République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7537
11. Projet de loi de Mmes et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Elisabeth Häusermann, Pierre Kunz, Gérard Laederach, Bernard Lescaze, David Revaclier, Marie-Françoise de Tassigny, Jean-Philippe de Tolédo et Michèle Wavre modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (relatif à l'amélioration de l'attrait fiscal de Genève pour les personnes morales, la diminution de la dette de l'Etat et de l'impôt sur le revenu des personnes physiques) (D 3 1,3). ( )PL7537

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 10 (nouvelle teneur)

1 Afin de favoriser l'installation de nouvelles entreprises dans le canton, l'impôt sur le bénéfice et le capital des personnes morales nouvellement créées est appliqué selon le barème suivant:

a) durant les 5 ans suivant la création de la personne morale, l'impôt sur le bénéfice et le capital n'est pas perçu pour autant que le bénéfice ne soit pas distribué;

b) pendant les 5 années suivantes, l'impôt sur le bénéfice est perçu progressivement à raison de 20% supplémentaires par année; durant cette période, le bénéfice peut être distribué en fonction du même pourcentage.

2 En fonction de circonstances particulières, notamment si cela implique la création d'un nombre important d'emplois, après consultation des communes et des partenaires sociaux concernés, le Conseil d'Etat peut accorder des conditions plus favorables aux personnes morales nouvellement créées; les allégements ne peuvent toutefois aller au-delà de 10 ans.

3 L'extension et la diversification importante de l'activité d'une entreprise sont assimilées à une fondation nouvelle.

4 Le Conseil d'Etat peut, après consultation des communes et des partenaires sociaux concernés, accorder des allégements fiscaux à des personnes morales en cours de restructuration si elles sont dans l'intérêt de l'économie du canton; ces allégements ne peuvent aller au-delà de 10 ans.

5 Le Conseil d'Etat statue obligatoirement dans un délai de 3 mois à compter du dépôt de la demande d'exonération, sous réserve d'un retard imputable au requérant.

Art. 10A (nouveau)

1 Une entreprise non exonérée, qui est dans un rapport de concurrence direct avec une entreprise nouvelle exonérée conformément à l'article 10 de la présente loi et qui risque d'être lésée du point de vue concurrentiel en raison de cette exonération, peut obtenir tout ou partie des avantages accordés.

2 Le Conseil d'Etat publie dans la Feuille d'avis officielle le nom des entreprises qui ont obtenu des allégements fiscaux dans les 10 jours suivant l'entrée en force de la décision d'octroi.

3 Dans un délai de 30 jours, une entreprise non exonérée qui s'estimerait lésée par l'octroi de l'exonération à une entreprise peut s'annoncer au Conseil d'Etat et demander de bénéficier de la même exonération.

4 Le Conseil d'Etat consulte les communes et les partenaires sociaux concernés et statue obligatoirement sur les demandes dans un délai de 3 mois à compter de leur dépôt, sous réserve d'un retard imputable au requérant.

5 Le Conseil d'Etat informe les communes concernées des allégements fiscaux accordés conformément aux articles 10 et 10A de la présente loi et présente un rapport annuel au Grand Conseil, dans le cadre du compte rendu, sur sa politique en matière d'allégements fiscaux.

Art. 2

1 Les dépenses de fonctionnement de l'Etat de Genève ne peuvent pas dépasser le montant inscrit au budget 2001, sous réserve des transferts de charge imposés au canton ou d'une situation exceptionnelle.

2 L'excédent du budget de fonctionnement est utilisé selon la clef de répartition suivante:

a) 40% pour le remboursement de la dette de l'Etat de Genève;

b) 60% pour une diminution de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques, une part prépondérante étant affectée aux bas et moyens revenus.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La présentation du budget 1997 par le Conseil d'Etat a montré l'impasse dans laquelle se trouve notre gouvernement. Les dépenses de fonctionnement ont été réduites conformément au plan financier quadriennal et atteignent aujourd'hui un niveau difficilement compressible. En revanche, les recettes de l'Etat stagnent, voire diminuent alors qu'elles devraient augmenter pour permettre d'équilibrer le budget. La conséquence de ce déséquilibre est un accroissement de l'endettement de l'Etat et donc une augmentation de la charge d'intérêts qui alourdit les dépenses de fonctionnement.

