16 Rapports avec l'autorité - Collaboration

1 Les personnes soumises au présent concordat évitent d'entraver l'action des autorités et des organes de police.

2 Elles prêtent assistance à la police spontanément ou sur requête, conformément aux prescriptions légales en la matière.

3 La délégation de tâches d'intérêt public aux entreprises de sécurité demeure réservée.

Art. 17 Obligation de dénoncer

Les personnes soumises au présent concordat ont l'obligation de dénoncer sans délai à l'autorité pénale compétente tout fait pouvant constituer un crime ou un délit poursuivi d'office qui parviendrait à leur connaissance.

Art. 18 Légitimation et publicité

1 Les personnes exerçant leur activité en dehors des locaux de l'entreprise doivent être munies d'une carte de légitimation avec photographie mentionnant leur nom, prénom, date de naissance, fonction et le nom ou la raison sociale de leur entreprise.

2 Ils présentent ce document sur réquisition de la police ou de tout intéressé.

3 Les cartes de légitimation, le matériel de correspondance et la publicité commerciale ne doivent pas faire naître l'idée qu'une fonction officielle est exercée.

Art. 19 Uniformes et véhicules

1 Les uniformes utilisés doivent être distincts de ceux de la police cantonale et des polices locales.

2 La même règle vaut pour le marquage et l'équipement des véhicules.

Art. 20 Approbation du matériel utilisé

1 Les matériels désignés aux articles 18 et 19 doivent être soumis à l'approbation de l'autorité compétente.

2 La Commission concordataire peut émettre des directives dans ce domaine.

Art. 21 Armes

1 L'achat et le port d'arme sont régis par la législation spéciale, sous réserve des dispositions qui suivent.

2 A l'exception des armes longues utilisées pour assurer les transports de sécurité, lesquelles doivent rester dans le véhicule, les armes sont portées de manière non apparente sur la voie publique ou dans d'autres lieux ouverts au public.

Art. 22 Contraventions

1 Est passible des arrêts ou de l'amende celui qui :

2 Les dispositions du Code pénal suisse relatives aux contraventions sont applicables au présent concordat. La négligence, la tentative et la complicité sont toutefois punissables.

Art. 23 Procédure

1 Les cantons poursuivent et jugent les infractions conformément à leur droit interne.

2 Les dispositions du droit fédéral relatives au for et à l'entraide judiciaire sont applicables par analogie.

Art. 24 Communications

Les autorités judiciaires des cantons concordataires communiquent à l'autorité administrative cantonale compétente les jugements prononcés sur la base du présent concordat ou de la législation cantonale spéciale.

Art. 25 Tâches des cantons

Les cantons concordataires veillent à l'application du présent concordat. Ils sont en particulier compétents pour :

Art. 26 Organe directeur

La Conférence des chefs des départements de police de Suisse romande (ci-après, la Conférence) est l'organe directeur du présent concordat. Elle désigne les membres d'une Commission concordataire.

Art. 27 Commission concordataire - Composition et organisation

1 La Commission concordataire est composée d'un représentant par canton concordataire et elle est présidée par un membre de la Conférence nommé par celle-ci à cet effet.

2 La Commission concordataire se réunit au moins une fois par année et fixe elle-même sa procédure. Elle peut notamment constituer des sous-commissions chargées de tâches spéciales.

3 Le secrétariat est assuré par le canton dont provient le président.

Art. 28 Tâches

1 La Commission concordataire règle l'application du concordat par des directives. Elle accomplit en outre les tâches qui lui sont attribuées par le présent concordat.

2 Elle peut proposer à la Conférence de nouvelles dispositions ou lui adresser des recommandations concernant les améliorations à apporter au concordat.

3 La Conférence peut charger la Commission concordataire d'effectuer des tâches particulières en relation avec le concordat.

Art. 29 Entrée en vigueur

Le présent concordat, après avoir été approuvé par le Conseil fédéral, entre en vigueur lorsque trois cantons au moins y ont adhéré.

Art. 30 Droit transitoire

Les entreprises de sécurité existantes et leur personnel ont un délai de huit mois dès l'entrée en vigueur du présent concordat pour se conformer aux articles 8, 9, 10 et 20 du présent concordat.

Art. 31 Dénonciation

Un canton signataire peut dénoncer le concordat moyennant préavis d'un an, pour la fin d'une année. Les autres cantons décident s'il y a lieu de le maintenir en vigueur.

M 1296
11. a) Proposition de motion de Mme et MM. Pierre-Pascal Visseur, Jean-Marc Odier, Marie-Françoise de Tassigny et Michel Balestra concernant la répartition des tâches de la police. ( )M1296
P 1237-A
b) Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition en faveur du maintien du poste de police de Versoix. ( -)P1237
Rapport de M. Jean-Marc Odier (R), commission des pétitions

Proposition de motion(1296)concernant la répartition des tâches de la police

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

l'inquiétude légitime d'une grande partie de la population face à la violence croissante lors de réunions sur la voie publique ;

la multitude de tâches administratives et d'autorité incombant aujourd'hui à la police ;

la présence souhaitée de policiers sur la voie publique, en plus grand nombre ;

le grand nombre d'heures supplémentaires effectuées par la police ;

les projets de nouvelle utilisation des postes de police ;

la demande d'augmenter le nombre de policiers ;

invite le Conseil d'Etat

à établir et à publier la liste exhaustive des tâches confiées actuellement à la police, à publier la nouvelle répartition du travail de la police, telle qu'imaginée par la réforme en cours ;

à décharger la police des tâches pouvant être assumées par du personnel administratif, par des agents de sécurité municipaux ou des tiers ;

à proposer au Grand Conseil les modifications législatives y relatives ;

à adopter lui-même les modifications réglementaires nécessaires.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'examen de la pétition 1237 (en faveur du maintien du poste de police de Versoix) a démontré que les policiers devaient effectuer une multitude de tâches (notification de commandements de payer, rapports administratifs, police du commerce, police des étrangers) ne ressortant pas de leur mission première.

Par ailleurs, les membres de la police effectuent chaque année plusieurs dizaine de milliers d'heures supplémentaires, qui ne peuvent être ni récupérées ni payées en dehors des heures à charge de la Confédération.

Force est de constater que les policiers, bien malgré eux, sont souvent tenus éloignés de la voie publique et que les « îlotiers » (police de proximité dans les quartiers) supportent l'essentiel du travail de proximité.

Les « doublons » existants entre la police cantonale et les agents de ville entraînent des confusions dans l'esprit de la population.

Le but de cette motion est aussi d'ordre informatif : il s'agit d'obtenir du Conseil d'Etat un inventaire complet et détaillé des tâches actuellement assumées par la police, et un aperçu de la réforme en cours remédiant à cet état de fait.

Il est ensuite demandé de transférer, dans la mesure du possible, les travaux administratifs à du personnel « non-policier ». Il n'est en effet pas souhaitable qu'une carrière de gendarme conduise à notifier des commandements de payer ou à dactylographier des rapports divers.

La motion invite enfin le Conseil d'Etat à procéder aux modifications réglementaires nécessaires, respectivement à proposer au Grand Conseil de modifier les lois concernées.

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à bien vouloir renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

Rapportde la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition en faveur du maintien du poste de police de Versoix(1237)

Rapporteur: M. Jean-Marc Odier

Sous la présidence de M. Louis Serex, la Commission des pétitions a étudié la pétition 1237 lors de ses séances du 26 avril et du 17 mai 1999. Les procès-verbaux ont été tenus par Mme Pauline Schaeffer.

Déposée par Mme Yvonne Humbert, maire de Genthod, la pétition 1237 est une initiative du Conseil municipal de Genthod, suivie du Groupement des communes de la rive droite du lac.

Pétition(1237)

en faveur du maintien du poste de police de Versoix

Mesdames etMessieurs les députés,

La commune de Genthod faisant partie d'un bassin regroupant les communes de la rive droite du lac, soit près de 19 000 habitants, elle est de plus en plus confrontée à des problèmes de sécurité et s'inquiète de la future suppression du poste de police de Versoix.

La présente pétition demande instamment aux Autorités cantonales de renoncer à cette décision.

