République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1186-A
10. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Nuisances d'un voisin au 5, rue des Evaux. ( -) P1186
Rapport de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), commission des pétitions

En date du 16 janvier 1998, 14 locataires domiciliés au 5, rue des Evaux ont déposé une pétition auprès du Grand Conseil. La Commission des pétitions l'a examinée lors de ses séances des 6 avril, 8 et 15 juin, 31 août et 7 septembre 1998 sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher.

La teneur de la pétition est la suivante :

Pétition(1186)

";Nuisances d'un voisin au 5, rue des Evaux"

Mesdames etMessieurs les députés,

Depuis quelques années, nous subissons des nuisances importantes et nocturnes émanant du locataire cité en référence.

La Régie Burger a été maintes fois mise au courant de la situation. Nous sommes même allés au tribunal dans le courant 1997, mais ce locataire est toujours aussi dérangeant.

Suite à nos appels répétés, la police d'Onex intervient à tout moment, mais ce locataire est toujours aussi dérangeant.

Nous avons fait preuve de beaucoup de patience mais devons en arriver à vous adresser un dossier, à savoir :

- ma dernière lettre recommandée à la régie

- une pétition signée par certains locataires.

Nous vous remercions de bien vouloir mettre à l'ordre du jour de la prochaine séance notre requête.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les députés, nos salutations distinguées.

N.B. : 14 signatures

Au nom des locataires, p.a. M. Christian Rosé, 5, rue des Evaux, 1213 Onex

Travaux de la commission

Audition des pétitionnaires : Mme M. Rossoz et MM. V. Peclard et C. Rose (6 avril 1998).

Les pétitionnaires expliquent que depuis quatre ans ils se plaignent du bruit émis par la personne mise en cause dans la pétition (ci-après M. D.) Pour l'un d'entre eux, qui doit notamment se lever à 4 h. pour aller à son travail, la vie devient impossible, car il subit la musique de son voisin jusqu'à minuit au moins ainsi que d'autres perturbations.

Selon eux, leur voisin est alcoolique et drogué et bien que la police soit intervenue plusieurs fois pour tapage nocturne, il recommence toujours. Il lui arrive parfois de jeter des meubles par la fenêtre.

Les pétitionnaires disent avoir vu des jeunes, apparemment drogués, sortir de chez lui. Ils ont même eu l'impression qu'il battait certaines filles fréquentant son appartement. De plus, sa mère qui loge parfois chez lui, subirait aussi ses comportements violents.

Enfin, ils ne comprennent pas pourquoi la régie ne fait rien ; bien qu'elle dispose d'un épais dossier sur M. D. Ils estiment aussi que celui-ci devrait avoir un traitement psychiatrique, car il est dangereux : il risque d'arriver un malheur si personne n'intervient et ce d'autant plus que M. D. aurait une arme à son domicile. Les pétitionnaires vont jusqu'à penser qu'il serait protégé par quelqu'un dans la police.

Audition de M. Philippe Bocquet, sous-brigadier au poste d'Onex(8 juin 1998).

En préambule à cette audition, la présidente précise que selon les pétitionnaires, M. D. vendrait de la drogue à des mineurs et qu'en plus il bénéficierait d'une certaine protection. Les commissaires souhaitent entendre le point de vue de M. Ph. Bocquet sur ces deux points.

M. Bocquet indique qu'il n'a jamais eu affaire personnellement avec M. D. Il sait cependant que plus d'une cinquantaine de personnes se plaignent de lui pour différentes raisons, que plusieurs interventions de police ont eu lieu à son domicile et qu'il est régulièrement en état d'ébriété. Il ne se manifeste pas seulement dans son immeuble mais fait souvent des esclandres dans la rue, sur les terrasses de bistrots, etc. En fait, il est connu de la police depuis 1983 alors qu'il n'avait que 14 ans...

M. Bocquet ne dispose d'aucun élément pour affirmer que M. D. se livrerait à du trafic de drogues et selon lui il ne bénéficie d'aucune protection du poste de police d'Onex.

Selon M. Bocquet, M. D. est le cas typique devant lequel la police est désarmée. Il est à l'origine de nuisances mais quand il s'agit de bruit, la police ne peut que lui infliger des amendes qu'il ne paye d'ailleurs pas lui-même puisque l'Hospice général subvient à ses besoins. A son avis, il nécessiterait un suivi médical, voire psychiatrique. Pour conclure, il estime que la question principale est de savoir comment cet homme en est arrivé là sans que l'on ait pu intervenir avant. Les différents services ou institutions chargés de suivre son dossier ne portent-ils pas certaines responsabilités ?

Audition de Mme Béatrice Gisiger, conseillère administrative de la Ville d'Onex et de M. Pierre-Antoine Lacroix, responsable du service social d'Onex (15 juin 1998).

Au vu de l'audition précédente, la commission souhaitait savoir si le cas de M. D. était connu du service social et s'il y avait une coordination avec l'Hospice général à son sujet.