Cet état de fait résulte tant de la situation économique difficile que nous traversons que du niveau très élevé des impôts à Genève qui a un effet dissuasif sur les contribuables potentiels.

Une hausse des impôts est exclue dans la mesure où le peuple genevois à marqué clairement son opposition à toute nouvelle augmentation d'impôts depuis plusieurs années. De plus, même si elle était admise, une telle hausse accélérerait l'exode des contribuables aisés hors du canton, ayant pour effet de supprimer tout ou partie des revenus supplémentaires résultant de l'élévation des impôts.

Face à cette situation, le seul moyen d'accroître les ressources du canton de Genève est d'attirer de nouveaux contribuables, soit des personnes physiques et des entreprises, en diminuant le niveau des impôts.

En effet, une mesure immédiate de réduction des impôts généralisée à l'ensemble de la population ou des entreprises existantes est difficilement envisageable, car elle impliquerait une baisse importante des ressources de l'Etat, avant de générer à moyen ou long terme de nouvelles ressources. Or, compte tenu des efforts remarquables faits par le Conseil d'Etat pour diminuer les charges de fonctionnement depuis plusieurs années, l'exécutif n'a plus de marge de manoeuvre dans ce domaine. Les économies qui pourraient éventuellement résulter de l'audit ne suffiraient pas. Une diminution abrupte des rentrées fiscales impliqueraient très certainement des coupes substantielles dans les dépenses sociales et des mesures incisives à l'égard de la fonction publique. Ces deux types de mesures ne sont pas acceptables dans le contexte actuel.

L'action de l'Etat doit donc être portée sur les nouveaux contribuables.

Le Concordat entre les cantons et la Confédération suisse sur l'interdiction des arrangements fiscaux limite considérablement la marge de manoeuvre des cantons dans ce domaine en ce qui concerne les personnes physiques. En revanche, il autorise des allégements pendant une durée maximale de 10 ans pour les entreprises lorsque cela a une importance pour le développement économique du canton.

Certains cantons romands, comme Neuchâtel ou le Valais, offrent des allégements très importants aux nouvelles entreprises. Ces allégements ont permis la création de nombreux emplois. En revanche, Genève a eu longtemps une politique assez restrictive en la matière. Si cette approche était concevable il y a encore quelques années, elle ne l'est plus aujourd'hui compte tenu de la situation économique du canton qui souffre d'une hémorragie d'entreprises.

Pour rendre le canton de Genève attractif sur le plan fiscal, il est nécessaire de diminuer de manière importante le niveau actuel des impôts pour les personnes morales nouvellement créées, tout en créant un mécanisme de protection pour les entreprises non exonérées afin d'éviter les distorsions de concurrence.

Le projet de loi qui vous est soumis a ainsi pour but d'augmenter l'attractivité de Genève pour les nouvelles entreprises avec pour effet d'accroître les rentrées fiscales de l'Etat à court et à moyen terme.

En effet, en offrant la possibilité aux nouvelles entreprises qui s'installe dans le canton de Genève de bénéficier de 5 ans d'exonération totale, puis de 5 ans d'exonération partielle des impôts sur le bénéfice et le capital - voire de bénéficier d'une exonération plus étendue si les circonstances le justifient -, Genève redevient un canton extrêmement attractif et peut attirer de nouvelles entreprises qui seront des acteurs importants de la vie économique.

Ce d'autant plus qu'une motion déposée en parallèle avec le présent projet de loi vise à demander au Conseil d'Etat d'intervenir à Berne pour obtenir l'extension du champ d'application de l'arrêté fédéral en faveur des zones économiques en redéploiement (arrêté «Bonny», RS 951.93, publié au RO 1996, pages 1918-1921) au canton de Genève. Une fois cette modification du droit fédéral obtenue, les entreprises qui s'installent à Genève pourraient obtenir comme dans le canton de Neuchâtel ou les principaux districts du canton de Vaud une exonération des impôts fédéraux pendant 10 ans au plus (le champ d'application de l'arrêté est publié au RO 1996, pages 2155-2157).