N.B. : 256 signatures

Commune de Genthod

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Auditions

Audition des pétitionnaires, MM. Jean-Marc Mermoud, maire de Pregny-Chambésy, René Schneckenberger, maire de Versoix, et Pierre-Marie Salamin, conseiller administratif de Versoix

En préambule, les pétitionnaires informent la commission qu'une pétition ayant récolté environ 1350 signatures auprès des commerçants versoisiens a été adressée au Conseil d'Etat en janvier, lequel y répondit par le chef du DJPT le 2 février. Etonnés que la commission n'ait pas été saisie de cet objet, les pétitionnaires transmettent copie de la correspondance échangée avec le Conseil d'Etat (annexe 1) , en précisant que le fond du problème est identique à la pétition 1237.

Cette pétition exprime la réaction rencontrée à travers la population des communes concernées après l'annonce de la fermeture du poste de police de Versoix, ou tout du moins d'une restructuration réduisant fortement l'effectif policier du poste. Inquiètes de l'insécurité croissante dans la région et de la perspective d'une diminution de la présence policière dans le même secteur, les autorités communales estiment que les mesures envisagées sont inadéquates. Avec une population d'environ 20 000 habitants et un vaste territoire étendu sur les communes de Bellevue, Céligny, Collex-Bossy, Genthod, Pregny-Chambésy et Versoix, ce secteur de la rive droite de notre canton est en droit d'attendre une présence policière fixe et permanente. En tenant compte de l'évolution constatée du nombre de cas d'interventions, il conviendrait de renforcer les effectifs plutôt que de les diminuer. Une présence fixe de gendarmes dans un secteur offre de nombreux avantages, notamment une meilleure connaissance du secteur, tant au niveau de la topographie qu'à celui de la population, un meilleur suivi de problèmes récurrents, ainsi qu'une plus grande rapidité d'intervention.

La capacité d'intervention, affirmée par le commandement de la gendarmerie, des patrouilles du poste de police de Blandonnet est pour les pétitionnaires une vue de l'esprit, tant les distances et la circulation à certaines heures empêchent toute rapidité d'intervention. Cette rapidité d'intervention est d'autant plus nécessaire, notamment dans les cas de cambriolages pour lesquels on constate une nette recrudescence, que les passages frontières sont de moins en moins contrôlés, facilitant ainsi le retrait sur sol étranger des auteurs des délits.

Dans un échange de correspondance relatif à ce sujet (annexe 1), le président du DJPT assurait que les mesures envisagées par la hiérarchie de la police ne seraient pas concrétisées sans l'avis des communes. Contrastant très nettement avec les informations du commandant Baer confirmant que la décision était prise, les garanties du chef du DJPT, M. Ramseyer, conseiller d'Etat, sont de nature à rassurer en partie les communes. Cependant, il ressort également de la réflexion du président du DJPT que l'Etat doit trouver des solutions pour faire face à l'augmentation du nombre de cas nécessitant l'intervention de la police et que les ASM (agents de sécurité municipaux) peuvent répondre en partie à cette évolution. Du point de vue des pétitionnaires, ce système n'est pas souhaitable puisqu'il reporte sur les communes une tâche attribuée jusqu'à présent au canton et qu'il instaure deux polices au lieu de renforcer les effectifs de la police actuelle. Les communes auraient bien envisagé le recours aux ASM, si le statut de ces derniers avait été mieux défini et plus tôt. En l'occurrence, Versoix s'est organisée par l'engagement d'un service privé de sécurité pour la surveillance du secteur Port-Choiseul et celui du centre sportif. Il n'en reste pas moins que les coûts de cette surveillance sont pris en charge par la commune, alors que la vocation de la plage est largement cantonale.

Audition de MM. Jacques Dessibourg, maréchal, chef du poste de police de Versoix, Marcel Magnin, maréchal, chef du poste de police de Blandonnet

Pour le maréchal Dessibourg, par les précédentes diminutions d'effectifs dans son poste et les prochaines envisagées dans le cadre de la restructuration qui entrera en vigueur dès le 1er septembre 1999, il n'est tout simplement plus raisonnable de continuer à gérer la gendarmerie dans ces conditions. Prenant l'exemple éloquent de la dernière nuit, un gendarme a effectué seul la permanence pour un secteur de 20 000 habitants de 19h30 à 6h00. En plus des interventions de routine, le gendarme s'est vu confronté à une situation à risques en devant poursuivre en solitaire deux cambrioleurs lyonnais qui avaient volé une voiture à Bellevue. La fuite des malfrats a été interrompue grâce aux renforts de la Ville et du poste de Blandonnet.

Pratiquement, la restructuration prévoit que le poste de police ne sera désormais ouvert que deux heures le matin et deux heures l'après-midi du lundi au samedi midi. La nuit et le week-end dès samedi 12h00, le poste sera fermé.

Le maréchal Dessibourg se demande si le statut du gendarme, garant de la sécurité des habitants, consiste à endosser et se surcharger de multiples tâches totalement annexes comme par exemple la distribution des 2159 commandements de payer délivrés sur le secteur au courant 1998. Toujours durant cette année, le poste a enregistré un total de 2187 heures supplémentaires sur l'ensemble des douze collaborateurs. Parmi les nombreuses tâches attribuées au poste de police, il n'est pas envisageable de déléguer un certain nombre d'entre elles, comme la réception au poste des dépôts de plainte, ainsi que de diverses doléances. D'autre part, les gendarmes sont affectés aux formalités des constats d'accidents de la circulation dont l'établissement des rapports prend un temps précieux pendant lequel le gendarme est derrière un ordinateur plutôt que d'être occupé à une tâche pratique sur le terrain.

Le maréchal Magnin explique que le poste de Blandonnet a été ouvert en 1997 en remplacement de ceux de l'aéroport et de Châteleine, représentant un effectif total de 55 gendarmes dont 48 travaillant en rotation. Actuellement, le poste ne fonctionne qu'avec 46 gendarmes dont 37 en rotation, dont il faut retrancher 6 hommes réquisitionnés pour la surveillance des missions diplomatiques. En fin de compte, l'effectif avant le décompte des absences vacances, maladies et autres est de 28 gendarmes pour le travail dans la rue, que le maréchal n'hésite pas à qualifier d'effectif misérable en regard du secteur à couvrir. Concrètement, la nuit est assurée en moyenne par trois gendarmes pour une population de 61 000 habitants, avec des quartiers sensibles tels Meyrin et Vernier ainsi que les Avanchets et le Lignon pour des problèmes de drogue. Ce à quoi il faut ajouter le Grand-Saconnex, fréquemment en proie aux vandales, sans oublier les trois communes du Mandement, plus tranquilles mais à surveiller tout de même. Comme le chef de poste de Versoix, le maréchal Magnin déclare : « Actuellement, ce n'est plus gérable. »

A propos de la future restructuration, sans y être particulièrement favorable, le maréchal pense que le processus est inéluctable. En contrepartie du rattachement de nouvelles communes à couvrir, le poste devrait récupérer quelques hommes de la fusion des brigades motorisée et autoroutière.

Pourtant, sur le principe, cette restructuration entraînera certains paradoxes. L'idée d'une police de proximité, connaissant bien son secteur tant au niveau topographique qu'à celui de la population, est largement acquise. Cependant, à l'exemple du poste de Versoix ouvert deux heures le matin et deux heures l'après-midi, la capacité d'intervention de cette police est extrêmement limitée. En cas de nécessité, lorsque le poste de Blandonnet sera occupé ailleurs, il sera fait appel à des pelotons mobiles de gendarmerie (PMG) dont la structure et les méthodes d'intervention se rapprochent plus d'une unité élite commando que d'une police de proximité, eux qui n'ont connaissance ni du terrain ni de sa population. A cet égard, M. Dessibourg insiste sur les liens que les policiers entretiennent d'une part avec la population dont ils sont finalement assez proches et d'autre part avec les autorités communales et leurs services sociaux. Le rôle social du gendarme est donc réel et précieux. Ces paradoxes se résument en une police à deux vitesses ; une police de proximité, quatre heures par jour au rôle social, et le reste du temps les PMG comme police d'intervention.

Discussion et vote

La police doit faire face à l'évolution constante du nombre de réquisitions lui étant adressées. Le nombre d'heures supplémentaires auxquelles les gendarmes sont astreints le confirme, la police est surchargée. Lorsqu'une entreprise croule sous les commandes, c'est plutôt bon signe et elle engage de nouveaux collaborateurs pour être en mesure d'honorer ses commandes. Au contraire d'une entreprise, lorsque la police est submergée de demandes, c'est mauvais signe et il n'est pas si simple pour elle d'augmenter ses effectifs, puisqu'il faut pour cela que notre Parlement modifie la loi sur la police.

