République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7450
5. Projet de loi de Mmes et M. Micheline Calmy-Rey, Claire Torracinta-Pache et René Longet instituant un Conseil économique et social (J 4 4,5). ( )PL7450

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Buts

Il est institué un Conseil économique et social (ci-après conseil) ayant pour buts:

a)

d'assister, de manière indépendante, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique économique et sociale du canton;

b)

de donner des avis et des expertises et de formuler des propositions et recommandations sur toutes les questions relatives à la politique économique et sociale, dans une approche prospective et en tenant compte de la dimension régionale, nationale et européenne des problèmes abordés.

Art. 2

Coordination

Le conseil travaille en étroite collaboration avec les commissions, bureaux et autres instances consultatives institués par les lois et règlements et oeuvrant dans le domaine de la politique économique et sociale.

Art. 3

Fonction et saisine

1 Le conseil est une instance consultative.

2 Le conseil peut être saisi de tout objet en relation avec ses buts, soit par ses propres membres, soit par le Conseil d'Etat, soit par le Grand Conseil.

3 Le conseil peut fournir des expertises pour des tiers.

Art. 4

Composition

1 Le conseil est composé de 60 personnes, représentant les différents courants économiques, sociaux, culturels et écologiques du canton, dont:

a)

un tiers de représentants des syndicats, proposés par la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS);

b)

un tiers de représentants des milieux économiques et patronaux, proposés par l'Union des associations patronales genevoises (UAPG);

c)

un tiers de personnalités choisies par le Conseil d'Etat, hors de l'administration cantonale, de sensibilités différentes et représentant les milieux culturels, les associations sociales et les milieux de défense de l'environnement.

2 Le conseil peut s'adjoindre la compétence d'experts, résidant dans le canton ou non.

3 Le conseil est nommé par le Conseil d'Etat pour une période de 6 ans.

Art. 5

Réunions

1 Le conseil se réunit chaque fois que nécessaire, mais au minimum 4 fois par an.

2 Il adresse chaque année un rapport au Conseil d'Etat et au Grand Conseil.

Art. 6

Présidence et bureau

1 Le conseil élit en son sein un bureau de 12 membres (ci-après bureau).

2 Le bureau est composé selon le même principe de représentativité que le conseil.

3 Tous les 3 ans, le conseil élit en son sein un président.

4 La présidence est assurée à tour de rôle par un représentant des 3 composantes du conseil définies à l'article 3. En cas de vacance, le conseil élit un remplaçant issu de la même composante que ce dernier.

Art. 7

Bureau, compétences

1 Le bureau est chargé d'assurer la conduite des travaux du conseil. A ce titre, il fixe l'ordre du jour du conseil, assure la coordination prévue à l'article 2 et veille au bon fonctionnement des commissions et groupes d'étude.

2 Il désigne 2 vice-présidents issus des 2 autres composantes du conseil que celle représentée par le président.

3 Il nomme le secrétaire général.

4 Il établit son propre règlement de fonctionnement et celui des commissions ou groupes d'études du conseil.

5 Il prépare le budget et le présente au conseil.

Art. 8

Secrétaire général

Le conseil est assisté d'un secrétaire général permanent chargé d'assurer le suivi des activités du conseil et sa gestion.

Art. 9

Votes

1 Les avis du conseil sont adoptés à la majorité des suffrages exprimés et mentionnent les positions des minorités. Le conseil ne peut se prononcer que si plus de la moitié de ses membres en exercice sont présents.

2 Si le quorum n'est pas atteint, la séance est renvoyée à la quinzaine suivante.

3 Les décisions sont alors prises à la majorité des suffrages exprimés, quel que soit le nombre des membres présents.

4 En cas d'égalité des voix, le président du conseil tranche.

Art. 10

Indemnités

Les membres du conseil reçoivent des jetons de présence selon le barème fixé par le Conseil d'Etat pour les commissions techniques.

Art. 11

Publicité

1 Les séances du conseil sont publiques.

2 Les travaux du conseil font l'objet de communications publiques.

3 Le conseil informe régulièrement le Grand Conseil et le Conseil d'Etat des nouveaux objets dont il se saisit ou dont il est saisi.

Art. 12

Budget

1 Le conseil vote chaque année le budget nécessaire à son fonctionnement.

2 Le budget de fonctionnement du conseil est couvert par une subvention portée au budget général de l'Etat.

3 Le conseil dispose en outre de recettes propres sous forme des produits de mandats d'expertises effectués pour le compte de tiers, ou de ventes de publications. Ces recettes servent à financer des projets ponctuels hors budget de fonctionnement.