Les nouvelles entreprises ne coûteront normalement rien à la collectivité. Elles n'impliquent en principe pas de dépense de fonctionnement supplémentaire. Bien au contraire, dès leur arrivée, ces entreprises contribueront à la reprise de l'activité économique et à l'amélioration des ressources de l'Etat pour plusieurs motifs.

En premier lieu, elles créeront des emplois, ce qui permettra de diminuer le chômage. De plus, les nouveaux employés paieront des impôts sur leurs salaires et consommeront. Des deux manières, ils contribueront à augmenter les recettes fiscales de l'Etat. L'absence d'impôt, en tant qu'élément de stimulation de l'activité économique, permettra de récupérer un certain nombre des 20 000 emplois que Genève a perdus en 5 ans.

En deuxième lieu, même si elles sont exonérées des impôts sur le bénéfice et le capital, les entreprises resteront assujetties à la taxe professionnelle. Leur implantation bénéficiera donc directement aux communes concernées.

En troisième lieu, la venue de nouvelles entreprises suscitera une nouvelle dynamique économique dans le canton qui favorisera la reprise de l'économie.

Par la suite, il appartient à Genève, par ses nombreux atouts, de convaincre ces entreprises de rester. Parmi les attraits importants de notre canton, on peut notamment mentionner:

- la position centrale de Genève au coeur de l'Europe occidentale;

- la qualité des infrastructures;

- l'existence d'un aéroport international;

- le développement d'un pôle technologique, notamment en matière de télécommunication et d'informatique;

- la paix du travail;

- la sécurité;

- la qualité de vie et de l'environnement.

Il appartient tant à l'Etat qu'aux groupements privés de profiter de l'impact publicitaire important pour le canton dans la mesure prévue par le projet de loi pour promouvoir l'image de Genève hors de nos frontières, tant en Suisse qu'à l'étranger.

Par ailleurs, le projet assimile à l'installation d'une nouvelle entreprise l'extension ou la diversification d'une entreprise existante. De cette manière, les entreprises genevoises qui investissent et créent des emplois peuvent également bénéficier d'une exonération.

De plus, le projet maintient le système actuel pour les entreprises en cours de restructuration. Le Conseil d'Etat conserve la faculté de leur accorder des allégements si elles présentent un intérêt pour l'économie du canton.

Enfin, les entreprises existantes qui risqueraient d'être lésées par les exonérations sont protégées. Elles bénéficient d'une procédure leur permettant de bénéficier de tout ou partie des mêmes avantages. Ces entreprises pourront avoir connaissance des exonérations grâce à la publication des décisions d'exonération prévue par le projet. Dès cette publication, elles disposent d'un délai de 30 jours pour demander à bénéficier d'un allégement. Elles peuvent l'obtenir dans la mesure où elles remplissent deux conditions cumulatives: elles sont dans un rapport de concurrence direct avec l'entreprise exonérée, d'une part, et elles risquent d'être lésées par cette exonération, d'autre part. La notion de «concurrent direct» est connue et résulte de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la liberté économique. La lésion éventuelle dépendra des circonstances du cas d'espèce.

Il appartient ensuite au Conseil d'Etat, après consultation des communes et des partenaires sociaux, de décider dans quelle mesure l'entreprise existante remplit ces conditions. En fonction de chaque cas particulier, le Conseil d'Etat décidera d'octroyer ou non un allégement ainsi que de son étendue.

En toute hypothèse, sous réserve d'un retard dû au requérant, le Conseil d'Etat doit toujours statuer dans un délai de 3 mois. Ce délai est impératif pour éviter que la procédure ne tarde de manière excessive.

L'effet sur le budget de fonctionnement de l'Etat sera important. Une hausse des ressources fiscales, résultant, à court terme, des dépenses induites par les nouvelles entreprises et, à moyen terme, des impôts perçus progressivement sur ceux-ci, permettra de diminuer le déficit de l'Etat.

