République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7824-A
a) Projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. Janine Berberat, Hervé Dessimoz, Henri Duvillard, Laurence Fehlmann Rielle, René Longet, Olivier Vaucher et Alberto Velasco modifiant la Constitution de la République et canton de Genève. ( -) PL7824
 Mémorial 1998 : Projet, 1604. Renvoi en commission, 1632.
Rapport de majorité M. Alain-Dominique Mauris (L), commission de l'énergie et des Services industriels de Genève
Rapport de minorité M. Rémy Pagani (AG), commission de l'énergie et des Services industriels de Genève
PL 7833-A
b) Projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Pierre Vanek, Rémy Pagani, Christian Grobet, Fabienne Bugnon et Chaïm Nissim modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00). ( -) PL7833
 Mémorial 1998 : Projet, 1604. Renvoi en commission, 1632.
Rapport de majorité de M. Alain-Dominique Mauris (L), commission de l'énergie et des Services industriels de Genève
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AG), commission de l'énergie et des Services industriels de Genève

10. Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier les objets suivants :

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Suite aux 7 séances concernant l'étude du projet de loi 7824, dont le rapport de majorité a été signé par M. René Longet, il restait encore à prévoir la modification de la Constitution genevoise.

Deux variantes ont été présentées par Mme Karin Salibian lors d'une séance préalable.

Les commissaires ont décidé d'en débattre lors d'une réunion extraordinaire de la commission siégeant avant une séance du Grand Conseil. L'une des variantes a été retenue faisant l'objet du projet de loi 7824. Comme contre-projet, la minorité a décidé de déposer le projet de loi 7833.

La commission a bénéficié des avis de M. Robert Cramer, Président du DIAE et de Mme Karin Salibian, juriste dudit département.

Introduction

Les deux projets de loi proposent une modification constitutionnelle concernant l'organisation des SIG (conseil d'administration). Celui de la majorité, le projet de loi 7824, souhaite n'insérer qu'une modification de principe et réserver les détails pour les inscrire dans une adaptation de la loi. Celui de la minorité, le projet de loi 7833, préfère inclure directement les modifications de détails dans la Constitution.

Comme les 2 projets de loi se réfèrent au même objet, la commission a décidé de les traiter conjointement.

Débat

Après avoir rappelé l'organisation législative régissant nos lois, la majorité de la commission ne considère pas que l'organisation du conseil d'administration des SIG relève de la norme suprême et par là ne doit pas figurer dans la Constitution. Cette dernière devant être réservée aux grands principes. Sans déjuger de la valeur représentative d'un conseil d'administration, sa structure a bien sa place dans la loi. Un conseil d'administration change, le figer dans la Constitution serait lui enlever sa capacité de s'adapter aux réalités du moment et l'obligerait pour chaque modification de son organisation de les passer par vote populaire. Rappelons que la modification de la Constitution est lourde et coûteuse.

Enfin, l'un des signataires du projet de loi 7833 s'est rallié à la majorité pour soutenir le projet de loi 7824, pour les motifs ci-avant présentés.

Vote

L'entrée en matière des projets de loi est votée séparément.

Pour le projet de loi 7824, 11 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 2 S, 2 Ve) et 3 non (3 AdG).

Pour le projet de loi 7833, 11 non (3 L, 2 R, 2 DC, 2 S, 2 VE) et 3 oui (3 AdG).

Le projet de loi 7824 est accepté dans son ensemble par 11 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 2 S, 2 Ve) et 3 non (3 AdG).

Par conséquent, la majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

L'Alliance de Gauche n'approuve pas le projet de loi constitutionnelle dite 2e variante. A notre avis, ce projet, qui fait référence à la loi pour tout ce qui concerne la composition du conseil d'administration, met en péril le fonctionnement ultérieur des SIG. En effet, ce projet soumet tout changement de structure de cette entreprise à la voie législative et non à une modification constitutionnelle. Rendant ainsi aléatoire, en fonction de la majorité parlementaire du moment, toute orientation à long terme. De fait, si cette modification devait être entérinée cela voudrait dire qu'il ne resterait comme enjeu constitutionnel et comme verrou sur le chemin de la privatisation, par exemple, que la composition du capital des SIG.

Pour notre groupe, la proposition de modification constitutionnelle, inscrivant dans ce texte supérieur la composition du Conseil d'administration des SIG, est la seule solution capable, d'une part, de donner les meilleures conditions à un vote populaire positif, car elle respecte le nouveau "; dosage " exprimé par l'ensemble des intervenants de la commission et des partis et d'autre part, de permettre à cette entreprise d'envisager sereinement son avenir, du moins du point de vue de ses structures.

