République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7671
4. Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de construction pour l'adaptation du traitement des fumées de l'usine des Cheneviers aux normes de l'ordonnance fédérale sur la protection de l'air (OPair état 1er janvier 1992). ( )PL7671

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Un crédit de construction de 36 750 000 F (hors TVA et avec renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour la réalisation de l'adaptation du traitement des fumées de l'usine des Cheneviers aux normes de l'OPair 1992.

2 Il se décompose de la manière suivante:

  · travaux électromécaniques  28 000 000 F

  · travaux de bâtiments - génie civil  3 000 000 F

  · honoraires, essais, analyse  4 000 000 F

  · attribution au fonds de décoration  350 000 F

  · renchérissement  1 400 000 F

______________

 36 750 000 F

Art. 2

Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1998 sous la rubrique 69.70.00.541.38.

Art. 3

Les charges financières en intérêts et en amortissement du crédit sont couvertes par une adaptation des taxes de traitement des déchets.

Art. 4

L'investissement est amorti chaque année sous la forme d'une annuité constante qui est portée au compte de fonctionnement.

Art. 5

L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique, au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Art. 6

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Préambule

L'usine des Cheneviers qui, dès 1966, incinère les déchets urbains du canton de Genève en valorisant l'énergie issue de la combustion par production d'électricité, a élargi ses activités en 1978 avec la création du centre de traitement des déchets spéciaux ainsi que la réalisation d'un four rotatif (four n° 4) pour leur incinération à haute température (1200 °C).

Elle a également augmenté, à cette époque, sa capacité d'incinération des déchets urbains avec la mise en service d'un nouveau four à grille dit four Martin n° 3 [17 t/h ou 51 MW].

En 1993, la capacité d'incinération a été doublée avec la mise en service de deux nouveaux fours à grille (n° 5 et n° 6) [2 × 20 t/h ou 2 × 58 MW], alors que les deux premiers fours ont été définitivement mis hors service et déconstruits. Par ailleurs, les nouvelles installations ainsi que celles mises en service en 1978 sont équipées de laveurs de fumée respectant les normes OPair 1986 (voir annexe 2).

Alors que les travaux d'adaptation et d'extension précités étaient en cours, les normes de rejets à la sortie des laveurs fixées par l'OPair ont été sensiblement renforcées, tout particulièrement en ce qui concerne les oxydes d'azote, cela depuis le 1er février 1992 avec un délai d'assainissement au maximum de 10 ans.

En 1996, 253 630 tonnes de résidus ménagers, industriels et spéciaux ont été incinérés aux Cheneviers, soit 244 061 tonnes dans les fours à grille et 9 569 tonnes dans le four rotatif.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil d'Etat se trouve dans l'obligation d'adapter les installations de l'usine des Cheneviers, conformément aux nouvelles exigences de l'OPair 1992.

2. OPair 1992

Le projet de révision de l'OPair a été mis en consultation en 1990. Il a été adopté par le Conseil fédéral en novembre 1991. L'ordonnance est entrée en vigueur le 1er février 1992. Elle fixe des valeurs d'émissions pour les poussières et les métaux lourds, plomb et zinc, plus strictes que ne le prévoyait le projet, soit 10 mg/m3 pour les poussières et 1 mg/m3 pour le plomb et le zinc. Ces valeurs sont mentionnées dans la colonne 3 de l'annexe 1.

Il y a lieu de relever que, en juin 1990, alors que les équipements nécessaires à l'adaptation et à l'extension de l'usine des Cheneviers étaient en cours de fabrication sur la base de l'OPair 1986, le Conseil d'Etat a jugé utile de prendre certaines mesures conservatoires afin de permettre ultérieurement le raccordement et l'installation d'équipements utiles au respect des normes fixées par l'ordonnance modifiée, cela sans devoir démolir les installations mises en service récemment. Le coût de ces mesures conservatoires qui s'élèvent à 2 100 000 F est compris dans le crédit additionnel de 8 700 000 F octroyé par le Grand Conseil, le 14 février 1992, pour la réalisation de mesures complémentaires en matière de protection de l'environnement.

