République et canton de Genève

Grand Conseil

GR 118-1
a) M. L.F. D.. ( -)GR118
Rapport de Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), commission de grâce
GR 119-1
b) Mme M. A.. ( -)GR119
Rapport de Mme Claude Howald (L), commission de grâce
GR 120-1
c) M. M. R.. ( -)GR120
Rapport de Mme Erica Deuber-Pauli (AG), commission de grâce
GR 121-1
d) M. T.B. J.. ( -)GR121
Rapport de Mme Claire Chalut (AG), commission de grâce

9. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :

M. L.F. D. , 1961, France, couvreur, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.

2ème recours en grâce

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse. M. L.F. D. est né en 1961; il est français et couvreur de profession.

Il présente son deuxième recours en grâce contre la peine d'expulsion judiciaire. M. L.F. D. a été condamné à Genève pour différents délits relatifs à la loi sur la circulation routière, notamment pour alcoolisme au volant en 1988, 1992 et 1993. Le non-respect des expulsions judiciaires lui a valu quelque dix-huit condamnations en vertu de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers et, finalement, une interdiction de séjour à vie, décrétée en 1994.

M. L.F. D. apporte la preuve qu'il a des attaches personnelles sérieuses avec la Suisse, mais la situation n'est pas différente de celle appréciée par le tribunal en janvier 1995. C'est pourquoi la commission vous propose le rejet du recours.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.

Mme M. A. , 1940, Vaud, coiffeuse, recourt contre l'amende.

Mme Claude Howald (L), rapporteuse. Mme M. A. est née le 3 avril 1940 dans le canton de Vaud, à Rossinière, et elle est domiciliée à Genève. Coiffeuse de profession, elle est en arrêt maladie depuis 1994. Sa demande de grâce est d'ailleurs appuyée par un certificat médical qui atteste de l'incapacité définitive de Mme M. A. de travailler en raison d'une maladie évolutive.

Ses revenus 1995 atteignent environ 27 000 F et elle est, depuis cette date, en attente d'une décision de l'assurance-invalidité, d'une part, et d'une remise d'impôts pour le montant dû en 1995, d'autre part. Elle est donc entièrement entretenue par l'Etat.

Mme M. A. a commis une infraction à la loi fédérale sur la circulation routière, délit manqué de conduite d'un véhicule en état d'ivresse et s'est opposée aux actes de l'autorité en refusant de quitter son véhicule et en proférant des injures à l'égard des agents.

En 1994, elle a effectué deux jours de détention préventive sur quatre-vingts jours d'emprisonnement prévus, avec un sursis de trois ans, et elle a été condamnée à 1 600 F d'amende sans les frais pour tous les faits qui lui sont reprochés. Elle recourt contre le montant de l'amende. Après avoir étudié son cas de manière très détaillée, la commission de grâce vous propose une remise de la moitié de l'amende, soit 800 F.

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de l'amende de moitié) est adopté.

M. M. R. , 1939, Etats-Unis d'Amérique, médecin, recourt principalement contre la peine restant à courir jusqu'à la réalisation des conditions d'octroi de l'éventuelle libération conditionnelle, soit une remise de peine de neuf mois et vingt-cinq jours; subsidiairement contre la peine.

2ème recours en grâce

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG), rapporteuse. M. M. R. est né en 1939 en ex-Yougoslavie. Je ne reviens pas sur les épisodes de sa vie que vous connaissez, puisque ce Grand Conseil s'est prononcé négativement sur une première demande en grâce le 14 décembre 1995.

Il a été condamné par défaut, en mai 1989, pour faux dans les titres et escroqueries, à quatre ans d'emprisonnement et dix ans d'expulsion du territoire suisse. Il a été condamné par défaut, parce qu'à cette époque, à la suite d'une procédure juridique organisée par ses avocats aux Etats-Unis, il lui a été intimé de ne pas quitter le territoire des Etats-Unis pour pouvoir soigner un de ses patients qui désirait qu'il reste à son chevet. La loi américaine permet en effet ce genre de rétention.

