République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7123-A
21. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Nicolas Brunschwig, Bernard Annen, Michel Balestra, Claude Blanc, Claude Basset, Daniel Ducommun, René Ecuyer, Jean-Pierre Gardiol, Bernard Lescaze, Sylvia Leuenberger, Jean Montessuit, Christine Sayegh et Claire Torracinta-Pache sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques (D 1 4). ( -)  PL7123Rapport de M. Jean-Claude Vaudroz (DC), commission des finances
Mémorial 1994 : Projet, 3776. Commission, 3807.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des finances

La commission des finances a étudié le PL 7123 lors de ses séances des 16, 23 et 30 novembre 1994 tenues sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache, en présence de MM. Olivier Vodoz, chef du département des finances, Jean-François Mabut, secrétaire général, et Giorgio Bordogna, directeur du contrôle financier cantonal.

En préambule, il faut se souvenir que ce projet de loi a été déposé le 30 août 1994 par l'ensemble des membres de la commission des finances.

Le projet de loi renforce singulièrement les organes de contrôle de l'Etat et s'inscrit, de ce fait, dans la logique des travaux de la commission des finances relatifs à la loi sur la gestion administrative et financière, adopté le 7 octobre 1993 et entrée en vigueur le 1er janvier 1994.

Il répond aux nombreuses interrogations sur l'efficacité et la portée des mandats de la commission de contrôle de gestion, dont cette dernière a elle-même fait l'inventaire.

Il constitue une réponse indirecte à l'initiative populaire no 100 «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève» qui demande principalement un audit général de l'Etat et des institutions qui en dépendent.

Rappelons que l'avant-projet de loi a été élaboré par les services du département des finances sur mandat de la commission qui en avait défini les grandes lignes. On voudra bien se référer à l'exposé des motifs extrêmement fouillé qui accompagnait le projet de loi et en définissait la philosophie. On se dispensera donc d'y revenir dans le présent rapport.

Lors de la même séance du Grand Conseil qui a renvoyé le PL 7123 à la commission des finances, trois autres projets de loi aux sujets connexes ont été renvoyés en commission.

Deux ont été adressés à la commission des finances, il s'agit du PL 7118 sur l'évaluation législative et du PL 7175 concernant la législation expérimentale. Le troisième, le PL 7176, modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil, a été renvoyé à la commission législative, toutefois il contient également une proposition relative à l'évaluation des politiques.

Travaux de la commission

La commission a repris l'étude de son projet de loi dès le 16 novembre en commençant par l'audition de la commission de contrôle de gestion représentée par MM. J. Auvergne, vice-président, P.-A. Bobillier secrétaire, M. Bieler et G. Vuilleumier, membres de la commission.

Cette audition a consisté essentiellement en un commentaire des propositions d'amendement, présentées préalablement à la commission des finances. Ces propositions portent sur huit articles (voir le chapitre article par article du présent rapport) et ont été élaborées à partir des 4 principes suivants:

1. La mission de la commission de contrôle de gestion doit être claire. La commission, qui ne souhaite pas changer de nom, redoute que l'extension de son champ d'investigation à l'évaluation des politiques ne l'entraîne sur un terrain qui n'est pas le sien et débouche sur la confusion des pouvoirs.

2. Elle doit pouvoir exercer un contrôle externe, y compris sur l'inspectorat.

3. Sa composition doit être basée sur les compétences et ne point trop se lier à la nécessité d'une représentativité. Les nominations doivent être de durée limitée et prolongeable.

4. Son mode de travail doit être très rigoureux, et il faut éviter que la loi crée des contraintes.

Audition de MM. Robert Roth, directeur du centre d'étudede technique et d'évaluation législative, et Charles-André Morand,directeur du département de droit constitutionnel de la faculté de droitde l'Université de Genève

Les trois projets de loi 7118, 7123 et 7175 ont en commun d'introduire l'évaluation des politiques dans l'arsenal des outils et des méthodes de contrôle des activités de l'Etat . L'évaluation des politiques est une discipline relativement jeune. Elle s'intéresse à l'efficacité des politiques, s'interrogeant à la fois sur la pertinence de la loi (le problème a-t-il été bien identifié, l'objectif a-t-il été bien défini?), sur les moyens mis en oeuvre (le choix est-il adéquat et économique) et sur les effets réels et mesurables de cette mise en oeuvre (dans quelle mesure l'objectif a-t-il été atteint?).