Dans le cadre du contrôle des performances des nouvelles installations de l'usine des Cheneviers, les mesures ont été confiées au laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherches (EMPA). Ces essais ont porté sur les trois fours à grille pour déchets urbains et sur le four rotatif pour déchets spéciaux. Les résultats correspondants sont donnés dans les quatre dernières colonnes du tableau de l'annexe 1. Les valeurs mesurées sont, dans la plupart des cas, sensiblement inférieures aux valeurs limites légales d'émissions.

En ce qui concerne la ligne no 3, il y a lieu de relever que les essais ont été effectués avec des installations remises à neuf, avec peu d'heures de fonctionnement, ce qui fait ressortir un excellent résultat au niveau de la mesure d'émission des poussières (7 mg/m3). Cependant, il y a lieu d'être prudent car l'expérience acquise sur les lignes nos 5 et 6 a démontré qu'en fin de campagne, soit avec environ 8 000 heures de fonctionnement, ce paramètre avait tendance à augmenter.

Conformément aux résultats mentionnés dans l'annexe 1, seules les poussières auxquelles sont directement liés le plomb et le zinc et les oxydes d'azote nécessitent des mesures d'assainissement. En effet, les autres valeurs limites, fixées par l'OPair 1992, sont déjà respectées (cadmium, mercure, dioxyde de soufre, acide chlorhydrique, acide fluorhydrique, composés organiques volatils, monoxyde de carbone (CO), rapport CO/CO2).

3. Adaptation OPair de l'usine des Cheneviers

En accord avec les instances officielles, il a été décidé de ne pas prévoir l'assainissement du four rotatif pour l'incinération des déchets spéciaux. Ce choix est motivé, d'une part, eu égard au fait qu'il serait nécessaire de remplacer la totalité des équipements d'épuration des fumées en place actuellement et, d'autre part, au fait que cette ligne d'incinération, mise en service en 1978, devrait être remplacée ou abandonnée dans un délai de 10 à 15 ans.

En contrepartie, il est proposé d'assainir les trois lignes d'incinération des fours à grille avec des valeurs de rejet d'oxyde d'azote inférieures à celles fixées par l'OPair. Afin de respecter un débit massique annuel total conforme aux exigences de l'ordonnance, le taux d'oxyde d'azote à l'émission est porté de 80 à 65 mg par m3, la réduction des émissions des fours à grille (lignes 3, 5 et 6) compensant celle du four rotatif (ligne 4).

Par rapport à l'émission des poussières, il est proposé de conserver la valeur fixée par l'OPair, soit 10 mg par m3, eu égard à la faible différence engendrée par le non-assainissement de la ligne 4 (inférieure à 1 mg par m3).

Au vu de ce qui précède, le Conseil d'Etat vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de limiter l'assainissement des Cheneviers aux seules lignes d'incinération en fours à grille (lignes 3, 5 et 6).

4. Procédés d'abaissement des émissions de poussièreset des métaux lourds

Les métaux lourds émis par l'incinération des déchets urbains dans un four à grille se trouvent sous forme particulaire. Leur concentration dans les fumées est donc directement liée à la quantité de poussières émises, exception faite du mercure qui, lui, se trouve sous forme gazeuse et est capté dans le premier étage de lavage des fumées. Ainsi, l'abaissement des émissions des métaux lourds, tels le plomb et le zinc, est assuré par la diminution des quantités de poussière émises.

Le dépoussiérage des fumées de lignes d'incinération de déchets urbains de l'usine des Cheneviers est actuellement assuré par un électrofiltre et un laveur de fumées (voir schéma annexe 2). L'abaissement des émissions des poussières à 10 mg/m3 et du plomb et du zinc ensemble à 1 mg/m3 exigés par l'OPair sera atteint par un agrandissement des installations de dépoussiérage existantes qui augmentera l'efficacité de ces dernières.

