République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7248-A
38. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi de Mme et M. Laurent Moutinot et Christine Sayegh modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite (E 2 5). ( -) PL7248
Mémorial 1995 : Projet, 3107. Commission, 3108.
Rapport de majorité de M. Michel Halpérin (L), commission judiciaire
Rapport de minorité de Mme Christine Sayegh (S), commission judiciaire

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Ce projet de loi, qui émane de nos collègues les députés Christine Sayegh et Laurent Moutinot, a été examiné le 15 février 1996 par la commission judiciaire du Grand Conseil.

Il avait pour but d'affecter à la caisse de l'Etat les honoraires perçus par un fonctionnaire de l'office des poursuites et faillites en qualité d'administrateur spécial d'une faillite (art. 237, al. 2, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite LP).

Les proposants exposaient qu'ils voyaient un problème dans le cumul d'un emploi de fonctionnaire à plein temps avec une activité rémunérée supplémentaire au regard du principe d'incompatibilité en vertu duquel les fonctionnaires n'ont pas à exercer une activité rémunérée autre que celle qui se rapporte à leurs fonctions (règlement d'application de la loi générale relative aux personnes de l'administration cantonale). D'autre part, et dans la mesure où ces activités supplémentaires de fonctionnaire de l'office des poursuites et faillites sont autorisées par le Conseil d'Etat et de ce fait conformes au règlement susmentionné, attribuer des mandats spéciaux à un fonctionnaire suppose soit qu'il n'exerce pas ses fonctions à plein temps, soit qu'en une époque où le travail se raréfie il prive des tiers de la possibilité de réaliser quelques tâches qui, pour eux, seraient bienvenues.

*

*M*

La commission a procédé à l'audition de M. Benoît Roulin, préposé de l'office des poursuites et faillites rive droite à Genève. Ce dernier a expliqué en substance qu'entre les trois offices des poursuites et faillites de Genève, il n'y avait en cours, en ce moment, que cinq faillites liquidées par la voie de l'administration spéciale. Il ne s'agit donc pas d'un phénomène extrêmement répandu. Il est vrai, en revanche, que ces dossiers sont par définition de ceux qui requièrent un temps de travail substantiel (en moyenne 150 heures supplémentaires par an).

En pratique, ces mandats d'administration spéciale sont octroyés à des commissions composées généralement de trois personnes; le plus souvent deux d'entre elles proviennent du privé (fiduciaires, avocats) et c'est généralement la troisième qui est choisie au sein de l'office des poursuites et faillites, essentiellement pour assurer une liquidation qui soit conforme aux pratiques qui sont celles de l'office des poursuites et faillites dans tous les autres cas.

Sur l'ensemble des 363 fonctionnaires des offices des poursuites et faillites genevois, seuls une vingtaine sont concernés par ces mandats.

Le travail que cela occasionne est évidemment effectué en sus de celui qui incombe naturellement en vertu de sa fonction à la personne mise en oeuvre. Les honoraires qu'elle perçoit à ce titre sont modestes, au maximum entre 150 F et 200 F l'heure, alors que ceux qui sont perçus par les autres membres de l'administration spéciale sont généralement sensiblement plus élevés puisqu'ils sont rémunérés conformément à leurs pratiques professionnelles. De toute manière, la moitié des honoraires perçus par l'administrateur spécial de l'office des poursuites et faillites est rétrocédée à l'Etat, de sorte que le fonctionnaire ne touche pas plus qu'il ne le ferait au titre des heures supplémentaires.

Ces éléments ont été confirmés à la commission par le département.

*

*M*

La discussion a mis en évidence que la pratique actuelle ne nuit pas à l'Etat; la majorité de la commission s'accorde à trouver préférable que les responsables de l'office des poursuites et faillites soient associés à la liquidation de faillites importantes, les seules qui requièrent une admi-nistration spéciale.

L'entrée en matière a été votée par 6 voix contre 6.

