République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6957-A
a) Projet de loi de Mme et MM. Fabienne Bugnon, Jacques-André Schneider et Robert Cramer modifiant le code de procédure pénale (E 3 5). ( -) PL6957
Mémorial 1993: Projet, 2424. Commission, 2435.
Rapport de M. Pierre-François Unger (DC), commission judiciaire
PL 7439-1
b) Projet de loi de la commission judiciaire le projet de loi de la commission judiciaire modifiant la loi sur la police (F 1 1). ( -)PL7439
Rapport de M. Pierre-François Unger (DC), commission judiciaire

8. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :

La commission judiciaire a eu l'honneur et le privilège de se pencher sur le projet de loi 6957 modifiant le code de procédure pénale (CPP) dans ses séances des 9 juin, 30 juin, 1er septembre, 22 septembre, 29 septembre, 13 octobre 1994 puis des 9 mars, 11 mai, 15 juin, 29 juin, 31 août, 5 octobre, 21 décembre 1995 et 7 mars 1996 sous les présidences successives de M. B. Fontanet, Mme M. Roth-Bernasconi et M. B. Lescaze.

M. M. G. Ramseyer, chef du département de justice et police et des transports (DJPT), a suivi les travaux de la commission chaque fois que ses activités le lui ont permis. La commission a également bénéficié de la présence continue de M. R. Riat, secrétaire adjoint au DJPT avant d'être, comme jeune retraité, en charge du suivi du dossier, et de la présence occasionnelle de M. B. Duport, de M. B. Gut, tous deux secrétaires adjoints. M. L. Walpen, chef de la police, a assisté chaque fois que cela était nécessaire à nos travaux, accompagné à une reprise par M. R. Rebord, chef d'état-major de la police.

Le projet de loi 6957 a été déposé en avril 1993 par Mme F. Bugnon et MM. J.-A. Schneider et R. Cramer. Il poursuit essentiellement deux objectifs: en autorisant toute personne entendue par la police à être assistée d'un avocat, il s'agit, d'une part, de prévenir d'éventuelles brutalités policières, et, d'autre part, d'élargir les droits de la défense.

Auditions

Audition de l'Ordre des avocats (ODA)

Représenté par le bâtonnier Me P. Maurer, Me P. de Preux et Me B. Chappuis, l'ODA reprécise la place de la modification proposée par les auteurs du projet de loi dans le code de procédure pénale (CPP): l'article 107 réglemente l'action de la police judiciaire dans le domaine des recherches et constatations dans le cadre des infractions et de la recherche de leurs auteurs.

L'ODA est résolument favorable aux principes qui guident le projet, non seulement pour prévenir d'éventuelles brutalités policières, mais surtout afin d'offrir aux justiciables des garanties de procédure conformes aux exigences d'un Etat de droit moderne. L'ODA pense en outre que le travail des juges d'instruction, qui revêt souvent un caractère purement formel, pourrait être soulagé si la phase d'enquête policière voyait sa force probante accrue par d'efficaces garanties de régularité.

En revanche, l'ODA souligne que la notion de «toute personne entendue par la police» est trop large, que le «droit d'être assisté» est mal défini, que la prévention du risque de collusion est insuffisante, que l'organisation d'une permanence d'avocats dans les locaux de la police est irréalisable, et que l'assistance gratuite systématique ne se justifie pas.

L'ODA fournit en outre à la commission judiciaire des documents intéressants concernant le droit à l'assistance d'un avocat lors des interrogatoires de police, non seulement dans les pays anglo-saxons, mais également en France ou en Espagne.

Audition de l'Association des juristes progressistes

Les juristes progressistes estiment que la présence d'un avocat pendant l'interrogatoire par la police est conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme (CDEH), au droit européen, à la garantie de la liberté personnelle et que le fait de pouvoir s'entretenir librement avec lui est exigé par la notion plus générale de procès équitable. La présence d'un avocat offrirait la garantie, pour la personne interrogée, de connaître ses droits. Les juristes progressistes insistent sur le fait que la police doit être partie prenante de ce projet pour éviter la dérive d'interrogatoires parallèles.

Ce projet de loi est plus important dans sa finalité d'augmentation des droits de la défense que pour la prévention de violences policières. De plus, la présence précoce d'un avocat est susceptible de faciliter de manière importante le travail ultérieur du juge d'instruction et, par là même, de raccourcir la durée de la détention préventive.

Les juristes progressistes sont évidemment partie prenante dans l'organisation d'une permanence, conjointement avec l'ODA.

Audition de M. B. Bertossa, procureur général

S'agissant de la prévention d'éventuelles violences policières, M. Bertossa tient à préciser quelques chiffres: en 1993, 30 plaintes pour violences policières, ne concernant par ailleurs pas que des interrogatoires, ont été déposées. Ce chiffre est à mettre en relation avec les 80 000 interventions annuelles de la police.

M. Bertossa relève également l'impossibilité d'appliquer le projet de loi à toutes les personnes entendues par la police. Au plus pourrait-on l'appliquer aux personnes suspectes d'une infraction. Sa proposition serait d'ailleurs, comme le droit genevois ignore la notion de personne «soupçonnée», de limiter le droit d'être assisté d'un avocat aux personnes visées par un mandat d'amener.

M. Bertossa replace enfin la procédure pénale dans son subtil et difficile équilibre entre l'intérêt public et les intérêts privés. Ce projet de loi, à ses yeux, risque de rompre cet équilibre précaire.

Audition de M. P. Marquis, président du Collège des juges d'instruction

M. Marquis rappelle que toute personne se trouve dans les locaux de la police librement. Ce n'est que sur la base d'un mandat d'amener que la personne peut être retenue contre son gré et ce, pour une durée de 24 heures au maximum, à l'issue desquelles un juge d'instruction dispose de 24 heures supplémentaires pour la relaxer, l'inculper ou la placer sous mandat d'arrêt.

M. Marquis, comme la plupart des autres personnes entendues, signale l'impossibilité de faire assister «toute personne» entendue. La notion d'assistance, simple présence ou au contraire consultation du dossier et participation active à l'interrogatoire, doit être précisée.

M. Marquis confirme le faible nombre de plaintes pour mauvais traitements, et signale des cas où ces soi-disant violences auraient été inventées de toutes pièces.

Le CPP genevois garantit les droits de la défense bien au-delà des exigences de la CDEH. M. Marquis explique que, dans le système français ou les autres systèmes européens qui lui sont proches, la police a le pouvoir de limiter, voire de suspendre l'intervention de l'avocat si elle peut nuire à l'enquête.

En cas d'adoption du projet de loi, le seul conseil utile que pourrait donner un avocat à son client, vu sa méconnaissance du dossier, serait de se taire, ce qui aurait pour résultat de reporter sur les juges d'instruction, qui ne sont que 15, les auditions actuellement réalisées par la police. En un mot, en l'état actuel des choses, ce projet de loi fait l'unanimité contre lui chez les juges d'instruction.

Audition du professeur T. Harding, directeur de l'institut universitaire de médecine légale (IUML)

M. Harding fait part de la recherche, depuis 10 ans, de solutions aux violences policières mais aussi et surtout aux violences à la prison. M.  Harding a constaté qu'il y a plus de violences policières pendant l'interpellation que pendant l'interrogatoire. Selon M. Harding, les constats et certificats médicaux sont efficaces pour répondre à la problématique des allégations de violences policières.

M. Harding fait part de la compréhension de M. L. Walpen, chef de la police, auquel il adresse, pour autant que le prévenu donne son accord, les rapports médicaux établis en cas d'allégations de violences policières.

Audition de M. P. Reymond, aumônier protestant, et de M. A. Fol, aumônier catholique

M. Reymond estime que la plupart des cas de violences policières dont il a eu connaissance sont liés à la petite délinquance et aux personnes en infraction à la loi sur les stupéfiants. Il a eu l'occasion de parler de ce problème aux chefs successifs du département, au procureur général et à M. Walpen. Ceux-ci seraient rentrés en matière sur des cas concrets, mais l'astreinte au secret professionnel de M. Reymond l'a empêché de donner le nom des plaignants. M. Reymond estime que les aumôniers ne sont pas assez entendus par l'autorité.

M. Fol relate quelques cas concrets dont il a eu connaissance. Il se déclare sans ambiguïté en faveur du projet de loi.

Les deux aumôniers remarquent la disparition des plaintes concernant les violences à la prison, alors que celles concernant les violences policières persistent, même si elles ne sont pas quantifiables.

Audition de M. L. Walpen, chef de la police

M. Walpen se dit préoccupé par le problème des violences policières, quand bien même le problème est quantitativement limité. La phase de police amène à gérer une situation de crise chez le prévenu, par du personnel en sous-effectifs et très surchargé. Néanmoins, il y a des plaintes fondées et M. Walpen, avec le courage qu'on lui connaît, les assume.

Depuis 1990, des mesures ont été prises: sensibilisation aux droits de l'homme, gestion du stress, relations interethniques, obligation de mentionner dans le rapport de police l'éventuel usage de la force, disponibilité d'un médecin de l'IUML, désignation d'un enquêteur neutre en cas de plainte, visites improvisées par la commission des visiteurs de prison dans les locaux de la police, registre des allégations de violence, affichage des directives concernant la détention dans les locaux de la police. M. Walpen se montre favorable à l'introduction, dans la loi sur la police, de ces directives.

M. Walpen évoque encore d'autres possibilités: systèmes vidéo dans les salles d'audition, mais surtout visite médicale d'entrée. Un commissaire de déontologie policière, indépendant de la police, pourrait être nommé, comme c'est le cas au Canada.

S'agissant de l'augmentation des droits de la défense par la présence d'un avocat dans les locaux de la police, il nécessiterait de transformer radicalement notre procédure, en élargissant également les droits de la police (écoutes ou perquisitions par exemple) pour que les moyens des uns et des autres ne soient pas par trop inégaux.

Audition de Mme C. Barblan, représentante de la section genevoisede la Ligue suisse des droits de l'homme

La ligue agit à la demande d'un détenu, lui rend visite puis se met en rapport avec son avocat et, si besoin est, avec le service médical. Depuis quelque temps, la ligue transmet à M. Walpen les cas dont elle a connaissance, dans une atmosphère de confiance réciproque. Quatre cas ont été signalés ces dernières années.

Audition du professeur D. Poncet

Le professeur Poncet rappelle les droits garantis par la CDEH: parmi eux, la présomption d'innocence, le droit de se taire qui en découle, le droit à la notification des charges. En revanche, la CDEH ne prévoit pas le droit de communiquer avec un avocat à la phase de police, ce droit étant réservé aux accusés ou détenus. Or, la phase de police n'est pas une détention au sens de la CDEH.

