République et canton de Genève

Grand Conseil

M 954-A
5. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Hervé Burdet, Roger Beer, Sylvie Châtelain, Jean-Claude Genecand, Max Schneider et Evelyne Strubin concernant la réalisation d'un plan cantonal de gestion des zones naturelles de Genève. ( -) M954
Mémorial 1994 : Annoncée, 5391. Développée, 5897. Renvoi en commission, 5908.
Rapport de M. Alain-Dominique Mauris (L), commission de l'environnement et de l'agriculture

La commission de l'environnement et de l'agriculture a eu l'occasion de traiter la motion 954, déposée le 18 novembre 1994. Elle a siégé le 26 janvier 1995, le 2 février 1995 et le 18 avril 1996.

Contexte général

S'appuyant sur le regroupement au sein du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales de tous les services en charge de l'environnement, ainsi que sur un mémoire remis par l'Association genevoise pour la protection de la nature, relevant notamment la nécessité d'une politique globale en matière de protection de la nature dans le canton de Genève, les motionnaires ont constaté le besoin d'un plan de conservation et de gestion des milieux naturels.

Ils ont particulièrement relevé l'existence de très nombreuses études effectuées par les divers services de l'Etat à se sujet, études qui devraient permettre sans plus tarder de réaliser ce plan cantonal de gestion des zones naturelles de Genève.

Auditions

Lors de sa séance du 26 janvier 1995, la commission a procédé à l'audition de M. Charles Bosson, président de la Chambre genevoise d'agriculture. M. Bosson a pris connaissance de la motion avec intérêt, mais il regrette que les agriculteurs n'aient pas été mieux associés à son élaboration, alors qu'ils participent déjà à la sauvegarde des espaces naturels, notamment par leur présence dans le pool agriculture-nature. Il demande que la Chambre genevoise d'agriculture soit associée aux études, car les agriculteurs seront appelés, dans la plupart des cas, à gérer ces nouvelles zones.

Le même jour, la commission a entendu une délégation de l'Association genevoise pour la protection de la nature, composée de M. Bertrand Von Arx, président, MM. Cédric Fawer et François Dunant. L'Association genevoise pour la protection de la nature se réjouit de cette motion qui devrait avoir pour but principal d'éviter le morcellement des zones naturelles. Elle salue le regroupement des services touchant à l'environnement au sein du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, mais déplore que l'agriculture en ait été exclue.

Elle relève encore que la protection de la nature a évolué vers la création de réseaux et de zones de maillages intermédiaires, réunis par des couloirs «Nature». L'Association genevoise pour la protection de la nature souhaite pouvoir disposer d'un système de préservation des zones naturelles à long terme, évitant les décisions ponctuelles.

En date du 2 février 1995, la commission a reçu M. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales. Celui-ci relève que le Conseil d'Etat a mis en place une politique d'aménagement prévoyant une conservation du paysage, des milieux naturels et agricoles.

M. Haegi souligne que la notion transfrontalière mentionnée au troisième considérant de la motion 954 n'est pas nouvelle, puisque, dès 1989, il avait proposé au Conseil du Léman de créer un Observatoire du milieu lémanique, chargé d'inventorier les espaces naturels à préserver, en indiquant les charges qui pesaient sur eux. Il insiste sur la nécessité de conserver les couloirs naturels actuels et d'en développer d'autres dans un plan «Vert-bleu». En effet, ces pénétrantes vertes, notamment grâce au plan de protection des rives du Rhône et de l'Arve, permettent à la faune et à la flore sauvages d'exister, depuis les crêtes du Jura, du Vuache, des Voirons et du Salève jusqu'au centre de la ville.

Module cantonal

Dans un premier temps, la commission a décidé de modifier les invites, en mentionnant la nécessité de favoriser la conservation des zones naturelles et des espaces agricoles par l'élaboration d'un plan cantonal de conservation. Ce plan devrait être assorti d'un calendrier de réalisations et d'un rapport intermédiaire.

Entre-temps, le service de la protection de la nature et des paysages a répondu à l'initiative de l'office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage concernant le projet «Concept paysage suisse» (octobre 1995). L'office fédéral consultait les services cantonaux responsables de la protection de la nature, à la demande du Conseil fédéral sur l'élaboration d'une «conception de protection du paysage suisse».

Le canton de Genève ayant accédé favorablement à cette demande, l'office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage a donné mandat au service de la protection de la nature et des paysages de créer le premier module cantonal sur le paysage, devant servir de base et de modèle aux autres cantons. Les objectifs de ce module sont de fournir un outil pour la gestion, la conservation des valeurs naturelles et paysagères, d'élaborer un instrument d'analyse fiable, adaptable pour l'évaluation des projets qui toucheront la zone et enfin de définir les premiers éléments permettant l'établissement d'un concept cantonal de la nature et des paysages.

La région Arve-Lac a été choisie en raison des nombreuses données existantes et de l'intérêt que présente la région par les projets d'actualité qui s'y localisent, comme par exemple le déclassement de zones agricoles, la revitalisation de la haute Seymaz, les améliorations foncières ou l'autoroute transchablésienne en France.

