République et canton de Genève

Grand Conseil

IU 217
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Pierre Vanek : Maison de l'Europe. ( ) IU217
Mémorial 1996 : Développée, 4624.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le projet de la maison de l'Europe est le fruit d'une initiative prise par le groupe privé, la société Noga Invest, pour un terrain dont elle est propriétaire.

Comme chacun le sait, ce projet est destiné à répondre, à concurrence de 70% de la surface prévue, au besoin en locaux de réunion et de travail découlant des activités diplomatiques de l'Union européenne et des représentations de ses Etats membres, les 30% restants pouvant être affectés à d'autres activités, moyennant accord des représentants de l'Union européenne.

Ce projet revêt donc une signification toute particulière au niveau du rôle clé que Genève entend assumer en tant que site privilégié pour le développement des relations et des négociations internationales.

A ce jour, trois projets successifs ont été soumis au DTPE. En ce qui concerne le premier, en forme de «U», le 31 mars 1994, la société Noga Invest a obtenu une première autorisation préalable de construire DP 16 905, portant sur un projet élaboré par un bureau d'architectes de la place proche du groupe Noga. Il se caractérise par un bâtiment en forme de «U», dont la lourdeur rappelle l'architecture des années 30 et n'offre pas l'image d'un bâtiment administratif moderne destiné à la Communauté européenne. Un mur sur l'avenue de France, de même que du côté du cycle d'orientation, ne ménage aucune transparence. Une orientation peu favorable de l'ensemble fait que la place centrale demeure dans l'ombre une très grande partie de la journée.

Si ce projet répond en tout point aux exigences légales, on se demande s'il satisfait pleinement la qualité architecturale que l'on est en droit d'espérer pour un édifice de cette importance eu égard au préjudice qu'il causerait à l'environnement des bâtiments du cycle d'orientation de Sécheron par l'effet de barrage visuel résultant du parallélisme des façades et de la perte d'ensoleillement qui en découle.

De vives critiques ayant été formulées à ce propos, en particulier par la Ville de Genève, nous avons suggéré au groupe promoteur de confier la mise en forme définitive du projet à un cabinet d'architectes de réputation internationale pour le choix duquel la société Noga Invest a mandaté le bureau Alsop & Stormer à Londres.

Le deuxième projet présenté en été 1994 était très intéressant mais se distançait fondamentalement de celui élaboré par le mandataire genevois. Vu ses qualités exceptionnelles, il fut décidé, d'entente avec le département des travaux publics, que Noga Invest soumettrait ce projet à la procédure d'autorisation de construire, ce qui fut fait avec l'autorisation de Noga Invest et qui a abouti à la délivrance de l'autorisation 93 301 en mai 1995.

Une association des habitants du quartier a recouru contre cette autorisation devant la commission de recours. Comme on le sait, ladite commission, par décision du 25 mars 1996, a décidé d'annuler l'autorisation de construire. Quels que soient les mérites de cette décision, on conçoit que la société promotrice a pu se considérer comme bien mal récompensée des très grands efforts financiers qu'elle avait consentis pour tenter de faire aboutir un projet mieux intégré dans le patrimoine architectural genevois. Il n'est pas étonnant que Noga Invest, dont les ressources sont comptées, ait manifesté, tout d'abord, l'intention de se rabattre sur le premier projet, celui faisant l'objet de l'autorisation préalable qu'elle était certaine de pouvoir réaliser d'un point vue juridique, puisque le destin des grands projets à Genève se mesure trop souvent à l'aune d'un juridisme assez stérile.

Après avoir analysé la situation et dans le cadre des contacts que j'ai eus avec les représentants de Noga Invest et les représentants des banques, je n'ai pas manqué - une des missions essentielles du chef du DTPE étant de contribuer à promouvoir une architecture de qualité à Genève - de souligner que le projet de MM. Alsop & Stormer méritait mieux que cela, surtout qu'il était susceptible d'être adapté pour être rendu conforme aux dispositions légales en vigueur, telles que les interprète la commission de recours.

C'est ainsi que, au terme de très laborieuses tractations avec les représentants de Noga Invest et les banques créancières, j'ai obtenu des promoteurs qu'ils acceptent de remettre l'ouvrage de M. Alsop sur le métier. De plus, pour tenir compte des efforts financiers, des frais d'études et de procédure déjà considérables supportés par le groupe de promotion, comme de l'effort substantiel consenti par le bureau Aslop & Stormer quant à ses conditions de rémunération, j'ai accepté que l'Etat de Genève participe, à concurrence d'un montant forfaitaire de 50 000 F, aux frais d'études complémentaires. Ce montant ne correspond, de loin pas, au coût réel total de préparation du troisième projet qui est quatre à six fois supérieur, et qui est dû par le groupe Gaon.

J'ai pris cette décision, afin de permettre enfin l'aboutissement d'un projet architectural de très haut niveau. Je suis convaincu que Genève se devait d'apporter sa contribution à la réalisation d'un projet à la mesure de l'importance de son occupant principal.

Que ceux qui trouvent ce modeste investissement saugrenu songent au gaspillage de temps, d'énergie et d'argent qu'a entraîné la gestion chaotique de ce dossier sous l'ancienne législature. En effet, il faut savoir que, depuis son origine, en 1989, le projet de la Maison de l'Europe a été baladé sur six ou sept sites successifs, au gré des humeurs du moment.