M. Poncet ironise sur la fiction selon laquelle un individu convoqué à la police s'y rend spontanément et y reste de son plein gré ! La réalité est qu'en cas de refus, la police établit un mandat d'amener.

M. Poncet considère favorablement l'introduction d'une visite médicale d'entrée.

Travaux de la commission

Comme nous l'avons vu, le projet de loi 6957 poursuit deux objectifs: il s'agit, d'une part, de prévenir d'éventuelles violences policières et, d'autre part, d'élargir les droits de la défense. Le premier objectif a d'emblée rencontré l'adhésion des membres de la commission, qui désiraient aussi trouver une solution pour protéger la police contre d'éventuelles allégations mensongères. Le second posait d'énormes problèmes de mise en pratique. Néanmoins, dans le souci de trouver des solutions à ces deux délicats problèmes, la commission unanime a voté l'entrée en matière en date du 29 septembre 1994.

A la suite de cette entrée en matière, et à la lumière des auditions réalisées, la commission s'est mise d'accord sur un certain nombre de principes qui devaient permettre de répondre le plus exactement possible aux préoccupations des auteurs du projet de loi, mais sans pouvoir leur donner totale satisfaction dans le domaine de l'élargissement des droits de la défense. En effet, dans notre système inquisitoire, très différent du système accusatoire en vigueur dans les pays anglo-saxons, le projet de loi tel que présenté aurait sans aucun doute mis en péril l'ensemble de l'équilibre de notre actuelle procédure pénale. Il n'était pas question que toute personne entendue par la police (environ 200 000 par an) puisse être assistée d'un avocat, et la phase de police très courte à Genève (24 heures au plus) risquait d'être rendue totalement inutile par la présence d'un avocat conseillant à son client de se taire, déplaçant ainsi sur l'instruction la tâche de l'enquête préliminaire, avec pour conséquence de paralyser tout le système. De plus, et contrairement à ce qui prévaut dans les pays anglo-saxons, les moyens de la police sont limités, par exemple en matière d'écoutes ou de perquisitions. Un élargissement unilatéral des droits de la défense romprait l'équilibre actuel entre ces droits et les moyens à disposition de la police.

Une éventuelle révision plus large du CPP a bien sûr été évoquée, mais le réalisme le plus élémentaire montrait qu'il ne s'agissait pas d'un travail possible en commission. En outre, les députés ont été informés de l'existence de plusieurs groupes de travail étudiant, sur proposition du département, une révision plus large du CPP, et qui devraient rendre des conclusions ou tout au moins des propositions dans les mois ou années à venir.

Dans l'attente d'une révision plus complète, les principes sur lesquels la commission s'est rapidement mise d'accord ont été les suivants:

1. Intégration des directives sur la détention dans les locaux de la police dans la loi (unanimité); il s'agissait là de renforcer l'effet de ces directives en les inscrivant dans la loi et en les complétant.

2. Visite médicale d'entrée systématique, sauf refus de l'intéressé (unanimité); cette visite doit être systématique, sauf refus de l'intéressé, si on veut également qu'elle puisse protéger la police d'éventuelles allégations mensongères. La commission est bien consciente que si une visite médicale ne remplace évidemment pas la présence d'un avocat, elle permet néanmoins de viser plusieurs objectifs: attester des conditions physiques et psychologiques de la personne retenue; attester de la compatibilité de l'état de santé de la personne retenue avec sa détention et prévoir les mesures thérapeutiques adéquates si la personne retenue souffre d'une affection nécessitant un traitement suivi; prévenir d'éventuelles violences exercées pendant cette période critique; enfin, permettre à la police de démontrer l'absence de violence en cas d'allégations mensongères. Une visite médicale est en outre l'occasion d'un premier contact entre un individu souvent «à risques» (petits délinquants toxicomanes ou alcooliques) et le réseau socio-sanitaire. A ce titre, cette visite s'inscrit dans le souci constant des autorités genevoises de faciliter les possibilités de rencontre entre des individus souvent en marge de la société et le réseau médico-social. Il est en revanche clair qu'un examen médical n'est pas une garantie absolue contre toute forme de brimade; elle représente cependant un acte solennel en mesure de dissuader efficacement bon nombre de pressions inadéquates.

3. Visite médicale de sortie facultative à l'issue de la phase de police (unanimité); facultative dans la mesure où la très grande majorité des personnes retenues ne se plaignent pas de mauvais traitements.

4. Remise à la personne appréhendée d'un formulaire en plusieurs langues spécifiant ses droits (unanimité); il s'agit là de fournir à la personne retenue la liste des droits dont elle peut bénéficier durant la phase de police, et ce dans une langue comprise par elle.

5. Prévoir un ombudsman chargé de mener les enquêtes en cas de plaintes ou de constats pour mauvais traitements, et de proposer des sanctions au DJPT (unanimité moins 1 abstention); cette fonction existe déjà, mais son rôle pourrait être renforcé ou dynamisé.

6. Droit pour une personne mise en cause d'appeler ou de faire prévenir ses proches, sauf risque de collusion (unanimité); en l'absence de risque de collusion, la possibilité de prévenir quelqu'un évite aux proches de subir l'angoisse d'une «disparition».

7. Accorder au prévenu, immédiatement à l'issue de la phase de police, la faculté d'avertir son avocat ou de s'en faire désigner un d'office pour pouvoir conférer librement avec lui (unanimité moins 2 abstentions); si le CPP actuel limite la phase de police à 24 heures, à l'issue desquelles le prévenu doit être présenté au juge, la réalité montre que ce délai peut être beaucoup plus long. Un premier contact avec un avocat qui pourrait ne serait-ce qu'expliquer la suite des événements et offrir un premier conseil est souhaitable.

C'est sur la base de ces principes que la commission a demandé au département de proposer une rédaction d'un nouveau projet de loi.

Cette nouvelle proposition a pu être étudiée dès mars 1995. Introduisant des modifications tant dans la loi sur la police que dans le CPP, elle respectait un certain nombre des principes admis par la commission.

En revanche, elle faisait fi de deux des plus importants principes exigés par la commission:

1. Seule une personne entendue par la police en vertu d'un mandat d'amener était mise au bénéfice d'un certain nombre de droits dont le principe avait été admis par la commission. Il s'agissait là d'une proposition minimaliste qui ne respectait pas les désirs émis par les commissaires unanimes.

2. La proposition du département ne tenait pas compte non plus du désir de la commission d'autoriser une personne placée sous mandat d'amener de rencontrer un avocat dans le délai parfois très long (jusqu'à 48 heures) séparant la fin de la phase d'enquête policière du début de la phase d'instruction.

Il a donc fallu «forcer le passage» et proposer de nouvelles solutions qui répondent aux aspirations des commissaires sans déclencher l'écroulement du château de cartes savant que représente notre actuel CPP. Mais la tâche était malaisée. De nombreuses tentatives de reformulation du projet ont amené, en commission, à des situations cocasses dans lesquelles, par exemple, une personne entendue par la police aurait dû, après quelques heures d'interrogatoire, être informée des droits dont elle pouvait faire état avant le début de celui-ci...

Une solution s'est finalement imposée à l'ensemble des commissaires: dans la mesure où la police devait préciser à une personne, et ce dès le début de son audition, si elle était entendue à titre de renseignement (elle était alors informée des droits qui y sont associés), ou au titre d'auteur présumé d'une infraction (devant dans ce cas bénéficier des droits dérivant des principes admis par la commission), il était possible de trouver une formulation permettant de respecter les voeux des commissaires.

La loi sur la police comportera désormais les actuelles directives de police, leur conférant une force plus affirmée: fouille prévenante, tenue d'un registre des violons, normes d'équipement des cellules, auditions dans des lieux aménagés à cet effet, obligation de consigner tout incidence lors d'un interrogatoire, procédure en cas d'allégation de mauvais traitements; par ailleurs, une renumérotation de cette loi a également été entreprise pour la rendre plus lisible.

Le CPP, quant à lui, comportera désormais des dispositions améliorant notablement les droits des prévenus (dont le droit de conférer librement avec un avocat dès la fin de la phase de police), et de dispositions (introduction d'une visite médicale avant tout interrogatoire d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction) destinées tant à amenuiser le risque de violences policières durant les interrogatoires qu'à protéger la police d'éventuelles allégations mensongères de violence.

Le projet de loi 6957 aura ainsi été remanié de manière importante, mais la commission estime que ses objectifs essentiels sont atteints sans compromettre l'équilibre général de notre code de procédure pénale.

Il faut relever que les auteurs du projet de loi 6957 auront su faire preuve de souplesse en acceptant des propositions n'allant pas aussi loin qu'ils ne l'auraient initialement souhaité, s'agissant de l'élargissement des droits de la défense; mais ils ont aussi réalisé la nécessité de ne pas mettre en péril notre actuel CPP. De plus, il ne fait nul doute que la réelle volonté de l'ensemble de la commission de trouver des solutions apportant des améliorations significatives, mais qui soient acceptables pour l'ensemble des partenaires, aura su créer, en cette occasion, une atmosphère propice à la recherche d'un bon compromis.

Enfin, il ne serait pas correct de ne pas mentionner que ces modifications auront évidemment un coût: prévoir une permanence assurée par les avocats, élargir les possibilités pour ces avocats de se rendre à la prison (y aura-t-il besoin de gardiens supplémentaires?), réaliser entre 4 500 et 5 000 visites médicales, tout cela coûtera de l'argent. On peut imaginer que le coût total de l'opération avoisine 1,5 million de francs par année. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs fait part à la commission de sa préoccupation budgétaire à ce propos. Mais la démocratie a un prix, l'Etat de droit aussi.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement les modifications qui vous sont proposées à l'unanimité de la commission judiciaire.

Commentaire article par article

1. Loi sur la police (F 1 1)

L'introduction des modifications justifie une nouvelle numérotation.

Article 20, alinéa 3: la première version de cet alinéa prévoyait de reprendre les actuelles directives de la police précisant que la fouille s'effectue en deux temps. Cette formulation peu claire est remplacée par la notion d'une «fouille adaptée aux circonstances et aussi prévenante et décente que possible».

Article 21 (nouveau): il s'agit d'intégrer dans la loi un arrêt du Tribunal fédéral jugeant qu'à défaut d'une base légale expresse, la police pouvait se fonder sur la clause générale de police pour retenir des personnes ivres ou droguées. La commission a jugé opportun d'introduire cette notion dans la loi, tout en précisant la nécessité d'un examen médical lorsque la personne en cause représente un danger pour elle-même ou pour autrui (7 oui, 2 non (L) et 3 abstentions (L et R)).

Chapitre V: rétention policière (nouveau): le terme de rétention a été préféré à celui de détention, qui évoque par trop le mandat d'arrêt (unanimité moins une abstention (R)).

Article 23 (nouveau): pas de commentaire.

Article 24 (nouveau): pas de commentaire.