On se retrouve donc dans un contexte auquel la conjoncture actuelle nous a habitués ; il faut faire plus avec moins. Relevant le défi avec réalisme, la hiérarchie de la police propose logiquement une restructuration qui a pour but de recentrer les ressources d'intervention. Prévue dans le cadre de cette restructuration, la diminution des effectifs dans les postes de police de périphérie et celui de Versoix en particulier soulève de vives réactions de la population et des autorités communales.

Les auditions ont permis aux commissaires de mesurer les préoccupations et les inquiétudes de chacun. Ils ont été convaincus par la nécessité de maintenir une présence permanente de la force de l'ordre, notamment en raison de l'étendue du territoire, l'importante population (20 000 habitants), la proximité de la frontière, ainsi que la recrudescence des délits de tous genres dont les cambriolages. Ils sont également totalement opposés à une période d'essai qui, d'une part, risquerait de se prolonger indéfiniment et, d'autre part, permettrait très difficilement de rétablir la sécurité après avoir lâché la bride aux malfaiteurs pendant un certain temps. Convaincus que le risque de ce phénomène irréversible est beaucoup trop important pour que notre Etat puisse tenter une expérience en situation réelle et non fictive, les commissaires voient une piste de solutions dans le réexamen des tâches de la police. Différents exemples démontrent que l'on charge la police d'un certain nombre de tâches administratives pouvant être attribuées à des collaborateurs d'un autre service ou d'une autre formation. Il y a lieu de réexaminer ces attributions et de les redéterminer en distinguant les tâches administratives des tâches d'autorité et en déléguant certaines d'entre elles à d'autres collaborateurs. Les situations délictuelles ayant évolué dans leur gravité et leur nombre, le cadre du maintien de l'ordre doit suivre cette évolution et il y a lieu de se demander s'il est encore judicieux d'attribuer aux gendarmes, formés dans le cadre d'une école de police à des missions à risques, des tâches telles que la levée des urnes dans les locaux de votations, la levée des fiches d'hôtel, la notification des commandements de payer, le renouvellement des permis de frontaliers, le contrôle de patentes, planton de circulation, planton de garde aux séances du Grand Conseil, etc.

Considérant la part administrative importante et le suivi par de fréquents témoignages devant les tribunaux, même les constats d'accidents peuvent faire l'objet d'une réflexion dans le sens d'une délégation de tâches.

Notre population réclame la présence de gendarmes dans la rue et non derrière un bureau. Il ne faut pas voir dans cette revendication une demande de police répressive, mais au contraire d'un certain rôle préventif par une présence et une surveillance dissuasives.

Conséquence parallèle à l'évolution des délits et à la surcharge actuelle de la police, le recours aux services dits « polices privées » est de plus en plus fréquent. Les commissaires sont persuadés de la raison d'exister de ces polices dans un contexte complémentaire à la gendarmerie et par un rôle se limitant à l'observation et à l'appel à la force de l'ordre. Cependant, la nécessité absolue pour ces polices privées de respecter la limitation de leur rôle n'est pas si simple et sera d'autant plus délicate si elles ne peuvent compter sur la gendarmerie lorsqu'il le faut. Pour éviter tout risque de dérapage de ces polices privées, la police doit être disponible pour intervenir rapidement lorsque la sécurité est mise en cause.

Sans adapter ses attributions à l'évolution de la situation, la police restera confrontée à un défi proche de la quadrature du cercle. Réalisant parfaitement cela, les commissaires saluent la détermination de la hiérarchie de la police qui, malgré les contraintes des limites légales et des contingences, réagit pour être en mesure de faire face à cette évolution. Il est à relever d'autre part la valeur des témoignages des chefs de poste qui, outre l'évocation du problème, ont permis aux commissaires de se persuader de la nécessité pour les hommes du terrain d'être orientés de manière durable pour être motivés à travailler sur leur secteur auprès de la population dans une perspective à long terme.

Le traitement de cette pétition dépasse de loin la seule problématique du maintien ou non d'un poste de police, car les solutions se trouvent dans une restructuration générale d'un service à la population, dont d'ailleurs l'organisation et la charge sont du ressort du canton et non des communes.

En conclusion, la détermination des commissaires pour le maintien du poste de police ouvert en permanence et sans diminution d'effectifs est claire. Ils sont également vigoureusement opposés à une période d'essai devant débuter le 1er septembre, c'est pourquoi, compte tenu de la brièveté des délais, ils demanderont à ce que notre Conseil se prononce à ce sujet dans sa prochaine séance.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission des pétitions à l'unanimité des membres présents (2 AdG, 2 DC, 2 R, 3 S, 2 Ve) vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

9

Débat

M. Pierre-Pascal Visseur (R). Nul n'est besoin de grand discours pour décrire les problèmes de sécurité auxquels Genève est confrontée depuis de nombreuses années.

Le nombre de policiers est fixé par la loi et n'a pas évolué depuis dix ans, alors même que le nombre de leurs missions n'a cessé de croître, ce qui explique les quelque quatre cent mille heures supplémentaires qu'ils n'ont pour l'instant pas les moyens de récupérer ni en temps ni en salaire. Nous en discuterons plus tard, lors de cette session.

Pire, alors que tous les départements ont dû procéder à des diminutions d'effectifs, seuls les fonctionnaires administratifs de la police ont pu être touchés, sans que leurs attributions diminuent. De ce fait, toutes les missions de ces fonctionnaires administratifs se sont reportées sur le travail quotidien des gendarmes et des inspecteurs. De nombreuses tâches dévolues aujourd'hui aux policiers ne sont plus justifiées, tout au moins lorsqu'elles sont exécutées par des agents qui sont formés au maintien de l'ordre avec des équipements et des méthodes modernes et sophistiquées. Délivrer des commandements de payer, surveiller des portes d'entrée, ramasser des urnes de votation, établir des attestations administratives, surveiller des détenus hospitalisés, transporter des personnes valides, assumer des tâches administratives pour le bureau des automobiles, exécuter des transports de courrier - pour le Conseil d'Etat notamment - accompagner l'office des poursuites lors des saisies, voire établir des constats de collision pour de simples dégâts matériels - tâches que les policiers des pays voisins n'assument plus depuis longtemps - ne sont que quelques exemples des travaux qui pourraient parfaitement être délégués à d'autres services, ou simplifiés.

Croyez-vous que le policier qui est assis à l'entrée de la tribune au-dessus de moi, en ce moment, est engagé selon ses véritables compétences, alors que nous avons dans cette salle des huissiers fort compétents et que de toute façon, en cas de problème sérieux, il faudrait faire appel au poste voisin du Bourg-de-Four ?

Croyez-vous qu'il faille deux ans de stage et dix mois intensifs d'école de police pour assumer de telles missions ? Près de deux cents gendarmes sur huit cents ne quittent jamais leur bureau, qu'il s'agisse de cadres ou de policiers attachés à des tâches administratives. Sur ce point aussi, la population genevoise et les policiers eux-mêmes souhaitent une présence policière dans la rue principalement préventive, mais aussi répressive lorsque cela est nécessaire, et non des gratte-papiers ou des simples plantons. Rappelons qu'un gendarme ou un inspecteur coûte à l'Etat plus de 80 F par heure, si on tient compte de toutes les charges, de la formation et des assurances sociales.

Une réforme a été décidée par le Conseil d'Etat; elle devrait déployer ses effets dans les années à venir. Mais nous pensons qu'il faut aller encore plus loin, notamment en connaissant le cahier des charges exact des policiers et en demandant que toute tâche qui n'est pas une véritable mission de police au service direct de la population et pour sa sécurité soit simplifiée ou attribuée à d'autres services.

C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. 

Le président. Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à dire avant de poursuivre le débat ?

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Non, Monsieur le président, ce n'est pas nécessaire étant donné que la proposition de renvoi au Conseil d'Etat a été votée par la commission, à l'unanimité. Je n'ajouterai donc rien au rapport. 

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Cette motion soulève indiscutablement des questions importantes, je dirai même essentielles.