Selon M. Lacroix, M. D. est connu depuis environ 10 ans du service social, en raison du bruit qu'il fait subir à ses voisins mais jusqu'à présent, son dossier n'était traité que par l'Hospice général. Il pense que l'Hospice général ne fait rien d'autre que de lui assurer une aide financière. L'Hospice général et le service social d'Onex devraient travailler en partenariat.

Il estime en outre que la loi sur les services d'aide et de soins à domicile a pour effet de mettre à l'écart les travailleurs sociaux communaux du champ social où ils devraient intervenir par une action de proximité. Pour lui, les CASS n'intègrent pas réellement l'action sociale.

Il met donc en cause le système actuel de l'aide sociale qui ne fait qu'"; arroser " les gens en difficulté alors qu'il convient de mener aussi un travail de fond avec eux, de les faire participer à la résolution de leurs problèmes.

Mme Gisiger relève que c'est néanmoins à la suite de cette pétition que le service social a entrepris des démarches vis-à-vis de ce cas. D'une façon générale, cette affaire pose le problème de l'établissement du CASS dans la commune d'Onex. En effet, le service social communal a de la peine à trouver sa place dans la structure qui se constitue entre l'Hospice général et les services d'aides à domicile. Elle a l'impression que le rôle du service n'est pas assez reconnu. Cela risque de compromettre le nécessaire travail de réseau entre les services et le travail de proximité auprès de la population.

Audition de MM. Robert Cuénod, directeur de l'Hospice général et de M. Hugo Lopez, assistant social à l'Hospice général (31 août 1998).

La présidente précise d'emblée que l'audition porte surtout sur les rapports entre l'Hospice général et les services communaux dans le cadre des CASS.

M. Cuénod signale tout d'abord que l'Hospice général n'a pas les compétences légales pour intervenir dans la vie d'une personne adulte sans son consentement. Pour ce faire, il y a des procédures (mise sous tutelle par ex.) qui prennent du temps.

Concernant la question du partenariat, l'Hospice général travaille déjà sur cette base avec de nombreux partenaires, privés et publics. Il rappelle d'ailleurs que ce partenariat est prévu dans la loi sur l'aide et les soins à domicile. La mise en place des CASS a précisément pour but de favoriser le travail de proximité en instaurant des collaborations avec les services sociaux des communes et ceux de la Ville de Genève. Des efforts de coordination ont été réalisés sur le plan institutionnel, notamment par le biais de la signalisation, de la nomination des coordinateurs et la collaboration entre les partenaires. Du côté social, l'Hospice général entretient des relations avec M. Ph. Aegerter, pour la Ville de Genève et M. M. Hug pour l'Association des communes genevoises. Il admet néanmoins qu'il existe encore des dysfonctionnements mais que ceux-ci sont évalués afin de pouvoir y remédier. Il relève enfin que l'Hospice général accomplit aussi un travail de proximité et une action de type communautaire et ne fournit pas seulement des prestations sociales et financières. Il y a souvent plusieurs partenaires qui s'occupent d'une même personne. L'Hospice général est donc obligé de collaborer avec les autres services.

M. Lopez ajoute que d'ici environ 6 mois, l'organisation des CASS impliquera l'établissement d'un dossier unique pour chaque client. Les travailleurs sociaux, qu'ils soient issus du canton ou d'une commune, agiront au sein de la même unité d'action sociale. Il s'agit de l'application de la loi sur l'aide et les soins à domicile qui prévoit une action intégrée.

Pour revenir au cas de M. D., il informe la commission que ce dernier est suivi régulièrement par l'Hospice général depuis septembre 1997. Ce cas a nécessité de nombreuses interventions de la part de l'assistante sociale en charge du dossier. Il annonce que cette dernière a pu lui trouver un autre appartement dans lequel il emménagera le 1er octobre 1998 ce qui va mettre un terme au problème des voisins du 5, rue des Evaux.

Discussion

A la suite de l'audition des pétitionnaires, il est apparu que si la résolution du cas de M. D. ne relevait pas de la compétence de la commission, la pétition soulevait un certain nombre de problèmes qui présentent un certain intérêt pour les députés.

Il s'agissait d'une part de comprendre pourquoi cette situation s'est enlisée si longtemps et d'autre part comment s'articulaient les relations entre les différents acteurs en présence. Il a paru important à la majorité des commissaires de confronter les points de vue de la police et des services sociaux, en l'occurrence l'Hospice général et le service social de la commune d'Onex. Ceux-ci ont révélé la difficulté de collaboration notamment dans la mise en place des CASS, les résistances qui s'organisent et les problèmes de communication, alors que dans le discours les termes de partenariat, de réseau et de travail de proximité reviennent sans cesse.

L'ensemble de la commission pense que cette pétition a été l'occasion de mesurer les problèmes qui se posent sur le terrain entre les divers acteurs du social et de mieux percevoir quel peut être le rôle de chacun.

La pétition est désormais sans objet puisque le problème concret qu'elle soulevait a été (temporairement) résolu par le déménagement de M. D.

