République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1295
21. a) Proposition de motion de Mme et M. Charles Beer et Marianne Grobet-Wellner pour la fin des pratiques douteuses de l'office des poursuites et faillites Arve-Lac qui reviennent à appauvrir l'Etat, à précariser les conditions de travail des salariés et à enrichir la société de travail temporaire Interpel. ( )M1295
M 1300
b) Proposition de motion de Mmes et M. Salika Wenger, Anne Briol et Charles Beer concernant les pratiques de recours aux agences temporaires d'emploi dans les services de l'Etat. ( )M1300

M 1295

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'Office des poursuites et faillites Arve-Lac emploie depuis plusieurs années une douzaine de personnes sous contrat de travail intérimaire. Il s'agit de travail intérimaire, dans le sens ou l'office recourt aux services d'une entreprise privée de placement. Ces personnes gagnent en moyenne 24,50 F brut de l'heure et proviennent toutes de la société de travail temporaire Interpel. Cette pratique soulève des questions très importantes.

Tout d'abord, si les services de l'Etat doivent bénéficier d'une certaine souplesse dans la gestion de leur personnel, les conditions déterminant le recours à une entreprise de travail temporaire ne sont pas claires. Pour quel type de travail peut-on faire appel à une société de travail temporaire ? Jusqu'à un mandat de quelle durée ? Compte tenu du fait qu'il y a dans notre canton plus de 17 000 demandeurs d'emplois, pourquoi les services de l'Etat ne transmettraient-ils pas leurs offres à l'Office cantonal de l'emploi, plutôt que de recourir à une société privée, de plus rémunérée pour ce travail ?

Ces questions sont d'autant plus pertinentes que les pratiques observées à l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac laissent plutôt songeur. Nous avons eu en effet connaissance du cas d'une employée qui a été engagée du 1er avril 1995 au 31 mars 1999, soit quatre années complètes, avec un contrat de travail temporaire ! De quelle manière peut-on justifier que des personnes continuent d'être employées sous un régime temporaire alors que de fait, elles travaillent de manière fixe et durable ? De manière subsidiaire, est-il normal de rémunérer une société de placement pendant quatre années, alors que l'employée aurait pu être engagée directement par l'Etat ?

La situation est d'autant plus troublante qu'il apparaît que dans certains cas, le placement d'employés à l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac par la société Interpel a été le fait d'une procédure un peu particulière. Citons le cas d'une employée, qui avait déjà travaillé pour l'office, qui a été engagée tout d'abord pour un mois en qualité d'auxiliaire. A la fin de cette période, l'office l'a envoyée chez Interpel afin qu'un contrat temporaire soit passé entre cette maison de placement et l'employée. Ce n'est donc pas Interpel qui a placé l'employée, mais bien l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac qui a placé l'employée chez Interpel ! Etonnant, non ?

Au-delà de l'absurdité du fait qu'un emploi durable soit considéré comme temporaire, cette situation a un coût réel pour l'Etat et pour les employés concernés. L'Etat doit en effet payer jour après jour la commission encaissée par la société de travail temporaire. Tenant compte du fait que 12 personnes

Réponse de M. Ramseyer à l'interpellation urgente (IU 610) du 25 février 1999.

Pour l'employé, le coût à payer de cette situation est la précarité de son contrat de travail : insécurité de l'emploi, protection plus faible, voies de recours quasi inexistantes en cas de licenciement... On peut ainsi citer les cas d'une employée de l'Office des poursuites et faillites d'Arve-Lac qui a travaillé plusieurs années en temporaire, sans aucun ajustement de son salaire, ou encore celui d'une autre employée, licenciée par la société « Interpel » sur simple décision du responsable de l'office, sans que l'employée, alors en vacances, ni son chef direct n'en aient été avertis au préalable.

Cette situation est grave, dans le sens où l'Etat doit assumer des coûts supplémentaires qui ne se justifient pas forcément, et que certains emplois de la fonction publique sont aujourd'hui précarisés. Une situation rendue encore plus gênante par le fait que les frais du personnel intérimaire n'apparaissent pas dans les charges de l'Office des poursuites et faillites ! Ces frais sont en effet directement déduits des recettes engendrées par le service, ce qui a pour conséquence de rendre opaque sur la forme une pratique déjà insatisfaisante sur le fond !

Les problèmes liés à cette affaire ne s'arrêtent malheureusement pas là. Au-delà des doutes que l'on peut émettre sur l'utilité d'un recours à une entreprise privée et de l'existence de contrats de travail temporaire pour des emplois durables, on peut également s'interroger, une fois que ce choix a été fait, sur la procédure, voire dans le cas présent sur l'absence de procédure d'attribution du mandat.