La méthode propose de réunir dans un premier temps les inventaires régionaux, cantonaux et fédéraux, par la compilation de synthèse des fiches à thèmes, des entités, des sites naturels et bâtis et des cartes. La deuxième phase concerne la réflexion et la compréhension du fonctionnement de la zone, pour promouvoir l'élaboration d'un bilan global synthétique et adaptable des valeurs écologiques et paysagères de la région concernée, d'après les données actuelles. Cette deuxième étape mène également à la proposition des bases permettant l'élaboration d'un plan directeur cantonal de la nature, ainsi que le dégagement des priorités en matière de gestion des milieux naturels. A ce stade, il faut également citer la mise en évidence des synergies existant entre la protection des valeurs naturelles et le patrimoine bâti, ainsi que la nécessité de disposer d'un outil de dialogue pour les groupes transfrontaliers.

Les résultats de ce mandat ont été présentés à l'office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage, à la Direction générale de l'environnement, ainsi qu'à notre commission. L'entièreté du territoire sera couverte d'ici la fin du mois de décembre 1996.

Propositions de modifications

A la suite de cette présentation, la commission propose que l'invite de la motion 954 soit modifiée de la manière suivante:

- élaborer un nouveau plan cantonal, voire régional de conservation et de gestion des milieux naturels, assorti d'un calendrier de réalisation. Ce plan permettrait de

- favoriser la conservation des grandes zones naturelles et des espaces agricoles;

- délimiter, maintenir et protéger ou revitaliser, voire compléter les couloirs naturels;

- informer la commission régulièrement de la suite des travaux.

La commission vote cette modification à l'unanimité de ses membres.En conclusion, la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer la motion transformée au Conseil d'Etat.

Annexe: motion initiale

ANNEXE

M 954

proposition de motion

concernant la réalisation d'un plan cantonal de gestiondes zones naturelles de Genève

LE GRAND CONSEIL

considérant:

- que Genève entend devenir la capitale mondiale de l'environnement;

- qu'actuellement, toutes les compétences en matière d'environnement sont regroupées au sein d'un même département;

- que les espèces sauvages doivent pouvoir se déplacer au sein d'un réseau de biotopes pour se maintenir;

- que la richesse de la faune genevoise est directement liée aux possibilités d'échanges qui subsistent encore entre les massifs du Jura et des Voirons, et les zones naturelles du canton,

invite le Conseil d'Etat à

- élaborer un plan cantonal de conservation et de gestion des milieux naturels, assorti d'un calendrier de réalisation. Ce plan permettrait de:

- conserver les grandes zones naturelles;

- délimiter, maintenir et protéger ou revitaliser, voire compléter les couloirs écologiques existants.

Débat

M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur. Il s'agit d'une motion d'une portée essentielle pour la prise en compte de la gestion des zones naturelles à Genève.

Elle se veut cohérente et efficace en tenant compte de tous les acteurs impliqués, à commencer par les agriculteurs.

Elle a été votée à l'unanimité avec quelques modifications, essentiellement dans le but d'élaborer un nouveau plan cantonal, de favoriser la conservation des grandes zones naturelles - surtout des espaces agricoles - de compléter les couloirs naturels selon la notion écologique et d'informer régulièrement la commission du déroulement des travaux.

Je vous encourage à la voter à l'unanimité.

M. Jean-Claude Genecand (PDC). On ne peut que se réjouir du complément aux invites que nous avions proposées dans notre motion. Mais avoir négligé la présence des représentants de la Chambre d'agriculture dans la réalisation d'un plan cantonal de gestion des zones naturelles à Genève est un oubli inexcusable.

Nos amis les paysans sont non seulement des partenaires mais aussi les artisans, voire les protecteurs, des zones naturelles et des espaces agricoles. (L'orateur est interrompu.) Attends, je n'ai pas fini ! (Rires.)

La présidente. Allons-y ! Il s'agit de finir le département avant les points urgents. Mettez la pression !

M. Jean-Claude Genecand. Excusez-moi, Madame la présidente ! Leur engagement est donc indispensable à la gestion de ce plan dont l'idée fondamentale est la prise de conscience du monde paysan de la valeur incomparable des protections naturelles telles que haies, zones arborisées ou prairies maigres pour l'équilibre de la nature.

Comme tous ceux qui viennent de la campagne, j'ai pu constater la suppression de tous ces obstacles gênant le travail des machines pour augmenter les terres productives.

Aujourd'hui, on se rend compte des effets pervers d'un tel concept : l'érosion des terres par le vent et le ruissellement des eaux, ainsi que la nécessité d'arroser plus fréquemment à cause du manque de protections naturelles contribuent à l'appauvrissement de notre environnement et augmentent les coûts de production.

Il faut aussi préciser que la productivité au m2 a subi une progression importante, spécialement en cultures maraîchères qui emploient les méthodes hors sol dans les serres.

Les aires de culture étant moins nécessaires actuellement, les zones naturelles peuvent être développées sans dommage pour les producteurs qui doivent gérer la surproduction dans tous les domaines.