Art. 13

Comptes

1 Le conseil vote chaque année les comptes.

2 Les comptes du conseil sont soumis à l'examen du contrôle financier cantonal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Par un règlement daté du 22 juin 1994, le Conseil d'Etat a institué un Conseil économique et social ayant pour but de l'assister de manière indépendante dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique économique et sociale du canton, de donner des avis et de formuler des propositions et recommandations sur toutes les questions relatives à la politique économique et sociale, en tenant compte de la dimension régionale, nationale et européenne.

L'objectif explicite d'institutions comme le Conseil économique et social est d'organiser la participation des forces économiques et sociales à la vie politique, en d'autres termes, d'institutionnaliser le dialogue avec le pouvoir politique.

La création d'un Conseil économique et social ne se situe manifestement pas dans une logique d'affrontement avec les autorités. Ils fonctionnent partout où ils existent, et à Genève aussi, sur la base d'une double reconnaissance, celle de la suprématie des autorités élues et celle du rôle des acteurs économiques et sociaux. Ils sont conçus pour répondre à des tâches qui ne peuvent pas être assumées directement par les pouvoirs publics élus, de manière aussi approfondie, constante et sur une échelle de temps aussi longue. Le Conseil économique et social est d'abord un outil d'aide à la décision. Il n'y a pas transfert de compétences, mais systématisation du débat et proposition de mesures aux instances décisionnaires.

Voici maintenant plus d'un an que le Conseil économique et social fonctionne. Si l'on a pu comprendre dans un premier temps d'expérimentation qu'il soit créé sans base légale, sur une simple décision du Conseil d'Etat, cette situation ne saurait durer plus longtemps. Il convient en effet de donner une légitimité démocratique à ce conseil et une assise solide qui permette de bien cerner ses compétences. Ce sont les raisons du présent projet de loi.

Le projet qui vous est soumis reprend largement les dispositions du règlement qui institua le Conseil économique et social. Cependant et afin de favoriser l'efficacité de son fonctionnement et de mieux positionner son rôle en regard des institutions existantes, en particulier du Grand Conseil, quelques modifications y ont été apportées. Elles touchent notamment à la saisine, désormais possible par le Grand Conseil et obligatoire pour les lois ayant des conséquences dans les domaines économique et social, aux compétences, le conseil étant doté de la possibilité d'accepter des mandats d'expertises, de la publicité des séances et de l'obligation d'informer, de la représentativité des membres choisis par le Conseil d'Etat et de la couverture budgétaire.

Au bénéfice de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer ce projet de loi en commission.

Préconsultation

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Le Conseil économique et social est une instance consultative composée d'une soixantaine de personnes issues des milieux économiques, sociaux et culturels du canton. L'objectif explicite de ce Conseil est d'organiser la participation des forces économiques et sociales à la vie politique. Il est séparé des pouvoirs politiques élus. Son rôle est un rôle d'aide à la décision qui n'empiète pas sur celui des autorités politiques. Fonctionnant depuis deux ans, il ne tient sa légitimité ni de la constitution ni de la loi. Mais qu'il fonde son pouvoir uniquement sur le règlement n'est pas satisfaisant du point de vue démocratique. Peut-être a-t-on voulu ainsi le mettre à l'épreuve et évaluer la valeur de cette institution ?

Après deux ans de fonctionnement, il nous est permis de penser qu'il est temps de renforcer sa crédibilité et de lui donner une assise solide. Le projet qui vous est soumis reprend en grande partie les dispositions du règlement instituant le Conseil économique et social, mais avec certaines différences. Ainsi, il peut désormais obtenir des mandats d'expertise de tiers et les facturer. La représentativité des membres choisis par le Conseil d'Etat est mieux précisée, et le Grand Conseil peut le saisir. Son budget de fonctionnement est entièrement couvert par une subvention de l'Etat.

Je vous remercie de bien vouloir renvoyer ce projet en commission, pour étude.

M. Pierre Kunz (R). En juin 1994, le Conseil d'Etat a donné naissance au Conseil économique et social. Contrairement à certains de leurs collègues, les radicaux, qui représentent tout de même une force politique importante dans ce parlement... (L'orateur est le seul radical présent. Brouhaha et rires.) ...ne se sont sentis ni «doublés» ni frustrés !

Si ce Conseil était plus imaginatif, créatif ou utile à la collectivité que notre Grand Conseil, cela signifierait que sa composition, son organisation et son efficacité seraient meilleures que celles de ce parlement. Dans un tel cas, on peut lui faire confiance, ce parlement saurait réagir comme sous l'effet d'un aiguillon pour retrouver sa préséance ! Actuellement, ce scénario reste possible, mais après moins de deux ans d'existence, le CES n'a guère pu jouer ce rôle d'aiguillon !

Dire qu'il a déçu serait faux, car deux ans c'est court. Mais, à ce jour, force est de constater que le Conseil n'a pas été en mesure de faire des propositions originales, courageuses - voire iconoclastes - susceptibles d'engager notre canton dans la voie des réformes et du changement !