Au terme de la procédure qui a duré un certain nombre d'années, de recours en cassation en recours en cassation, M. M. R. a été arrêté lors d'un passage à Munich, extradé et incarcéré à Genève le 21 août 1995.

Sa sortie de prison est prévue pour le 20 avril 1998. Selon l'usage, aux deux tiers de la peine il pourra être libéré, ce qui nous porte au 20 décembre 1996. Il pourrait bénéficier de la semi-liberté à partir du 21 avril prochain. Il a donc, pour des faits qui remontent à quatorze ans, déjà purgé vingt-deux mois et cinq jours de prison. Le recours porte sur le solde de la peine à courir jusqu'en décembre, voire sur le solde de la peine à courir jusqu'en avril, date de la semi-liberté. Il porte également sur la condamnation d'expulsion du territoire suisse pendant une durée de dix ans.

La commission a examiné ces diverses demandes. Elle estime qu'en dehors des arguties juridiques aucun fait nouveau si ce n'est la santé du docteur M. R. n'intervient pour justifier une grâce et estime que celui-ci peut tout à fait se faire soigner, même pour une éventuelle opération à coeur ouvert, à l'hôpital cantonal. C'est la raison pour laquelle la commission vous conseille de rejeter ces trois recours.

M. Bernard Lescaze (R), rapporteuse. J'aimerais demander à la rapporteuse, puisqu'elle vient de faire allusion à l'état de santé du docteur M. R., sur quels arguments s'est fondé l'examen de la commission à ce sujet. En effet, d'autres sources laissent entendre que son état de santé est effectivement très fragile. Comme c'est précisément sur ce point-là que doit porter l'éventuelle demande en grâce, j'aimerais savoir ce qu'il en est.

J'aimerais également savoir si la commission de grâce s'est penchée sur la question du remboursement à l'Etat yougoslave ou à ses successeurs. En effet, il semblerait que le remboursement ait été effectué deux fois : à la fois par l'Etat de Genève et par le docteur M. R..

Je vous remercie, Madame la rapporteuse, de bien vouloir me donner ces précisions.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG), rapporteuse. Monsieur le député, la commission a longuement examiné la question de la santé de M. M. R., non pas sur le plan médical mais sur le plan du principe, pour savoir de quels arguments elle pouvait disposer concernant le véritable état de santé du malade. Elle est arrivée à la conclusion qu'en dehors des certificats médicaux qui lui sont soumis et il y en a plusieurs - d'ailleurs, le dossier de M. M. R. en a toujours eu - l'hôpital cantonal offrait toutes les garanties nécessaires pour soigner le docteur M. R., si son état de santé est aussi grave que le disent ses avocats. L'argument principal est la préparation d'une éventuelle opération à coeur ouvert, et nous avons estimé que l'hôpital cantonal était en mesure de préparer le docteur M. R. a une telle opération, ce que ce dernier sait très bien, pour y avoir travaillé lui-même pendant longtemps.

Nous n'avons pas abordé la deuxième question. Dans le dossier, nous sommes seulement informés du remboursement de plus d'un million de francs par le docteur M. R. à l'Etat yougoslave, au titre de l'escroquerie commise contre les assurances mutuelles de ce pays. Nous n'avons pas connaissance d'un double remboursement.

M. Nicolas Brunschwig (L). Comme vous pouvez le constater dans le texte qui vous a été remis par le service du Grand Conseil, M. M. R. fait trois demandes successives.

La dernière demande porte sur la remise de la peine d'expulsion, afin de pouvoir purger le solde de la peine en semi-liberté. Ce point a particulièrement occupé notre commission.

En effet, il s'agissait de savoir dans quelle mesure M. M. R. pourrait bénéficier des mêmes conditions qu'un détenu de nationalité suisse, par exemple. Je défends la thèse selon laquelle M. M. R. ne doit pas subir des conditions de détention différentes de celles des autres détenus helvétiques ou étrangers en possession d'un permis d'établissement.