Les trois projets de loi abordent toutefois la question de l'évaluation sous des angles différents:

Le PL 7118 propose une démarche systématique, toutes les lois votées doivent être régulièrement évaluées dans leurs effets. L'analyse des effets est large est s'apparente à un bilan global de l'action de la loi. L'organe d'évaluation est désigné par le Grand Conseil.

Le PL 7123 inscrit l'évaluation des politiques dans un contexte plus étroitement économique et organisationnel. Il s'agit, en effet, comme l'indique l'article 16, d'analyser si les principes de la proportionnalité et la subsidiarité sont respectés, d'examiner si la structure et l'organisation de l'Etat est trop lourde ou non en regard des mandats que le législateur lui assigne, de mesurer la rentabilité des dépenses consenties par rapport aux effets escomptés.

Quant au PL 7175, il est assez différent, puisqu'il introduit l'idée de la loi à l'essai. Le mécanisme proposé s'appuie toutefois directement sur des méthodes d'évaluation.

Ces trois projets de loi pouvaient-ils être traités conjointement ou devaient-ils l'être séparément? Pour répondre à cette question, la commission a procédé à l'audition de deux des plus éminents spécialistes de la question, les professeurs Gérard Roth et Charles-A. Morand.

Après un préambule sur le double rôle de l'évaluation, à la fois instrument de bilan et de réforme, M. Roth signale qu'il a perçu dans les projets de loi en discussion, en particulier dans les compétences des organismes à être mis en place, le risque d'une confusion entre l'exécution et le contrôle: une chose est d'évaluer une politique, une autre est de contrôler un processus. Il lui apparaît non désirable que le même organisme soit chargé de l'évaluation et qu'il lui incombe également de contrôler si l'évaluation se fait correctement.

Le professeur Roth signale que le Centre d'étude, de technique et d'évaluation législative qu'il dirige assume principalement deux des trois tâches d'ordinaire assignées au corps enseignant universitaire, à savoir la formation et la critique des méthodes (en l'occurrence des méthodes d'évaluation). La troisième tâche qui est l'application des méthodes dans le cadre du service que l'Université apporte à la cité ne fait pas partie des priorités actuelles du CETEL.

Pour sa part, le professeur Morand avoue n'être pas complètement étranger à la genèse du PL 7118, mais il signale qu'un gros travail reste à faire pour l'harmoniser avec les autres projets de loi. M. Morand déclare que la formulation de l'article 16 du PL 7123 ne le gêne pas, dès lors qu'on considère l'évaluation comme une activité générale de l'Etat. Ce qui le dérangerait c'est que ce soit le même organe qui pratique le contrôle financier et l'évaluation.

M. Morand insiste toutefois sur les qualifications requises pour pratiquer une évaluation scientifique. De son point de vue, l'Etat ne devrait pas se doter d'une structure d'évaluation propre, mais d'un organisme interdépartemental, au niveau du Conseil d'Etat, qui pourrait être la Chancellerie, pour commander des évaluations à des institutions privées ou publiques indépendantes et qualifiées.

Discussion de la commission

M. Vodoz signale qu'il s'agit d'abord de répondre à l'IN 100 qui demande un audit général de tout l'Etat. A cet égard la commission des finances est tombée unanime pour dire qu'il fallait améliorer la loi existante. D'où l'idée d'introduire un premier volet sur le contrôle des services, de renforcer ensuite l'inspectorat cantonal, et d'élargir les compétences de l'actuelle commission de contrôle de gestion.

Il souhaite ardemment que les pouvoirs et le champs d'investigation de la commission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques soient renforcés pour doter, dans un premier temps, le gouvernement et le parlement d'un instrument amélioré.

Aussi, l'étude de l'évaluation législative, comme les lois expérimentales devraient être renvoyées à la commission législative qui pourrait entendre à nouveau MM. Roth et Morand.

Dans l'immédiat nous avons vraiment besoin d'un instrument tel qu'il est présenté dans le PL 7123.

