République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1174-A
12. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Erica Deuber-Pauli, Rémy Pagani, Jeannine de Haller, Françoise Schenk-Gottret, Dominique Hausser, Pierre-Alain Champod, Christian Brunier, Fabienne Bugnon et David Hiler sur la création d'une zone 4 B protégée à Chêne-Bougeries. ( -) M1174
Mémorial 1997 : Annoncée, 9761. Développée, 9858. Adoptée, 9887.

Le 5 décembre 1997, le Grand Conseil a adopté la motion concernant la création d'une zone 4B protégée à Chêne-Bougeries et l'a transmise au Conseil d'Etat. Elle était accompagnée d'un avant-projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries.

La motion est ainsi libellée :

"; MOTION

sur la création d'une zone 4B protégée à Chêne-Bougeries

Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,

LE GRAND CONSEIL,

par ces motifs,

invite le Conseil d'Etat

à renoncer à tout projet d'élargissement de la route cantonale formée par la rue de Chêne-Bougeries et à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries annexé à la présente motion. "

Conformément aux dispositions de l'article 15A, alinéa 2, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT), le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL) a soumis l'avant-projet de loi à la commission cantonale d'urbanisme et à la commune concernée.

La commission d'urbanisme, dont vous trouverez le préavis en annexe, conclut au rejet de l'avant-projet de loi en estimant non seulement qu'il est inapproprié par rapport au but poursuivi, mais surtout que le caractère de cet ensemble de bâtiments est essentiellement urbain et non villageois. Dès lors, elle souligne les qualités du projet de plan localisé de quartier initié par la commune et issu du concours, tant au niveau de la reconnaissance des tracés historiques que de la volumétrie compatible avec les immeubles anciens. Enfin, elle s'inscrit en faux par rapport à l'amalgame suggéré entre ce projet et les réalisations effectuées durant les années soixante.

En ce qui concerne la commune de Chêne-Bougeries, et bien que cette dernière n'ait pas encore répondu formellement à la demande du DAEL, nous pouvons vous informer que celle-ci entend poursuivre la procédure de mise à l'enquête du projet de plan localisé de quartier, conformément à l'article 5A, alinéa 2 de la loi générale sur les zones de développement. A cet effet, la commune a d'ores et déjà fait parvenir à notre Conseil une résolution du Conseil municipal, prise en date du 18 juin 1998, visant la mise à l'enquête publique du projet de plan localisé de quartier précité.

Notre Conseil, bien que souscrivant aux préavis défavorables de la commission cantonale d'urbanisme et des autorités communales, entend néanmoins ouvrir l'enquête publique sur cet avant-projet de loi, et ce simultanément à celles relatives au projet de plan localisé de quartier et à la procédure d'approbation par le Grand Conseil, au sens de l'article 8, alinéa 1 de la loi sur les routes, du 28 avril 1967 (L 1 10), du projet d'aménagement de la rue de Chêne-Bougeries au niveau du goulet.

Il est en effet nécessaire à la clarté du débat démocratique que les différentes options souhaitées par la commune ou par le Grand Conseil fassent l'objet d'une présentation et d'une enquête publique simultanées.

Ces trois enquêtes publiques ne pourront s'ouvrir qu'à la fin du mois de novembre, étant donné que l'évaluation de la notice d'impact accompagnant le projet routier et, subsidiairement, le projet de plan localisé de quartier ne sera disponible qu'à la mi-novembre.

Nous espérons ainsi vous avoir apporté les informations utiles sur la suite qu'entend donner le Conseil d'Etat aux différentes procédures relatives au goulet de Chêne-Bougeries.

Annexe : Préavis de la commission cantonale d'urbanisme

page 4

Débat

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Le Grand Conseil a adopté, il y a un an, le 5 décembre 1997, la motion portant sur la création d'une zone 4 B protégée à Chêne-Bougeries.

Rappelez-vous les circonstances de cette nuit-là, où deux immeubles de la fin de la fin du XVIIIe siècle faisant partie de l'alignement nord du bourg de Chêne-Bougeries ont été détruits.

Le premier constat que nous pouvons faire aujourd'hui est le suivant : démonstration est faite que le droit d'initiative du Grand Conseil en matière de déclassement de zone ne fonctionne pas bien. Il faut en effet attendre onze mois pour que le projet de loi attaché à notre motion soit mis à l'enquête publique.

Je prends note toutefois de la promesse que cette mise à l'enquête aura lieu d'ici fin novembre prochain...(Brouhaha ; le président agite la cloche.) Je voudrais être sûre que cette promesse soit tenue en ce qui concerne notre projet de loi, même si les alternatives proposées par la commune portant sur son projet de plan localisé de quartier et la procédure d'application par le Grand Conseil du projet d'aménagement de la rue de Chêne-Bougeries ne devaient pas être prêtes à cette date... J'ai beaucoup de peine à parler dans ce brouhaha...

Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs les députés !

Mme Erica Deuber-Pauli. Le bourg de Chêne-Bougeries a joué dans l'histoire du territoire de Genève un rôle tout à fait significatif. Passé le beau plateau de Chêne-Bougeries qui domine la ville sur son flanc est, s'est établi dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, après le traité de Turin procédant à la répartition territoriale aux alentours de Genève, un bourg frontière sur la route de Bonneville, juste avant le passage du pont de la Seymaz qui fait frontière et que précède un très beau temple baroque, symbole de cette appropriation genevoise du territoire.