Ce n'est plus un secret pour personne, notre police, et plus particulièrement notre gendarmerie, croule sous la tâche. Par conséquent, il est logique et légitime de se demander avant toute chose dans quelle mesure les activités qui sont pratiquement aujourd'hui les siennes sont bien celles qui lui incombent. La réponse est facile : il existe effectivement une multitude de tâches administratives et autres qui ne doivent pas forcément figurer au cahier des charges des policiers. Par exemple, les Verts ont toujours estimé que les activités telles que celles d'ambulancier ne devaient pas consommer du temps police, alors qu'il n'y a pas assez de policiers et trop d'ambulanciers.

Vous nous avez approchés, Monsieur le député Visseur, avec votre proposition de motion et, je crois que nous pouvons le révéler, nous aurions éventuellement pu vous suivre en la cosignant si vous aviez accepté d'y apporter quelques modifications... Sans trop rentrer dans les détails, vous évoquez dans votre premier considérant, je cite : «l'inquiétude légitime - à votre avis - d'une grande partie de la population face à la violence croissante lors de réunions sur la voie publique;». Au cas où nous arriverions à économiser du temps police, je ne suis pas du tout sûr qu'il faille - passez-moi l'expression - le reconsommer dans de grands déploiements de forces de police lors de manifestations publiques...

Venons-en à votre deuxième invite qui prévoit de confier des tâches de police à des tiers. Heureusement, vos propos viennent de me rassurer un peu ! A ce sujet, il convient d'être extrêmement prudents. Mesdames et Messieurs, je vous l'ai déjà dit, nous nous sommes mobilisés jusqu'à notre conseiller d'Etat pour que la police renonce à ses activités de professionnels de la santé.

Mais nous nous battrons avec la même énergie pour qu'en aucun cas des tâches de maintien de l'ordre et de sécurité ne soient confiées à des polices privées et, par conséquent, échappent à notre police - la vraie - c'est-à-dire la publique. Il est intolérable - parce qu'on touche au fondement même de l'Etat de droit démocratique - d'accepter que des privés interviennent sur le domaine public, dans une perspective de lutte contre la criminalité. Les fameuses brigades de défense ou d'auto-défense, par exemple communales, représentent non seulement un danger concret, car il s'agit de personnel qui n'a pas une formation adéquate, mais encore ces brigades concrétisent indubitablement une dérive sournoise de notre Etat républicain.

Mesdames et Messieurs, une raison de plus pour étudier cette motion un peu composite avec beaucoup de soin en commission judiciaire. 

Mme Jacqueline Cogne (S). Il nous paraît nécessaire, voire indispensable, de maintenir à leur place les postes de police de quartier, ne serait-ce déjà qu'en raison de leur effet dissuasif, mais aussi pour répondre aux besoins de la population de ces quartiers.

Pour faire un parallèle avec le problème de Versoix, je vais vous parler du poste d'Onex, ma commune, dont mon collègue Visseur a parlé en évoquant le fait que les gendarmes sont sollicités pour distribuer et reprendre les urnes lors des votations-élections. Je vous rappelle, par ailleurs, que le canton de Genève n'a que 3,5 kilomètres de frontière avec la Suisse et 144 avec la France, dont beaucoup de douanes, ce qui fait qu'ils sont sollicités par les douanes environnantes pour des encaissements d'argent et pas seulement pour des délits. Ils doivent fermer fréquemment les postes de police, parce qu'ils sont très nombreux sur les stades et que la nuit il n'y a que trois ou quatre gendarmes - je crois d'ailleurs que M. Ramseyer en sait quelque chose. A Onex, un postulat vient du reste d'être déposé à ce sujet.

Au vu de ce que je viens de vous exposer et tant il est vrai qu'il manque de gendarmes, il nous paraît nécessaire et idéal de répartir les tâches de manière plus adéquate. Ce qui fait plutôt défaut, c'est une aide administrative, à mon sens, sous forme de secrétariat pour assurer les nombreuses tâches de bureau. Enfin, nous aimerions que les auteurs de la motion 1296 retirent le premier considérant, que nous trouvons pour le moins excessif. Ensuite, nous demanderons le renvoi en commission de la motion et de la pétition... Au Conseil d'Etat, pardon ! En commission ? J'ai un doute, effectivement ! En commission, d'accord !

Le président. Quelle commission, Madame ?

Mme Jacqueline Cogne. La commission judiciaire !  

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Comme l'a dit M. Restellini, cette motion met en lumière les graves dysfonctionnements dans la gendarmerie genevoise, notamment en ce qui concerne le nombre incroyable de tâches administratives auxquelles les gendarmes sont astreints.

Il y a, à l'heure actuelle, sept cent septante-six gendarmes, mais, sur ce nombre, seuls quatre cents effectuent véritablement un travail de police. Les trois cent septante-six autres sont confinés à des tâches administratives. M. Visseur l'a dit : contrôle des plaques de bistrots, distribution des commandements de payer, brigades des chantiers, etc. De surcroît, il leur arrive parfois de faire aussi les secrétaires...

L'effectif de la gendarmerie se rétrécit donc comme une peau de chagrin. C'est dire que les gendarmes sont peu nombreux dans les rues, et dans le même temps on renforce un dispositif commando, le PMG, Pelotons mobiles de gendarmerie, que j'appelle : les «Rambo» du commandant Baer...

Mesdames et Messieurs les députés, il faut canaliser la violence par le dialogue et la prévention, et non par la répression ! Le PMG, c'est un leurre : il ne sert à rien ! J'aimerais tout de même vous donner l'exemple de Jean-Pierre Chevènement qui vient de mettre en place en France un dispositif appelé le PUP, Police urbaine de proximité, qui est une police à laquelle nous voulons nous identifier, une police citoyenne, une police prête au dialogue, une police proche des gens.

En ce qui concerne la pétition 1237 sur la fermeture du poste de Versoix, je dirai ce qui suit. Il y a actuellement beaucoup de postes qui sont fermés - nous avons eu l'occasion de vous le dire, Monsieur Ramseyer, à propos de la gare. Nous sommes très préoccupés, parce que c'est un lieu stratégique. Le poste de la gare est fermé la nuit, ainsi que celui de Carl-Vogt. Par voie de conséquence, toutes les personnes qui s'adressent à ce poste sont obligées d'aller dans les autres quartiers et l'effectif de nuit pour le canton de Genève est actuellement de cinquante-cinq policiers, dont douze font partie intégrante de la brigade motorisée, ce qui est largement insuffisant.

C'est la raison pour laquelle nous acceptons que cette motion soit adressée au Conseil d'Etat et que nous soutenons la pétition en question.

M. Michel Balestra (L). Je remercie Mme Bolay de soutenir le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, mais je ne partage pas son catastrophisme au niveau de l'image. Il faut reconnaître que beaucoup de choses ont été faites : des îlotiers, des cyclistes, des cavaliers, de la présence dans les grandes manifestations, etc. Reconnaissons aussi que les membres de la police sont appelés à effectuer des milliers d'heures supplémentaires, que les congés sont supprimés, que le moral des troupes s'en ressent.

Nous venons de voter de nouvelles tâches de délégation de police aux agents de sécurité municipaux et nous devons aujourd'hui appuyer une réforme des tâches sur l'ensemble des agents affectés à la sécurité au sens large, sans sombrer, bien entendu - et je partage les réserves de M. le député Restellini - dans les dérives des polices privées. L'unanimité qui s'est faite au sujet du concordat sur les professions d'agents de sécurité et le maintien des spécificités genevoises prouve que personne ne souhaite une dérive de cet ordre dans ce parlement.

Je ne doute pas non plus que le département ait déjà prévu ou commencé cette réforme, mais, Mesdames et Messieurs les députés, le sujet est important. Cette motion vise à conforter la démarche entreprise par le département, à assurer la police de notre soutien et à demander un rapport, afin d'être tenus au courant de l'évolution de ce dossier. Mesdames et Messieurs, Monsieur le député Restellini, vu la simplicité et l'aspect peu polémique des invites, je pense que nous gagnerions beaucoup de temps en envoyant directement cette motion au Conseil d'Etat, puisqu'une motion ne demande rien d'autre qu'un rapport, que ce rapport doit être effectué dans les six mois - je demanderai au département de le faire le plus rapidement possible pour que nous puissions ensuite discuter de l'opportunité ou non de réformes qui, elles, devraient avoir l'appui législatif de notre parlement.

C'est pourquoi je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et non à la commission judiciaire, qui, par ailleurs, est chargée de projets qui ont un degré d'urgence important. Nous risquerions, en renvoyant ce projet de motion à cette commission, de finir nos travaux quand la réforme sera terminée sans pouvoir la contrôler. Et, là, Monsieur Restellini, je crois que ce serait pour nous un autogoal ! 