Pour confirmer la politique de discipline budgétaire adoptée par l'Etat dans le cadre du plan financier quadriennal, le projet propose de bloquer de manière globale le montant des dépenses de fonctionnement au niveau du budget 2001, soit la date de l'équilibre du budget de fonctionnement après amortissements selon le plan financier quadriennal, voté par le peuple en 1993. Cette approche laisse subsister une marge de manoeuvre suffisante à l'Etat pour augmenter le niveau de ses prestations, notamment les prestations sociales, les salaires de la fonction publique en fonction du coût de la vie et pour assurer la progression des annuités pour les agents publics.

Ce blocage est complété par un double mécanisme de sécurité pour permettre au niveau du budget d'être adapté en cas de motifs impérieux.

En premier lieu, le projet réserve les transferts de charges de la Confédération au canton dont il est impératif de tenir compte.

En second lieu, en prévoyant les situations exceptionnelles, le projet laisse une marge de manoeuvre en cas de dépenses nouvelles, imprévisibles et impératives.

Compte tenu de la politique rigoureuse de gestion des dépenses de fonctionnement imposée par le projet pour les dépenses et la hausse prévisible des ressources fiscales, la réduction du déficit, puis sa disparition, devra laisser la place à un excédent de fonctionnement.

Il est important de relever que le projet ne porte absolument pas sur le budget d'investissements. L'Etat reste totalement libre de continuer sa politique anticyclique d'investissements afin de soutenir l'économie genevoise.

Afin d'améliorer la situation fiscale de l'ensemble de la population genevoise, le projet prévoit que l'excédent du budget de fonctionnement devra être affecté à raison de 60% à la diminution des impôts directs frappant les revenus imposables, une part prépondérante étant affectée aux bas et moyens revenus. Les Genevois bénéficieront donc d'une diminution de leurs impôts tout en conservant la même couverture sociale et un niveau constant de prestation des services publics. La réduction devra être opérée sur le barème de l'impôt chaque année en fonction du montant de l'excédent de fonctionnement. Le calcul se fera en fonction du montant total des impôts sur les personnes physiques qui figure au budget et sur la part de l'excédent affecté à la réduction des impôts pour les personnes physiques.

Les communes ne devraient pas être affectées par la diminution du barème des impôts dès lors que celle-ci aura été précédée d'une hausse générale des revenus fiscaux liée à la création d'emplois résultant de l'exonération fiscale des nouvelles entreprises.

Par ailleurs, les derniers 40% de l'excédent sont obligatoirement utilisés pour rembourser la dette de l'Etat qui représente aujourd'hui près de la moitié du PNB du canton. Une diminution du montant de la dette impliquera naturellement une baisse du montant de la charge d'intérêts qui alourdit le budget de fonctionnement. Cette opération aura un important effet d'entraînement. Plus la charge d'intérêts diminuera, plus l'excédent de fonctionnement sera important et donc plus le remboursement de la dette de l'Etat sera élevé avec une nouvelle diminution de la charge d'intérêts.

Comme le projet lie l'excédent du budget de fonctionnement à la diminution des impôts directs des personnes physiques, ces dernières bénéficieront immédiatement de la réduction de la baisse de la dette de l'Etat. Plus celle-ci sera diminuée, plus le niveau des impôts régressera.

En quelques années, sans que le fonctionnement de l'Etat et les prestations assurées aux Genevois ne soient mis en cause, le niveau des impôts à Genève sera comparable, voire inférieur à celui des cantons voisins. Non seulement cette situation rendra le canton encore plus attractif pour de nouveaux contribuables, mais permettra aux Genevois d'affecter une part toujours plus importante de leur revenu à leurs dépenses de consommation, avec un effet bénéfique pour l'ensemble des entreprises genevoises.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver au projet de loi un bon accueil.

Préconsultation

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). La notion dite «de développement durable» est souvent évoquée dans ce parlement. S'il est un bon exemple, qui pourrait faire méditer ceux qui parlent le plus souvent de ce développement durable, c'est bien la dette publique actuelle, de plus de 8 milliards, et pour laquelle nous devons absolument trouver une solution. Or, chaque année, le déficit aggrave cette dette.