La commission se range à cet avis et décide de signaler à la présidente du Grand Conseil qu'elle désire que les projets de loi 7118 et 7175 soient envoyés à la commission législative.

Vote d'entrée en matière sur le PL 7123

L'entrée en matière est acceptée par 8 voix (2 lib, 1 soc, 2 rad, 2 dc, 1 vert) et 1 abstention (adg).

Vote article par article

Chapitre I Système de contrôle interne (système qualité)

Art. 1 et 2

Acceptés à l'unanimité.

Art. 3

9 oui (2 lib, 2 soc, 2 rad, 2 dc, 1 vert) et 1 abstention (adg).

Chapitre II Surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat

M. Vodoz tient à lever une ambiguïté, suite à l'audition des professeurs Roth et Morand. Il précise que lorsque l'on parle de contrôle financier, en fait, c'est un raccourci du contrôle de la gestion financière de l'Etat et des critères y relatifs, c'est-à-dire l'équilibre budgétaire, la couverture des charges par des revenus propres, le respect des règles générales de la comptabilité, etc. Le contrôle de gestion est un raccourci du contrôle de la gestion administrative et économique de l'Etat dont les critères sont l'économie des moyens, la proportionnalité, l'adéquation des moyens aux buts, l'efficacité, la rentabilité, etc. Enfin l'évaluation des politiques apprécie si l'action politique et administrative réalise bien les objectifs fixés par le législateur du point de vue non seulement financier et économique, mais aussi social, culturel, environnemental, etc.

Art. 4, 5 et 6

Acceptés à l'unanimité.

Art. 7

L'amendement proposé par la CCG (substituer le verbe remettre au verbe soumettre) est accepté à l'unanimité. L'article 7 amendé est accepté à l'unanimité. Son premier alinéa a la formulation suivante:

L'inspection a tout pouvoir d'investigation. Elle effectue son contrôle de sa propre initiative, selon un programme qu'elle remet au Conseil d'Etat ou sur mandat conféré par le Conseil d'Etat.

Art. 8, 9, 10, 11, 12 ,13 et 14

Acceptés à l'unanimité.

Chapitre III Evaluation des politiques publiques

La commission engage une longue discussion pour savoir, dans l'esprit du PL 7175, s'il conviendrait d'ajouter à ce chapitre une clause exigeant qu'un rapport sur l'adéquation de la loi soit élaboré après deux ans d'exercice.

Certains députés pensent que lorsque la commission législative aura terminé ses travaux sur les PL 7118 et 7175, il y aura peut-être un décalage et qu'il faut se donner la possibilité de reprendre le PL 7123. D'autres craignent qu'un tel ajout diminue la portée du présent projet, notamment aux yeux des partisans de l'IN 100.

Ils proposent donc d'introduire dans le rapport de la commission des finances cette demande au Conseil d'Etat, de vérifier l'adéquation de la loi après 2 ans d'exercice.

Au vote, la proposition d'inclure dans la loi une disposition transitoire mentionnant un rapport à présenter par le Conseil d'Etat au Grand Conseil obtient 5 voix (2 adg, 1 soc, 1 dc, rad), et celle d'accompagner le rapport d'une demande au Conseil d'Etat de vérifier l'adéquation de la loi après 2 ans d'exercice en obtient 6 (3 lib, 1 soc, 1 rad, 1 vert). 1 député (dc) s'est abstenu.

La commission demande donc au Conseil d'Etat qu'il produise un rapport sur l'exécution de la présente loi deux ans après son entrée en vigueur.

Art. 15

L'amendement proposé par la CCG consistant à appeler la commission «commission de contrôle de gestion et d'évaluation des politiques» est rejeté par 7 voix (3 lib, 2 rad, 2 dc) contre 1 vert et 5 abstentions ( 1 lib, 2 adg, 2 soc).

Art. 16

L'alinéa 2 lettre b est amendé à l'unanimité selon le voeu de la CCG qui proposait de supprimer le qualificatif «politique» après le mot «but». Il aura la teneur suivante : l'évaluation de l'organisation des administrations et entités publiques en regard des buts que le législateur leur assigne.

La proposition de la CCG de remplacer la notion de législateur par la loi est écartée à l'unanimité.