M. Claude Blanc (PDC). Contrairement à ce qui vient d'être dit par M. Balestra, je ne pense pas que le groupe démocrate-chrétien puisse accepter sans autre que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.

En effet, comme l'a dit tout à l'heure M. Restellini, cette motion comporte quelques invites pour le moins équivoques. Par exemple une des invites dit, je cite : «à décharger la police des tâches pouvant être assumées par du personnel administratif, par des agents de sécurité municipaux ou des tiers;».

Moi, Mesdames et Messieurs les députés - Merci de bien vouloir me laisser parler, Monsieur Balestra ! - je voudrais dire, contrairement à M. Balestra, qu'il ne s'agit pas ici de demander au Conseil d'Etat de faire un rapport, mais d'agir ! Certaines choses me paraissent contestables qui méritent que ce projet de motion soit renvoyé en commission, de façon qu'on en détermine bien les contours. En effet, aux yeux du parti démocrate-chrétien, les tâches du maintien de l'ordre et de la sécurité sont des tâches exclusives de la police. Il ne doit pas y avoir d'autres intervenants dans ce domaine. C'est beaucoup trop important.

Et pendant que nous y serons, nous pourrons aussi discuter de l'ensemble du système. Il est évident que notre police cantonale, de dérive en dérive, a fini par avoir dans ses rangs un certain nombre de fonctionnaires qui ne sont plus des policiers tout en bénéficiant du statut de policier. Cela n'est pas acceptable ! La population genevoise est d'accord que les policiers bénéficient du statut de policier, car il veut une police efficace, ce qui lui coûte plus cher que pour un fonctionnaire ordinaire. Il veut bien continuer sur cette base, mais, en contrepartie, les bénéficiaires de ce statut de policier doivent être de vrais policiers et non des fonctionnaires administratifs. Il est nécessaire de revoir la situation sur ce point. D'ailleurs, les policiers du front se plaignent souvent de compter dans leurs effectifs des gens qu'ils qualifient aimablement de «planqués» - il faudra toutefois vérifier ce terme.

Pendant que nous y serons et que la commission examinera tous ces problèmes, je souhaiterais que nous nous penchions également sur le problème des douanes. Vous n'êtes en effet pas sans connaître le drame qui s'est passé tout près de chez moi, il y a quelques jours - j'ai le privilège d'habiter tout près de la frontière et j'y passe tous les jours - je veux parler du douanier qui est mort après avoir été renversé volontairement.

Ce drame a mis en exergue le fait qu'une partie non négligeable de la sécurité dans ce canton est assumée la nuit par des douaniers, alors que ce n'est pas leur travail. Les douaniers - d'ailleurs ce n'est pas un hasard s'ils dépendent du Département fédéral des finances - étaient jusqu'à présent essentiellement des agents fiscaux chargés de prélever divers droits à la frontière. C'est vrai, ces droits ont tendance à diminuer, voire même à être supprimés. Alors maintenant que font les douaniers ? Ils surveillent la frontière la nuit, ce qui est en réalité un travail de policier. De plus, ils ne sont ni armés ni préparés en conséquence, ce qui les expose inutilement à des risques, alors que ce n'est pas de leur compétence. Je crois que le département de justice et police et des transports devrait saisir l'occasion pour discuter avec la directions des douanes et voir comment la sécurité pourrait être assumée mieux et plus efficacement et avec un risque moindre pour les fonctionnaires concernés. 

M. Pierre Meyll (AdG). Si on veut reporter sur les ASM, les agents de sécurité municipaux, toutes les tâches de la police, il faudrait aussi donner aux communes les moyens de se les offrir ! Les communes pauvres ne le peuvent pas. Nous avons quelques problèmes de coopération entre communes à ce sujet. Il est évident aussi que les ASM ne peuvent intervenir que sur le plan administratif, pour des tâches telles que le contrôle des voitures en stationnement, qui sont des tâches annexes aux tâches spécifiques de la police.

Pour les communes assez éloignées, comme c'est le cas de Versoix - puisque le secteur du poste de Versoix va jusqu'à Céligny et Pregny - il est nécessaire que des patrouilles puissent intervenir. Mais l'expérience m'a appris que lorsque les patrouilles doivent intervenir la nuit, par exemple, depuis Blandonnet jusqu'à Dardagny et Céligny, elles ont pas mal de peine, malgré leur connaissance du terrain, à avoir une juste appréciation de certaines situations locales, qui pourraient très rapidement empirer. Bien que quatre agents aient été détachés à Blandonnet, je vous rappelle que Blandonnet ne compte que quarante-cinq hommes partagés en six groupes. Vous devez considérer les hommes en vacances, et ceux qui sont hors service, ce qui fait que l'effectif est plutôt réduit pour les patrouilles d'intervention. Je ne crois pas vous faire injure, Monsieur le conseiller d'Etat, en disant que lorsqu'il y a eu un cambriolage chez vous, les premiers sur place ont été les policiers de Versoix, et ils étaient tout seuls, hélas ! S'ils avaient été plus nombreux, ils auraient pu être sur place plus rapidement.

Ce n'est pas le seul cas où l'intervention de la police locale est plus rapidement sur les lieux que la patrouille, qui peut être appelée ailleurs, et être empêchée de se déplacer tout de suite, même si certaines fois elle arrive avant.

Il faut aussi penser que les essais - six mois - vont se terminer à la fin du mois de février 2000, qu'en janvier vous allez établir une statistique sur la petite criminalité - j'espère qu'il n'y aura pas de grande criminalité... - dans les postes de police, et notamment celui de Versoix, pour savoir si oui ou non il faut maintenir le poste de Versoix. Mais il est clair qu'il n'est pas possible de continuer à maintenir le poste de Versoix avec six policiers seulement, compte tenu des périodes de vacances et autres paramètres : maladies, heures supplémentaires, etc., d'autant que le secteur s'étend de Céligny à Pregny. Pour s'occuper du poste de Versoix, on a estimé qu'il fallait au moins dix-huit hommes, compte tenu des rotations sur vingt-quatre heures, pour qu'il reste ouvert jour et nuit. Dans ces conditions, il faut savoir que le chef de poste est prêt à prendre encore la commune du Grand-Saconnex, ce qui permettrait de décharger Blandonnet. Cette répartition est nécessaire pour que les communiers se sentent en sécurité.

Vous voulez des polices parallèles - les «Rambo», comme les a appelés ma collègue Bolay - soit, mais alors il faudra que les gens des communes pauvres - je l'ai déjà réclamé - puissent aller coucher dans les communes riches pour être tranquilles. Est-ce ce que vous voulez ? Je crois que la constitution genevoise prévoit une police - hélas, nécessaire - mais il faut qu'elle soit présente. Les «Rambo» ne peuvent pas faire grand-chose, lorsqu'ils interviennent, ils ne peuvent pas dresser procès-verbal, ils ne peuvent que retenir les personnes qui ont été interpellées. Leur utilité est donc relative et la crainte qu'ils peuvent inspirer est un luxe que certaines communes ne peuvent pas s'offrir.

Il faut revoir fondamentalement la gestion de la police, et c'est votre travail ! Les polices d'intervention se développent de telle manière que le nombre d'heures va considérablement augmenter - c'est clair. Quand l'armée fait de la surveillance dans certaines occasions et dans des conditions plutôt «rigolotes», on peut se demander s'il ne serait pas utile d'approcher la Confédération pour obtenir des fonctionnaires fédéraux pour qu'ils effectuent certaines gardes d'ambassades et de missions. De plus, ces gardes seraient certainement mieux assurées qu'elles ne le sont actuellement.

La police de proximité doit être disponible à toute heure. Les gens qui appellent un poste de police doivent pouvoir trouver quelqu'un sur place et non pas être déviés sur un autre poste pour tomber sur une personne qui n'est pas en mesure de répondre, car elle ne connaît pas la situation locale. Le fait qu'il n'y ait pas de policier pour répondre désarçonne pas mal de personnes âgées et d'autres qui se sentent perdues et qui ne savent plus comment faire face. Ouvrir les postes selon des horaires de bureaux comme c'est le cas et essayer de compenser en ayant recours à des ASM n'est certainement pas la solution. Il faut vraiment améliorer la situation : les îlotiers doivent servir à quelque chose, la police d'intervention doit pouvoir se déplacer en patrouille, mais les postes de police doivent absolument rester ouverts en permanence, sinon ils ne servent à rien ! Vous avez cité le cas de Denner à Versoix, mais c'est un cas tout à fait fortuit. Il est bien clair qu'on peut faire un cambriolage sans trop de problème à côté d'un poste de police qui est fermé !