A la deuxième lecture, diverses propositions d'amendement ont été effectuées. M. le député Christian Grobet a notamment proposé un amendement prévoyant que serait versée à la caisse de l'Etat «la part de ces honoraires qui dépassent la rémunération admise par le Conseil d'Etat à des heures supplémentaires consacrées à cette tâche».

Cet amendement, visant à consacrer dans le texte la situation actuelle, a été rejeté, la commission ne voyant pas l'intérêt à légiférer pour imposer ce qui est déjà la règle au sein de l'administration. En outre, il est évident que ce projet ne peut avoir pour effet de régler, à l'occasion de ce qui n'est qu'un problème d'heures supplémentaires, la question autrement complexe du «temps de travail partagé».

En définitive, l'ensemble du projet de loi non amendé a été rejeté par 9 voix (1 AdG, 2 PDC, 2 rad., 3 lib.) contre 3 (2 PS, 1 PEG).

La majorité de la commission a donc l'honneur de vous proposer de rejeter le projet de loi 7248.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Ce projet de loi avait pour but de verser à la caisse de l'Etat les honoraires que les fonctionnaires de l'office des poursuites et faillites (ci-après dénommé OP) perçoivent lorsqu'ils interviennent en qualité d'administrateur spécial dans le cadre d'une liquidation par voie de faillite.

L'étude de ce projet de loi a permis de confirmer que l'activité d'administrateur spécial est un mandat privé qui doit s'accomplir en dehors des heures de travail. Toutefois, il apparaît que la gestion du temps n'est pas un problème majeur vu la flexibilité des honoraires des cadres supérieurs de l'OP, auxquels sont généralement confiées ces liquidations de faillite. Ces mandats privés existent grâce au consentement du Conseil d'Etat.

M. Roulin, préposé de l'office rive droite, a expliqué, lors de son audition devant la commission judiciaire du Grand Conseil, que les administrations spéciales sont une activité complémentaire très satisfaisante sur le plan intellectuel, l'aspect économique étant secondaire.

A l'analyse du mode de rémunération, tel que décrit par M. Roulin, on constate que les cadres supérieurs peuvent devoir effectuer 80 heures supplémentaires sans rétribution. Ainsi donc, ce n'est qu'à partir de la81e heure qu'une indemnisation est prévue.

Il ressort également de l'audition du préposé de l'office:

- qu'une administration spéciale génère en moyenne 150 heures de travail;

- qu'un cadre supérieur a le droit de facturer au maximum 220 heures supplémentaires à titre d'administrateur spécial par an;

- que 220 heures supplémentaires correspondent à la gestion d'un gros dossier;

- que l'activité d'administrateur spécial peut être estimée en moyenne à 150 heures par an;

- que cette activité contraint à faire des heures supplémentaires, s'agissant d'un mandat privé à honorer en dehors du travail réglementaire;

- que l'administrateur spécial, fonctionnaire OP, est rémunéré au tarif horaire de 72,20 F alors que les honoraires facturés par l'Etat à la masse en faillite sont de 140 F l'heure;

- que ce tarif est de 140 F à 200 F inférieur à celui pratiqué par les liquidateurs privés;

- qu'en conséquence, une administration spéciale gérée par l'OP est facturée au minimum 50% moins cher que les tarifs pratiqués dans le privé.

Cette situation démontre à l'évidence qu'il y a eu un changement certain de pratique, car il est de notoriété publique que cette activité générait des gains substantiels.

Les documents que nous a fournis le département de justice et police et des transports remontent à l'année 1993 seulement, à savoir depuis la mise en place du système sus-exposé, lequel repose exclusivement sur un accord avec le Conseil d'Etat.

Les administrations spéciales exécutées par l'OP appellent plusieurs remarques. Il n'y a, premièrement, aucun motif pertinent pour que l'Etat facture à la masse en faillite des honoraires selon un tarif inférieur à celui pratiqué dans le privé, puisqu'il s'agit de mandats privés.