Article 25 (nouveau): pas de commentaire.

Article 37, alinéa 2: le terme d'enquête administrative remplace le terme d'enquête préalable, par souci de cohérence avec la terminologie retenue dans l'article 38 (nouveau).

Article 38 (nouveau): cet article prévoit la procédure en cas d'allégations de mauvais traitements. Deux amendements ont été rejetés: l'un (Mme Reusse-Decrey) proposait que ces procédures soient assurées par deux puis trois personnes, l'autre (Mme Bugnon), que la personne responsable de cette procédure soit proposée par le Conseil d'Etat et ratifiée par le Grand Conseil. Ces deux amendements ont été rejetés, l'article proposé étant finalement accepté par 6 oui (L, R, DC) contre 5 abstentions (AdG, Ve, S).

Le projet de loi modifiant la loi sur la police est adopté à l'unanimité.

2. Code de procédure pénale (E 3 5)

Article 37, alinéa 2 (nouveau): introduit une précision concernant l'heure et la date de la signification d'un mandat.

Article 107: il s'agit là d'introduire la distinction entre l'audition de l'auteur présumé d'une infraction et les autres personnes qui seront, elles, entendues à titre de renseignement. Cette distinction est essentielle: 200 000 personnes environ sont entendus chaque année par la police, alors que seules 4 000 à 5 000 d'entre elles sont arrêtées. Or, ce sont pour ces dernières que la commission entend introduire les droits détaillés à l'article 107 A, alinéa 3.

Article 107 A: alinéa 1: reprend l'ancienne tenue de l'alinéa 3 de l'article 107, s'agissant de l'obligation de se soumettre aux mesures nécessaires au contrôle de son identité; fait également acte de l'obligation pour la police d'informer la personne entendue du fait qu'elle est entendue à titre de renseignements ou d'auteur présumé de l'infraction.

 alinéa 2: fait état des droits d'une personne entendue à titre de renseignement.

 alinéa 3: fait état des droits d'une personne entendue comme auteur présumé d'une infraction.

Lettre a: sans commentaire.

Lettre b: introduction d'une visite médicale systématique, sauf refus de l'intéressé, avant l'interrogatoire et d'une visite facultative à la sortie.

Lettre c: introduction du droit à prendre connaissance des charges dirigées contre elle et des faits reprochés.

Lettre d: formulation neutre du droit de se taire, afin de ne pas encourager les gens à entraver la tâche de la police qui ne dispose à Genève que de 24 heures au maximum. Cette formulation est acceptée par 6 voix (L, R, DC) contre 4 (AdG, Ve, S).

Lettres e et f: droit pour la personne d'informer un certain nombre de personnes proches de sa détention, y compris son avocat et, le cas échéant, son consulat si elle est étrangère. Le risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête est réservé.

Lettre g: introduction de la possibilité d'obtenir la visite d'un avocat dès la fin de la phase de police. De longues discussions ont eu lieu dans la commission pour savoir s'il n'y avait pas de contradiction avec l'article 138 CPP. En réalité, il s'agit de choses différentes: la visite de l'avocat prévue dans l'article 107 A, alinéa 3, lettre g, n'implique pas l'accès au dossier; elle représente un premier contact entre la personne privée de liberté et son conseil axé sur une première information sur le déroulement ultérieur de l'affaire et à but de réconfort dans la phase initiale d'une privation de liberté. L'article 138 implique, lui, un accès de l'avocat au dossier. Le risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête est réservé.

Lettre h: possibilité de se faire désigner un avocat d'office et de pouvoir recourir à l'assistance juridique aux conditions prévues par la loi. La commission n'entend pas déroger à ces conditions pour cette visite initiale.

 alinéa 4: pas de commentaire.

Article 107 A actuel devient article 107 B: pas de commentaire.

Article 110 A (nouveau): cet article concrétise les visites médicales systématiques pour les auteurs présumés d'une infraction, au nombre de 4 000 à 5 000 par an à Genève. Celles-ci sont destinées à protéger, par un constat médical systématique avant l'interrogatoire et un constat facultatif après celui-ci, les personnes interrogées d'éventuelles violence subies pendant celui-ci. Seules des visites systématiques sont en mesure d'apporter à la police une protection valable contre des allégations mensongères de violences policières.

Article 111 A (nouveau): cet article règle les modalités de l'information à des tiers par une personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction. Si la police refuse d'accorder ce droit, mention doit en être faite dans le rapport de police. Ce refus doit être motivé.

Article 114 A, alinéa 1 (nouvelle teneur) et 114 B, alinéa 2 (nouvelle teneur): modifications purement formelles liées à la nouvelle numérotation de la loi sur la police F 1 1.

La modification du CPP E 3 5 est acceptée à l'unanimité de la commission.

Premier débat

M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Pour faire la synthèse de ces deux années de travaux en commission, je vous dirai que le projet initial, déposé par les Verts voici trois ans, poursuivait deux objectifs. D'une part, la diminution des violences policières, et, d'autre part, l'augmentation des droits de la défense.

Après une entrée en matière qui a fait l'unanimité, compte tenu de l'importance des problèmes soulevés, la commission a considéré que le premier objectif, soit la diminution des violences policières, en comptait deux en réalité.

La commission judiciaire y tient tout particulièrement, parce qu'il s'agissait non seulement de diminuer les violences policières - vous avez vu que le rapport ne compte qu'une vingtaine de plaintes qui ne sont pas forcément toutes des violences en rapport avec les quatre mille interventions policières - mais également de ne pas laisser planer autour de la police un certain nombre d'allégations mensongères de violence qui nuisent très gravement à son image.

Le second objectif, celui d'augmenter les droits de la défense, était sans doute louable. Mais la commission s'est rapidement aperçue qu'il ferait naître une asymétrie tout à fait nette entre la défense et les moyens de la police qui, comme vous le savez, sont limités, non seulement en termes de moyens : perquisitions, écoutes téléphoniques, par exemple, mais également en termes de temps, puisque la police genevoise dispose de vingt-quatre heures pour faire cette instruction préliminaire, et que nous pensions que ce deuxième objectif menaçait d'une rupture l'équilibre de notre actuel code de procédure pénal.

C'est la raison pour laquelle, après deux ans de travaux relativement difficiles, mais passionnants, le projet de loi actuel préserve l'esprit du projet de loi initial, tout en essayant de maintenir l'équilibre du code de procédure pénal.

Ce projet de loi comprend l'intégration des directives de la police qui existaient déjà dans la loi sur la police, pour leur conférer une force plus grande, et augmente le droit des prévenus dans la limite du possible, par exemple, en autorisant la visite d'un avocat lorsqu'un prévenu est incarcéré le jeudi soir, alors qu'auparavant il ne voyait pas de juge avant le lundi matin. Il pourra donc recevoir la visite de son conseil - sans qu'il ait accès au dossier - pendant le week-end, pour savoir à quoi s'en tenir.

Enfin, ces dispositions sont destinées à diminuer aussi bien les violences policières que les risques d'allégations mensongères quant à ces violences. Elles comportent notamment l'introduction d'une visite médicale systématique, parce que c'est probablement le seul moyen de prévenir réellement les allégations mensongères.

Le travail en commission - comme j'ai eu l'occasion de le dire - a été extrêmement difficile, mais passionnant. Il débouche sur un projet de loi, il est vrai, beaucoup plus complexe que la proposition initiale, mais qui a fait l'unanimité en commission.

Evidemment, il reste le problème du financement que l'on ne peut pas totalement ignorer. Plusieurs pistes ont été discutées en commission; aucune n'a vraiment été retenue. Le budget définitif est difficile à établir. On est parti d'un seuil minimal de 500 000 F, mais il est plus réaliste de penser à une somme d'environ 1 à 1,5 million. Et, j'imagine que, parmi les divers scénarios évoqués en commission, le Conseil d'Etat fera son choix en fonction de ses priorités. C'est la raison pour laquelle je vous propose de voter ce projet de loi avec la même unanimité que celle que nous avions obtenue en commission.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). L'aboutissement de ce projet de loi, après environ trois ans de travaux en commission, est une réelle satisfaction pour ses auteurs. Je tiens à remercier très sincèrement les membres de la commission judiciaire, actuels ou anciens, pour la qualité des travaux et pour l'attention très soutenue qu'ils ont accepté de donner à notre proposition. Mes remerciements vont également à M. Unger, le rapporteur, qui, par ses propositions constantes, a contribué à faire aboutir ce dossier.

Ce projet de loi ne ressemble plus beaucoup au projet initial, loin s'en faut, mais les motivations du projet initial trouvent leur concrétisation dans le projet proposé par la commission judiciaire. Comme le disait récemment une journaliste, ce n'est pas un projet édulcoré qui sort des travaux de la commission judiciaire, mais un projet ambitieux et réaliste.

Lorsque nous avions déposé ce projet avec mes deux collègues, Robert Cramer et Jacques-André Schneider, nous étions motivés par le rapport fait à l'intention du Conseil fédéral par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines aux traitements inhumains et dégradants.

Ce comité a été constitué pour surveiller la mise en oeuvre de la convention portant le même nom. Cette convention trouve son origine dans notre canton, puisqu'elle est l'oeuvre d'un banquier genevois, M. Gautier, aujourd'hui décédé.

En ratifiant cette convention, notre pays acceptait de se soumettre à des conditions assez strictes, notamment en matière de contrôle des établissements de détention. Le hasard, puisqu'il s'est agi d'un tirage au sort, a voulu que notre pays soit parmi les premiers à recevoir la visite d'un groupe d'experts.

A l'issue de la visite, les conclusions et les recommandations de ce groupe d'experts ont été les suivantes : les experts ont préconisé que les personnes arrêtées puissent prévenir leurs proches, dès leur arrestation, et bénéficier de l'assistance gratuite d'un avocat et de l'assistance d'un médecin de leur choix, dès leur interrogatoire à la police, et, enfin, que le contenu des dépositions soit enregistré sur bande magnétique.

C'est en nous fondant sur ce rapport que nous avions décidé, à l'époque, de déposer ce projet de loi, parce que les recommandations exigées à la Confédération impliquaient des modifications cantonales et, donc, une adaptation de notre code de procédure pénal.

Le fait que la convention ait son origine dans notre canton nous incitait à adopter une position de leader applicable ensuite dans les autres cantons. Cela était la raison fondamentale. Le fait que nous ayons axé davantage notre projet sur la défense que sur l'assistance médicale était une manière de reconnaître officiellement que, de plus en plus, l'instruction d'une affaire commence déjà au niveau de l'enquête de police, et que, dès lors que les avocats sont présents chez le juge d'instruction, nous pensions que nous gagnerions en temps et en efficacité s'ils étaient présents dès le début de la procédure, c'est-à-dire au poste de police. C'était également donner plus de poids aux déclarations faites à la police.