Il faut vraiment tenir compte de tous ces éléments pour revenir à une situation de sécurité, pas en remettant l'église au milieu du village, mais le poste de police, pour un village qui compte tout de même maintenant dix mille habitants ! J'ajoute que le secteur dévolu au poste de Versoix compte plus de vingt mille habitants - vingt-cinq mille en incluant le Grand-Saconnex. Je pense que cela mérite un peu de réflexion et de respect pour les personnes concernées.  

M. Olivier Vaucher (L). Tout le monde est d'accord : la police croule sous les tâches administratives, alors que son vrai rôle est d'être une police de proximité, d'être dans la rue pour défendre les citoyens. Je pense qu'il faut se rallier aux motionnaires. Les invites de cette motion sont particulièrement claires et simples. M. Blanc a critiqué un mot, aussi je propose l'amendement suivant à la deuxième invite qui consiste simplement à supprimer «ou des tiers», ce qui donne :

«à décharger la police des tâches pouvant être assumées par du personnel administratif ou par des agents de sécurité municipaux;»

Peut-être qu'ainsi tout le monde sera d'accord de voter cette motion, ce qui permettra de la faire passer au Conseil d'Etat. En effet, la renvoyer en commission retarderait le travail qu'il faut effectuer rapidement et qui est nécessaire si on veut donner les moyens à la police de mieux servir le citoyen.

Monsieur Blanc, vous semblez ne pas savoir qu'il y a une différence entre les douaniers et les garde-frontières. Et, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, ceux-ci sont parfaitement entraînés pour la tâche qu'ils effectuent.

Je vous demande instamment, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter l'amendement que je vous ai proposé et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. 

Le président. Je vous remercie, Monsieur Vaucher. Je vous informe que l'amendement que vous venez de nous proposer nous a déjà été transmis par M. Balestra, à qui je cède la parole !

M. Michel Balestra (L). Monsieur le président, si je me suis permis d'interrompre M. Blanc, c'est parce que je sais que lorsqu'il s'exprime, c'est avec une certaine sécurité dans le propos.

Effectivement, on peut interpréter la deuxième invite de manière large, mais il s'agit d'une erreur de plume et non d'une volonté politique.

La première invite demande une liste exhaustive des tâches et un rapport sur l'évolution. Pour la deuxième, nous avons présenté un amendement qui a été expliqué par M. Vaucher et que j'ai déposé auprès du président. Elle demande de «décharger la police des tâches pouvant être assumées par du personnel administratif ou par des agents de sécurité municipaux;». Vous savez que la loi que nous avons votée au sujet des agents de sécurité municipaux définit très clairement les compétences des différents groupes. Il n'y a donc pas de risques que ce soit interprété comme une volonté politique de changer la donne ou les règles du jeu. Les modifications réglementaires ou législatives doivent être discutées et votées - il n'y a donc pas de problème non plus - et les modifications réglementaires vont de pair avec la réflexion sur la réforme.

Je crois que les restrictions que vous avez exprimées n'ont plus lieu d'être avec le projet d'amendement que je vous ai proposé. Croyez bien que nous n'avions pas l'intention de créer des milices privées, mais qu'il s'agissait seulement d'élargir un peu le spectre des gens qui pouvaient donner un coup de main pour effectuer des tâches administratives, comme, par exemple, la présentation des commandements de payer. 

M. Christian Brunier (S). J'aimerais appuyer la proposition de ma collègue Jacqueline Cogne de renvoyer cette motion en commission, et je vais vous en expliquer la raison.

Cette motion contient un certain nombre de points positifs, que certains députés ont soulevés, mais elle est néanmoins insuffisante sur bien d'autres points. Monsieur Vaucher, vous trouvez cette motion fort simple, eh bien, moi je la trouve trop simple par rapport au débat qu'elle suscite !

En effet, depuis un certain nombre d'années, il y a une dérive sécuritaire à Genève, et je crois que ce sujet mérite un vrai débat de société, que cette motion nous donne peut-être l'occasion d'aborder en commission pour mener une réflexion. Pourquoi dérives séricutaires ? Aujourd'hui, la sécurité ne règne pas de façon égale selon les quartiers. Vous le savez, certaines communes font appel à des polices privées pour maintenir la sécurité. Cela ressemble quasiment au système américain en matière de sécurité - heureusement, on n'y est encore pas tout à fait - c'est-à-dire que certains quartiers sont sûrs, alors que règne de plus en plus l'insécurité dans d'autres. Il n'est pas tolérable d'accepter ces différences !

Il faut également vraiment s'interroger sur l'adéquation entre les besoins de la population et l'offre de la police. On sait que les postes de quartiers sont de plus en plus démunis, et il est vrai qu'on est en train de former des bataillons de «Rambo» qui se baladent dans des fourgons à travers Genève, ce qui déplaît à la population, car cela crée un sentiment d'insécurité, mais qui déplaît aussi aux syndicats de la police.

Il est aussi urgent de redéfinir les tâches de la police, qui est astreinte à toutes sortes de tâches administratives - beaucoup en ont parlé - car aujourd'hui on veut que les policiers soient sur le terrain et pas forcément derrière leur bureau. Il faut encore redéfinir les compétences entre l'Etat et les communes et d'autres institutions, comme, par exemple, la Fondation des parkings qui pourrait notamment prendre à sa charge le contrôle des macarons. Cela doit donner lieu à un débat, de même que la réglementation des polices privées qui échappent aujourd'hui, d'une certaine façon, à une réglementation sérieuse. Le parti socialiste proposera un certain nombre de projets en janvier, pour réglementer, délimiter et limiter les pouvoirs de ces polices.

Il y a urgence à réorganiser la police. La motion peut contribuer au débat mais, parallèlement, M. Ramseyer a le devoir de réorganiser au plus vite la police. Je vous rappelle qu'en commission des finances - on y reviendra au budget - presque tous les partis - on peut le dire - ont sévèrement critiqué l'organisation de la police et n'ont accordé que partiellement les postes que vous demandiez, Monsieur Ramseyer. Pourquoi partiellement ? Parce que nous estimons que les effectifs de la police sont suffisants et que nous voulons vous obliger, Monsieur Ramseyer, à réorganiser les services de la police. Je crois que cette demande émane de la majorité de ce parlement, mais aussi de la majorité de la population et de la police elle-même.

Mme Salika Wenger (AdG). J'ai été frappée de constater, au cours du travail sur la pétition 1237 sur le poste de Versoix ainsi que celle traitant du passage Malbuisson, que les mêmes qui lancent une initiative pour vider les caisses de l'Etat et réduisent ainsi ses moyens, les mêmes qui pleurent à la moindre création de poste pour le service du tuteur général, par exemple, les mêmes qui refusent toute solidarité aux membres les plus défavorisés de notre société, les mêmes, donc, se plaignent du manque d'effectif de la police...

Peu leur chaut que les instituteurs soient en sous-effectif, que les services psychiatriques croulent sous le travail ou que la justice se rende dans des conditions dignes d'une république bananière... Non ! Ce qui les intéresse en premier lieu, c'est que la police puisse accomplir son office de surveillance de leurs biens... A les entendre, il faudrait un policier à la porte de chaque commerce, chaque villa, chaque immeuble de bureaux, et personne ne discuterait de la nécessité de ce service public... Je tiens au passage à remercier M. Ramseyer pour avoir précisé qu'il y avait pour la police d'autres priorités que la surveillance exclusive des biens.

En ce qui concerne le rapport de M. Odier, même si nous partageons ses conclusions, il nous est totalement impossible de souscrire à quelques remarques de la page 5. En effet, on peut y lire ce qui suit : «Concrètement, la nuit est assurée en moyenne par trois gendarmes pour une population de 61 000 habitants, avec des quartiers sensibles, tels Meyrin et Vernier ainsi que les Avanchets et le Lignon pour des problèmes de drogue. Ce à quoi il faut ajouter le Grand-Saconnex fréquemment en proie aux vandales, sans oublier les trois communes du Mandement, plus tranquilles mais à surveiller tout de même.» Ce ne sont pas les communes suburbaines de Genève que vous nous décrivez, Monsieur Odier, c'est le Bronx à la nuit tombée !