Comment sortir de cette situation ? Le Conseil d'Etat a déjà pris un certain nombre de mesures concernant la réduction des frais, et il faut l'en féliciter. Une deuxième option est de rendre les outils de travail plus performants, ce qui demande des investissements. L'audit fournit des pistes à cet égard. La troisième solution est d'augmenter les recettes. D'ores et déjà, je constate, sur ma droite, les réflexes de Pavlov dont M. Froidevaux a souvent parlé, car augmenter les recettes signifie, pour certains, augmenter les impôts, bien que d'autres solutions existent, notamment celle d'accroître le nombre des contribuables.

Il faut améliorer l'attractivité fiscale de Genève, et le projet de loi libéral nous a donné l'occasion d'en parler tout à l'heure, projet fort heureusement renvoyé en commission, parce que techniquement difficile à traiter en discussion immédiate.

Ce projet comporte deux points auxquels nous devrons bien réfléchir : peut-on augmenter le nombre des contribuables en accordant des rabais de 15% ? Est-ce suffisant pour faire revenir les contribuables à Genève ? Dans le canton de Vaud, le contribuable gagne 15 000 F de fiscalité par tranche de 100 000 F. Dès lors, un rabais de 15% à Genève suffira-t-il à faire revenir ceux qui sont partis ? Nous devrons en discuter en commission.

Le deuxième point est celui de l'information sur nos rabais, d'où la nécessité d'une campagne de communication intensive. A défaut, nous n'aurons pas un contribuable de plus, et le déficit s'aggravera, comme cela a été relevé. La situation actuelle ne sera pas améliorée, et l'impasse sera totale.

Le parti radical a donc réfléchi à un projet qui aboutit quasiment à la même solution et aux mêmes effets que le projet libéral, mais qui diminue sensiblement les risques impliqués, en tout cas dans un premier temps. Pour attirer les entreprises étrangères sur notre territoire, nous proposons une exonération fiscale cantonale sur le revenu et la fortune. Complétée de la motion dont nous débattrons tout à l'heure, motion ayant trait à l'arrêté Bonny et proposant une défiscalisation au niveau fédéral, cette mesure incitera beaucoup d'entreprises à envisager Genève comme lieu d'accueil. Bien entendu, cela ne suffira pas. Il faudra aussi envisager des mesures d'aménagement du territoire, afin que toutes les tracasseries administratives - bien connues des entrepreneurs désirant s'installer à Genève - diminuent. D'autres approches, allant dans le même sens, devront être trouvées.

Il peut sembler paradoxal de conseiller l'augmentation des recettes et, simultanément, la diminution de la fiscalité. En effet, les entreprises que nous proposons d'exonérer ne sont pas là et, bien sûr, n'acquittent aucun impôt. Installées à Genève, ces entreprises créeraient un grand nombre d'emplois - thème central de l'intervention de M. Clerc - paieraient des loyers et consommeraient. Elles contribueraient grandement à la reprise qui se fait cruellement attendre.

Si cette reprise a lieu, cela se traduira indirectement par une augmentation des recettes.

Je voudrais rassurer ceux qui craignent que les entreprises locales ne soient ainsi confrontées à une concurrence déloyale. Le projet prévoit, sous réserve de futurs aménagements, que les entreprises locales qui feraient des efforts, notamment d'investissement, pourraient aussi bénéficier de ce type d'exonération. Elles auraient donc les mêmes avantages.

A l'évidence, la démarche proposée par notre projet de loi, s'ajoutant au déterminisme modéré, comme l'a dit M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, qui vise à maintenir une croissance zéro, mais, vous l'aurez deviné, une croissance zéro des dépenses, permettra de réaliser plus rapidement l'équilibre des comptes de l'Etat.

Or, au moment...

La présidente. Je vous rappelle que nous sommes en préconsultation !

