République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1221
8. a) Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre-François Unger, Stéphanie Ruegsegger, Jean-Claude Vaudroz, Juliette Buffat, Pierre Froidevaux, Barbara Polla et Walter Spinucci concernant le RHUSO. ( )M1221
M 1222
b) Proposition de motion de Mme et MM. Pierre-Alain Champod, Gilles Godinat et Louiza Mottaz sur la collaboration hospitalière Vaud-Genève. ( )M1222

(M 1221)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- le résultat négatif du scrutin populaire du 7 juin 1998 sur le réseau hospitalo-universitaire de Suisse occidentale ;

- l'analyse des causes de cet échec ;

- l'exigence légitime d'excellence en matière de qualité des soins, notamment dans la médecine de pointe et le traitement des maladies rares ;

- le coût de la santé dans notre canton, en lien avec l'offre publique essentiellement universitaire ;

- le bassin de recrutement genevois, très inférieur à la masse critique nécessaire au maintien d'une compétence universitaire ;

- les exemples de collaborations réussies entre Genève et Vaud ;

- la nécessité reconnue de procéder à des rapprochements entre les différents sites universitaires ;

- le risque d'isolement de Genève si ces collaborations se faisaient sans elle ;

invite le Conseil d'Etat

à reprendre immédiatement les négociations en vue d'une intensification de la collaboration entre les hôpitaux universitaires de Genève et de Vaud.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 7 juin 1998, le peuple genevois a rejeté le projet de réseau hospitalo-universitaire de Suisse occidentale (Rhuso), dans une proportion de 57,5 %.

Lorsque l'on se penche sur les raisons de cet échec, on se rend compte qu'il ne s'agit en aucun cas d'un rejet de principe d'une collaboration entre Genève et le canton de Vaud, mais que c'est avant tout la structure de cette organisation, souvent décrite comme "; mammouth ", qui a conduit à ce résultat. En dépit de ce vote négatif, la nécessité de procéder à des rapprochements entre l'Hôpital cantonal universitaire de Genève et le CHUV demeure donc bel et bien.

Ce point n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune divergence durant la campagne, partisans et adversaires du Rhuso s'accordant sur la nécessité de poursuivre et d'étendre les collaborations entreprises entre les deux cantons dans ce domaine.

Il est de plus incontestable que le canton de Genève moins encore que le canton de Vaud n'ont la masse critique et les moyens nécessaires à l'accomplissement d'une médecine universitaire de qualité. Celle-ci ne pourra donc se poursuivre que dans le cadre d'un rapprochement et d'une mise en commun des forces entre les deux sites. L'exemple de la neurochirurgie est frappant : après une période d'adaptation, rendue nécessaire par le côté pilote de l'expérience, la collaboration entre Genève et Vaud a permis aux équipes médicales de passer du 50e rang européen à une place parmi les 10 meilleurs, avec une amélioration très sensible de la qualité des soins apportés aux patients.

Cette nécessité est donc dictée par une exigence d'excellence. Compte tenu de l'augmentation des coûts de la santé et des défis que devront relever les collectivités publiques dans les prochaines années en matière sanitaire, cette exigence, légitime, ne pourra être satisfaite qu'au prix d'une indispensable mise en commun des moyens.

Genève ne peut prendre le risque de se marginaliser sur un domaine de cette importance. Car avec ou sans nous, la collaboration à l'échelle lémanique et régionale est inéluctable.

Nous invitons donc le Conseil d'Etat à remettre l'ouvrage "; Rhuso " le plus rapidement possible sur le métier, en maintenant l'objectif sanitaire qu'il poursuivait et en le libérant des "; défauts " qui ont conduit à son échec, dans un esprit de concertation entre les différents acteurs intéressés.