Les problèmes rencontrés dans les quartiers populaires ne sont pas toujours liés à la drogue. La population qui y vit est principalement constituée de travailleuses et de travailleurs qui gagnent durement leur vie et qui, comme les autres habitants du canton, des communes du Mandement par exemple, méritent de vivre tranquilles, en sécurité, même s'ils n'ont pas, eux, les moyens de s'offrir une police privée.

A ce propos, Monsieur Ramseyer, il y a un an une motion avait été renvoyée au Conseil d'Etat sur le rôle des polices privées, et le Grand Conseil n'a reçu aucune réponse à ce jour. Par ailleurs, j'aimerais rappeler que l'Alliance de gauche vous avait interpellé sur la fermeture du poste de police de la gare. Il nous avait été répondu que la sécurité dans ce quartier était prise en charge par le poste de Pécolat... Résultat de cette opération : de nuit, la gare est devenue un véritable coupe-gorge; certains commerçants envisagent même de fermer leur établissement. Quant au poste de Pécolat, avec 40% de travail en plus, pour le même effectif, il s'avère incapable de faire face aux nombreux problèmes du quartier.

Quatre cent mille heures supplémentaires dans la police pour arriver à un résultat aussi contestable : il serait peut-être temps de penser à d'autres solutions, comme par exemple, dans un premier temps, rendre à la rue les gendarmes cantonnés à des tâches administratives, ce qui aurait l'avantage de nous éviter le recours aux pelotons mobiles, dont les allures de commandos, un rien provocatrices, risquent de faire plus de dégâts que de bien et ne résoudront en tout cas pas les problèmes d'une société à deux vitesses !

M. Claude Blanc (PDC). Si le Grand Conseil désire renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, à la limite, moyennant l'amendement proposé, je n'y verrai pas d'inconvénient, mais à ce moment-là j'aimerais tout de même ajouter une invite.

Je reviens sur ce que je disais tout à l'heure au sujet de la collaboration entre la police et les garde-frontières. Ce qui s'est passé à Meyrin il y a dix jours est inacceptable, parce que les garde-frontières en question n'étaient manifestement pas préparés à ce genre d'intervention. La presse a relaté qu'ils avaient essayé d'appeler du secours, mais la patrouille de police la plus proche se trouvait à Vireloup... Ce n'est pas loin, mais pour aller de Vireloup à Mategnin il faut traverser Ferney-Voltaire, ce qui n'était pas possible. Il y a dont de réels problèmes qui se posent. Ces garde-frontières se sont trouvés un peu démunis, et, malheureusement, l'un d'eux est mort. Cette mort attire notre attention, mais c'est toutes les nuits que la région frontière est en proie au trafic des Lyonnais... Je vois des voitures immatriculées 69 plus ou moins maquillées, presque tous les soirs dans le quartier où j'habite, proche de la frontière. Il faut tout de même savoir que la frontière verte est complètement abandonnée la nuit. Les postes de douane sont fermés et tout le monde peut faire ce qu'il veut, et nous devons aussi nous prémunir contre ces gens. Nous ne pouvons pas être le lieu des exploits des malfrats lyonnais !

C'est pourquoi, pour le cas où cette motion serait directement renvoyée au Conseil d'Etat, je propose d'ajouter une cinquième invite, comme suit :

«à entrer en contact avec la direction des douanes pour déterminer de manière plus sûre la collaboration des policiers et des garde-frontières dans les régions frontalières.» 

Mme Madeleine Bernasconi (R). Si certaines communes et certains quartiers ne ressemblent pas au Bronx, il faut quand même reconnaître - car à certains endroits de la zone frontière, malheureusement, les postes de douane ne sont plus surveillés - qu'il y a une augmentation de la délinquance. M. Claude Blanc a évoqué les voitures qui viennent d'autres régions et qui traversent la ville... C'est vrai ! Dans mon mandat de magistrat communal, chaque année, une fois au moins, voire deux ou trois fois, je rencontre les chefs de postes de douanes, parce qu'il est toujours important de savoir ce qui se passe sur sa commune, aussi largement que possible. J'ai pu constater - en les écoutant - que les problèmes se sont amplifiés ces derniers mois. Comme vous avez pu le lire dans la presse, c'est un jeu pour les jeunes de ces banlieues - quasiment des mandats - qui sont désoeuvrés, de venir chez nous pour commettre des casses.

Une certaine partie de la population qui se trouve près du poste de douane ne se sent pas vraiment en sécurité, c'est vrai et c'est fort dommage, parce que c'est un lieu extrêmement privilégié, puisque c'est près d'un hameau où il devrait faire bon vivre... (L'oratrice est interpellée.) Je n'ai pas dit qu'il faut les transporter ailleurs ! Cette motion a le mérite de demander au Conseil d'Etat de voir comment la police pourrait travailler encore plus efficacement. En effet, les hommes de terrain - ou les femmes - de la gendarmerie font un excellent travail. Nous avons une très bonne répartition des tâches dans notre commune qui compte également des agents de sécurité. Le travail se fait parfaitement bien dans la complémentarité, et il n'y a pas de doublons. Mais ils ne peuvent pas tout faire, et s'il était possible de renforcer leur action avec les postes de douane et des garde-frontières, je suis persuadée que l'ensemble du territoire genevois retrouverait une certaine sérénité.

Les motionnaires demandent le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, mais s'il est tout de même possible d'en parler en commission, tant mieux ! Mais l'important c'est de savoir qu'il y a un problème et de se donner les moyens de le résoudre. Nous ne pourrons pas le faire seuls. Il faudra se concerter avec la direction des douanes, ce qui ne peut pas se faire au niveau genevois, mais le Conseil d'Etat pourra certainement apporter une amélioration.

On a voulu tout ça, mais les situations changent, et il faut savoir faire marche arrière et peut-être décider d'ouvrir à nouveau les postes de douane. Quand vous pensez au parcours que doivent faire les douaniers aux frontières - à deux équipes seulement - pour faire le tour du canton, ça me paraît un peu léger ! Il y a vraiment un travail à faire. (L'oratrice est interpellée.) Mais, Madame, ça n'empêchera pas de faire tout le travail de prévention que nous devons faire, et qui ne doit pas forcément être fait par le monde politique, d'ailleurs ! 

M. Gérard Ramseyer. Il va de soi que chaque fois qu'on demande des moyens de police supplémentaires, je ne peux qu'applaudir.

Cette motion demande de faire un état des tâches de la police. L'article 3 vous donne ces tâches de manière exhaustive. Seulement huit tâches supplémentaires sont allouées à la police, qui ne sont pas dans la loi... Je ne voudrais pas faire outrage à M. Blanc, ni à M. Brunier, en rappelant que ce sont mes prédécesseurs qui ont donné à la police des tâches de police du commerce, puis des tâches de police sur les étrangers : ce n'est pas moi ! Mon travail consiste donc à défaire ce que mes prédécesseurs ont fait...

Mesdames et Messieurs, il y a de quoi se demander si on n'est pas en train de marcher sur la tête ! S'il y a un département de l'Etat de Genève qui a scrupuleusement fait l'effort de réduire les effectifs, c'est bien la police ! En six ans, nous avons réduit le personnel administratif de cent cinquante unités. Nous avons respecté loyalement ce que ce Grand Conseil nous a dit : moins 2% des effectifs chaque année ! La conséquence a été qu'une toute petite partie du travail administratif a été reportée sur des gendarmes, et vous avez raison de dire qu'ils ont trop de tâches à effectuer. Mais ils ne font pas que ça : chaque gendarme effectue une petite partie administrative dans son activité ! Elle est encore trop grande, mais nous travaillons à ce qu'elle diminue.

Je n'ai pas attendu cette motion, n'en déplaise à ses auteurs, pour lancer une réforme ! Cette réforme baptisée «Police 21» - 21, c'est pour le siècle - a été lancée il y a une année et demie et est maintenant achevée. Le premier signe clair est le retour aux OPF de la distribution des commandements de payer, c'est le retour à l'OCP de la police des étrangers, c'est le retour à mon département, avec des administratifs non policiers, de tâches «population» et «commerce».