En consentant ce petit geste, j'ai considéré qu'il apporterait la petite goutte d'huile permettant de «dégripper les rouages» et de faire «redémarrer» le projet de la Maison de l'Europe. J'ai trouvé que cette mesure s'inscrivait parfaitement dans le cadre de la politique développée ces dernières années, en matière d'accueil des organisations internationales.

J'espère que les interpellateurs sauront se rallier à ces explications et qu'ils ne chercheront pas à nuire aux bonnes relations entre Genève et l'Union européenne. Du reste, il me semble que le projet est sérieusement compromis, puisque la Communauté européenne se tourne vers d'autres endroits. Si elle décidait de s'installer ailleurs, la Ville risquerait de le regretter.

Le bureau Alsop & Stormer a-t-il été mis en oeuvre par le DTPE ? A-t-il reçu un mandat ou des instructions de la part du DTPE ? Non, il ne l'a été que par la société Noga Invest et n'a donc reçu aucun mandat de la part du DTPE !

C'est manifestement à tort que la formule de requête préalable, remplie par le mandataire, comportait initialement sous la rubrique «requérant» la mention «DTPE». Ce type d'erreur est fréquent. La pratique du DTPE est de corriger d'office, au stylo rouge, les indications erronées, qu'elles concernent le graphisme, le texte ou n'importe quel élément des documents administratifs fournis par les requérants. C'est précisément ce qui a été fait, sans autre, dans le cas particulier. Il va de soi que, pour un projet de cette importance, et comme cela est l'usage, le requérant et son mandataire ont consulté le département sur un certain nombre de questions relevant de l'interprétation de la législation cantonale en la matière. On ne voit pas en quoi le département aurait failli à ses devoirs en orientant le requérant, comme il l'aurait fait à l'égard de quiconque.

Dans la «Feuille d'avis officielle», l'erreur formelle initiale a bien entendu été corrigée.

Le DTPE a-t-il ou doit-il rémunérer le bureau Alsop & Stormer pour l'un ou l'autre des projets ? J'ai accepté, comme je viens de vous l'expliquer, que dans ce que j'ai considéré comme étant l'intérêt supérieur du canton mon département alloue une contribution exceptionnelle et forfaitaire de 50 000 F aux honoraires correspondant à la mise au point du projet de M. Alsop qui fait actuellement l'objet de la requête préalable 17 152.

M. Emmanuel Cattani, ancien architecte cantonal, a-t-il collaboré à l'un ou l'autre des projets ? M. Emmanuel Cattani, en sa qualité d'architecte cantonal, a eu connaissance du projet présenté au DTPE en été 1994, par M. Alsop, dont il s'est plu, d'emblée, à souligner les très grandes qualités et qu'il a été amené à considérer dans le cadre de ses fonctions, mais il n'a collaboré en aucune façon à l'un ou l'autre des projets, que ce soit au côté du requérant ou de son mandataire.

Le bureau Alsop a-t-il bénéficié d'un passe-droit en regard des dispositions légales relatives aux mandataires professionnellement qualifiés ? La réponse est non !

La loi du 17 novembre 1982 sur l'exercice des professions d'architectes et d'ingénieurs, qui traite, pour l'essentiel, des mandataires professionnellement qualifiés, dispose qu'une inscription temporaire peut être accordée à des personnes domiciliées professionnellement hors du canton et qui remplissent les autres conditions prescrites par la même loi - article 3, alinéa 3. C'est le cas de M. William Alsop, architecte à Londres qui a requis, en date du 3 novembre 1994, l'autorisation d'être reconnu provisoirement comme mandataire professionnellement qualifié, précisément pour le projet de la Maison de l'Europe.

L'autorisation requise lui a été accordée le 9 novembre 1994, attendu qu'il remplissait toutes les conditions prévues, en particulier sur le plan de la qualification architecturale; c'est le moins que l'on puisse dire.

Le projet faisant l'objet de la requête 17 152 respecte-t-il les exigences de la loi ?

Il est faux d'affirmer que le projet ne respecte pas les exigences de la loi sur les constructions et les installations diverses et de son règlement d'application. En effet, le gabarit maximum de 21 m est respecté pour la totalité du projet, étant précisé que, en vertu de l'article 27, LCI, la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut excéder 21 m.

En ce qui concerne l'article 36, LCI, sur le gabarit de toiture, dans lequel les niveaux sont disposés librement, ces dispositions sont respectées en tout point par les auteurs du projet qui nous occupe.

Indépendamment de la question du gabarit, se pose encore celle de la superstructure des ascenseurs qui nécessitera, pour être autorisée, un préavis favorable de la commission d'architecture. Dans l'hypothèse où cette dernière se prononcerait négativement sous cet aspect secondaire, il faudrait rechercher une solution technique alternative, par exemple, en mettant le moteur au sous-sol. C'est le but de la procédure de l'autorisation de construire que d'examiner la conformité, en tout point, d'un projet aux exigences de la loi.

Quels sont les Etats, membres de l'Union européenne, qui ont pris un engagement ferme de louer ou d'acquérir des locaux dans le bâtiment projeté ?

A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de m'exprimer devant votre Grand Conseil sur cette question. La situation n'ayant pas fondamentalement changé depuis lors, je vous invite à vous référer aux explications que je vous ai fournies à ces occasions, à ceci près, toutefois, que la mission de Finlande a tenu à préciser que son gouvernement n'a jamais fait de promesse quelconque en ce qui concerne l'acquisition ou la location de locaux dans le bâtiment à réaliser. Elle s'est bornée à solliciter des renseignements sur les conditions de vente ou de location pour être en mesure de renseigner son gouvernement.

Cette interpellation urgente est close.