M. Jean-Philippe de Tolédo. Je conclus, Madame la présidente. Une fois l'équilibre retrouvé - et c'est la deuxième innovation de ce projet qui rejoint ainsi celui du parti libéral - 40% de l'excédent, résultant de l'exploitation et du fonctionnement, devront être employés au remboursement de la dette et les 60% restants - et là, j'en reviens à la notion de développement durable, ce qui prouve que nous nous en soucions et que nous ne faisons pas qu'en parler - à la réduction de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

J'interviendrai à nouveau lors du débat sur la motion. (Applaudissements de la droite.)

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Le parti démocrate-chrétien a la conviction que l'allégement des charges de nos entreprises, de nos PME et PMI en particulier, doit être étudié en commission, ne serait-ce que pour en connaître les tenants et aboutissants et en mesurer les effets.

S'il est souhaitable que la plaque économique genevoise devienne plus attractive pour accueillir de nouvelles entreprises, la priorité numéro un, essentielle et urgente - permettez-moi d'insister - est le soutien aux entreprises existantes. Il sera donc intéressant d'étudier ce projet de loi en commission.

Aujourd'hui déjà, certains outils permettent d'accorder des allégements fiscaux aux entreprises qui viennent dans notre canton. Dès lors, on peut s'interroger sur l'automatisme d'une telle réduction quand une négociation, souvent souhaitée par les deux parties, constitue le préalable à l'installation d'une entreprise et que d'autres avantages sont également consentis : permis de travail, terrains industriels, etc. De plus, si les conditions-cadre s'améliorent, en fait, pour les entreprises déjà présentes dans notre canton, lesdites mesures ne seraient évidemment applicables qu'aux nouvelles entreprises qui viendraient s'installer.

D'autre part, il est démontré que la création d'emplois, porteurs à terme de nouveaux impôts, doit se faire en stimulant le tissu industriel existant dans notre canton.

J'en viens à l'article 10, par lequel vous tentez de créer, trop hâtivement à mon avis, un mécanisme de protection des entreprises non exonérées, afin d'éviter des distorsions de concurrence. Il me semble que toutes les personnes morales, c'est-à-dire les sociétés anonymes, bénéficieront de cette application, relativement à court terme. En effet, mille à mille cinq cents entreprises se créent ou s'installent à Genève chaque année et, bien sûr, concurrencent les entreprises plus anciennes de notre canton.

M. Matthias Butikofer (AdG). Il n'est guère modeste, ce projet de loi ! C'est un festival frivole d'exonérations fiscales pour les personnes morales.

En effet, si l'on en appliquait les dispositions, on constaterait une réaction en chaîne : en très peu de temps, la quasi-totalité des entreprises genevoises bénéficierait d'une exonération fiscale. En premier lieu, ce sont les entreprises nouvellement créées qui en profiteraient, sans distinction. En deuxième lieu, les entreprises en restructuration bénéficieraient des mêmes avantages. Et quelle entreprise n'est-elle pas, d'une manière ou d'une autre, en train de se restructurer ? En troisième lieu, les concurrents directs exigeraient les mêmes faveurs.

Les signataires n'hésitent pas à sortir cette vieille «toupie» qui veut que la diminution des impôts provoque, à long terme, la stimulation de l'économie et le renflouement des caisses publiques. Nous avons entendu cela plus de mille fois ! En commission, nous aurons l'occasion de chiffrer les pertes mirobolantes des recettes publiques causées par ce type de propositions.

Par conséquent, nous sommes très réservés à l'égard de ce projet de loi, même si nous n'excluons pas, a priori, la perspective d'accorder éventuellement des allégements fiscaux, en tant que mesures compensatoires, à certaines entreprises qui décident de maintenir leurs effectifs, en dépit d'un manque de bénéfices, cela sans que les conditions de travail soient modifiées. Affaire à suivre !

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Le parti socialiste partage les réserves émises au sujet de ce projet de loi. Je partage aussi une grande partie des questions et interrogations de M. Vaudroz, notamment quant au traitement des entreprises existantes.

Ce projet part du postulat qu'il y a un problème de niveau de la fiscalité dans notre canton et que la charge moyenne grevant les entreprises est trop forte. Cette affirmation est fausse, la charge fiscale moyenne sur les entreprises en Suisse, et en particulier à Genève, est une des plus basses en comparaison internationale.