Alors que les règles sont claires concernant l'obtention de commandes des services publics, sur la passation de marchés publics en matière de construction

Voir les règlements F 2 10 03, J 1 55.04, L6 05 01.

Or, qu'apprend-on de la société « Interpel » ? Qu'elle n'est pas membre de l'Union suisse des services de l'emploi et donc que le contrat collectif de travail relatif aux conditions d'engagement et de travail du personnel signé entre l'Union suisse des services de l'emploi et la Société suisse des employés de commerce ne saurait être applicable. En clair, cette maison de placement n'offre aucune garantie de respecter les usages dans la branche à Genève. Pire, de plus, cette société est actuellement aux poursuites (elle ne se contente donc pas d'obtenir des mandats de l'Office des poursuites, mais elle le fait travailler de surcroît !) notamment pour ne pas avoir payé les charges sociales de certains de ses employés. La situation est donc particulièrement épique : une société qui violerait les dispositions légales en matière de sécurité sociale (violation à caractère pénal), bénéficie depuis plusieurs années d'un mandat de l'Etat de Genève !

Au vu de ce qui précède, nous considérons qu'il est indispensable que le Grand Conseil demande au Conseil d'Etat de réagir à plusieurs niveaux, c'est-à-dire de :

faire respecter le statut de la fonction publique à la lettre et dans l'esprit ;

mandater en priorité l'Office cantonal de l'emploi par le biais du statut d'auxiliaire selon la loi cantonale sur l'administration (statut du personnel) et de manière subsidiaire une société privée de placement ; et fixer des critères, quant au type de travail et à sa durée maximum, pour l'engagement de travailleurs temporaires par une société privée de placement, dans le cadre des activités de l'Etat ;

régulariser la situation professionnelle des personnes sous contrat temporaire ou dont le contrat arrivait à échéance dans le cours de l'année 1999 avec la société Interpel, et à prendre d'ici là les mesures qui s'imposent pour éviter le licenciement de personnes employées depuis plusieurs mois ou années à l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac ;

fixer les conditions à satisfaire pour les entreprises de service qui désirent obtenir des mandats de l'Etat. En particulier, en exigeant que les conditions de travail et les prestations sociales en usage dans la profession à Genève soient respectées ;

interrompre immédiatement la collaboration avec la société Interpel, rendre rapport sur le coût total de la collaboration avec la société Interpel et sur les conditions d'octroi du mandat, et le cas échéant, à prendre toutes les sanctions qui s'imposeraient en cas d'éventuelles irrégularités comptables ou légales ;

conserver les effectifs suffisants dans les offices de poursuites et faillites dont le rôle est crucial pour l'Etat de Genève.

En espérant que vous réserverez un bon accueil à cette motion, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

M 1300

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les dysfonctionnements dénoncés dans la motion 1295 et concernant l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac inquiètent les députées et députés au plus haut point. Ils souhaitent par la présente motion mandater la commission de contrôle de gestion de l'Etat, afin qu'elle analyse la situation dans les autres services.

Débat

M. Charles Beer (S). Je souligne le fait que la motion 1300 est directement liée à cette motion 1295. Il s'agit de son inévitable complément, vu la gravité de la situation soulevée dans la motion.

M. Gérard Ramseyer. Je serai aussi bref que M. le député précédent, puisque lorsque je lui réponds, il appelle cela des non-réponses. Il est donc inutile que j'ajoute une non-réponse à d'autres non-réponses. Je me réjouis dès lors de recevoir cette motion pour pouvoir vous fournir une explication qui - je l'espère - cette fois-ci vous satisfera.

Le président. Si j'ai bien compris les intervenants, vous souhaitez voter, en même temps, les motions 1295 et 1300. Personne n'a besoin de l'expliquer, puisque tout le monde a tout lu et tout compris. Je vous propose de voter le renvoi au Conseil d'Etat de la motion 1295.

