République et canton de Genève

Grand Conseil

IU 145
14. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Roger Beer : Sectes. ( ) IU145
 Mémorial 1996 : Développée, 42.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Suite à la pétition 1027-A relative à la scientologie, le Conseil d'Etat délivrera son rapport sans doute pour la session de février.

Il ne pourra s'agir que d'un rapport de situation, eu égard à l'aspect essentiellement évolutif du sujet. Je précise que mes services l'ont déposé au Conseil d'Etat en date du 15 décembre 1995.

Compte tenu des événements qui ont eu lieu le 23 décembre 1995, à Saint-Pierre-de-Chérennes, ce rapport a été retiré afin d'être complété pour mieux répondre à votre attente supposée.

En l'état, et pour répondre à l'interpellation urgente de M. le député Roger Beer, je vous informe de ce qui suit :

Nos services de police ne se sont pas occupés de la secte de l'OTS avant les drames de Cheiry et Salvan, en octobre 1994, lesquels ont également touché le Canada. A ce moment, et après que les cantons concernés se furent concertés, le juge d'instruction Piller, du canton de Fribourg, a été chargé de diriger l'enquête.

Compte tenu du nombre et de l'importance des analyses à effectuer, le juge a procédé à une répartition des tâches. La police fribourgeoise, notamment chargée de l'analyse des structures de l'OTS, a entendu plus de quatre cents témoins. La police et la justice genevoises ont été chargées de l'examen et de l'analyse des comptes bancaires des associations et principaux membres liés à l'OTS. A l'issue d'une enquête internationale de grande envergure, un rapport extrêmement fouillé, de plus de quatre cents pages, a été rendu et a permis de répondre aux allégations de trafic de drogue et de blanchiment d'argent évoqués à plusieurs reprises.

Du fait que, durant cette enquête, le juge Piller a largement informé les intéressés, j'ai tenu à contester les critiques faites à son encontre et, plus généralement, à celle de la justice de notre pays et des différentes polices cantonales.

Un témoin, bien connu des enquêteurs, a formulé, à plusieurs reprises, des accusations contre les services de police, à savoir que ces derniers n'avaient pas exploité les renseignements qui leur avaient été communiqués avant le drame du Vercors. Il est exact que cette personne a transmis téléphoniquement, aux policiers fribourgeois, une information en vertu de laquelle un deuxième drame était en préparation pour la date du 29 septembre 1995, jour de la fête de saint Michel. Cette information a fait l'objet d'une analyse rigoureuse. Non seulement elle a déclenché des mesures d'observation et d'enquête mais elle les a prolongées au-delà de la date annoncée, compte tenu de la proximité de l'anniversaire du premier drame.

Il a été impossible d'obtenir des renseignements pertinents, ce qui n'est guère étonnant quand on sait que les membres de l'OTS laissaient même leurs proches et intimes dans l'ignorance de leur affiliation à la secte et des réunions auxquelles ils participaient.

Vous savez à quel point la liberté de conscience et de croyance protège les adeptes de tous les mouvements religieux. Ancrée dans la Constitution fédérale, cette liberté accorde aux parents la responsabilité de l'éducation religieuse de leurs enfants jusqu'à l'âge de 16 ans. Vous comprendrez donc aisément qu'il n'appartient pas aux services de police d'assurer une surveillance constante dans ce domaine. Par contre, à plusieurs reprises, le pouvoir judiciaire et les services de police ont été amenés, dans le cadre de procédures, notamment suite à des dépôts de plaintes, à s'occuper de certaines sectes.

C'est ainsi que nous nous sommes intéressés à une secte basée à Castellane, en France, dont les ramifications s'étendaient jusqu'au sein d'une société de sécurité privée genevoise, à laquelle mon département a retiré l'autorisation d'exploiter. Cette affaire est pendante devant les tribunaux.

Le drame de Saint-Pierre-de-Chérennes, le 23 décembre 1995, nous a incités, le gouvernement et moi, à réagir énergiquement. Dans un premier temps, nous avons constitué, sous la présidence de Me François Bellanger, avocat, un groupe d'étude essentiellement chargé de trois missions :

- procéder à l'état des lieux de la législation existante;

- dire ce que l'on peut faire en utilisant ses bases actuelles; comment les utiliser mieux, c'est-à-dire de manière plus extensible si possible;

- dire quelles devraient être les bases à créer pour affronter les sectes sous deux angles particulièrement sensibles : l'aspect financier, donc l'aspect fiscal, d'une part, et le problème des enfants, d'autre part.

Un rapport est attendu pour fin juin, un rapport final pour fin octobre.

Dans un second temps, nous avons demandé à la Confédération d'inscrire les sectes sur la liste des organismes mettant en danger la sûreté de l'Etat. C'est à court terme, et de manière simple, le meilleur moyen d'obtenir un observatoire des sectes que nombre de spécialistes appellent de leurs voeux.

Dans un troisième temps, nous avons saisi la commission des transports et sécurité du comité régional franco-genevois, commission dont je suis le coprésident, de la problématique des sectes, eu égard au fait que le rapport parlementaire français en la matière mentionne quatre sectes particulières dans le département de l'Ain, et cinq dans le département de Haute-Savoie. Leurs degrés de dangerosité sont différents et inégaux. Nos documents proviennent des Renseignements généraux français. Dans ce domaine, la collaboration est à intensifier.

La quatrième et dernière mesure a consisté à alerter les conférences suisse et romande des chefs de départements de justice et police pour une mise en commun de nos préoccupations et de nos moyens. Les travaux sont en cours et M. le procureur général en est tenu informé.

A la suite du premier drame d'octobre 1994, l'enquête a démontré que l'OTS ne disposait plus de structures hiérarchiques. Par contre, du fait que des membres ont continué à se rencontrer, plus ou moins informellement, pas forcément dans le but de partager les enseignements ésotériques de l'OTS, les experts ne pouvaient exclure un nouveau drame. Comment réagir face à une personne vivante et seule qui, de sang froid, vous déclare avoir regretté de n'avoir pas fait partie du premier «voyage» ?

En l'état, j'estime vous avoir donné l'essentiel de l'information dont je disposais. Cela m'a paru nécessaire pour que vous puissiez, face à ce problème angoissant, vous forger une opinion bien documentée.

M. Roger Beer (R). Je vous remercie de votre réponse, Monsieur le président. Je prends acte, avec satisfaction, de tout ce qui a été entrepris. Je comprends parfaitement...

Le président. S'agissant d'une interpellation urgente, vous n'avez pas le droit de répliquer.

M. Roger Beer. Eh bien tant pis ! Je me réjouis de lire le rapport.

Cette interpellation urgente est close.