Il y a trente ans, l'historien de l'architecture André Corboz a analysé dans un beau livre intitulé «L'invention de Carouge» les conditions de la création d'une ville neuve, à la même période, création unique en son genre en Europe. Grâce à de bonnes mesures de protection, Carouge a pu être préservée.

Les deux bourgs de Chêne, Chêne-Bougeries d'un côté, dont je viens de parler, et Chêne-Bourg, l'équivalent catholique de Chêne-Bougeries, passé la frontière en territoire du royaume de Piémont-Sardaigne, sont considérés par une partie de ce parlement comme une part négligeable de notre patrimoine, indigne de protection. On leur dénie une substance analogue à celle de Carouge, substance qu'elles ont pourtant.

Selon le rapport du Conseil d'Etat, la commission d'urbanisme a donné un préavis concluant au non-déclassement en zone 4 B protégée, vu que l'ensemble des bâtiments est essentiellement urbain et non villageois. Il y a là une contradiction manifeste : ceux qui connaissent le dossier savent qu'il y a un peu plus de dix ans la zone sud de la rue de Chêne-Bougeries, à droite en venant de Genève en direction de Chêne-Bougeries, a fait l'objet d'un plan l'inscrivant dans une zone 4B protégée.

Notre proposition visait donc à compléter ce dispositif, à considérer ce bourg comme un ensemble sur ses parties nord et sud - ce qu'il est en fait - et à inscrire le nord également dans une zone protégée.

Je vous rappelle que le plan d'aménagement prévoit un élargissement de la chaussée de douze à vingt-quatre mètres, élargissement qui a été à maintes et réitérées reprises dénoncé pour des raisons liées aux dangers de la circulation. Nous avons procédé sur l'ensemble du territoire à un certain nombre de sondages ; on s'aperçoit ainsi qu'après avoir prévu des élargissements et des facilités de circulation, on est obligé de revenir en arrière avec des chicanes et des dispositifs de freinage. Nous sommes effarés qu'on en soit encore à proposer des élargissements de ce type.

Je vous enjoins donc, Monsieur le conseiller d'Etat Moutinot, à mettre à l'enquête publique dans les meilleurs délais le projet de loi attaché à notre motion et je vous en remercie.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Après les considérations plutôt architecturales de Mme Deuber-Pauli, j'ajouterai seulement quelques mots pour vous dire, Monsieur le conseiller d'Etat, que nous sommes un peu étonnés du procédé.

Etonnés d'avoir dû attendre plus d'une année pour que vous répondiez à cette motion qui avait un caractère urgent.

Etonnés par la réponse : le Conseil d'Etat, bien que souscrivant au préavis défavorable, entend néanmoins ouvrir l'enquête publique simultanément avec les autres projets.

Nous trouvons en effet ce procédé surprenant, d'autant que ces projets comportent chacun des visions fondamentalement différentes. Nous aurions souhaité que notre proposition soit soumise à l'enquête publique au moment où nous l'avons demandé et en tant que telle, afin d'avoir une réponse claire de la population.

M. Olivier Vaucher (L). En ce qui concerne notre groupe, il est évident que nous soutiendrons le rapport du Conseil d'Etat... (Commentaires. L'orateur se trouve seul avec Mme Polla sur les bancs du parti libéral.) Ça ne fait rien, un seul membre suffit pour représenter le groupe, chez nous !

J'aimerais par contre rappeler une fois de plus à Mme Deuber-Pauli que ce qu'elle a affirmé ce soir - et qu'elle avait déjà affirmé en décembre dernier - est malheureusement faux. C'est la raison pour laquelle la commission des monuments et des sites a conclu à la non-valeur de classement de l'îlot.

Ladite commission a, elle, la compétence et la connaissance pour traiter les choses d'une façon juste. Je vous l'ai déjà dit : il ne faut pas mélanger la droite de la rue de Chêne-Bougeries avec la gauche. Ce sont deux ensembles de constructions qui ont été réalisés dans des buts et avec une vocation totalement différents.

Je ne veux pas prolonger le débat, car nous en avons déjà largement débattu. Notre groupe soutient donc le rapport du Conseil d'Etat.

M. Laurent Moutinot. J'aimerais apporter une réponse à Mme Bugnon : tout cela a pris du temps, car la loi prévoit que l'on demande l'avis de la commission d'urbanisme et celui de la commune. Compte tenu de ce périmètre délicat, je vous laisse imaginer que la commission d'urbanisme a voulu en parler, en reparler, se rendre sur place...

Vous relevez également le caractère simultané de ces procédures. Je pense au contraire et très clairement que, dans la mesure où la commune, qui a un droit d'initiative, a une vision des choses, et votre Grand Conseil, qui a également un droit d'initiative, une autre, le moins que l'on puisse faire pour être cohérent c'est de présenter les deux en même temps, et non l'un après l'autre avec le risque d'une course poursuite et de contradictions.

La totalité des décisions et des procédures sera publiée dans la «Feuille d'avis officielle» avant la fin novembre. Simultanément, l'enquête publique aura lieu ; on en tirera ensuite les conséquences.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.