La proposition de la CCG de supprimer l'alinéa c est rejetée par 10 voix (3 lib, 1 soc, 2 rad, 2 dc, 1 vert) contre 2 (adg) et 1 abstention (soc).

L'article 16 amendé est accepté par le même score.

Art. 17 et 18

Acceptés à l'unanimité.

Art. 19, al. 1

La proposition de la CCG visant à consulter les membres de cette commission pour la nomination des membres de la commission d'évaluation est rejetée à l'unanimité.

Art. 19, al 2

La CCG est méfiante quant au terme de représentativité et souhaiterait que l'on s'en tienne a «en tenant compte de la diversité culturelle et sociale du canton». Cet amendement est rejeté par 12 voix et 1 abstention (verte).

L'article 19 dans son ensemble est accepté par le même score.

Art. 20

La CCG propose que la durée du mandat soit de 4 ans, renouvelable 2 fois. La commission préfère le mandat unique de 8 ans, gage de l'indépendance des commissaires par rapport à l'autorité de nomination.

L'amendement est donc refusé à l'unanimité, et l'article 20 accepté de même.

Art. 21

Accepté à l'unanimité.

Art. 22

La CCG propose que le secrétaire ne soit pas permanent, mais affecté en priorité à la commission. Il est rappelé qu'il s'agit avant tout d'une permanence pour assumer l'intendance des tâches de la commission, la déchargeant ainsi des travaux administratifs. D'autre part, la présence d'un secrétaire permanent ne signifie pas qu'il sera à plein temps.

L'amendement est donc refusé par 10 voix ( 4 lib, 2 soc, 2 rad, 2 dc) et 4 abstentions (3 adg, 1 vert).

L'article 22 est accepté par le même score.

Art. 23, 24 et 25

Acceptés à l'unanimité.

Art. 26

La CCG demande la suppression de l'alinéa 2 qui dit : demeurent réservées les dispositions légales et réglementaires relatives au secret de fonction.

A défaut la CCG voudrait que l'on précise :

...exclusivement en ce qui concerne les dossiers de tiers en possession de l'entité analysée.

M. Vodoz tient à apporter les précisions suivantes : «demeurent réservées» signifie que ces dispositions particulières visent à la protection des tiers, et pas du tout à l'administration au sens strict du terme. Il souligne encore que le secret de fonction peut être à double niveau, par rapport à l'extérieur, et par rapport aux collègues de travail qui viendraient demander des renseignements. M. Vodoz ajoute que l'application de l'alinéa 2 de l'article 26 ne vas pas bloquer la commission dans son travail. Dans le cas d'un mandat, on pourrait imaginer une situation, par exemple au niveau du pouvoir judiciaire que la commission n'ayant pas la possibilité de mener à bien ses investigations, parce que les Conseil d'Etat aurait refusé un certain nombre de levées de secret de fonction. La commission ferait alors son rapport en conséquence, expliquerait les raisons de ses conclusions, et il pourrait alors être pris d'autres dispositions.

Au bénéfice de ces explications, la commission des finances rejette l'amendement à l'unanimité et accepte de même l'article 26.

Art. 27

Accepté à l'unanimité.

Art. 28, al. 1

La CCG propose de renoncer à faire établir la liste des personnes que la commission désirera entendre, argumentant que au fur et à mesure des auditions, il pourrait apparaître la nécessité d'entendre d'autres personnes ne figurant pas sur la liste.

Il est précisé que la liste établie est susceptible d'être modifiée ou complétée selon les besoins de l'enquête. L'amendement est refusé à l'unanimité.

Art. 28, al.2

La CCG demande que les personnes interrogées ne reçoivent le procès-verbal que sur demande, en vue d'alléger la procédure.

M. Vodoz souligne l'importance des procès-verbaux dans la mesure où l'on ne peut pas mettre dans la bouche de quelqu'un une déclaration qui ne lui appartient pas, d'où la signature par la personne concernée du procès-verbal où sont consignés ses propos. Cette procédure est peut-être lourde, mais elle est juste.

La commission se range à cet avis et rejette l'amendement à l'unanimité.

Art. 28, al. 3

A l'encontre de la CCG, la commission des finances décide de maintenir le droit de réplique, qui de toute manière ne concerne pas la commission d'évaluation, puisque lorsque celle-ci a rendu son rapport, son travail est terminé.