Il va de soi que si je dois reprendre dix postes de policiers dans mon département, il faut me donner dix postes ! Vous ne me donnerez jamais dix postes, alors il faut que je trouve ailleurs les personnes capables d'effectuer ce boulot. Cela ne se fait pas en trois mois. Je regrette chaque jour davantage d'avoir été loyal et honnête en réduisant mes effectifs de cent cinquante unités police.

Ensuite, je voudrais dire que j'ai entendu à peu près tout et son contraire... Il faut des gens dans les postes... Il faut des patrouilles supplémentaires... Il faut de la mobilité dans les interventions... Vous pouvez bien prendre le problème comme vous voulez, si chacun veut sa police de proximité à lui, nous n'y arriverons pas !

Monsieur Meyll, vous avez parlé du poste de Versoix. Vous connaissez cette circulaire comme moi. Vous dites qu'un poste de police est dissuasif. Je vous rappelle qu'il y a effectivement eu deux hold-up en une semaine à 150 mètres seulement du poste de police... Qui a arrêté les types qui faisaient ce mini hold-up ? Ce sont des patrouilles venues de Blandonnet qui se sont occupées de cette affaire avec beaucoup de succès... Et on voudrait maintenant laisser le poste ouvert ! Mais un poste ouvert, cela signifie qu'il y a un type bloqué dans un poste qui ne fait qu'attendre un téléphone ou une visite... Pour maintenir des postes de police ouverts en campagne, il faut des effectifs !

Sans entrer trop dans les détails, parce qu'il y en aurait pour une heure, je voudrais évoquer le problème budgétaire. Mesdames et Messieurs, vous pouvez bien discuter de ce qu'il faudrait faire et ne pas faire, le 17, ici, vous devrez voter un budget, et nous verrons bien si vous me donnez les forces de police que je demande ! La réponse est d'ores et déjà non : alors, vous en supporterez, vous, la conséquence ! (Exclamations.)

Madame Bolay, vous me dites que les pelotons ne servent à rien... Vous savez qui consulte le site Internet de la police, ces temps ? La police de Seattle ! Vous voyez pourquoi ? Allez demander aux gens de Seattle comment a été réglée la sécurité, et vous me direz si nous exagérons vraiment ! (Le président agite la cloche.)

Dans la prochaine FAO, Madame Bolay, figurera le discours que j'ai prononcé à la cérémonie de prestation de serment des policiers. Vous verrez comment évolue la police. Je pense que vous serez satisfaite, du moins je l'espère ! Vous avez aussi fait allusion à l'armée qui sert à rien... Je constate simplement que nous n'avons pas eu de problèmes à Genève, alors qu'il y en a ailleurs... Vous dites que trop de policiers sont sollicités pour les manifestations sportives et autres à Genève : n'empêche que nous n'avons jamais eu de problèmes, alors qu'il y en a eu ailleurs... Ma foi, c'est comme ça, il faut savoir ce qu'on se veut !

Quelqu'un m'a parlé des douanes... Mais le débat sur les douanes n'est pas ouvert par Genève; il est ouvert au niveau de la Confédération, depuis maintenant plus d'une année ! Il y a des discussions pour transférer des compétences de police à des garde-frontières, et le travail est en cours. Il se fait au niveau suisse. C'est M. Walpen, chef de la police genevoise, qui est délégué pour la Suisse romande, et je peux vous dire que cela fonctionne bien. Plus vite la Suisse sera dans l'Europe, mieux ce sera ! Nous serons peut-être bientôt à Schengen, cela m'économisera du monde ! Tout est en route, mais au niveau suisse - pas au niveau genevois.

Enfin, vous avez discuté pour savoir s'il fallait renvoyer cette motion au Conseil d'Etat ou à la commission judiciaire. J'ai fait une proposition que tous les présidents de parti ici présents ont reçue, à savoir de me déléguer un îlotier politique chargé des liaisons avec la police, pour améliorer votre connaissance du problème. Un seul parti, Mesdames et Messieurs les députés, m'a répondu non : le parti socialiste, sous la signature de M. Brunier ! (Exclamations.) Comprenne qui pourra ! (Le président agite la cloche.) Je le dis surtout pour le Mémorial, Monsieur Brunier ! Vous pouvez bien dire ce que vous voulez, en tout cas j'ai bien reçu votre lettre, Monsieur !

Je fais la proposition suivante : vous venez de renvoyer à la commission judiciaire un dossier pénible, difficile, délicat, qui va prendre du temps, et vous savez que trente points sont en attente. Si vous renvoyez cette motion en commission, vous recevrez des nouvelles dans deux ou trois ans, ce qui sera de toute façon trop tard, et ce n'est certainement pas ce que vous voulez ! Par contre, vous pouvez la renvoyer au Conseil d'Etat. Je pense, pour ma part, que vos informations sont tellement lacunaires qu'il serait souhaitable que je puisse, dans une commission ad hoc ou en plénum, vous présenter dans le détail la situation telle qu'elle est vécue sur le terrain.

En fait, vous parlez de violence et moi aussi : nous avons la même volonté. Je le répète, je n'ai simplement pas les moyens de faire plus et de faire mieux. Vous devez me donner ces moyens, mais vous ne me les donnez pas : il faut donc que nous discutions !

Monsieur le président, si cet objet est renvoyé en commission judiciaire c'est deux ans de perdus. Par contre, j'accepte tout à fait de traiter cette motion, si elle est renvoyée au Conseil d'Etat. Je trouverai le moyen, avec les présidents de parti et les chefs de groupe, de mettre sur pied une séance dans laquelle je pourrai vous exposer la situation exacte sur le terrain, pour que vous révisiez votre opinion et pour confirmer la volonté qui est la nôtre. Franchement, Madame Bolay, si j'avais été à votre place j'aurais dit ce que vous avez dit... Il n'est donc pas utile de discuter pendant des heures et d'émettre des critiques les uns sur les autres. Vous voulez tout à la fois et partout, et je n'ai pas suffisamment de moyens. A moi de vous prouver que j'en ai besoin. J'espère à mon tour pouvoir vous convaincre !  

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de la motion 1296 à la commission judiciaire. (Exclamations.)

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission judiciaire est rejetée.

Le président. Nous sommes en présence de deux amendements. Je mets tout d'abord aux voix l'amendement proposé par M. Balestra, qui consiste à supprimer «ou des tiers» à la deuxième invite de cette motion.

M. Gérard Ramseyer. Je comprends bien le sens de l'amendement, mais il me semble que si le texte a été rédigé ainsi c'est qu'on voulait parler du personnel administratif de la police, des agents de sécurité municipaux - ce qui est autre chose - et des tiers, qui pourraient être, par exemple, les six postes que je dois trouver pour effectuer la notification des commandements de payer qui seront les employés de l'Etat, non de la police mais de l'office des poursuites et faillites - d'où cette terminologie.

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement proposé par M. Balestra, qui consiste à supprimer «ou des tiers» à la deuxième invite de cette motion, ce qui donne :

«à décharger la police des tâches pouvant être assumées par du personnel administratif ou par des agents de sécurité municipaux;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Monsieur Meyll, c'est un geste d'humeur, ou vous voulez parler ?

Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. Blanc, qui consiste à ajouter une 5e invite, dont la teneur est la suivante :

«à entrer en contact avec la direction des douanes pour déterminer de manière plus sûre la collaboration des policiers et des garde-frontières dans les régions frontalières.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1296)concernant la répartition des tâches de la police

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

l'inquiétude légitime d'une grande partie de la population face à la violence croissante lors de réunions sur la voie publique ;

la multitude de tâches administratives et d'autorité incombant aujourd'hui à la police ;

la présence souhaitée de policiers sur la voie publique, en plus grand nombre ;

le grand nombre d'heures supplémentaires effectuées par la police ;

les projets de nouvelle utilisation des postes de police ;

la demande d'augmenter le nombre de policiers ;

invite le Conseil d'Etat

à établir et à publier la liste exhaustive des tâches confiées actuellement à la police, à publier la nouvelle répartition du travail de la police, telle qu'imaginée par la réforme en cours ;

à décharger la police des tâches pouvant être assumées par du personnel administratif ou par des agents de sécurité municipaux;

à proposer au Grand Conseil les modifications législatives y relatives ;

à adopter lui-même les modifications réglementaires nécessaires ;

à entrer en contact avec la direction des douanes pour déterminer de manière plus sûre la collaboration des policiers et des garde-frontières dans les régions frontalières.

P 1237-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.

 

La séance est levée à 19 h.