M 1295

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1295)pour la fin des pratiques douteuses de l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac qui reviennent à appauvrir l'Etat, à précariser les conditions de travail des salariés, et à enrichir la société de travail temporaire Interpel

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

les interpellations urgentes du 14 mai 1998 (IU 477) et du 25 février 1999 (IU 610) et les non réponses apportées par M. Gérard Ramseyer ;

l'engagement d'une douzaine de collaborateurs et collaboratrices pour des activités administratives sous des contrats de travail temporaire et précaire à l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac pour plusieurs mois voire plusieurs années ;

le mandat exclusif (alors que les autres offices ont des mandataires variés) octroyé par l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac à la société Interpel, société non membre de l'organisation patronale faîtière (Union suisse des services de l'emploi), qui n'offre donc aucune garantie du respect des conditions de travail et des prestations sociales en usage dans la profession à Genève et aucune garantie sur le sérieux de l'entreprise ;

le fait qu'il existerait des poursuites pour un montant de 600 000 francs à début juin 1999 envers la société Interpel, entreprise en raison individuelle, notamment liées à des retards de cotisations sociales (infraction à caractère pénal) ;

l'absence de législation en matière d'adjudication pour des collaborations avec des entreprises de travail temporaire ;

le coût élevé pour l'Etat de Genève du recours à une société de travail temporaire, même si le manque de transparence comptable des comptes de l'Office des poursuites ne permet pas de chiffrer exactement les honoraires de la société Interpel ;

le nombre important de demandeurs d'emplois (17 725 en avril 1999) dans le canton de Genève, et le rôle actif que devrait jouer l'Office cantonal de l'emploi dans la recherche et l'attribution de places de travail ;

le rôle crucial de l'Office des poursuites et faillites et l'augmentation de la charge de travail annoncée dans le cadre du projet de budget 1999 ;

invite le Conseil d'Etat

à cesser immédiatement toute collaboration avec la société Interpel, et à rendre rapport sur le coût total de la collaboration avec cette société et sur les conditions d'octroi du mandat, et le cas échéant, à prendre toutes les sanctions qui s'imposeraient en cas d'éventuelles irrégularités comptables ou légales ;

à régulariser la situation professionnelle des personnes sous contrat temporaire ou dont le contrat arrivait à échéance dans le cours de l'année 1999 avec la société Interpel, et à prendre d'ici là les mesures qui s'imposent pour éviter le licenciement de personnes employées depuis plusieurs mois ou années à l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac ;

à faire respecter le statut de la fonction publique à la lettre et dans l'esprit ;

à fixer des critères, quant au type de travail et à sa durée maximale, qui justifient l'engagement de travailleurs temporaires dans le cadre des activités de l'Etat ; et à mandater en priorité l'Office cantonal de l'emploi et de manière subsidiaire une société privée de placement ;

à fixer les conditions à satisfaire par les entreprises de location de service (au sens de la loi sur le service de l'emploi) mandatées par l'Etat ; à exiger en particulier que les conditions de travail et les prestations sociales en usage dans la profession à Genève soient respectées et que les cotisations sociales soient payées ;

à doter les Offices de poursuites et faillites d'effectifs suffisants, pour assurer le rôle de plus en plus crucial qu'ils remplissent pour l'Etat de Genève.

M 1300

Mise aux voix, cette motion est adoptée et renvoyée à la commission de contrôle de gestion de l'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1300)concernant les pratiques de recours aux agences temporaires d'emploi dans les services de l'Etat

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

les dysfonctionnements développées dans la motion 1295 ;

le souci de voir se développer le recours aux agences temporaires dans les services de l'Etat ;

mandate la commission de contrôle de gestion de l'Etat, afin qu'elle :

établisse un rapport sur la présente d'employés placés par des entreprises de travail temporaire dans les services publics ;

fasse des propositions en vue de corriger les éventuels dysfonctionnements établis.

Une voix. Il a mal lu !

Une voix. Comment, mal lu ? (Brouhaha.)

Le président. Il est proposé que la motion 1300 soit adressée à la commission de contrôle de gestion de l'Etat, afin que cette dernière analyse la situation dans les autres services. Je reviens donc sur le vote de tout à l'heure. Ceux qui acceptent d'adresser cette motion 1300 à la commission de contrôle de gestion le manifestent en levant la main.

M. Michel Halpérin (L). Il faudrait que l'on joigne les deux motions pour les envoyer au même endroit, sinon je ne vois pas comment on pourrait les étudier ensemble. Si l'une, la 1300, va à la commission de contrôle de gestion, je suggère que la 1295 suive la même voie.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Tout a été voté et, en principe, on ne revient pas sur un vote. J'aimerais juste expliquer à M. Halpérin qu'il s'agit d'une situation d'urgence. C'est pour cela que la première motion a été envoyée au Conseil d'Etat et qu'il convient d'analyser ce qu'il se passe dans d'autres services. C'est pour cette raison que la deuxième motion mandate la commission de contrôle de gestion.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne répétons qu'un seul vote, celui de la motion 1300. Celles et ceux qui acceptent qu'elle soit adressée à la commission de contrôle de gestion, plutôt qu'au Conseil d'Etat, manifestent en levant la main.

Mise aux voix, cette motion est renvoyée à la commission de contrôle de gestion de l'Etat.