Enfin, ce projet de loi avait pour but de prévenir un certain nombre d'allégations de violences policières au stade de l'interrogatoire de police dont la presse s'était faite l'écho. Les longs travaux de la commission judiciaire ont démontré d'abord une volonté d'entrer en matière sur ce projet de loi qui mettait en lumière un problème ressenti par chacun.

Le problème majeur était la gratuité de l'assistance d'un avocat. Elle a été très vite refusée au bénéfice de l'assistance juridique pour tous ceux qui ne peuvent assumer les frais inhérents à cette prestation. Ensuite, la présence d'avocats dans les locaux de la police a été très mal ressentie par la police qui y voyait une entrave à son travail.

Enfin, une application stricte du projet de loi aurait remis en cause tout le système inquisitoire que nous connaissons. Je n'y reviendrai pas, M. Unger l'ayant fort bien transcrit dans son rapport.

Le dernier écueil, enfin, est la notion de personne entendue qui a donné lieu à toutes sortes d'interprétation, mais, manifestement, cette notion était trop imprécise pour être applicable. La commission a émis la volonté d'entrer en matière également sur l'assistance médicale, telle que recommandée par le groupe d'experts. Cette volonté se concrétise par la mise en place d'un service médical qui interviendrait avant l'interrogatoire, sauf refus de la personne, et qui pourrait intervenir à nouveau, mais cette fois de manière facultative et sur demande soit de l'intéressé soit de la police, à l'issue de l'interrogatoire.

Cette mesure a plusieurs avantages. D'abord, elle permettrait de prouver ou de rejeter toute déclaration postérieure concernant d'éventuels mauvais traitements. A cet égard, il s'agit d'une protection de la personne interrogée, mais, également, de la police qui doit faire face parfois à des allégations de mauvais traitements, excessives ou mensongères. Elle a également pour avantage de prévenir et de prévoir des mesures thérapeutiques adéquates si une personne souffre d'une affection psychique ou physique nécessitant un traitement.

En ce sens, et je désire insister sur ce point, ce projet s'inscrit très clairement dans un type de prévention souhaitable auquel il est souvent fait allusion dans ce Grand Conseil.

En tant qu'auteur du projet, je ne peux que féliciter et remercier, une fois encore, les députés d'avoir voulu approfondir le projet initial.

En ce qui concerne les droits de la défense, le projet permet, non pas l'assistance immédiate de l'avocat telle que proposée, mais son intervention à l'issue d'un interrogatoire, au plus tard, à la première heure ouvrable à l'issue des vingt-quatre heures suivant le début de son audition par la police. Cela représente, sans conteste, une amélioration des droits de la défense, qui, même si elle va moins loin que la proposition des auteurs, reste hautement souhaitable, et nous y souscrivons sans réserve.

Les autres modifications concernent l'information des droits à la personne dans une langue comprise par elle et cela requiert toute son importance dans un canton frontière comme Genève où l'on procède à un grande nombre d'arrestations d'étrangers ne connaissant souvent ni notre langue ni notre droit. Il est élémentaire que toute personne arrêtée puisse connaître ses droits.

Autant dire, et ce sera ma conclusion, que le rapport de M. Unger est le fruit de longues discussions, d'un consensus obtenu par la volonté d'aboutir de chacun, et j'espère très sincèrement qu'il sera voté comme tel, car il n'est pas possible de remettre en cause un élément sans que l'ensemble du consensus s'effondre.

Je me permettrai une remarque personnelle. Il est important que la population, qui assiste très régulièrement par voie de presse à l'entredéchirement des députés sur l'un ou l'autre sujet, voit que l'unanimité est possible lorsque l'on parle des droits de l'homme.

Enfin, je dirai un dernier mot du financement, au sujet duquel je rejoins les propos de M. Unger. Ce projet a un coût qui a été plus ou moins évalué en commission avec des différences très importantes; différentes pistes ont été suggérées au Conseil d'Etat pour trouver ce financement sans mettre en péril le budget de l'Etat, et je pense qu'à l'heure actuelle le Conseil d'Etat étudie ces différentes propositions pour savoir laquelle sera la meilleure.

Quant à nous, ce soir, il nous reste à donner un signe politique à ce projet, pour pouvoir le concrétiser. J'ajouterai, pour reprendre le préambule de M. Ramseyer, que ce projet s'inscrit totalement dans l'amélioration du fonctionnement de la justice. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir lui réserver un accueil favorable.

M. Olivier Vaucher (L). Je reste un peu perplexe sur certains points du rapport évoqués par les préopinants.

En parcourant l'exposé du rapporteur, je m'étonne que les personnes concernées - les fonctionnaires - n'aient pas été auditionnées. D'ailleurs, il semblerait, d'après ce que j'ai entendu, qu'ils n'étaient même pas au courant de l'existence de ce projet de loi. C'est dommage, car dans d'autres commissions nous auditionnons toujours les partenaires sociaux. Par conséquent, les personnes concernées auraient dû l'être !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). A l'issue des travaux sur ce projet de loi déposé, cela a été dit, en 1993 par le groupe écologiste, on peut faire un certain nombre de constats, que j'aimerais relever ici, mais sans entrer dans les détails, puisque Mme Bugnon vient de largement expliciter ce projet.

Tout d'abord, en ce qui concerne les auteurs du projet, tout en faisant preuve d'une bonne dose de patience, vu la longueur des travaux, ils ont su accepter un certain nombre de modifications et renoncer à quelques-unes de leurs exigences initiales.

En ce qui concerne le chef de la police, M. Walpen, on ne peut manquer de souligner sa collaboration très positive durant toutes les discussions de la commission, ainsi que le fait de reconnaître - et je crois que c'est là tout à son honneur - que dérapages il peut y avoir et qu'ils sont inacceptables.

Au niveau du département, je crois pouvoir dire qu'il y a enfin eu prise de conscience que la transparence ne peut entraîner que des effets bénéfiques pour tous.

Et, enfin, pour la commission, la recherche a été longue et parfois difficile pour trouver un consensus, mais cela a permis, en fin de travaux, de voter à l'unanimité.

Pour mener ces discussions, la commission a choisi de ne pas se laisser entraîner dans des polémiques portant sur des faits relatés dans la presse, ou encore, dans l'appréciation de chiffres. En effet, à plusieurs reprises et encore d'ailleurs dans le dernier courrier reçu du personnel de la police, l'argument de la faible quantité de plaintes, eu égard au nombre important d'interventions policières, a été invoqué, ce qui aurait pu laisser supposer que notre travail était inutile et superflu.

On ne saura jamais si les chiffres donnés correspondent bel et bien à la réalité. Peut-être y a-t-il de nombreuses situations de mauvais traitements qui ne font l'objet d'aucune plainte, la personne craignant qu'une telle démarche n'entraîne pour elle des conséquences néfastes lors de son jugement. A l'inverse, peut-être y a-t-il de nombreuses plaintes totalement mensongères.

Dès lors, la commission a préféré laisser à l'écart ces chiffres et ces interprétations qui n'auraient pu que la diviser. Elle a choisi de travailler en posant un préambule fondamental, à savoir faire le choix politique de mettre en place des dispositifs permettant de prévenir au mieux les risques. Elle a aussi fait ce choix par éthique, convaincue que la mise en vigueur d'une telle loi ne pourrait être que positive, permettant, comme cela a déjà été dit, à la fois, de protéger la personne retenue par la police de risques de mauvais traitements ou de traitements dégradants et de protéger la police d'allégations mensongères.

Un système de police au sein duquel on augmente les droits des personnes privées, même momentanément, de liberté, un système au sein duquel on renforce la sécurité de ces personnes, un système au sein duquel on fait le choix d'instaurer la transparence est un système digne d'une démocratie telle que la nôtre, et c'est ce qu'a voulu la commission. Ce projet est donc, à nos yeux, un progrès très important.

En conclusion, ce que nous voulons réaffirmer, c'est que, même dans les systèmes démocratiques les plus élaborés, il peut survenir des situations dans lesquelles certains groupes d'individus, ou des individus, s'écartent d'un comportement régi par les normes éthiques souhaitées et il faut alors, bien sûr, prendre des mesures pour que ces normes soient respectées et prendre les mesures disciplinaires qui s'imposent. Mais il faut, aussi et surtout, décider des réformes internes permettant d'éviter au mieux que ces situations ne se reproduisent. Et c'est bien là l'esprit des modifications de lois qui vous sont proposées aujourd'hui et que le groupe socialiste vous invite à voter avec la même unanimité qu'en commission.

M. Pierre Meyll (AdG). Le nouvel article 110 A prévoit une visite médicale avant et après l'interrogatoire. Nous aimerions qu'il soit précisé dans le règlement, afin d'éviter des frais supplémentaires, que cette visite sera confiée au service de garde des instituts universitaires médicaux de la médecine légale, afin d'éviter une concurrence absurde dans les différents services médicaux. Nous aimerions que cela figure au procès-verbal, afin de pouvoir l'inclure dans le futur règlement du nouveau projet de loi.

M. Christian Ferrazino (AdG). Notre groupe tient à saluer ce projet de loi issu de très longs travaux de la commission judiciaire qui a essayé, comme l'a relevé le président, de travailler dans une double optique : d'une part, l'amélioration du fonctionnement de la justice, et, d'autre part, l'amélioration des droits du justiciable. Il n'est pas toujours aisé de trouver un équilibre entre ces deux intérêts qui peuvent paraître contradictoires.

Nous voulions nous assurer - et l'ensemble des députés de cette commission partageait cette préoccupation - que les propositions formulées n'auraient pas pour conséquence de paralyser le travail de la police. A ce sujet, M. Walpen, qui a assisté à ces séances, s'est fait fort d'attirer notre attention sur l'aspect négatif et peu souhaitable de certaines propositions, d'où le temps consacré à ce dossier et les modifications apportées, au cours de nos travaux.

Je me réjouis que M. Vaucher s'intéresse au sort des fonctionnaires. Je vous rassure, Monsieur Vaucher, nous avons lu avec attention la lettre que les associations du personnel de la police genevoise nous a récemment transmise. La commission judiciaire s'est préoccupée des deux points importants soulignés par ce courrier. Ces questions ont largement été prises en compte dans les travaux de la commission, car nous souhaitions leur apporter la réponse la mieux adaptée.

Le rôle que nous avons ce soir, vous et moi, Monsieur Vaucher, est assez cocasse. Mais ne croyez pas que les fonctionnaires n'ont pas été entendus, car M. Walpen nous rendait régulièrement attentifs au travail qui pourrait se répercuter sur les policiers, au cas où nous aurions accepté le projet de loi tel qu'il avait été proposé au départ. C'est pourquoi nous avons dû étudier toutes les variantes et examiner les possibilités. Pour ma part, je ne trouve pas la teneur de ce projet de loi idéale, mais je m'y rallie.