La commission décide donc à l'unanimité de la déposer sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Je vous propose donc Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les mêmes conclusions.

Débat

M. Walter Spinucci (R). La commission des pétitions a consacré cinq séances à l'examen de cette pétition. J'espérais qu'après un travail aussi important la commission parviendrait à formuler des recommandations utiles afin de régler définitivement ce problème, si faire se peut.

Je constate à la lecture des conclusions du rapport que la pétition est désormais sans objet puisque le problème concret qu'elle soulevait a été temporairement résolu par le déménagement de cette personne. Le terme «temporairement» est effectivement très approprié car il faut savoir que, dès son déménagement dans une rue adjacente à 50 mètres du premier domicile, la bagarre a repris de plus belle avec les nouveaux colocataires.

Doit-on déduire des propos contenus dans ce rapport que le simple déplacement d'un individu décrit comme très dérangeant pour la collectivité peut constituer en soi une réponse efficace ? Ce jeu qu'on appelle de la patate chaude serait-il la solution ? Nous ne sommes pas vraiment rassurés pour ce nouveau voisinage et ce, d'autant que son nouveau logement se situe à une rue du précédent... (Commentaires.)

Le président. Poursuivez, Monsieur Spinucci, et ne vous occupez pas des nuisances des voisins !

M. Walter Spinucci. Je relève également à la lecture du rapport qu'un sentiment de frustration demeure au niveau du service social de la commune quant aux capacités de l'Hospice général, en dépit de ce qu'il prétend, de mettre en place un suivi professionnalisé dépassant le seul règlement financier, ainsi que les difficultés rencontrées pour établir, avec cette institution, des liens de collaboration intelligents.

Nous aurions vivement souhaité en savoir plus sur les difficultés de collaboration entre l'Hospice général et les services sociaux communaux ainsi que sur la perception des rôles de chacun. Quelle analyse en font les commissaires à l'issue de ces conversations sans doute très instructives ?

Cet organisme mystifie bel et bien le citoyen lorsqu'il prétend accomplir un travail de proximité comparable à celui, réel ou potentiel, effectué par les services sociaux des communes. Plutôt que de s'accaparer tous pouvoirs en matière d'action sociale, l'Hospice général ferait sans doute mieux de reconnaître ses limites et d'admettre, le cas échéant, de composer et coopérer, plutôt qu'imposer, avec les organismes communaux agissant selon d'autres valeurs.

Ni l'Hospice général ni le service social communal ne peuvent venir à bout facilement d'un comportement socio-pathologique aigu. Une action coercitive, éducative, voire répressive serait plus indiquée dans certains cas, même moins spectaculaires. Des organismes de répression avouent ou admettent qu'il faut malheureusement attendre un événement majeur ou tragique pour agir.

Je regrette que la commission se soit bornée à faire l'état des lieux en escamotant les vrais problèmes, sans proposer de solutions concrètes, et qu'elle n'ait pas profité de cette pétition pour essayer de redéfinir les rôles de chacun.

M. Albert Rodrik (S). Je me permets de revenir sur un passage de l'intervention de M. Spinucci pour confirmer très solennellement que l'Hospice général n'a aucune volonté d'hégémonie, qu'il attache un prix particulier à sa collaboration avec les autorités communales et avec les services sociaux communaux et qu'il ne prétend détenir aucune vérité particulière sinon la nécessité de servir ceux qui s'adressent à lui.

A l'Hospice général, nous tenons à ces bonnes relations et nous ne voulons pas que se créent des antagonismes qui ne peuvent être que nuisibles à ceux qui s'adressent tant à l'Hospice général qu'aux services sociaux.

Si demain, suite au vote populaire, les crédits sont acceptés en faveur de cette fondation pour l'hébergement des personnes handicapés psychiques, des solutions pourront être trouvées, en dehors de la répression et de façon adéquate, à des cas douloureux qui ne doivent précisément pas être réglés par la répression.

Mesdames et Messieurs, je ne pensais pas que cette pétition nous amènerait à de telles considérations, mais je tiens à répéter que les graves problèmes sociaux qui sont évoqués ne peuvent pas être résolus par des surenchères ou des concurrences entre des organismes d'Etat ou des services communaux qui ont leur place et leur valeur.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. J'adhère à ce qu'a dit M. Rodrik. Si M. Spinucci a fait quelques remarques tout à fait judicieuses, il faut peut-être rappeler que ce n'était pas le rôle de la commission des pétitions d'aller plus loin.

Certains pensaient déjà que la commission n'aurait pas dû procéder à toutes ces auditions, mais il me semble qu'en définitive les commissaires étaient tout de même satisfaits d'avoir pu approfondir certaines questions. Il est vrai que nous sommes dans une phase un peu particulière de mise en place des CASS et que cela devrait certainement donner lieu par la suite à une meilleure coordination des services sur le plan cantonal et sur le plan communal.

Ce cas soulevait effectivement certains problèmes, mais il n'était pas du ressort de la commission d'aller plus loin.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.