L'amendement proposé est donc rejeté à l'unanimité, et l'article 28 accepté avec le même score.

Art. 29, 30, 31, 32, 33 et 34

Acceptés à l'unanimité.

Vote final

Au vote final, la commission des finances accepte par 11 oui (4 lib, 2 rad, 2 dc, 2 soc, 1 vert) et 3 abstentions (adg) le PL 7123 tel que modifié par ses soins, et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.

La commission considère par ailleurs que le présent projet de loi sur le contrôle de la gestion administrative et financière et sur l'évaluation des politiques répond largement aux buts poursuivis par l'initiative no 100 et même au-delà.

Le projet de loi introduit, en effet, un système de contrôle à trois niveaux.

Le premier niveau de contrôle est fondé sur l'adoption par les services de l'Etat de procédures de contrôle permanent de leurs activités qui doit déboucher sur des assurances de qualité.

Le deuxième niveau développe le contrôle financier interne classique en élargissant l'examen des comptes à la surveillance du système de contrôle interne et aux questions de productivité et de rendement économique des services.

Le troisième niveau de contrôle, dévolu à un organe d'experts indépendants, traite des questions de l'efficacité de l'Etat, de l'adéquation des moyens mis en oeuvre par rapport aux buts visés, de l'évaluation des effets socio-économiques des décisions politiques et administratives.

Le Grand Conseil s'étant déjà prononcé sur l'initiative 100, la commission recommande au Conseil d'Etat de fixer l'entrée en vigueur de la présente loi après le vote populaire sur l'initiative.

Premier débat

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur ad interim. Ce projet de loi, dont le but est d'aller au-delà d'une simple analyse financière, va effectivement obliger les départements à définir un certain nombre de critères de performances et d'objectifs à atteindre. Aujourd'hui, il s'agit d'une simple analyse financière, budgétaire, mais, demain, cette loi permettra de procéder à des analyses de prestations avec trois niveaux de contrôle : tout d'abord un contrôle interne et permanent des activités, le contrôle financier traditionnel et les questions d'efficacité, entre autres d'articles de lois définis par le Grand Conseil, qui seront traitées par des experts indépendants.

Ce projet de loi est un grand pas en avant pour une gestion plus moderne des collectivités publiques.

M. Michel Balestra (L). La commission des finances a étudié l'initiative 100 qui propose un audit général de l'Etat. N'en déplaise à ses auteurs, cette initiative part d'un constat qui était exact il y a quelques années : la gestion approximative de l'Etat pendant la période de surchauffe. Mais elle aboutit au moment où un plan financier quadriennal avec un objectif clair est voté : l'équilibre des finances publiques de l'Etat avant amortissement. Elle aboutit au moment où un délai précis est fixé : quatre ans. Elle aboutit au moment où la diminution du nombre de collaborateurs et une loi de finance, qui codifie de manière sérieuse les marges de manoeuvre des autorités politiques pour les lois induisant de nouvelles dépenses, sont majoritairement acceptées.

L'ensemble de ces mesures constitue un concept de redressement des finances publiques clair. Elles auraient pu être proposées par un consultant extérieur, mais elles l'ont été par le Conseil d'Etat, appuyé par la majorité de notre Grand Conseil et par la majorité de la population, à l'occasion d'un scrutin.

L'initiative est donc dépassée. La commission des finances vous a proposé - et vous l'avez accepté - de la rejeter. Mais la commission des finances n'a pas voulu faire l'économie d'une réflexion sérieuse sur le contrôle interne et externe de la gestion de l'Etat. Le résultat de cette réflexion nous amène ce soir à soumettre à vos suffrages le projet de loi 7123.

Ce projet de loi permet de renforcer le contrôle de la gestion à trois niveaux. Il propose tout d'abord que les services de l'Etat, les établissements publics et les organismes subventionnés mettent en place un contrôle interne permanent adapté à leur mission et à leurs structures, qui soit capable de contrôler la gestion et la qualité des services publics, avec comme objectif l'optimisation de ces derniers. Il propose ensuite de renforcer et d'élargir la mission du contrôle financier interne pour en faire un instrument d'audit interne permanent à disposition du Conseil d'Etat et des services, pour établir les procédures de contrôle et participer aux efforts entrepris pour améliorer la productivité de ces derniers. Il propose enfin de renforcer et d'élargir l'efficacité et les pouvoirs de la commission externe de contrôle de gestion et d'évaluation des politiques publiques, d'améliorer la publicité de ses travaux et de lui permettre de s'entourer d'experts pour l'exécution des mandats délicats.