Dans la mesure où l'ensemble de ce projet est un compromis, il est normal que certaines de ces dispositions ne satisfassent pas telle ou telle formation politique. Par exemple, lorsque «le droit de se taire» a enfin été reconnu et qu'il a fallu le consacrer dans nos propres textes, nous avons cherché et formulé X variantes pour le concrétiser. Vous trouverez celle que nous avons retenue à la lettre 2, de l'alinéa 3, de l'article 107 A. Je vous cite l'information que l'on donne à la personne pour lui faire comprendre qu'elle a le droit de se taire, tenez-vous bien : «Elle ne peut être forcée de déposer contre elle-même ou de s'avouer coupable.» Il faut faire une gymnastique de l'esprit extraordinaire pour comprendre que le fait de n'être pas forcé à déposer contre soi-même ou de s'avouer coupable est synonyme du droit de se taire. On dit à la personne qu'elle n'est pas obligée de s'avouer coupable, c'est déjà ça ! Néanmoins, la formule retenue ne me satisfait guère.

Nous avons toutefois accepté cette proposition à contrecoeur. En effet, M. Walpen nous a dit que si nous inscrivions «le droit de se taire» noir sur blanc dans la loi les policiers risqueraient de n'avoir plus rien à mettre dans leurs dossiers pour la bonne raison que les gens ne parleraient plus. Cet exemple, parmi d'autres, vous montre à quel point ce projet de loi est un savant dosage entre ce qui est possible, souhaitable et réalisable.

En outre, il existe une disposition toute particulière pour les gens qui se font arrêter. Il existe actuellement une zone grise entre la fin de la phase policière et le début de la phase d'instruction. Une personne qui est arrêtée par la police peut être mise «au violon» pendant vingt-quatre heures. Ensuite, un nouveau délai de vingt-quatre heures est ouvert pour permettre au juge d'instruction de procéder soit à une relaxe soit à une inculpation. Ce délai peut être de quarante-huit heures si le fait arrive juste avant le week-end.

Cette zone grise est réglementée par la lettre g) de la même disposition. Elle prévoit que l'avocat peut intervenir, non pas consulter le dossier mais informer son client de ce qui lui arrive, du déroulement de la procédure et d'un certain nombre de droits élémentaires, cela plus rapidement qu'actuellement.

Un dernier point concerne les réticences formulées par les associations du personnel de la police genevoise. En substance, il est dit : «Attention, si vous voulez rendre cette visite obligatoire, nous risquons de multiplier les cas, d'être paralysés dans notre travail, puisque ce temps sera imputé sur celui imparti à l'examen des dossiers, et cela coûtera très cher».

Deux exemples sont donnés au sujet de personnes ayant commis des infractions de peu de gravité. Le premier concerne un consommateur de stupéfiants, le second une personne visée par une plainte pour détournement de gains saisis. Ces derniers devraient être entendus à titre d'auteurs présumés, ce qui est juste, et donc soumis à la visite médicale d'entrée, ce qui est faux, parce que, si nous avons prévu de soumettre toute personnne à cette visite médicale, nous avons aussi prévu que les personnes en question puissent la refuser. En effet, la personne qui vient dans les bureaux de la police pour un détournement de gains saisis aura précisément la possibilité de refuser une visite médicale. Par ces exemples, l'association du personnel de la police nous montre des cas qui ne feraient vraisemblablement pas l'objet d'une visite médicale. Pour que nous soyons sûrs de l'application de cette loi, l'article 110 A, alinéa 2, précise que la personne peut s'opposer à l'examen médical avant son interrogatoire et que cela est mentionné dans le rapport de police.

Les craintes émises à ce sujet ne sont pas fondées. Si elles devaient l'être, nous pourrions, à l'avenir, suite à un certain nombre de cas d'application, reprendre tel ou tel point de ce projet. Aujourd'hui, il faut faire confiance aux membres de la commission judiciaire qui ont travaillé pendant plus de deux ans sur ce projet. Le texte qu'ils nous soumettent ce soir devrait - et je l'espère - rallier toutes les formations politiques de ce parlement.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je donnerai un complément de réponse à M. Vaucher qui m'a interpellée très directement. D'abord, je vous remercie de rappeler que les écologistes sont très attachés au fait que les personnes qui le souhaitent puissent être auditionnées. Votre question est juste. J'y réponds d'autant plus volontiers que le signataire de cette lettre est dans le public et qu'il doit savoir pourquoi je ne suis pas favorable, comme il le propose, au renvoi de sa lettre en commission avec le projet afin qu'il puisse être auditionné.

Monsieur Vaucher, vous connaissez aussi bien que moi la procédure à suivre pour auditionner les gens en commission. Les auditions sont soit suggérées par un membre de la commission ou, alors, demandées par des personnes venant de l'extérieur. Les syndicats de la police n'ont pas demandé leur audition. On m'a dit qu'ils n'étaient pas au courant du projet. Cela m'étonne, car la presse en a fait état à plusieurs reprises. Et de toute façon, vous n'ignorez pas que, dès qu'un projet de loi est discuté au Grand Conseil, il est rendu public. Dès lors, n'importe qui peut demander son audition.

Par ailleurs, aucun membre de la commission n'a demandé à auditionner les syndicats de la police. Nous avons beaucoup travaillé avec M. Walpen, et je vous remercie d'avoir parlé de sa collaboration positive. C'est peut-être ce qui a manqué à mon intervention. Je profite de remercier M. Walpen pour son ouverture qui a rendu efficaces les discussions que nous avons eues avec lui tout au long de ces séances de commission.

Je désire répondre à M. Meyll qui demande, très formellement, que l'on décide, ce soir, qui doit effectuer ces visites médicales. Monsieur Meyll, la commission ne l'a pas fait, car elle n'est pas habilitée à prendre cette décision. M. Ramseyer a reçu des propositions de la part de différentes associations et de nous-mêmes en vue du financement. Je pense que cela doit être étudié après le renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical est satisfait des dispositions principales de ce projet de loi. Il s'agit d'une avancée réelle, non seulement pour les droits de la défense mais également en faveur des mesures que peut prendre la police et de la confiance que la population peut avoir dans sa police. Nous apprécions, tout particulièrement, l'apparition de ce formulaire qui sera donné, ainsi que les possibilités de prévenir des proches, voire d'avertir son avocat.

Cette satisfaction doit être, malgré tout, légèrement mitigée, et la lettre que nous venons de recevoir des associations du personnel de la police genevoise le prouve, quand bien même elle est infondée pour ce qui est de l'audition. Je demeure persuadé, même si l'essentiel de ce projet a été discuté avant que je ne devienne président de la commission judiciaire, que ces associations étaient parfaitement au courant de l'existence de ce projet qui, comme l'ont rappelé plusieurs des préopinants, a été discuté durant presque deux ans.

Il est loisible à chacun de demander une audition à la commission judiciaire. J'ai fait opérer les vérifications dans les archives du département de justice et police, ainsi qu'au secrétariat du Grand Conseil. A aucun moment, nous n'avons reçu une lettre des associations du personnel de la police genevoise demandant à être auditionnées sur ce projet. En conséquence, de ce point de vue, nous pouvions penser que les auditions du chef de la police genevoise étaient largement suffisantes.

Toutefois, un problème réside dans le financement d'une des dispositions de ce projet. Quel que soit le consensus auquel la commission judiciaire a abouti, il est bon que le Grand Conseil en délibère et se prononce. Je parle de l'article 110 A, soit de la visite médicale d'entrée obligatoire, celle de la sortie ne l'étant pas. Il est parfaitement vrai que, à l'alinéa 2, la personne peut s'opposer à l'examen médical avant son interrogatoire. Toutefois, il aurait été préférable de préciser, à l'alinéa 1, que cette visite médicale d'entrée pouvait se faire sur demande. Je me rends bien compte que telle n'était pas la volonté de la commission judiciaire, et j'annonce que le groupe radical dépose un amendement, signé par Mme Wavre, notamment, qui va le défendre. Je ne l'ai pas signé, mais je le voterai.

Le Grand Conseil doit être attentif au problème que pose le financement de cette visite médicale, étant donné la mauvaise situation financière de l'Etat. Si l'on veut chiffrer ces visites, leur montant s'élèvera à quatre mille visites obligatoires qui pourraient être refusées. On se demande si le jeu en vaut la chandelle, puisque, comme l'a rappelé très justement M. Unger dans son rapport, seuls dix-neuf cas ont été litigieux, pour lesquels il y a eu interrogations ou réclamations, et cela ne veut pas dire que ces dix-neuf cas étaient fondés. Par conséquent, il faut bien analyser les avantages et les inconvénients de ce projet de loi. Une pesée des intérêts doit être opérée.

Du point de vue de l'administration, je me rends très bien compte que ce projet de loi représente un immense progrès pour la bonne marche de la justice. Par contre, le problème des violences policières est essentiellement à Genève, contrairement à d'autres pays, un problème médiatique. Nous vivons dans un Etat de droit dont nous sommes satisfaits. Il faut vraiment se demander si en introduisant une visite médicale d'entrée obligatoire nous ne manifesterions pas une méfiance qui n'a pas de fondement à l'égard de notre police. Je pose le problème et je laisse la signataire de l'amendement le défendre.

M. Henri Gougler (L). Je renonce à mon intervention qui va exactement dans le sens des propositions de M. Lescaze au sujet de la visite médicale. Quant au coût, il va probablement dépasser le million. Aussi, je vous laisse réfléchir !

M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Les notions de visite facultative - selon la suggestion du groupe radical - ou de visite obligatoire ont fait l'objet de longs débats bien avant la présence de M. Lescaze en commission; c'est pourquoi il laisse à l'une de ses collègues le soin de défendre cet amendement. En effet, les deux députés radicaux, et l'un d'entre eux particulièrement, après avoir pesé les intérêts et les avoir fait pencher dans l'autre sens, avaient clairement indiqué que seule une procédure systématique protégerait la police d'allégations mensongères. Il est facile de comprendre que, en cas de visite facultative, des plaintes contre la police, détestables et non fondées, continueront à être déposées par des gens qui n'ont pas demandé cette visite.

Nous n'ignorons pas le coût de ce plan : nous avons fourni en commission des informations concernant le financement. Mais, d'autre part, tant les commissaires - y compris les radicaux - que M. Walpen préfèrent l'abandonner s'il faut procéder de manière facultative. Nous pouvons affirmer que la pesée des intérêts a bien été effectuée afin d'obtenir - de manière unanime - une visite à caractère systématique.