(M 1222)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- le refus du concordat instaurant le RHUSO par le souverain genevois le 7 juin 1998 ;

- l'importance du renforcement de la collaboration hospitalière entre le CHUV et les HUG ;

- la nécessité d'insérer la collaboration hospitalière dans un projet de planification sanitaire VD-GE ;

- la nécessité de garantir la mission de service public des hôpitaux ;

- l'importance du maintien du statut du personnel de droit public ;

invite le Conseil d'Etat

à proposer, en collaboration avec le Conseil d'Etat du canton de Vaud, un concordat de portée limitée permettant :

- le regroupement des prestations de haute technologie pour lesquelles le nombre de patients qui en bénéficient est actuellement insuffisant sur chacun des deux sites ;

- le développement de pôles d'excellence, non seulement dans le domaine de la médecine de haute technologie mais aussi en ce qui concerne la médecine qui touche la qualité humaine des soins, le respect des droits des patients et la qualité de la communication

moyennant la mise en place :

1. d'un projet de planification sanitaire inercantonal VD-GE ;

2. d'une structure consultative lémanique ;

3. d'une structure permettant une participation des chefs de service aux activités de l'autre site ;

4. de commissions de structure hospitalo-universitaires d'un nombre équivalent de représentants du canton de VD et du canton de GE et avec une représentation identique des instances hospitalières, universitaires et gouvernementales ;

5. d'une commission interparlementaire VD-GE.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le cadre de nos propositions :

a. garantir la mission de service public des hôpitaux

Compte tenu de l'importance que nous accordons à la primauté du politique, nos propositions de changement s'insèrent dans un cadre qui prévoit de garder les hôpitaux et les facultés à l'intérieur des services publics cantonaux respectifs et qui maintient les structures de décisions actuelles tant au niveau politique que facultaire et hospitalier.

b. maintenir un statut du personnel de droit public

Nous sommes d'avis que le rattachement à la fonction publique permet de garantir la cohérence de la mission de la santé publique et l'indépendance envers des groupes de pression. Rappelons aussi, et le refus massif du RHUSO par l'ensemble des groupes professionnels hospitaliers le prouvent une fois de plus, que les changements importants en matière de politique hospitalière ne peuvent se faire qu'avec la collaboration du personnel. Il est donc indispensable de donner à ce dernier la garantie que ces changements ne se feront pas à ses dépens. Par conséquent, nous proposons de maintenir le statut du personnel dans le cadre du droit public.

2. Les objectifs de la collaboration

L'objectif premier d'une collaboration renforcée entre les HUG et le CHUV est l'amélioration de la qualité des prestations.

Dans ce but, nous proposons le regroupement sur un seul site des prestations de haute technologie pour lesquelles le nombre de patients qui en bénéficient est actuellement insuffisant sur chacun des deux sites et ne permet pas aux équipes médico-techniques d'acquérir l'expérience nécessaire. Ce type de prestations représente moins de 5 % de l'ensemble des activités hospitalières. Un tel regroupement permet également de faire des économies.

En revanche, nous estimons que toute la médecine courante, y compris celle qui demande une infrastructure lourde et coûteuse, comme par exemple le service des prématurés ou la chirurgie cardiaque et qui est en relation avec le fait qu'il s'agit d'un hôpital universitaire, soit maintenue sur les deux sites.

En ce qui concerne les pôles d'excellence, nous proposons leur développement non seulement dans le domaine de la médecine de pointe, mais aussi en ce qui concerne la qualité humaine des soins, le respect des droits des patients ou la qualité de la communication. De tels pôles d'excellence, comme par exemple l'unité d'enseignement pour des malades chroniques, jouent un rôle particulièrement important dans le domaine de l'enseignement et de la recherche.

3. Un cadre politique commun en matière de politique de santé

Une telle collaboration doit s'insérer impérativement dans un projet de planification sanitaire intercantonale VD-GE qui définit les priorités en matière de politique hospitalière et ambulatoire, de médecine privée et publique, de soins curatifs et de prévention, d'enseignement et de recherche. Un tel projet de planification devrait être accepté par les Grands Conseils vaudois et genevois après avoir été discuté par une commission interparlementaire.

Une telle planification sanitaire intercantonale n'existe actuellement pas ; pire, aussi bien le canton de Vaud que le canton de Genève ont chacun présenté séparément leur projet de planification sanitaire.