Deuxièmement, il n'est pas concevable qu'un cadre supérieur de l'OP puisse faire jusqu'à 300 heures supplémentaires par an, soit 80 selon le règlement et 220 au maximum à titre d'administrateur spécial.

S'il y a un intérêt certain pour les masses en faillite à bénéficier du savoir-faire des cadres supérieurs de l'OP, l'organisation du travail de ces derniers devrait être modifiée afin que les mandats privés d'administration spéciale soient intégrés dans le cahier des charges des fonctionnaires concernés.

Cette nouvelle répartition des tâches et une facturation normale amélioreraient la situation économique de l'Etat tout en créant des emplois.

Bien que l'on puisse constater que les honoraires rétrocédés pour les fonctionnaires mandatés dans le cadre d'administrations spéciales se montent en 1993 globalement à 16 800 F, en 1994 à 11 865 F et en 1995 à 10 140 F, notre projet de loi garde toute sa pertinence, car il incitera à un partage du temps de travail plus adéquat.

Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, bien que le refus ait été massif en commission, à reprendre votre réflexion et voter ce projet de loi.

(PL 7248)

PROJET DE LOI

modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédéralesur la poursuite pour dettes et la faillite

(E 2 5)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 16 mars 1912, est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 3 (nouveau)

3 Si un fonctionnaire de l'office est nommé administrateur spécial au sens de l'article 237, alinéa 2, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du11 avril 1889, les honoraires qu'il perçoit pour ce mandat sont versés à la caisse de l'Etat.

Premier débat

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi a soulevé deux problèmes de gestion. Les heures supplémentaires effectuées par les cadres de l'office des faillites chargés des administrations spéciales, ainsi que le tarif horaire pratiqué pour ces mandats, qualifiés de mandats privés. Si pour les heures supplémentaires la réponse est conforme aux préoccupations des auteurs du projet de loi, elle est, par contre, surprenante quant à la modestie du tarif et les gains générés, révélation tout à fait divergente des échos dans le public.

Aussi ce projet de loi tendant à verser à la caisse de l'Etat les honoraires perçus par les fonctionnaires de l'office des faillites dans le cas de l'administration spéciale des faillites ne fait pas encourir à ces derniers de sacrifice pécuniaire. Si bien que le moment me paraît tout à fait propice pour le voter.

En conséquence, ce projet de loi préviendra les abus et les inégalités de traitement et sera, en outre, garant d'une saine application de la loi. Il incitera, je l'espère, le Conseil d'Etat à adapter le cahier des charges des fonctionnaires concernés et aidera à la création des postes supplémentaires nécessaires, lesquels pourraient être notamment financés par une meilleure évaluation du tarif facturé.

L'assemblée des créanciers a un intérêt certain à ce que l'office des faillites délègue un de ses cadres comme administrateur spécial dans la liquidation des faillites, et l'office continuera donc d'être sollicité pour ce faire.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre les conclusions du rapport de minorité.

M. Christian Grobet (AdG). Nous ne voterons pas ce projet de loi.

En effet, nous considérons que, lors de l'administration d'une faillite, surtout si elle s'avère compliquée, la présence de spécialistes venant de l'extérieur et de représentants de l'office des faillites est opportune.

Ceux qui travaillent dans une administration de faillite siègent en dehors des heures de bureau; le soir, par exemple. En regard de ce fait, il est normal que ces fonctionnaires soient correctement rémunérés. Non pas, toutefois, qu'ils touchent le même montant que les administrateurs qui, eux - il faut bien le dire - sont généreusement rétribués, ce qui peut s'expliquer par les différentes charges qu'ils supportent, comme des frais d'office, étant donné leur statut d'indépendant.

A la commission judiciaire, nous avons été informé d'un système qui nous paraît excellent, à tel point que je souhaite le voir figurer dans un règlement, car personne n'en connaît l'existence; le fonctionnaire de l'Etat est rémunéré selon un tarif fixé par le Conseil d'Etat et l'excédent est versé à la caisse de l'Etat. D'ailleurs, on se demande si des fonctionnaires exerçant dans le cadre de l'administration d'une faillite n'ont pas reçu de rémunération excessive.