Bref historique

A plusieurs reprises dans ce siècle, la composition du conseil d'administration des Services industriels a soulevé les passions.

En 1931 déjà les partis de gauche défendaient la présence de représentant du personnel. Une première formule fut imposée alors par la majorité de droite, à savoir : "; un ou deux administrateurs doivent être choisis parmi le personnel ". Cette formule alambiquée a permis au conseil municipal et au Conseil d'Etat de ne pas désigner de représentant des travailleurs pendant plus 15 années, leur préférant des cadres.

En 1946, revenant à la charge, Léon Nicole propose un projet de loi qui impose 2 membres élus représentants du personnel. En définitive, le Grand Conseil se détermina pour 3 représentants du personnel, à la faveur d'une proposition échouée d'augmenter le nombre à 3 unités pour y maintenir un représentant des cadres.

De même en 1973, lorsqu'il fut question d'un transfert de patrimoine dans une nouvelle structure des SIG, la représentation équitable de l'ensemble des partis au sein du conseil d'administration se posa avec acuité. Elle fut repoussée par la majorité de droite et ce n'est que 25 années plus tard, soit cette année, grâce au changement de majorité qu'on reconnaît, qu'enfin l'ensemble des partis pourront siéger au sein du conseil d'administration des SIG.

On le voit bien, rien n'est simple quand on touche à la capitalisation de cette grande régie et encore moins quand on modifie la composition du conseil d'administration. A notre sens cette difficulté est à mettre en relation avec l'importance qu'a prise l'énergie électrique tout au long de ce siècle et surtout ces dernières années, rendant encore plus fragiles nos sociétés informatisées.

Un constat

Il a fallu à la gauche, 68 longues années pour inscrire dans la Constitution deux notions : la participation équitable de l'ensemble des partis siégeant au Grand Conseil, ainsi que 4 représentants des travailleurs sur 21 membres dans le conseil d'administration. Dans ces conditions historiques, on peut légitimement s'étonner de la position du parti socialiste, fer de lance durant toutes ces années de cette bataille d'idées, mettant aujourd'hui en danger cette longue lutte politique sous prétexte de simplification constitutionnelle. Il y a là un raisonnement qui nous échappe ? Selon le point de vue adopté, on pourrait même interpréter cette affaire de la manière suivante : le parti socialiste cherche-t-il à laisser rentrer dans cette régie le capital privé ou en tout cas en facilite-t-il l'accès pour un proche avenir ? En effet, dès lors que cette contrainte constitutionnelle tomberait et, au regard des déficits de cette régie, au moment d'une recapitalisation qu'il sera nécessaire d'entreprendre, il ne restera qu'à faire tomber le verrou concernant la composition du capital pour laisser entrer de grands groupes multinationaux dans cette entreprise publique. Les conceptions économiques de Tony Blair auraient-elles passé sur les tables de chevet de nos amis socialistes genevois ? Cette hypothèse n'est pas sans fondement, car au niveau suisse n'ont-ils pas été d'accord avec l'entrée du capital privé dans le redéploiement des PTT sous l'appellation Swisscom ?

Pour notre part et dans le contexte de la campagne frénétique de libéralisation menée par les néolibéraux autour de la planète, il nous paraît très dangereux de lever un des verrous constitutionnels ; le vote obligatoire sur toute modification constitutionnelle concernant la composition du conseil d'administration. Sans parler du peu de cas fait au combat politique des éminents politiciens de gauche qui nous ont précédés.

En conséquence, nous proposons que le Grand Conseil reprenne à son compte le projet initial proposé par le Conseiller d'Etat Robert Cramer, à savoir la variante 1 du projet de loi constitutionnelle art. 159 que nous avons déposé sous la forme du projet de loi 7833 et que nous annexons au présent rapport.

ANNEXE

Date de dépôt : 3 mars 1998

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 159, al. 1, lettre a, e et f (nouvelle teneur)

L'administration des Services industriels est confiée à un conseil d'administration dont les membres sont nommés à raison de :

a) 1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier ;

e) 3 membres par les conseillers municipaux des autres communes, choisis au sein d'exécutifs communaux ;

f) 4 membres faisant partie du personnel des SIG, élus par l'ensemble du personnel au bulletin secret selon le système proportionnel.

Art. 2

La loi constitutionnelle no 7801, du 23 janvier 1998, modifiant l'article 159 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est abrogée.

Premier débat

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Il est question, aujourd'hui, de faire passer l'article relatif à la composition du conseil d'administration de la constitution, où il est inscrit depuis moult années, dans un projet de loi qui pourra, le cas échéant, être modifié en fonction des futures législatures.