Notre groupe s'associe naturellement au renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Roger Beer (R). Vu l'agenda de nos séances, ce rapport qui est le renvoi d'une invite et d'une motion au Conseil d'Etat aurait dû arriver en octobre 96, alors que la motion avait été déposée en novembre 94. C'est finalement au mois de mai 97 que cela est renvoyé à M. Haegi; j'en suis content. Voilà en ce qui concerne les délais.

Nous avions demandé en milieu de législature une approche plus globale de la conservation de la nature qui permette également de sauvegarder le maillage existant, voire de le développer par une approche qui ne soit pas uniquement «nature», ou agricole, ou aquatique.

La dernière fois, nous avons traité du problème de l'eau dans le projet de renaturation des rivières en une dizaine d'années. Cette motion soulève le même problème, mais de façon plus globale.

Comme M. Genecand l'a souligné, nous n'avons pas directement associé les agriculteurs aux invites, mais il est bien évident qu'ils sont incontournables. Le seul problème que je vois... (L'orateur est interrompu.) ...c'est les questions d'organisations administratives. On dit tous la même chose ! La dernière fois, nous avons parlé du problème existant entre deux départements au sujet de l'eau.

On ose espérer qu'il n'en sera pas de même avec cette motion qui concerne également deux départements. Le département qui s'occupe de la gestion de la nature, et aujourd'hui du paysage, n'est pas le même que celui qui s'occupe de l'agriculture. Je souhaite que les conseillers d'Etat et les services respectifs trouvent le moyen de répondre à notre invite qui est très claire : il s'agit d'élaborer un plan cantonal, voire régional, de la conservation et de la gestion des milieux naturels. Comme chaque fois, nous insistons pour avoir un calendrier des réalisations et pas simplement des déclarations d'intention et des discours.

J'aimerais également adresser une invite particulière à M. le conseiller d'Etat Claude Haegi, afin que la réalisation de ce plan de conservation ne soit pas noyée dans l'approche voulue par l'Office fédéral de l'environnement où l'on a créé des «modules-paysages». Même si le paysage est une composante importante, il reste, pour moi, une approche intellectuelle. Je préférerais un plan de conservation concret.

Lorsque l'on a traité ce problème en commission, j'ai eu peur que l'approche selon les «modules-paysages» de la Confédération soit un oreiller de paresse qui permette de ne pas apporter de réponse à notre motion. Mais je suis sûr que j'ai mal compris, et je compte sur vous, Monsieur Haegi, pour répondre à notre problème concret !

Le groupe radical se joindra, bien sûr, à l'ensemble du Grand Conseil pour renvoyer ceci au Conseil d'Etat et avoir - qui sait ? - une réponse dans les six mois ! (Exclamations.)

M. Max Schneider (Ve). Je suis heureux de cette unanimité au sujet du rapport. En effet, il s'agit de la volonté de toute une commission. J'ai moi aussi beaucoup de travail et pas toujours le temps de faire ces rapports qui arrivent tardivement.

Deux ans et demi ont été nécessaires pour que cette motion soit traitée, aussi j'espère que nous obtiendrons des résultats aujourd'hui. M. Haegi sourit déjà ! Il est vrai que lorsque ces invites ont été faites, voilà presque une année, on avait demandé que la commission soit régulièrement tenue au courant.

J'aimerais souligner que ce projet va très loin. On traite des pénétrantes vertes, notamment grâce au plan de protection des rives du Rhône, de l'Arve permettant à la flore et à la faune sauvage d'exister depuis les crêtes du Jura, du Vuache, des Voirons et du Salève jusqu'au centre de la ville. C'est assez formidable.

J'espère que le mandat de l'Office fédéral pour l'environnement confié à votre département il y a une année et demie, Monsieur Haegi, a donné quelques résultats, et que ce soir ou ces prochaines semaines vous pourrez nous remettre un premier rapport concernant les résultats des travaux effectués.

Vu que la A 400 ne se construira pas - les défenseurs des traversées vertes ayant gagné leur procès en France - peut-on espérer plus de facilités de la part des autorités françaises pour la réalisation du plan franco-suisse dans les plus brefs délais ?

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

(M 954)

MOTIONconcernant la réalisation d'un plan cantonalde gestion des zones naturelles de Genève

LE GRAND CONSEIL

considérant:

- que Genève entend devenir la capitale mondiale de l'environnement;

- qu'actuellement, toutes les compétences en matière d'environnement sont regroupées au sein d'un même département;

- que les espèces sauvages doivent pouvoir se déplacer au sein d'un réseau de biotopes pour se maintenir;

- que la richesse de la faune genevoise est directement liée aux possibilités d'échanges qui subsistent encore entre les massifs du Jura et des Voirons, et les zones naturelles du canton,

invite le Conseil d'Etat à

- élaborer un nouveau plan cantonal, voire régional de conservation et de gestion des milieux naturels, assorti d'un calendrier de réalisation. Ce plan permettrait de

- favoriser la conservation des grandes zones naturelles et des espaces agricoles;

- délimiter, maintenir et protéger ou revitaliser, voire compléter les couloirs naturels;

- informer la commission régulièrement de la suite des travaux.