J'ai déjà formulé une proposition en commission et je remercie M. Halpérin de l'avoir indiquée dans son rapport. Toutefois, j'apprécierais que le chef du département de justice et police nous rappelle le système appliqué ainsi que le tarif horaire pratiqué et admis, afin que ces données figurent au Mémorial. Car c'est sur la base des explications données en commission par l'administration que nous ne nous sommes pas ralliés au projet de loi. Il serait donc utile que le Conseil d'Etat, qui a édicté une directive à partir de ces explications, nous en communique le contenu.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. Je tiens à exprimer mon accord avec la remarque de M. Grobet. Nous avons décidé de ne pas donner de suite à ce projet de loi, parce que nous avons constaté qu'effectivement il n'y avait pas - ce qui aurait été inacceptable - de fonctionnaire qui, outre son traitement, percevrait soit pour son temps de travail pendant les heures où il est payé par l'Etat soit au titre des heures supplémentaires des rémunérations astronomiques et incroyables. Nous n'avons pas voulu de cela. L'administration nous a rassurés en nous expliquant que ces tarifs étaient relativement modiques et que la rémunération qui restait effectivement acquise par un employé de l'Etat était la moitié de cet honoraire, soit l'équivalent de ce à quoi il aurait droit en termes d'heures supplémentaires.

Nous avons constaté qu'il n'y avait pas de scandale et donc pas nécessité de légiférer, mais il va de soi que si les pratiques étaient différentes ou changeaient il faudrait le faire. Nous nous sommes demandé s'il était convenable que ces masses en faillites qui rencontrent des difficultés spéciales bénéficient d'une administration qui comprenne un fonctionnaire de l'Etat. Cela n'allait pas de soi. En effet, on aurait pu imaginer que lorsqu'elles sont trop complexes elles passent entièrement entre les mains d'une administration privée. Mais nous avons jugé qu'il était équitable pour l'ensemble des faillites que ceux qui ont l'habitude de les traiter contribuent à celles qui sont particulièrement difficiles.

En réponse à ce que disait tout à l'heure Mme le rapporteur de minorité, j'estime pour ma part que ce n'est pas à l'Etat de faire de la surenchère pour faire monter les prix. Mais si à un moment ou à un autre le Conseil d'Etat estimait que le mode de rétribution de son office des poursuites et des faillites est insuffisant, il est libre de le modifier. Il améliorera ainsi les conditions dans lesquelles les privés font concurrence à l'Etat.

Mais, Madame le rapporteur de minorité, j'ajouterai qu'il faut se souvenir que dans les faillites ceux qui payent les honoraires des administrations spéciales de la masse sont les créanciers, c'est-à-dire ceux qui ont déjà perdu de l'argent du fait de la faillite. Si vous voulez que l'Etat s'enrichisse sur leur dos, il me semble que ces victimes expiatoires ne sont pas particulièrement bien choisies ! C'est une des raisons - ce n'est pas la seule - pour laquelle je vous invite vivement, Mesdames et Messieurs les députés, à regret par rapport à la personne qui le propose, à rejeter ce rapport de minorité et à soutenir le rapport de majorité.

M. Laurent Moutinot (S). Les auteurs de ce projet avaient raisonné sur une période où les administrations de faillites spéciales étaient nombreuses et où elles rapportaient des gains accessoires non négligeables. On nous dit aujourd'hui, tant du côté du parti libéral que de l'Alliance de gauche, que grâce à une directive du Conseil d'Etat tout est réglé. Vous admettez pourtant, Monsieur le rapporteur de majorité, que si les choses venaient à changer le besoin de légiférer se ferait sentir. Je propose que nous ne légiférions pas après, mais si possible avant, car la loi doit précisément fournir les règles pour anticiper des débordements.