M. Christian Ferrazino (AdG). J'allais intervenir dans le sens du rapporteur, en disant à notre collègue Lescaze qu'il valait mieux s'abstenir si la visite médicale devait être facultative ! Soit la visite médicale est obligatoire avec possibilité de refus - c'est le compromis que nous avons adopté - soit nous abandonnons. Une visite médicale facultative a non seulement l'inconvénient de ne pas régler le problème posé mais elle l'aggrave encore. Car ce faisant vous allez à fin contraire ! La personne pourra dire que la police a usé de violence à son encontre précisément pour ne pas la soumettre à une visite médicale. En d'autres termes, la police pourrait exercer des pressions; le premier volet de ce projet vise précisément à régler ce problème. A la suite de ces pressions policières, celui qui en a fait l'objet aurait la possibilité de se soumettre à une consultation médicale. En cas de refus des policiers, ces derniers pourraient user de mesures de contrainte et de violence contre lui. Votre proposition est non seulement inutile par rapport à notre objectif mais elle aggrave encore la situation actuelle ! Véritablement, M. Lescaze, vous renoncez et ne nous suivez pas; mais ne nous proposez pas de situation pire encore !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord vous rappeler les données du problème : la police genevoise procède annuellement à deux cent mille actes répressifs et à quatre mille six cents arrestations en moyenne, dont cent cinquante environ par voie de force, soit un pourcentage de 3%. Les plaintes - je ne parle pas des plaintes plus nombreuses de policiers blessés ! - de soi-disant victimes de violences sont au nombre de vingt, soit 0,5% des arrestations annuelles. On enregistre au maximum deux plaintes fondées suivies de punitions pénales ou disciplinaires à l'encontre de policiers, soit un pourcentage de 0,5%. La quasi-totalité des violences se déroulent lors de l'arrestation et non lors de l'interrogatoire.

Tel qu'il vous est présenté, le problème est faussé : la présence de médecins dans les postes ne changera rien aux actes de violence commis lors d'arrestations. Violence réciproque, du reste : le nombre de policiers blessés est supérieur à celui des suspects. En relatant ces faits, la presse - attachée avant tout à vendre ses journaux - est-elle plus crédible que M. le procureur général ? J'ai en main depuis ce matin les statistiques de 1995. On n'y trouve que quinze plaintes; elles sont donc en diminution. Trois sont à l'état de recours, une amende a été infligée à un gendarme et onze ont été classées par M. le procureur de la République et canton de Genève : telle est la réalité reflétée par les chiffres !

Nous devons nous interroger sur le but de ce projet de loi qui ne saurait à l'évidence concerner la protection des suspects, comme je viens de vous le démontrer. A-t-il un rôle de prévention d'éventuels dérapages ? Certes, il présente un aspect préventif à retenir, mais il faut relever l'énorme disproportion entre une volonté de prévention de quelques dérapages et la somme de 1,3 million - au bas mot - que l'Etat devrait y consacrer chaque année.

Il existe d'autres moyens : actuellement, la police genevoise se soumet à une formation de dix mois, pendant lesquels l'excès de pouvoir que pourraient exercer certains policiers est examiné, et cet enseignement porte déjà ses fruits. Bien sûr, deux cas par année, ce sont deux cas de trop, j'en conviens ! D'autre part, pour améliorer la situation, et avant même le lancement du projet, nous envisagions de créer une structure de déontologie semblable à celle du Canada.

Ayant participé aux travaux de cette commission, je me suis interrogé sur l'attachement de certains députés à ce projet qui peut paraître financièrement excessif et déraisonnable. La notion de prévention nous tient à coeur, et nous faisons tout ce que nous pouvons, la tâche accomplie est déjà considérable. Le résultat est même tellement satisfaisant, que nous avons reçu un mandat du Centre des droits de l'homme de l'ONU pour former des policiers à l'étranger ! Je remercie ceux qui prennent en considération la protection de la police, mais je comprends mal qu'on puisse alimenter avec un tel acharnement les campagnes d'Amnesty ou de la Commission pour la prévention de la torture, auxquelles j'ai toujours fait front en répondant chiffres et témoignages à l'appui.

Un autre problème n'a été qu'effleuré par M. le rapporteur : il s'agit de l'idée humaniste que l'on se fait de la justice et de la police. C'est une attitude saine et civilisée d'attribuer des droits aux suspects, aux prévenus, aux justiciables, et de sauvegarder les droits de la défense. Je partage votre soif d'équité, d'objectivité et de transparence, et c'est pourquoi je vous soumets le problème des contrôles médicaux obligatoires. Les violences, Monsieur Ferrazino, n'ont jamais été évoquées autrement que sous forme de violences physiques et jamais morales. Les premières laissent des traces. Alors comment voulez-vous logiquement prétendre que le suspect soit ausculté à son entrée dans le poste pour être déclaré parfaitement «clean» et sain de corps, alors que le constat de sortie permettant de constater s'il a été victime de violence ou non serait facultatif ? Ou bien on ausculte et à l'entrée et à la sortie pour en tirer un bilan clair, ou bien on décrète les visites de sortie facultatives, et on gaspille ainsi bêtement 1,5 million. Quant au problème de la pression morale, vous ne l'avez pas abordé.

C'est donc par simple logique que je soutiendrai l'amendement présenté par M. le président de la commission judiciaire. Comment prétendre défendre la police contre des allégations mensongères, si vous renoncez à l'examen de sortie ? Si cet amendement est accepté, je suis prêt à me rallier à ce projet de loi, sans omettre cependant de donner une raison supplémentaire, qu'à ma grande surprise vous n'avez pas mentionnée. En effet, ce projet de loi améliore considérablement les droits du suspect interrogé au poste de police, car - entre autres - il dresse la liste de ses droits. Le droit à la visite médicale y figure, mais il ne saurait être imposé. On constate déjà - et nombreux sont les médecins qui peuvent en témoigner - que la présence d'un médecin est d'une grande utilité lors de l'interrogatoire, en particulier si le suspect présente des affections physiques ou psychiques.

Mesdames et Messieurs les députés, vous qui avez proposé ce projet, si vous avez la volonté sincère d'améliorer les droits du suspect et de faire progresser la justice, vous comprendrez aisément pourquoi l'amendement évoqué auparavant se justifie. Si vous êtes attachés à ce progrès-là, ce projet de loi va dans le bon sens. Mais il va dans un sens différent si, de manière hypocrite, on réclame la présence d'un médecin au nom du progrès de la justice, avec l'illogisme dont je viens de parler. J'ose espérer que les trois ans de travaux - qui ne sont pas forcément la preuve d'un bon travail, ce projet étant discutable - faciliteront la formation d'une police plus humaine et plus équilibrée. Mais ne prétendons pas rendre les visites obligatoires pour la protéger ! A cette seule condition, je trouverais que nous avons accompli ensemble un travail utile !

M. Christian Ferrazino (AdG). L'amendement souhaité par le groupe radical provoquerait une situation pire encore. Manifestement le président Ramseyer n'est pas de notre avis, mais son exemple pour justifier cet amendement n'est pas du même acabit. Vos activités ne vous ont pas permis d'assister plus souvent aux travaux de notre commission, Monsieur Ramseyer, et c'est dommage ! Nous aussi, nous avons examiné l'aspect obligatoire ou facultatif de la visite médicale d'entrée et de sortie. Un même souci de cohérence nous animait, mais cela nous a conduits à la conclusion suivante : il est inutile et même absurde de rendre obligatoire cette visite de sortie qui se pratique déjà, car à Champ-Dollon le prévenu est soumis à une visite médicale. Et si la police le relaxe, le prévenu se trouve en liberté et peut, de toute façon, s'adresser au médecin de son choix. Cet amendement n'est vraiment pas souhaitable.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Oui, Monsieur le conseiller d'Etat, ce projet de loi est destiné à améliorer les droits de la défense et le fonctionnement de la justice, et nullement à prévenir quelques dérapages dont la presse s'était faite l'écho, je pense l'avoir dit assez clairement dans mon intervention ! Je n'accepte pas d'entendre dire que tout est fait par méfiance à l'égard de la police, d'autant moins que M. Walpen était présent à toutes les séances. Il a vigoureusement défendu sa police et s'est opposé à la présence d'avocats dans ses locaux, les jugeant comme une entrave au déroulement de l'interrogatoire. Ainsi, avons-nous décidé - quant à moi, à regret - de retirer cette proposition. M. Walpen approuvait comme nous les visites médicales à condition qu'elles soient systématiques, afin de protéger et les personnes interrogées et la police. Nous étions tous d'accord sur ces deux points de vue, c'est pourquoi je vous demande de rejeter l'amendement proposé par une partie du groupe radical.

Comme la visite médicale ne résout pas la question de la pression morale, l'expert prévoyait, dans ses conclusions, d'enregistrer les dépositions sur bandes magnétiques. Mais la commission n'a pas retenu cette proposition. Quant à la visite de sortie, elle doit être obligatoire selon vous, Monsieur Ramseyer. Or, si elle est facultative, elle peut être demandée aussi bien par l'intéressé que par la police, si celle-là craint des allégations mensongères. Le médecin peut être appelé en permanence et enregistrer le refus de la personne de s'y soumettre. Les deux déclarations seront de même importance. Si vous acceptez que cette visite ne soit pas systématique, vous ne permettrez pas de prouver ou de rejeter toute déclaration postérieure au sujet d'éventuels mauvais traitements, et cela irait totalement à l'encontre du projet. Je vous demande donc instamment de rejeter cet amendement.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. A mon tour de citer Mme Bugnon : «Si les visites ne sont pas systématiques, elles n'ont aucun sens.» C'est exactement ce que je dis ! La visite d'entrée doit forcément être suivie d'une visite de sortie. A Genève - et c'est un cas unique en Suisse - il y a une visite systématique à l'entrée de la prison. C'est grâce à cet élément que j'ai pu réfuter les allégations d'Amnesty.

Vous dites, d'autre part, que la police doit imaginer d'éventuelles plaintes du suspect contre elle. Mais ce n'est absolument pas son rôle ! En réalité, c'est en prison que la plupart de ceux qui sont déboutés par le procureur général, encouragés par des codétenus, imaginent, eux, de déposer une plainte pour coups et blessures. Longtemps après la visite dont vous parlez, c'est facile d'accuser deux ou trois agents qui ont procédé à l'interrogatoire; aucun contrôle n'est possible. La grande différence entre la visite obligatoire et facultative, c'est le coût ! Si la visite est obligatoire, vous devrez forcément la payer. Si elle est facultative avant et après l'interrogatoire, elle figure sur la liste des droits du suspect comme droit supplémentaire. En cas de refus, une économie substantielle est ainsi réalisée !