La charge fiscale grevant les sociétés - impôts communal, fédéral et cantonal confondus - est de 30% à Genève et de 29% à Zurich. En revanche, elle est de 64% à Francfort, par exemple. Ces chiffres figurent dans une brochure du département de l'économie publique censée attirer de nouvelles entreprises dans notre canton et démontrer que Genève a de bonnes conditions-cadre en matière fiscale.

Je sais que la Chambre de commerce et d'industrie du canton de Genève ne fait pas état des mêmes comparaisons, car elle a tout simplement oublié, comme nous avons pu le constater en commission, de tenir compte de la déductibilité de l'impôt.

Mesdames et Messieurs, je crains que les faits n'intéressent pas vraiment les auteurs du présent projet de loi. Leur volonté est de diminuer les impôts à tout prix; l'intervention de M. de Tolédo a été très explicite sur ce point.

Le projet de loi des radicaux, articulé autour du raisonnement selon lequel il faut baisser la fiscalité pour attirer de nouvelles entreprises et, en retour, voir augmenter les recettes s'inscrit dans la même logique que celui du parti libéral. Dans la mesure où le canton de Genève n'exerce pas une fiscalité dissuasive et que l'argument fiscal n'intervient qu'à titre secondaire pour les entreprises désireuses de s'implanter à Genève, l'impact de ce projet de loi n'aura pour effet qu'une baisse des recettes pour l'Etat de Genève. Il est par conséquent inacceptable pour nous.

M. David Hiler (Ve). Nous avons pris connaissance de ce projet avec amusement, tant il est mal préparé. Il offre des possibilités vraiment surprenantes d'exonérations en cascade aux entreprises ! Il suffirait qu'une seule ouvre ses portes dans un domaine donné et bénéficie de l'exonération pour que toutes celles qui fabriquent ou diffusent le même produit puissent y prétendre à leur tour. Si tel est le but du projet, autant dire les choses franchement !

M. Vaudroz a raison : plutôt exonérer réellement les entreprises déjà présentes que de leur faire miroiter cet avantage si des entreprises étrangères s'installaient dans notre canton.

M. de Tolédo nous ayant interpellés sur la notion de développement durable, nous nous réservons dans l'hypothèse - non démontrée à ce stade - d'un excédent en 2001 de demander que celui-ci soit intégralement affecté à la couverture de la dette. Cela paraît logique. Un effet exponentiel souhaitable serait créé, et nous ne comprenons pas, depuis la récente conversion de M. de Tolédo à la notion de développement durable, pourquoi son groupe n'a pas réservé en son temps la totalité de cet excédent - actuellement aléatoire - au remboursement de la dette !

Quant à chiffrer le montant définitif des dépenses en 2001, sans même prévoir une simple indexation au coût de la vie, cela nous semble être une mesure extrêmement violente si d'aventure nous avions 5% d'inflation cette année. Dans l'hypothèse d'une telle inflation, veut-on véritablement diminuer de 5% par an le coût réel de l'Etat ?

A ce stade, je préférerais franchement que l'on me fournisse un classeur contenant toutes les mesures d'économie souhaitées par ces braves gens, que l'on discute de ce que l'on veut économiser et que l'on diminue ensuite les impôts, si tel est le voeu général. Cette manie de ne pas dire comment on peut économiser tout en affirmant qu'on peut le faire, bien que notre propre Conseil d'Etat n'en soit pas capable, finit par être lassante !

M. Michel Halpérin (L). Il y a effectivement une différence entre la fiscalité des personnes physiques et celle des personnes morales, et les raisons invoquées par Mme Calmy-Rey pour exprimer ses doutes sur le fait que les personnes morales sont peut-être moins maltraitées ici qu'ailleurs, alors que les personnes physiques le seraient davantage - c'était sous-jacent dans son discours - sont précisément celles pour lesquelles notre choix s'est porté sur la réduction de la fiscalité des personnes physiques, sachant que dans les entreprises les personnes physiques paient des impôts qui leur semblent souvent plus lourds que ceux payés par les entreprises elles-mêmes.