Ce projet de loi ne demande rien de très extraordinaire, sinon, effectivement, de tenir sous contrôle une situation qui par le passé a quelquefois dérapé. S'il est légitime que les cadres de l'office des poursuites participent à des administrations spéciales, il faut toutefois éviter que l'ampleur de cette participation soit telle qu'elle ne vienne à nuire à leur tâche de fonctionnaire. Nous devons y veiller. Un bref calcul montre d'ailleurs que trois cents heures supplémentaires par année représentent environ six heures par semaine, ce qui n'est pas négligeable.

S'agissant des rémunérations, j'ai pris note avec plaisir que M. Roulin, entendu par la commission judiciaire, considérait ces administrations comme satisfaisantes, surtout sur le plan intellectuel, et que le plan financier ne l'intéressait pas. Gloire lui soit rendue pour cela ! Mais cela n'a pas toujours été le cas chez tous les cadres de l'office des poursuites. Nous avions demandé, purement et simplement, que les honoraires soient versés à la caisse de l'Etat. C'était au stade du projet. On pourrait effectivement imaginer qu'une partie de la rémunération, comme le suggérait à l'époque devant la commission M. le député Grobet, revienne néanmoins à l'administrateur. Dans tous les cas, Mesdames et Messieurs les députés, je constate que, sur le fond, personne ne formule d'objections ou de critiques sur le fait que l'on doit veiller à ce que ces administrations spéciales confiées à des cadres de l'office se déroulent dans un cadre bien précis. Nous sommes même à peu près d'accord pour dire quel est ce cadre, mais, pour des raisons qui m'échappent, il semble aujourd'hui qu'une majorité du Grand Conseil refuse de légiférer et veuille attendre que la catastrophe se produise.

Je préfère, par conséquent, que nous prévenions plutôt que d'attendre que le problème se pose. Il faut donc légiférer en la matière.

M. Christian Grobet (AdG). En commission, j'ai soumis un amendement qui a semblé n'être pas approuvé, donc je n'ai pas considéré utile de le reprendre en séance plénière. Toutefois, si le groupe socialiste se rallie à notre point de vue et souhaite que le surplus des honoraires soit versé à la caisse de l'Etat selon une directive du Conseil d'Etat, je suis prêt à reprendre mon amendement. En effet, la proposition de verser la totalité des honoraires à la caisse de l'Etat est totalement injuste à l'égard du travail supplémentaire que fait le fonctionnaire.

Si vous êtes d'accord d'amender ce projet de loi dont vous êtes les auteurs, nous sommes prêts à vous suivre, car le texte, tel qu'il nous est présenté, ne nous satisfait pas. M. Vodoz n'était pas présent à nos travaux de commission et M. Ramseyer est pris de court. Par conséquent, si les représentants du Conseil d'Etat n'ont pas cette directive ce soir - ce que je comprends - il serait souhaitable qu'ils la fassent annexer au Mémorial, afin que nous soyons informés officiellement sur une question aussi délicate.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il faut cadrer le débat. A ce jour les administrations spéciales traitées par nos trois offices s'élèvent au nombre de six, ce qui représente le 1,6% des faillites administrées durant toute l'année 1995 et concernent trois collaborateurs sur cent cinquante-trois, soit 2% de l'ensemble du personnel. Cela démontre que le problème n'est pas d'envergure aussi catastrophique que le prétend le député Moutinot.

En ce qui concerne la question des honoraires, ma réponse à l'intervention de M. Grobet est la suivante :

Dans le cadre d'une administration spéciale, les heures supplémentaires sont payées au tarif horaire prévu par l'échelle des traitements à condition qu'elles ne dépassent pas le montant de deux cent vingt heures par année, les quatre-vingts premières heures devant être effectuées gratuitement. Le montant des heures supplémentaires pouvant être rémunérées s'élève à cent quarante heures par an, au maximum.

