République et canton de Genève

Grand Conseil

R 317
5. Proposition de résolution de Mme Micheline Calmy-Rey et M. Pierre-Alain Champod concernant les mesures d'économies envisagées par les autorités fédérales. ( )R317

Débat

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, les choix des socialistes diffèrent totalement de ceux du président de l'Union patronale suisse : ce ne sont pas ceux de la baisse des salaires et des déréglementations; ce sont ceux du maintien et de la modernisation de l'industrie, mais aussi celui du développement d'un secteur de services innovateurs et de qualité.

Or Genève a de hauts niveaux de salaires, de fortes contraintes écologiques et une bonne protection sociale. Notre main-d'oeuvre est qualifiée; notre productivité et notre savoir-faire élevés.

Dans ce contexte, nous voulons améliorer nos capacités et renforcer notre compétitivité en tendant vers le haut, par opposition à une stratégie de diminution des salaires et de déréglementations sociales.

Il n'y a aujourd'hui pas d'alternative à une économie ouverte et compétitive... (Brouhaha.)

Le président. Poursuivez, Madame la députée !

Mme Micheline Calmy-Rey. ...et cela va de pair avec une volonté d'investir dans l'innovation, les nouveaux moyens de communication, la recherche/développement et le savoir-faire. La Suisse et Genève sortiront de la crise par le haut et non par le bas, c'est-à-dire pas en baissant les salaires et en déréglementant.

Aujourd'hui, la plupart des économistes reconnaissent que la création de richesses ne peut pas être séparée de sa distribution. Par conséquent, laisser toute une population se marginaliser en l'écartant des augmentations de revenus et de la croissance est non seulement injuste et inacceptable moralement mais aussi totalement inopportun économiquement.

Or, depuis 1992, les salaires moyens versés dans notre pays ont diminué en valeur réelle. Les mesures envisagées par les autorités fédérales pour diminuer les revenus des fonctionnaires, celles prévues par la régie fédérale des CFF pour abaisser les salaires de ses employés et celles de non-indexation des rentes AVS ne sont pas de nature à améliorer la situation, c'est-à-dire l'état de la demande intérieure. L'évolution à la baisse des prestations aux chômeurs - pour qui l'on parle d'augmenter le délai de carence - va exactement dans le même sens.

Dès lors, il est légitime de se donner pour objectif de créer du pouvoir d'achat, afin d'encourager la demande intérieure actuellement stagnante et de relancer la conjoncture. Cette revendication vaut particulièrement pour les revenus modestes : c'est là que le niveau de revenu influence le plus directement la demande et c'est précisément aussi cette catégorie de revenu que l'on s'apprête à raboter...

Comme vous le savez, les dépenses de solidarité, c'est-à-dire les dépenses sociales, augmentent fortement dans nos comptes et budgets depuis quelques années. Elles résultent de la situation économique difficile et du grand nombre de chômeurs. Elles sont aussi le signe d'inégalités dans les revenus et les fortunes. A Genève, la moitié la plus riche des contribuables dispose de plus de 80% du revenu imposable total et la moitié la plus modeste de moins de 20%.

Les mesures envisagées par les autorités fédérales - les baisses de revenus et de salaires dans la fonction publique, la non-indexation des rentes AVS, l'augmentation du délai de carence pour les chômeuses et les chômeurs - risquent bien de se traduire par un transfert de charges au canton, dans la mesure où de plus en plus de familles monoparentales, de personnes seules, de salariés modestes, de chômeurs, recourront aux services sociaux et à l'aide financière de l'Etat de Genève.

La présente résolution a donc pour objectif de demander au Conseil d'Etat d'intervenir auprès des autorités fédérales pour éviter que ces transferts de charges aient lieu en les incitant à renoncer au type de mesures précitées.

Je vous remercie de faire un bon accueil à cette résolution.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

RÉSOLUTION

concernant les mesures d'économies envisagéespar les autorités fédérales

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- les récents propos du président de l'Union patronale suisse pour qui la baisse des salaires et le démantèlement social sont les seuls moyens de garantir la croissance;

- les mesures d'économies sur les revenus des fonctionnaires, la diminution des prestations aux chômeurs, la non-indexation des rentes AVS envisagées par les autorités fédérales ainsi que la baisse des salaires des employés des CFF annoncée par la direction de la régie;

- l'injustice de telles mesures et l'inquiétude qu'elles génèrent;

- l'opinion de nombreux économistes qui considèrent que les baisses généralisées des revenus et des salaires du personnel des entreprises publiques et les mesures de blocage des rentes AVS constituent des «freins conjoncturels» et sont économiquement inopportunes;

- le fait enfin que de telles mesures sont en réalité des transferts de charges aux cantons car de plus en plus de personnes âgées, de personnes sans emploi, de familles monoparentales, de chômeurs et de salariés modestes devront recourir aux services sociaux et à l'aide financière cantonale,

invite le Conseil d'Etat

à dire son opposition à ces transferts de charges et à entreprendre auprès des autorités fédérales toutes démarches nécessaires pour les empêcher.