5. Procédés de réduction des oxydes d'azote

5.1. Principes et procédés existants

Comme toutes les fumées résultant de combustions à haute température, les fumées de l'incinération des déchets urbains contiennent des oxydes d'azote en majorité sous forme de monoxyde d'azote (NO) et partiellement sous forme de dioxyde d'azote (NO2).

La réduction des oxydes d'azote ne peut être effectuée par les techniques d'épuration des fumées actuellement en service à l'usine des Cheneviers et nécessite l'adjonction de nouveaux équipements.

Dans le cadre d'installations industrielles, la réduction des oxydes d'azote se fait spécifiquement avec de l'ammoniac (NH3) qui réagit avec les oxydes d'azote pour former de l'eau (H2O) et de l'azote moléculaire (N2, principal composant de l'air). En l'état de la technique, cette réaction s'effectue à l'aide d'un catalyseur qui permet de travailler à une température plus basse avec une utilisation plus complète de l'ammoniac injecté. Vu sa spécificité, le procédé catalytique peut être employé pour atteindre des concentrations d'oxydes d'azote dans les fumées épurées, inférieures aux 80 mg/m3 exigés par l'OPair et offre ainsi la possibilité de compenser les émissions de la ligne d'incinération des déchets spéciaux (voir chapitre 3).

Tel que le montre les schémas annexés, le catalyseur peut être positionné dans la veine des fumées brutes dépoussiérés ou dans celle des fumées épurées. La variante «fumées brutes», plus récente que la variante «fumées épurées», présente l'avantage majeur de se situer dans une partie de l'installation où la température de réaction peut être atteinte sans réchauffage des fumées. Cependant, le léger surplus d'ammoniac injecté qui est capté par le laveur situé en aval est rejeté directement dans le Rhône. Dans le cas de la variante «fumées épurées», les fumées devront être réchauffées par des quantités importantes de combustibles externes. Dans ce cas, le surplus d'ammoniac injecté (identique à celui de la variante «fumées brutes») sera rejeté dans l'atmosphère et conforme aux exigences de l'OPair.

Quelle que soit la variante choisie, le procédé catalytique de réduction des oxydes d'azote permet une élimination d'environ 80% des émissions de composés organiques toxiques tels que les dioxines et furanes. En effet, ces composés sont, lors de leur contact avec la surface active du catalyseur, partiellement détruits et transformés en gaz carbonique (CO2), en acide chloryhdrique (HCl) et en eau (H2O). Une destruction de plus de 95% peut être atteinte par l'adjonction de couches supplémentaires de catalyseur.

5.2. Choix du procédé

En fonction du résultat de l'appel d'offres, les réponses obtenues démontrent clairement que le procédé catalytique sur «fumées brutes» exige, d'une part, des montants d'investissement sensiblement inférieurs et, d'autre part, des coûts d'exploitation annuels deux fois moins élevés par rapport à la solution catalytique sur fumées épurées (voir chapitres 6 et 8).

Par ailleurs, le bilan écologique d'une telle installation est également plus favorable, notamment en ce qui concerne la pollution thermique et la production de CO2: elle évite la consommation annuelle d'environ 3 000 tonnes de combustibles. Par conséquent, seule la solution sur les fumées brutes a été retenue.

6. Coût de la réalisation

Le coût de la réalisation projetée est décomposé comme suit:

1. Equipements 28 000 000 F

2. Bâtiments - Génie civil 3 000 000 F

3. Honoraires 3 500 000 F

4. Expertises 500 000 F

_______________

 Total général hors TVA 35 000 000 F

 Fonds de décoration 1% 350 000 F

 Renchérissement d'environ 3% par an 1 400 000 F

________________

 TOTAL DE LA CONSTRUCTION 36 750 000 F

Les taxes de traitement des déchets, permettant de financer le projet, étant assujetties à la TVA, l'impôt préalable peut être récupéré. De ce fait, le montant du crédit ne comprend pas la TVA.