Le Conseil économique et social ne déçoit pas. Seulement, il n'a pas pu faire la preuve de son utilité et de son efficacité. Par conséquent, il est prématuré de lui accorder une existence légale... (Brouhaha.)

M. Jean-Claude Genecand. Y'sont où les radicaux ?

M. Pierre Kunz. J'ai déjà parlé de ce problème ! (Rires.)

...et de lui garantir l'éternité. La qualité principale de ce Grand Conseil n'est pas la réflexion stratégique ou la prospective ! Or cette capacité de réfléchir à l'avenir de Genève et de définir des stratégies cohérentes devrait être la qualité essentielle du CES. Laissons-lui le temps de démontrer qu'il peut apporter cette contribution indispensable et nous aider à forger l'avenir de ce canton. Nous lui accorderons alors son certificat de naissance légale.

Cela étant, les radicaux ne s'opposent pas au renvoi du projet de loi 7450 en commission. Ce sera l'occasion d'une analyse détaillée de son fonctionnement et de son efficacité !

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je tiens à rassurer mon collègue Kunz. Le fait, pour une institution telle que le CES, d'être inscrit dans une loi n'est heureusement pas le garant de son éternité !

L'exposé des motifs de ce projet de loi me crée quelques soucis. A vous lire - toujours avec beaucoup de plaisir ! - Madame Calmy-Rey, les compétences du Conseil économique et social touchent notamment la saisie désormais possible par le Grand Conseil. Et elle est obligatoire pour des lois ayant des conséquences dans les domaines économique et social. (Brouhaha.)

Mme Micheline Calmy-Rey. C'est un oubli, une erreur !

M. Bénédict Fontanet. Ah, c'est un oubli ? (Brouhaha.) Cela m'a causé quelques angoisses, mais je m'en expliquerai en aparté avec vous... (Rires.) ...si M. Ducommun le permet, et avec sa bénédiction !

Cela étant, je me demande également s'il est nécessaire de légiférer et d'instituer légalement le Conseil économique et social. La multiplicité des instances, des commissions, des conseils, finit par provoquer le rétrécissement des compétences de notre propre Conseil. Il ne serait pas souhaitable de prendre pour paroles d'Evangile... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Bénédict Fontanet. Monsieur le président, c'est de ma faute ! Je ne suis pas intéressant, et, par conséquent, je ne mérite pas le silence ! (Brouhaha.)

Une voix. Non, ça c'est pas vrai !

M. Bénédict Fontanet. Les choses sont ainsi ! Le Gamay primeur n'est plus ce qu'il était : il perturbe à tel point les députés qu'ils ne sont plus capables d'écouter !

M. Max Schneider. Qu'est-ce que vous lui avez donné à boire ?

M. Bénédict Fontanet. Pour en revenir aux choses sérieuses, le Conseil économique et social, comme d'autres instances... (Brouhaha et rires.) Bien, comme mon collègue Dupraz a décidé de me perturber avec de l'eau bénite, et comme nous allons discuter du «Courrier» tout à l'heure - puisqu'en fin de compte il y a un renversement de majorité - je vais conclure. A votre grand dam, Monsieur le président, nous finirons tous par trouver les voies impénétrables du Seigneur !

Pour en revenir au Conseil économique et social, la multiplication de ce type d'instances procède d'un rétrécissement des compétences de notre parlement... (Rires.)

Le président. Bon, ça suffit comme ça ! (Rires et applaudissements.)

M. Bénédict Fontanet. Bien, Monsieur le président, vous avez décidé que je me tairai, je le ferai, et vive la République !

M. Bernard Clerc (AdG). (Rires. Des chansons sont entonnées.)

Le président. Monsieur le député, soyez aussi raisonnable que votre collègue !

Une voix. Allez !

M. Bernard Clerc. Notre groupe est très réservé face à ce projet de loi. Il faut rappeler que le Conseil économique et social a été créé dans un contexte politique particulier : la droite de ce parlement a monopolisé le pouvoir exécutif. (Brouhaha.) Elle avait besoin de se donner une caution plus large.

Or nous pensons que l'adhésion populaire à un gouvernement ne peut se réaliser qu'au travers de propositions auxquelles la population est susceptible d'adhérer, et non au travers de commissions et de conseils.

Le Conseil économique et social a été créé par voie réglementaire voilà deux ans. A cette époque, notre Grand Conseil n'ayant pas connaissance des mandats donnés par le Conseil d'Etat, l'étude sur les emplois de proximité et les discussions en commissions, par exemple, ont été menées parallèlement !

De manière plus générale, il convient de laisser fonctionner le Conseil économique et social jusqu'à la fin de cette législature. Il sera alors temps de procéder à un véritable bilan et d'en tirer les conclusions. Et, une fois n'est pas coutume, je rejoins sur ce point l'avis de M. Kunz. En revanche, nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.