Contrairement à l'avis de la commission, je fais partie de la minorité qui estime que l'on pourrait faire grâce à M. M. R. du solde de sa peine d'expulsion, afin qu'il puisse effectuer sa peine en semi-liberté comme n'importe quel autre détenu. Je vous recommande donc de réfléchir à cette proposition, et je vous demande, Monsieur le président, de voter formellement sur cette demande particulière de grâce.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG), rapporteuse. Comme le dit M. Brunschwig, nous avons en effet longuement discuté sur ce point. Nous sommes plusieurs députés, j'en suis certaine, dans cette salle à estimer que Suisses et étrangers devraient être égaux devant la justice.

C'est un problème de principe, mais il se trouve que la loi, et notamment les dispositions prises en matière de jugement, prévoit des peines d'expulsion pour les étrangers. Nous trouvons injuste de faire ce soir une exception, même si nous sommes complètement d'accord de changer la loi. Mais, actuellement, la loi prévoit l'expulsion des étrangers ayant commis des délits, et nous devons l'appliquer. Nous avons également évoqué le paradoxe constitué par le fait que s'il advenait que cette mesure d'expulsion soit levée, nous savons pertinemment qu'aussitôt libéré, et même déjà en semi-liberté, le détenu pourrait très bien quitter le territoire suisse pour se rendre aux Etats-Unis où l'attendent, selon ses avocats, ses trois cents patients, dont il a dû interrompre le traitement, lorsqu'il est parti pour Munich où il a été arrêté.

Nous trouvons donc que l'argument, même s'il est juste quant au fond, n'est pas applicable dans le cas présent, sauf si tous les détenus étrangers condamnés à des mesures d'expulsion pouvaient en bénéficier.

M. Michel Balestra (L). Je fais également partie de cette minorité et je trouve tout de même assez cocasse, dans les explications qui nous sont données, qu'une mesure d'expulsion garantisse le fait que le docteur M. R. ne parte pas.

Pour nous, le problème réside dans l'équité par rapport aux autres détenus en termes de semi-liberté. Nous vous demandons donc de voter sur ce principe d'équité et sur rien d'autre.

Le président. Nous allons donc voter sur la proposition de M. Brunschwig de remettre la peine d'expulsion.

Mise aux voix, la proposition de remise de la mesure d'expulsion est rejetée.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.

M. T.B. J. , 1962, Espagne, poseur de moquettes, recourt contre le solde des peines d'emprisonnement, voire une réduction des peines initiales.

2ème recours en grâce concernant le point 2

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse. M. T.B. J. est né le 6 juillet 1962.

Le 17 février 1994, il a été condamné à deux ans et demi de prison et dix ans d'expulsion avec cinq ans de sursis pour avoir participé, entre 1989 et début 1990, à divers cambriolages.

Il effectue, en 1991, trois mois et treize jours de prison préventive, avant d'être libéré provisoirement. Associé à un autre indépendant, il a, dès cette époque, créé une petite entreprise artisanale de travaux de ponçage de parquets, de pose de moquettes, pour le compte de régies de la place. Il s'y est attelé avec beaucoup d'énergie et effectue ses mandats à la satisfaction de ses commanditaires. Actuellement, c'est son associé qui fait le travail. De plus, il vit depuis sept ans avec une amie qui a largement contribué à la stabilité de sa vie.

Il effectue sa peine suite à une convocation des SAPM (Service d'application des peines et mesures) et à un jugement rendu en date du 17 février 1994. Son comportement en détention n'a jamais fait l'objet de critiques et il a toujours respecté les plans qui avaient été fixés. En outre, il faut remarquer que les faits cités plus haut remontent maintenant à presque six ans et que la vie de M. T.B. J. a considérablement évolué dans un sens positif; c'est-à-dire que les éléments évoqués plus haut ont contribué à assurer sa stabilité aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan affectif.

Pour toutes ces raisons, la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la réduction de sa peine à deux ans.

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction des peines d'emprisonnement à deux ans) est adopté.