En fait, il n'existe pas de directive du département sous forme de règlement, encore que l'on pourrait en créer un, mais l'application du règlement du personnel que vous connaissez. Je propose que mon collègue Vodoz s'exprime à ce sujet.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. En ce qui concerne cette question, je n'ai pas été nanti des réflexions de la commission judiciaire. Je me souviens des problèmes causés par un régime trop flou. La commission a soulevé un certain nombre de questions sur certaines administrations spéciales de masses en faillite importantes, ainsi que le rôle de nos fonctionnaires dans ce cadre précis.

Il me paraît légitime de vouloir régler ces problèmes de manière tout à fait claire, même si ces administrations ne concernent qu'un faible pourcentage de collaborateurs, car on sait que des faillites très importantes peuvent générer des honoraires considérables sur une durée de plusieurs années. Elles sont liées à des affaires très complexes qui dépassent largement, non seulement les frontières de notre canton, mais celles aussi de notre pays, voir du continent.

En matière d'heures supplémentaires, un régime codifié, variant selon les cas, existe au niveau de l'Etat de Genève. Par exemple, les cadres supérieurs ne voient pas leurs heures supplémentaires payées en sus. Le personnel a droit à des heures supplémentaires sur la base de décomptes qui sont visés par les chefs de services s'il n'y a pas de diadata, c'est-à-dire de contrôle automatique des présences.

Il convient de distinguer les heures supplémentaires traditionnelles à l'Etat, effectuées dans le cadre des tâches des fonctionnaires, qui sont réglementées par toute une série de dispositions et de règlements et celles effectuées par des fonctionnaires dans le cadre de missions extérieures qui leur sont confiées. Dans ce cadre, si j'ai bien compris les travaux de la commission, vous avez considéré comme important, et l'administration semble le penser également, qu'un haut fonctionnaire de l'office des poursuites et faillites participe aux administrations spéciales à côté de deux personnes désignées par l'autorité judiciaire de manière privée.

Il me paraît donc évident que les heures supplémentaires effectuées doivent faire partie de celles touchant à l'activité propre de l'administration spéciale. On ne pourrait pas imaginer que des heures supplémentaires soient rémunérées en raison d'un retard dans d'autres travaux résultant du mandat de l'administration spéciale.

Une comptabilité tout à fait précise doit exister pour le fonctionnaire à qui est confié ce mandat. Il a droit à être rémunéré au-delà de son temps de fonction ordinaire en tant que responsable d'un office de poursuite et faillite ou d'un substitut, si ses heures sont effectuées en dehors du temps normal. Comme M. Ramseyer vous l'a indiqué en commission, il est donc primordial que cette rémunération soit codifiée. Cette codification doit être arrêtée à ces tâches précises et, au-delà, tout montant supplémentaire reçu par le fonctionnaire doit être versé à la caisse de l'Etat.

Il n'est pas question qu'un haut fonctionnaire qui accepte, avec l'aval de ses supérieurs, une mission dans une administration spéciale de faillite reçoive des honoraires au même titre que deux personnes privées, dès lors que son activité se fait dans le cadre de son travail ordinaire.

En revanche tout dépassement de son temps et toute tâche complémentaire peuvent mériter une rémunération qui doit être modérée en raison du statut de la fonction publique.

M. Laurent Moutinot (S). M. Vodoz nous annonce qu'il existe une directive et que, si nécessaire, on peut réglementer. Comme il souhaite que ce sujet soit réglé avec une grande clarté, il me semble opportun de renvoyer ce projet de loi en commission, afin de régler de manière définitive les questions sur lesquelles nous semblons presque d'accord mais qu'il me paraît difficile de régler en séance plénière.

Il ressort de ce débat que le renvoi de ce projet en commission est justifié.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. La commission sera certainement ravie de voir revenir le projet. Encore faudrait-il savoir de quoi la commission judiciaire parlera ?