4. La mise en place d'une réelle pratique de collaboration

- La mise en place d'une large structure consultative lémanique (VD ,GE et France voisine) avec la mission d'élaborer des propositions de collaboration en matière de politique sanitaire. Cette commission est composée de représentants des différents corps professionnels des hôpitaux et universités, de représentants des différents acteurs du système de santé public et privé et de représentants des partis représentés au Grand Conseil. Cette structure doit être dotée d'un budget permettant de financer son fonctionnement et d'organiser ses propres enquêtes. La présence de représentants de la France voisine est motivée par le fait que la politique sanitaire VD-GE doit s'insérer dans une réflexion qui dépasse le cadre de ces deux cantons. Les propositions en matière de collaboration sont adressées aux gouvernements des cantons de Vaud et de Genève avec une copie à la commission interparlementaire. Cette structure consultative lémanique implique évidemment la suppression de l'actuelle association VD-GE.

- Une participation des chefs de service aux activités sur l'autre site, aussi bien pour se familiariser avec la gestion hospitalière que pour participer à l'enseignement universitaire. A la place de déplacer les étudiants et les patients, nous préconisons davantage de mobilité pour le corps enseignant.

- La mise en place de commissions de structure hospitalo-universitaire composées d'un nombre équivalent de représentants du canton de VD et du canton de GE avec une représentation identique des instances hospitalières, universitaires et gouvernementales. Les propositions des commissions de structure doivent être ratifiées par les trois instances précitées des deux cantons.

Les commissions de structures sont mises en place avant la nomination d'un nouveau professeur afin d'évaluer la pertinence et l'adéquation de la structure du service en question. L'importance de ces commissions découle du fait qu'elles élaborent des propositions concernant les secteurs qu'il s'agit de développer, respectivement de supprimer et les activités à regrouper sur un seul site. Pour favoriser une telle collaboration, un rapprochement des organigrammes du CHUV et des HUG sera évidemment nécessaire.

5. Le contrôle parlementaire

Nous proposons la mise en place d'une commission interparlementaire VD-GE qui aurait comme tâche de préaviser les propositions de la commission consultative lémanique ainsi que les rapports des Conseils d'Etat vaudois et genevois concernant la planification sanitaire intercantonale dont une partie importante sera consacrée à la politique hospitalière et plus particulièrement à la collaboration hospitalo-universitaire VD-GE.

Au bénéfice de ces arguments, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir envoyer en commission cette proposition de motion.

Débat

M. Pierre-François Unger (PDC). Le peuple genevois avait refusé le 7 juin - de manière hélas assez claire - le projet de rapprochement des hôpitaux universitaires de Genève et de Lausanne. A une opposition purement politicienne s'étaient ajoutées des oppositions catégorielles parfois d'ailleurs assez saugrenues. C'est ainsi qu'on avait pu assister, non sans perplexité, à une alliance pour le moins singulière entre tel ou tel professeur - dont la conviction est qu'il faut privatiser l'ensemble du système de soins - et des représentants des syndicats de la fonction publique convaincus de l'exact contraire.

On a assisté également au «non» de certains étudiants, en raison de l'importance de leur représentation au sein du conseil de faculté, sans que ceux-ci ne se rendent compte qu'en prenant le risque de voir s'affaiblir l'hôpital universitaire, c'était l'existence même de la faculté qui, à terme, était en cause.

La menace qui plane sur la survie qualitative de notre complexe hospitalo-universitaire est bien réelle. L'expérience depuis le mois de juin montre à quel point l'hôpital universitaire est en train de se «formoliser». Il n'y a pratiquement plus aucune ambulance extra-cantonale qui arrive chez nous depuis trois mois. Les Genevois se sont-ils rendu compte que chaque hôpital universitaire de Suisse est au centre d'une population trois ou quatre fois supérieure à la nôtre ? Et pourtant, en écoutant les réactions de la population, je suis persuadé que c'est la structure proposée et non le principe même de la collaboration qui a inquiété les Genevois.

Les populations occidentales ont développé à l'égard de leurs hôpitaux un véritable sentiment de propriété et d'attachement. J'en veux pour preuve les luttes terribles menées par certaines populations en France pour maintenir à tout prix tel ou tel dispensaire dont tout démontre qu'il n'a pas la masse critique de patients suffisante pour maintenir ses compétences... (Brouhaha.) J'attends juste que vous «clochiez», mon cher Président ! Merci... J'en veux pour preuve aussi le refus de l'ensemble des Vaudois de fermer l'hôpital de la Vallée de Joux. Les Genevois ne sont, à cet égard, pas différents et beaucoup d'entre eux ont probablement eu l'impression que le projet qui leur était proposé les dépouillait de leur hôpital, de leur objet, de ce lieu auquel une masse d'éléments symboliques sont attachés. Et c'est de cela qu'il faudra tenir compte dans un nouveau projet, nouveau projet qui s'impose dans un délai court si l'on entend rester, pour paraphraser M. Segond, en ligue nationale A, ce à quoi toute la population est attachée.