7. Planning de réalisation des travaux

L'ouverture du chantier est prévue en 1998 et les mises en service des trois lignes d'incinération s'échelonneront de l'an 1999 à l'an 2000.

Le programme de réalisation a été conçu de telle manière que les durées des arrêts de production des fours soient limitées au minimum indispensable.

8. Coûts d'exploitation

L'exploitation des nouvelles installations liées à l'adaptation OPair de l'usine des Cheneviers ne nécessitera pas de personnel supplémentaire. Les frais d'exploitation nouveaux, donnés ci-dessous, pour le procédé catalytique sur fumées brutes, sont calculés sur la base d'un fonctionnement annuel de 7 200 h pour la ligne 3 et 7 500 h pour les lignes 5 et 6, soit 22 200 h au total et sur les moyennes des données des entrepreneurs ayant répondu à l'appel d'offres du 28 février 1997. Ils comprennent aussi bien les dépenses réelles telles que la consommation d'ammoniaque, le remplacement du catalyseur usagé que les manques à gagner que constitue une consommation plus importante d'électricité, de vapeur ou autres consommables produits par l'incinération des déchets urbains.

Dépenses 1 200 000 F

Manque à gagner 200 000 F

 ______________

Total 1 400 000 F

9. Financement

Compte tenu du fait que pour les cantons à forte capacité financière les subventions fédérales ont été supprimées dès 1992, la totalité des frais financiers sera couverte par les taxes de traitement. La part de ces taxes afférente au présent projet de loi, surcoûts d'exploitation compris, est estimée en l'état dans une fourchette allant de 12 à 16 F par tonne de déchets incinérés en fonction des prévisions de quantité de déchets qui seront traités aux Cheneviers ces prochaines années. Cette taxe pourra, en tout ou partie, être absorbée par l'augmentation globale des recettes.

10. Conclusion

L'exécution de ces travaux permettra de respecter les exigences de l'ordonnance fédérale sur la protection de l'air, actuellement en vigueur, et contribuera, de manière significative, à atteindre les objectifs fixés dans le plan des mesures de l'ordonnance précitée adopté par votre conseil en date du 27 mars 1991.

Tels sont les motifs pour lesquels nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le présent projet de loi.

Annexes: 1. Tableau des valeurs limites légales d'émissions et émissions actuelles de l'usine des Cheneviers (annexe 1).

 2. Schéma de principe - Etat actuel (annexe 2).

 3. Schéma de principe - Catalyse des fumées épurées(annexe 3).

 4. Schéma de principe - Catalyse des fumées brutes(annexe 4).

 5. Plan de masse de l'usine des Cheneviers (annexe 5).

 6. Evaluation des charges financières moyennes du projet (annexe 6).

 7. Evaluation de la dépense annuelle et de la couverture financière du projet (annexe 7).

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

ANNEXE 6

ANNEXE 7

Préconsultation

M. Bernard Lescaze (R). Le parti radical propose le renvoi de ce projet de loi à la commission des travaux. Il ne peut tout de même s'empêcher de faire remarquer que le montant prévu de ces travaux est relativement élevé. Certes, nous savons qu'il y a eu certains problèmes, notamment avec le quatrième four des Cheneviers, avec des filtres de cheminée, et j'en passe.

Nous savons qu'il s'agit de défendre l'environnement et les mesures déjà prises par le département du conseiller d'Etat Haegi vont dans le bon sens. Mais, malgré tout, nous souhaitons voir examiner ce projet de loi avec beaucoup d'attention à la commission des travaux, car nous pensons que, pendant cette période, le montant des travaux, tel qu'il est prévu, mérite une attention particulière.

Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.