L'ouverture d'une piste de réflexion supplémentaire, comme je viens de le dire, n'est évidemment pas pour nous déplaire. Je comprends que M. Hiler, étant seul dans cette salle à parler sur ce sujet, explique qu'il n'en veut pas. En effet, nous savons bien que son groupe est, par définition, hostile à toute croissance, et, comme il sait que la baisse de la fiscalité, sous une forme ou sous une autre, appelle de la croissance, il n'en veut pas. Mais cela lui interdit de proclamer qu'il veut lutter contre les pertes d'emplois et d'entreprises dans ce canton.

Je voudrais dire aussi que le projet de loi de nos cousins radicaux, pour user de l'expression désormais consacrée, m'incite à penser que des choses méritent d'être affinées en commission. Je ne répéterai pas ce qui a été dit par d'autres ici même, mais il est vrai que préconiser un automatisme, d'ailleurs déjà en main du Conseil d'Etat jusqu'à un certain point, valable pour toutes les entreprises, me paraît aller un peu vite, que les distorsions de concurrence qui pourraient s'ensuivre sont préoccupantes et, surtout, je ne vois pas comment on pourrait accepter sans frémir que l'on publie les noms des entreprises exonérées. Néanmoins, cela mérite d'être étudié.

Ce qui me réjouit particulièrement ce soir est de constater que lorsque M. Jean-Philippe de Tolédo a expliqué en d'autres mots - mais mieux - ce que j'ai dit, on l'a applaudi, notamment sur les bancs des libéraux, alors que ma prise de parole - Est-ce une question de talent ou de manière ? - suscite l'hésitation sur le même sujet. (Rires.) J'en conclus que si je ne veux pas sombrer dans la neurasthénie ou dans la paranoïa la plus totale, je dois imaginer que nos amis radicaux aiment les projets qu'ils signent et n'aiment pas les mêmes lorsqu'ils sont signés par d'autres, ce qui serait leur attribuer des pensées mesquines !

La dernière pensée mesquine que je m'autorise ce soir est celle de me demander qui, des signataires de ce projet de loi et de la motion qui l'accompagne, refuseront de les voter, puisqu'ils ont refusé de discuter, tout à l'heure, de notre projet. Je pense à M. Beer, à M. Dupraz et à Mme de Tassigny. (Applaudissements et exclamations.)

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. L'article 10 de la loi sur l'imposition des personnes morales offre déjà la possibilité d'accorder des allégements fiscaux, d'ailleurs prévus par la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale. Les directives y relatives, qui vous ont été remises à la suite d'une motion de Mme Calmy-Rey, il y a une année et demie, vous permettent de suivre le contour de notre politique actuelle.

Ce qui différencie ce projet de loi qui sera renvoyé en commission, outre la problématique de la publicité et celle des groupes de personnes que nous devrions consulter à part les communes, est l'automatisme inclus dans l'article 10 nouveau.

Je ne suis pas certain que l'automatisme soit un avantage, parce qu'il nous contraint, sans examen, au-delà de certains critères, d'accorder une exonération, alors qu'aujourd'hui une négociation permet de se rendre compte des réelles intentions de ceux qui entendent - et nous les encourageons - implanter de nouvelles entreprises à Genève.

Nous sommes quelque peu réticents également à l'égard d'une autre nouveauté, mais nous l'examinerons avec vous en commission. Il s'agit de la problématique de l'élargissement quasiment automatique aux entreprises existantes. Nous avons l'impression que l'on interprète, de manière extensive, les dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale et, surtout, le concordat intercantonal limitant la concurrence entre les cantons dans ce domaine.

Ce projet de loi, comme d'autres, sera intégré, en commission fiscale, dans les discussions déjà largement engagées sur la fiscalité des personnes morales. Il permettra, espérons-le, de déterminer des pistes favorables à un consensus, pour que vous puissiez revenir en plénière le plus rapidement possible sur la base d'une fiscalité des personnes morales qui soit claire par rapport aux taux fixes et par rapport à ces propositions.

Le Conseil d'Etat vous apportera tous les éléments d'information et répondra aux questions que vous lui poserez, en commission, sur les aspects techniques.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.

La séance est levée à 19 h.