Nous avons entendu deux éminents responsables du Conseil d'Etat nous expliquer qu'une directive existe et que les choses sont transparentes et qu'elles continueront à l'être. Continuerons-nous à légiférer sur ce projet ? La commission a rendu un rapport et l'apporte au Grand Conseil en lui disant qu'il n'est pas nécessaire de légiférer. Le Conseil d'Etat confirme que la réglementation existe et que les pratiques sont celles que nous avons décrites. Que voulez-vous faire de plus à la commission, sinon perdre du temps ? Par conséquent, restons-en au rapport, tel qu'il est.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne partage pas l'avis de M. Halpérin. Il est vrai que la commission a passablement de projets de lois à discuter, mais grâce au dynamisme de son président, nous avons déjà beaucoup avancé. La tendance de M. Halpérin à dire que l'on perdra du temps n'est pas la bonne façon de légiférer.

Je déposerai mon amendement et nous pourrons continuer à discuter. Toutefois, la sagesse commande que devant un ordre du jour de cent vingt points, l'on renvoie ce projet de loi en commission. M. Halpérin feint de ne pas comprendre sur quoi porte la question qui, à vrai dire, est très simple. Il s'agit d'inscrire dans la loi qu'une règle est fixée à ce sujet par le Conseil d'Etat.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les déclarations de M. Ramseyer et surtout celles, très claires, de M. Vodoz. Ce dernier souhaite la transparence. Par conséquent il est souhaitable que nous l'appliquions dans ce domaine qui a suscité des polémiques et soulevé des questions. Il est regrettable de penser que les fonctionnaires de l'office des poursuites et faillites touchent les mêmes honoraires que certains administrateurs sollicités auprès du secteur privé. Il me paraît donc important d'inscrire dans la loi que le surplus de la rémunération revient à la caisse de l'Etat.

Je déposerai donc mon amendement, Monsieur le président, mais je constate, et M. Halpérin est témoin, que lorsque vous êtes arrivé à une heure en commission, notre séance était déjà terminée, nous avons donc le temps d'en parler encore en commission. Ce ne sera pas inutile. Ce n'est pas une perte de temps, Monsieur le rapporteur de majorité.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de majorité. Comme M. Grobet, j'observe que le projet de loi porte sur un principe selon lequel les honoraires perçus par le représentant de l'office des poursuites et faillites sont versés à la caisse de l'Etat. L'amendement proposé par M. Grobet est pratiquement le même que celui qu'il avait proposé en commission; il le nuance en disant que c'est le supplément par rapport à la rémunération pour travail supplémentaire qui va à la caisse de l'Etat, mais vous avez entendu, tout comme moi, les représentants du Conseil d'Etat nous dire que c'est déjà ainsi.

La raison pour laquelle la commission judiciaire a décidé de ne pas vous recommander l'adoption de ce projet de loi ni la proposition d'amendement de M. Grobet c'est qu'à partir du moment où le Conseil d'Etat surveille ses fonctionnaires il ne paraît pas nécessaire de légiférer. La commission judiciaire ne devrait pas arriver à un avis différent. Alors ou vous légiférez maintenant en estimant qu'il faut le faire même s'il n'y a pas matière réelle ou alors vous ne légiférez pas du tout ! Un retour en commission me paraît vain.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission judiciaire est rejetée.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Article unique (souligné)

 Art. 4, al. 3 (nouveau)

Le président. Nous allons voter sur l'amendement de M. Grobet, dont la teneur est la suivante :

«...du 11 avril 1889, la part des honoraires qu'il perçoit pour ce mandat et qui dépassent la rémunération admise par le Conseil d'Etat à des heures supplémentaires consacrées à cette tâche sont versées à la caisse de l'Etat.»

Estimez-vous que cette proposition d'amendement est suffisamment claire ou désirez-vous que nous la fassions circuler parmi vous ? Bon c'est clair !

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 4, alinéa 3 (nouveau) est rejeté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est rejeté.

Troisième débat

Ce projet est rejeté en troisième débat.