Il n'y a donc pas de différence essentielle entre vos déclarations et les miennes. Je souligne simplement qu'une visite d'entrée doit être suivie d'une visite de sortie pour être efficace. L'amendement qui rend la visite facultative tout en la faisant figurer sur la liste des droits, rédigée dans toutes les langues, au même titre que le droit de téléphoner à son avocat ou à son ambassade, représente un réel progrès. Les deux visites facultatives vont exactement dans le sens des travaux de cette commission.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je regrette les propos de M. Ramseyer, car j'avais justement souligné que la commission avait refusé d'entrer en matière sur ces chiffres et ces pour-cent, ainsi que sur les articles de presse qui avaient fait état de mauvais traitements. La commission avait agi ainsi, je l'ai dit, parce qu'elle posait un principe fondamental : elle faisait un choix politique et éthique. Je regrette donc que vous reveniez avec un alignement de chiffres qui a été délibérément laissé de côté.

Vous avez parlé de mesures disproportionnées par rapport à l'enjeu et à ces chiffres. Pour nous, il ne s'agit pas - encore une fois - de disproportion, mais d'avoir pesé les avantages et les désavantages, et cela même pour les personnes qui étaient sceptiques quant aux coûts - et là j'aimerais ouvrir une petite parenthèse, Monsieur le conseiller d'Etat. Des propositions vous ont été faites, vous n'y avez jamais apporté de réponses; vous n'avez jamais souligné si ces propositions étaient susceptibles de trouver des débouchés possibles ou non. C'est un regret que nous avons formulé, d'ailleurs, lors de la dernière séance, car nous pensions avoir votre avis sur les propositions faites.

Je regrette aussi les propos que vous avez tenus, affirmant qu'un certain nombre de détenus inventent par la suite des mauvais traitements. C'est vrai, mais vous savez aussi - si vous voulez entrer dans ce débat - que nous avons eu des témoignages d'aumôniers qui disent le contraire : un certain nombre de détenus n'osent pas dénoncer les mauvais traitements dont ils ont été victimes. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu entrer en matière, et je regrette que vous avanciez ce genre d'arguments en plénum.

Je regrette tout cela, mais je ne suis dans le fond pas étonnée. Depuis le début, vous vous êtes opposé à ce projet, alors que - je le reconnais, car je suis moi-même intervenue sur un certain nombre de situations évoquées dans le rapport d'Amnesty international - seule une augmentation de la transparence éviterait à l'avenir ces affirmations et ces rapports peut-être non fondés. Je suis déçue de voir qu'on essaie de mettre en péril tout ce projet de loi avec un amendement de dernière minute qui n'a pas été présenté en commission. Je demande donc à ce Grand Conseil de rejeter cet amendement.

PL 6957-A

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Article unique (souligné)

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 37, al. 2, (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4), l'article 107, al. 3 (nouvelle teneur), et l'article 107 A (nouveau, l'art. 107 A ancien devenant l'art. 107 B).

Art. 110 A (nouveau)

Mme Michèle Wavre (R). Comme nous l'avions annoncé et comme l'ont excellemment expliqué M. Lescaze et d'autres personnes avant moi, nous vous proposons un amendement que vous avez tous sur vos pupitres, je pense que vous l'avez bien lu. Pour tenir compte des avis exprimés par les associations principales du personnel de la police et en raison des coûts très élevés qu'entraînerait l'application de cet article, nous vous proposons l'amendement suivant à l'article 110 A, alinéa 1.

«1Toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est présentée, à sa demande ou à celle de la police, à un médecin avant son interrogatoire. Lorsqu'elle quitte les locaux de la police, elle est soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical. Est réservé l'article 110.»

M. Claude Blanc (PDC). Ce débat me surprend, car je croyais «l'affaire dans le sac» ! Je vois une contradiction entre l'article 110 A et celui que nous venons de voter, le 107 A, alinéa 3, lettre b). Comment ces deux articles s'articulent-ils ? Une explication est nécessaire pour ceux qui n'ont pas suivi les travaux de la commission.

M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Ce projet de loi étant effectivement complexe, la question de M. Blanc est légitime. L'article 107, alinéa 3, page 14, précise simplement le texte du document remis à la personne interrogée, qui reçoit donc une copie de cet article de loi. Quant à l'article 110, il confirme, dans le code de procédure pénale, la visite systématique à l'entrée et facultative à la sortie. On donne, d'une part, l'information à la personne interrogée, et, d'autre part, on précise dans le code que des visites ont lieu, sauf en cas de refus de l'intéressé.

Le président. Monsieur le député Blanc, vous ne comprenez toujours pas ? L'explication n'était peut-être pas bonne !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je vais essayer de donner une explication à M. Blanc, en précisant d'ailleurs que je partage tout à fait son analyse. Puisqu'on vient de voter l'article 107, qui stipule que la personne doit être examinée par un médecin avant son interrogatoire - sauf refus - l'amendement proposé par Mme Wavre et M. Kunz est absolument non fondé et contredit l'article 107. Comme cet article a été voté, l'amendement du groupe radical tombe ! (Rires.)

M. Christian Ferrazino (AdG). Je vais redire exactement la même chose à M. Blanc, dont les questions sont souvent pertinentes. Effectivement, vous avez rendu le groupe radical attentif au fait que la question est posée tardivement. Comme l'a rappelé le rapporteur, ce groupe souhaite modifier la disposition figurant dans la loi, afin de savoir comment on procède dans le procès-verbal.

L'article 107, lui, définit de façon exhaustive d'ailleurs la liste des droits remise aux personnes interrogées. Savoir que leurs faits seront consignés ou pas ne les intéresse pas du tout. Bien évidemment, la lettre b) de l'article 107 est lié à l'article 110 A, c'est pourquoi l'ensemble du projet qui vous est soumis ce soir est un savant travail de la commission judiciaire qui a examiné avec la plus grande minutie l'ensemble des conséquences de toutes les dispositions. Les propositions de modifications ont été fort nombreuses, et c'est pourquoi je trouve dommage, Madame Wavre, de revenir ce soir en plénière avec des amendements au demeurant mal préparés. Si votre groupe avait réfléchi au préalable, vous auriez déjà proposé un amendement à l'article 107 A. Il faut en tirer les conséquences et accepter de retirer cet amendement.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je n'irai pas jusqu'à prétendre, à l'instar de M. Ferrazino, que le groupe radical ne réfléchit pas, l'expérience montre le contraire ! Mais il ne réfléchit pas suffisamment pour permettre à M. Blanc de comprendre ses amendements; aussi suggérerais-je à Mme Wavre de lui donner quelques cours privés ! (Rires.) J'entends M. Ducommun tenir des propos sexistes que je ne répéterai pas, car il existe une nouvelle norme pénale réprimant ce genre de comportement ! Avez-vous compris les explications de M. Ferrazino, Monsieur Blanc  ? Inutile donc de répéter une troisième fois ce vous avez compris dès le début, sans cela vous n'auriez pas posé la question ! (Rires.)

L'amendement radical à l'article 110 A n'a pas de sens, dès lors que nous avons adopté sans le modifier l'article 107 A. En conséquence, nous pouvons les inviter à le retirer, d'autant que le texte auquel nous avons abouti en commission judiciaire est le fruit d'un long et difficile accouchement qui a nécessité bien des séances. C'est le fruit de réflexions multiples auxquelles le chef de la police en personne a beaucoup participé. Si le texte de l'article 110 A devait être modifié dans le sens que le groupe radical souhaite - sans trop y croire d'ailleurs, compte tenu du fait que seul un bout de l'amendement est présenté - ce texte-là aurait indubitablement pour effet de vider de sa substance le texte voulu par la commission. On ne va pas refaire ce soir un long débat de commission qui a duré des mois.

Aussi nous vous invitons à voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission et de l'excellent rapport préparé par M. Unger, auquel il est juste de faire plaisir de temps en temps !

M. Claude Blanc (PDC). Si j'ai bien compris tout ce que les docteurs viennent de m'expliquer, et si l'amendement radical devait être retenu, il faudrait en fabriquer un autre pour l'article précédent, car il y aurait contradiction ! (Brouhaha.)

Une voix. Troisième débat !

Mme Michèle Wavre (R). Nous maintenons notre amendement ! Les gens de notre «acabit», Monsieur Ferrazino, sont quelquefois têtus !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. L'article 110 fixe des obligations : toute personne doit, entre autres, être présentée à un médecin. L'article auquel se réfèrent les docteurs est le 107 A qui précise les droits de la personne entendue par la police et les informations dont elle doit disposer. A l'article 107 B, on précise qu'elle peut être examinée, sauf en cas de refus. (Brouhaha.) Mais c'est une obligation que fixe l'article 110 : toute personne est présentée. De sorte qu'en modifiant l'article 110 A on n'est pas en contradiction avec le 107 B... (Brouhaha. ) ...qui prévoit le refus. La modification vise donc l'obligation d'être présenté au médecin et, ipso facto, la possibilité de la refuser, figurant à l'article 107 B, va de soi.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'aimerais dire à M. Ramseyer que l'article 110 A comporte plusieurs alinéas. Le second stipule que si la personne s'oppose à l'examen médical précédant l'interrogatoire, ou à celui proposé par la police, il en est fait mention dans le rapport de police. L'équilibre étant ainsi garanti, on peut voter sans problème.

Le président. Nous passons au vote sur la proposition d'amendement de Mme Wavre et de M. Kunz à l'article 110 A nouveau, alinéa 1, dont la teneur est la suivante :

«1Toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est présentée, à sa demande ou à celle de la police, à un médecin avant son interrogatoire. Lorsqu'elle quitte les locaux de la police, elle est soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical. Est réservé l'article 110.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 110 A (nouveau) est adopté, de même que les articles 111 A (nouveau), 114 A, al. 1 (nouvelle teneur) et 114 B, al. 2 (nouvelle teneur).

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 6957)

LOI

modifiant le code de procédure pénale

(E 3 5)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit:

Art. 37, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenantles al. 3 et 4)

2 La date et l'heure de la signification doivent figurer sur le mandat. Si la personne visée refuse d'apposer sa signature pour en accuser réception, mention en est faite.

Art. 107, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Elle entend et l'auteur présumé de l'infraction et les autres personnes, ces dernières à titre de renseignements.

Art. 107 A (nouveau, l'art. 107 A ancien devenantl'art. 107 B)

Droits de la personne entendue par la police

1 Dans le cadre de ses auditions, la police indique à la personne entendue qu'elle doit se soumettre aux mesures nécessaires au contrôle de son identité. Elle doit porter à sa connaissance sans délai si elle est entendue à titre de renseignements ou d'auteur présumé de l'infraction.