Ce nouveau projet, il faudra le concevoir réellement en réseau, en synergie, en développement de compétences. Sans doute sera-t-il aussi important que ce réseau dépasse la simple collaboration des deux hôpitaux universitaires pour intégrer les hôpitaux de Fribourg, de Sion, le futur hôpital des Cadolles à Neuchâtel, pour ne citer que les plus importants. Ce réseau pourrait alors constituer le début d'une planification sanitaire romande, seule la Suisse romande ayant sans doute la taille suffisante pour qu'une réelle planification puisse avoir un sens. Et c'est pour notre gouvernement comme pour nous, Mesdames et Messieurs les députés, une chance à saisir de montrer à Berne les capacités d'une région à construire son avenir sanitaire en tenant compte de la sensibilité de ses habitants. Nous devons d'urgence nous y atteler avant que Berne n'impose en matière de planification sanitaire des diktats aussi irréalistes et inacceptables pour notre population que ceux que Paris a tenté d'imposer à la sienne.

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). En l'absence de mon collègue Pierre-Alain Champod, je me permets de vous présenter rapidement la motion 1222. Les opposants du projet RHUSO - en particulier les partis politiques et les syndicats regroupés au sein du Forum santé - ont toujours dit qu'ils étaient pour une certaine collaboration des hôpitaux des deux cantons, mais qu'ils ne pouvaient pas accepter la structure administrative et bureaucratique qui était liée au projet du RHUSO.

Pendant la campagne, nous avons développé des propositions de collaboration entre les deux cantons dans le domaine de la santé. Ces propositions ont fait l'objet d'une longue concertation des partis de l'Alternative et des syndicats. Elles figuraient sur le tout ménage distribué à la population lors de la campagne référendaire. Le RHUSO étant refusé, il est logique aujourd'hui que nous reprenions ces propositions sous la forme d'une motion. Les invites de cette motion ne sont pas nouvelles; elles sont en quelque sorte la synthèse des trois rapports de minorité que les partis de l'Alternative avaient rédigés en septembre 1997, lors du débat parlementaire sur le RHUSO.

Que proposent les motionnaires ? Nous souhaitons la rédaction d'un nouveau concordat ne portant que sur les mesures suivantes : le regroupement des prestations de haute technologie sur un seul site. Le fait de regrouper les interventions très pointues et peu fréquentes sur un seul site n'a jamais été contesté; cette mesure est dictée par le bon sens. Le développement de pôles d'excellence dans le domaine de la haute technologie, mais aussi dans celui qui concerne la qualité des soins, le droit des patients. De plus, pour réaliser ces objectifs, nous demandons des moyens et notamment une planification sanitaire Vaud-Genève, une structure de consultation lémanique avec la France voisine, la remise en activité de la commission parlementaire Vaud-Genève, la modification du rôle et de la composition des commissions de structures hospitalo-universitaires.

Cette motion propose d'améliorer notablement la collaboration entre les deux cantons tout en garantissant la mission de service public des hôpitaux et le statut de droit public du personnel. Logiquement, cette motion devrait aller directement au Conseil d'Etat. Compte tenu que la commission de la santé est déjà saisie sur cette question d'un projet de loi de l'AdG et d'une motion socialiste - ces deux objets ont été déposés avec les rapports de minorité sur le RHUSO - je vous propose de renvoyer à la commission de la santé cette motion pour qu'elle soit traitée avec les deux objets précités. Concernant la motion de l'Entente sur le même sujet, bien qu'elle ne propose rien de concret et compte tenu que la commission de la santé devra réétudier cette question, le groupe socialiste ne s'opposera pas à son renvoi en commission.

Le président. Votre demande de renvoi en commission est-elle formelle, Madame ?

Mme Mireille Gossauer-Zurcher. Oui !

Le président. Nous sommes en présence d'une demande de renvoi de ces deux motions à la commission de la santé.

Mises aux voix, ces deux propositions de motions sont renvoyées à la commission de la santé.