Nous nous opposons à cette manière de faire, ce d'autant plus que les Services industriels vont au-devant de gros problèmes budgétaires et qu'il faudra les recapitaliser; que les collectivités, pour échapper aux appétits des grosses multinationales, doivent se protéger, autant que possible, des pratiques qui, parties des Etats-Unis, se sont répandues en Europe, en France notamment.

Notre opposition est renforcée par le fait que l'on a mis - je dis «on» car je reprends le flambeau de mes prédécesseurs - plus de soixante ans pour inscrire dans la constitution genevoise la représentation équitable, au sein du conseil d'administration, des partis siégeant au Grand Conseil, ainsi que la nomination de quatre représentants des employés sur les vingt et une personnes élues au suffrage universel.

Dès lors que nous avons envisagé, en commission, la recapitalisation et l'apport d'un capital supérieur en pourcentage de la Ville de Genève, il n'y a plus de raison de discuter de la répartition. D'ailleurs, un savant calcul de M. Pierre Vanek, président de la commission, nous a démontré qu'en tout état de cause, et y compris en cas d'augmentation du capital, les représentants de la Ville de Genève siégeraient équitablement au conseil d'administration.

Il ne reste, en définitive, que des arguments de cosmétique législative pour militer en faveur de cette proposition de la majorité qui, à nos yeux, n'a aucun sens.

M. Alberto Velasco (S). M. Pagani nous dit qu'il a fallu soixante-huit ans pour inscrire dans la constitution une participation équitable au conseil d'administration des Services industriels, dont une représentation des travailleurs.

Nous tenons à cette représentation des travailleurs parce que ce sont les socialistes qui ont proposé et défendu avec succès l'inscription de quatre représentants du personnel au sein du conseil d'administration.

D'autre part, Monsieur Pagani, cette modification ne remet aucunement en question les acquis que vous définissez comme étant ceux d'une longue lutte politique. La composition du conseil d'administration étant proportionnelle au capital, il faudrait un changement de celui-ci et la modification de la constitution pour modifier cette composition. Je puis affirmer que nous, socialistes, sommes contre l'ouverture du capital des SI aux grands groupes.

Le problème soulevé est celui qui se poserait au cas où une nouvelle majorité, au Grand Conseil, remettrait en question cette répartition sans passer devant le souverain.

Considérant l'argument développé de favoriser le dialogue social pour renforcer la présence des travailleurs au sein de ce conseil d'administration, alors même que les SI vont au-devant de mouvements importants, il serait malvenu de la part de cette hypothétique nouvelle majorité de procéder à de telles réformes. Les travailleurs défendraient leurs acquis démocratiquement si, d'aventure, ils étaient remis en question démocratiquement.

Par conséquent, nous voterons le rapport de majorité et le projet de loi 7824.

M. Roger Beer (R). Ces deux projets de lois mettent un terme à de longues discussions à la commission de l'énergie et des Services industriels.

A force d'analyses et d'explications, nous avons admis qu'au fil des élections la composition du Grand Conseil pouvait changer et qu'il ne fallait pas, au gré de majorités fluctuantes, que des discussions aboutissent à un vote populaire en vue de modifier la constitution.

C'est simplement pour cette raison qu'une majorité très claire a décidé d'accepter le projet de loi 7824 qui stipule que l'organisation des Services industriels est réglée par la loi. M. Pagani, lui, entendait aller dans les moindres détails de la constitution, parce qu'il ne faisait pas du tout confiance au vote du Grand Conseil.

C'est pourquoi je vous invite à rejeter le projet de loi 7833 et à adopter le projet de loi 7824.

M. Claude Blanc (PDC). Il y a à boire et à manger dans tout cela ! Si on laisse à la loi le soin de régler la composition du conseil d'administration des Services industriels, je vous laisse imaginer la catastrophe qui s'ensuivra aussitôt que le peuple aura voté cette modification constitutionnelle.

Par contre, si nous soumettons au peuple la modification constitutionnelle proposée par l'Alliance de gauche, il y a de fortes chances qu'il la refuse.

Voilà pourquoi j'hésite beaucoup. Je ne suis pas convaincu, compte tenu de l'ambiance actuelle qui règne dans la République, que le peuple acceptera ce que l'Alliance de gauche essaie de faire passer par sa modification constitutionnelle. De ce fait, nous reviendrons au statu quo ante, et c'est celui que je préfère. Entre la peste et le choléra, j'avoue ne pas savoir quoi choisir.

PL 7833-A

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

PL 7824-A

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 159  Organisation (nouvelle teneur)

L'organisation des Services industriels est réglée dans la loi.

Art. 2

La loi constitutionnelle 7801, du 23 janvier 1998, modifiant l'article 159 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est abrogée.