2 Lorsqu'une personne est entendue à titre de renseignements, les articles 46 à 49 sont applicables par analogie.

3 Lorsqu'une personne est entendue comme auteur présumé d'une infraction elle est rendue attentive, sans délai, par la remise d'une copie du présent article dans une langue comprise par elle, à ce:

a)

qu'elle doit, dans les 24 heures au plus, si elle n'est pas relaxée, être mise à la disposition du juge d'instruction et que celui-ci dispose de 24 heures au plus pour l'interroger et la relaxer ou décerner contre elle un mandat d'arrêt;

b)

que, sauf refus de sa part, elle doit être examinée par un médecin avant son interrogatoire et qu'elle peut également être soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical avant de quitter les locaux de la police;

c)

qu'elle peut prendre connaissance des charges dirigées contre elle et des faits qui lui sont reprochés;

d)

qu'elle ne peut être forcée de déposer contre elle-même ou de s'avouer coupable;

e)

qu'elle peut informer de sa détention un proche, un familier ou son employeur, sauf risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête, ainsi que faire prévenir son avocat;

f)

qu'elle peut informer de sa détention son consulat, si elle est étrangère;

g)

qu'elle a le droit d'obtenir la visite d'un avocat et de conférer librement avec lui, dès la fin de son interrogatoire par l'officier de police, mais au plus tard à la première heure ouvrable à l'issue des 24 heures suivant le début de son audition par la police, sauf risque de collusion ou de danger pour le cours de l'enquête;

h)

qu'elle peut, si elle ne connaît pas d'avocat, s'en faire désigner un;

i)

qu'elle peut, le cas échéant, faire appel à l'assistance juridique, aux conditions prévues par la loi.

4 Mention est faite de ces communications au rapport de police.

Art. 110 A (nouveau)

Visites médicales àla police

1 Toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est présentée à un médecin avant son interrogatoire. Lorsqu'elle quitte les locaux de la police, elle est soumise, à sa demande ou à celle de la police, à un examen médical. Est réservé l'article 110.

2 Si la personne s'oppose à l'examen médical avant son interrogatoire ou à l'examen médical proposé par la police, mentionne en est faite dans le rapport de police.

3 Tout constat relatif à des allégations de mauvais traitements est joint au rapport de police.

Art. 111 A (nouveau)

Information à des tiers

1 Sauf risque de collusion ou danger de compromettre le cours de l'enquête, toute personne retenue par la police comme auteur présumé d'une infraction est autorisée à prendre contact, par téléphone et sous contrôle d'un fonctionnaire de police, avec un proche, un familier ou son employeur, ou de faire informer l'un de ceux-ci. Une personne étrangère peut en outre demander que sa détention soit signalée à son consulat.

2 Les autorisations et les refus d'informer des tiers sont consignés dans les rapports de police. Les refus sont motivés de façon succincte.

Art. 114 A, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Toute personne qui a fait l'objet d'une intervention de la police selon les articles 16 à 22 de la loi sur la police peut se plaindre, par écrit, d'une violation de ces dispositions auprès du procureur général.

Art. 114 B, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Si une disposition des articles 16 à 22 de la loi sur la police a été violée, le procureur général le constate.

PL 7439

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Excusez-moi, Monsieur le président, j'ai levé la main trop vite ! C'était au sujet de l'article 38. J'avais annoncé en commission que je déposerai un amendement. Pour la sérénité des débats, je renonce.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7439)

LOI

modifiant la loi sur la police

(F 1 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur la police, du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit:

CHAPITRE II

Organisation du corps de police(comprenant les art. 6 à 9)

Art. 9 (nouvelle numérotation, ancien art. 11)

CHAPITRE III

Attributions du chef et des officiers de police(comprenant les art. 10 à 15)

Art. 10 à 15 (nouvelle numérotation, anciens art. 12 à 17)

CHAPITRE IV (nouvelle numérotation du chap. III A)

Modes d'intervention (nouvelle teneur,comprenant les art. 16 à 22)

Art. 16 (nouvelle numérotation, ancien art. 17 A)

Art. 17 (nouvelle numérotation, ancien art. 17 B)al. 3 (nouvelle teneur)

3 Lorsqu'elle s'avère nécessaire, la fouille doit être adaptée aux circonstances et être aussi prévenante et décente que possible.

Art. 18 à 20 (nouvelle numérotation, anciens art. 17 Cà 17 E)

Art. 21 (nouveau)

Personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui ou perturbant l'ordre public

Lorsqu'une personne ivre ou droguée cause du scandale sur la voie publique, elle peut être placée dans les locaux de la police sur ordre d'un officier, pour la durée la plus brève possible. Lorsqu'elle présente un danger, pour elle-même ou pour autrui, elle est examinée sans délai par un médecin.

Art. 22 (nouvelle numérotation, ancien art. 17 F)

CHAPITRE V

Rétention policière (nouveau;comprenant les art. 23 à 25)

Art. 23 (nouveau)

Registre des violons

Toute personne placée aux violons est inscrite dans un registre sur lequel figurent les dates et heures d'entrée et de sortie, le motif de la rétention et un inventaire des objets personnels.

Art. 24 (nouveau)

Equipement des cellules

1 Chaque cellule est équipée d'un dispositif d'appel, d'un matelas et de couvertures.

2 Les violons comprennent des installations sanitaires adéquates.

Art. 25 (nouveau)

Interrogatoires et transferts

1 Les interrogatoires ont lieu, en règle générale, dans des salles d'audition aménagées à cet effet.

2 Tout incident lors de l'interrogatoire d'une personne retenue ou durant son transfert doit être consigné dans le rapport de police.

CHAPITRE VI (nouvelle numérotation du chap. IV)

Statut des fonctionnaires de police(comprenant les art. 26 à 43)

Art. 26 à 36 (nouvelle numérotation, anciens art. 18 à 26)

Art. 37 (nouvelle numérotation, ancien art. 26 A)al. 2 (nouvelle teneur)

2 Sauf les cas de crime ou de délit, la suspension pour une durée déterminée sans traitement, la rétrogradation au rôle matricule, la dégradation et la révocation ne peuvent être prononcées sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans qu'il ait été entendu par ce magistrat. Les résultats de l'enquête et la sanction proposée sont communiqués à l'intéressé afin qu'il puisse faire valoir ses observations éventuelles.

Art. 38 (nouveau)

Procédure en cas d'allégations de mauvaistraitements

Une personne choisie par le Conseil d'Etat hors de l'administration est chargée d'examiner les dénonciations, rapports et constats en matière d'allégations de mauvais traitements. Elle procède, le cas échéant, à des enquêtes administratives préalables et donne son avis au chef du département.

Art. 39 (nouvelle numérotation, ancien art. 27)al. 1 et 4 (nouvelle teneur)

Suspension provisoire

1 Dans l'attente du résultat de l'enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'Etat peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement le fonctionnaire de police auquel il est reproché un manquement incompatible avec les devoirs d'un agent assermenté, ou susceptible de nuire à son autorité.

4 A l'issue de l'enquête administrative, il est veillé à ce que l'intéressé ne subisse aucun préjudice pécuniaire réel autre que celui qui découle de la peine.

Art. 40 à 43 (nouvelle numérotation, anciens art. 28 à 30 A)

CHAPITRE VII (nouvelle numérotation du chap. V)

Traitements et autres prestations(comprenant les art. 44 à 53)

Art. 44 à 53 (nouvelle numérotation, anciens art. 30 B à 36)

CHAPITRE VIII (nouvelle numérotation du chap. VI)

Dispositions finales(comprenant les art. 54 à 56)

Art. 54 à 56 (nouvelle numérotation, anciens art. 37 à 40)

CHAPITRE IX (nouvelle numérotation du chap. VII)

Dispositions transitoires concernant les pensionsde retraite et d'invalidité des fonctionnaires non membres de la caisse de prévoyance (CP)(comprenant les art. 57 à 68)

Art. 57 (nouvelles numérotation et teneur, ancien art. 41)

Pension de retraite

Les fonctionnaires de police qui ne sont pas membres de la caisse de prévoyance (CP) ont droit à une pension de retraite annuelle et viagère après vingt-cinq ans de service, sous réserve des dispositions de l'article 36 (révocation), de l'article 63 (cas d'infirmité ou de maladie prolongée) et de l'article 65 (départ involontaire avant les droits à la pension).

Art. 58 (nouvelle numérotation, ancien art. 42)al. 4, lettre d (nouvelle teneur)

d)

Dès le moment où le fonctionnaire retraité a droit à une rente AVS, la pension globale servie par l'Etat en application de l'article 57 et de la lettre b du présent alinéa est réduite du montant de la rente de vieillesse simple acquise en raison des années de services du bénéficiaire.

Art. 59 et 60 (nouvelle numérotation, anciens art. 43 et 44)

Art. 61 (nouvelle numérotation, ancien art. 45)al. 2 (nouvelle teneur)

2 Pour autant qu'il n'y est pas dérogé par le présent article, les règles posées à l'article 60 continuent de régir la situation de la veuve ou des enfants mineurs.

Art. 62 (nouvelles numérotation et teneur, ancien art. 46)

Subrogation de l'Etat aux droits des survivantsRéduction de l'indemnité

1 Dans les cas prévus à l'article 61, l'Etat est subrogé aux droits de la veuve ou des enfants mineurs jusqu'à concurrence de ce qu'il est légalement tenu de leur verser.

2 Si, par suite du décès d'un fonctionnaire de police survenue dans les conditions déterminées par l'article 61, la veuve ou les enfants mineurs reçoivent de ce fait une indemnité autre que la pension versée par l'Etat, cette dernière est réduite d'autant.

Art. 63 (nouvelle numérotation, ancien art. 47)al. 2 (nouvelle teneur)

2 Il reçoit, dans ce cas, en lieu et place de l'indemnité prévue à l'article 65, une retraite proportionnelle à ses années de service, qui est calculée sur le traitement assuré défini par l'article 58, alinéas 1 et 2, majoré de 700 F, à raison de 2% par année de service sans toutefois que le taux de pension puisse dépasser 70%.

Art. 64 et 65 (nouvelle numérotation, anciens art. 48 et 49)

Art. 66 (nouvelles numérotation et teneur, ancien art. 50)

Mariage contracté par un retraité

Si un fonctionnaire de police se marie après sa mise à la retraite, sa veuve n'a pas droit aux prestations mentionnées ci-dessus (art. 60 et 63).

Art. 67 et 68 (nouvelle numérotation, anciens art. 51 et 52)

TABLE DES MATIÈRES

Articles

Chapitre 1: Disposition générales 1-5

Chapitre II: Organisation du corps de police 6-9

Chapitre III: Attributions du chef et des officiers de police 10-15

Chapitre IV: Modes d'intervention 16-22

Chapitre V: Rétention policière 23-25

Chapitre VI: Statut des fonctionnaires de police 26-43

Chapitre VII: Traitements et autres prestations 44-53

Chapitre VIII: Dispositions finales 54-56

Chapitre IX: Dispositions transitoires concernant les pensions

 de retraite et d'invalidité des fonctionnaires

  non membres de la caisse de prévoyance (CP)  57-68