L'ensemble de ces dispositions permettra de doter l'Etat et les services publics d'un appareil de contrôle de gestion permanent moderne et répondant de manière durable aux préoccupations des initiants et des citoyens, qui partageaient leur légitime inquiétude.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous propose, comme une large majorité de la commission des finances, de voter ce soir ce projet de loi.

M. Daniel Ducommun (R). Le projet de loi qui nous est soumis émane des travaux de la commission des finances et peut être considéré comme un nouvel outil législatif devant accompagner le plan de redressement des finances publiques après une autre loi de référence sur la gestion administrative et financière de notre Etat, loi que nous avons acceptée en 1993.

Nous constatons que l'une et l'autre de ces lois ont été établies suite à deux initiatives du comité «Halte aux déficits» - M. Balestra en a parlé - dont l'IN 100 relative à l'exigence d'un audit général de l'Etat, pour, je cite : «réduire les dépenses abusives». Le projet de loi de ce soir a donc force de contreprojet indirect à cette initiative, laquelle soulève un problème réel, celui du contrôle de gestion, mais qui, en revanche, est tout à fait excessive, car elle engage des moyens disproportionnés au niveau du remède à prendre. En effet, un audit général d'un Etat comme le nôtre est extrêmement coûteux, extrêmement long et extrêmement inutile ! La meilleure collaboration que l'on pourrait entretenir, à l'avenir, avec le comité «Halte aux déficits» est que ce dernier propose, car il est pertinent dans ses démarches, mais que notre Grand Conseil dispose !

C'est bien le cas ce soir avec le projet qui poursuit trois buts que je vais évoquer succinctement, M. Balestra les ayant déjà développés.

1) La mise en place d'un système de contrôle interne dans le cadre d'une approche de qualité totale. Chaque collaborateur de l'Etat doit être responsable de la qualité du produit livré à ses collègues, à un usager ou à un autre service.

2) La création d'un inspectorat cantonal des finances, émanation du contrôle financier cantonal dont la mission de révision interne développe des activités d'audit, de rendement et d'efficacité.

3) Le toilettage de l'actuelle commission de contrôle de gestion, laquelle devient la commission externe d'évaluation des politiques publiques. Malgré son appellation pompeuse, les conditions-cadres de cette nouvelle structure nous conviennent, car elles améliorent trois domaines inefficaces jusqu'alors : l'indépendance dans leurs travaux, le droit d'initiative et l'information des rapports d'étude et de leurs conclusions.

Toutefois, pour que cette nouvelle commission externe d'experts soit efficace et nous aide à développer des pistes d'économies - je rappelle qu'il faut trouver 100 millions pour le budget 1996 - certaines habitudes ou mentalités devront changer. Si la commission des finances reste démunie dans ses propositions, en revanche le Conseil d'Etat devra ouvrir grand ses tiroirs et provoquer le maximum d'interventions de contrôles. La situation actuelle n'était pas sérieuse. A force d'argumenter, de tergiverser et de patienter, la commission de contrôle de gestion n'avait, au mieux, qu'une ou deux missions par an, mais c'est une ou deux missions par mois qui seront dorénavant nécessaires pour nous satisfaire. Nous aurons ainsi un concept professionnel à disposition du parlement répondant aux préoccupations des initiants du comité «Halte aux déficits» sans dépenser de nouveaux millions d'investissement pour un audit généralisé aux résultats douteux.

Voilà les arguments les plus marquants qui poussent le groupe radical à voter ce projet de loi sans réserve.

M. Pierre-François Unger (PDC). Le projet de loi 7123 vient à point nommé pour offrir une réponse intelligente à l'initiative 100 qui nous paraît peu réaliste.

Le projet de loi qui nous est soumis, comme l'ont dit mes préopinants, est en quelque sorte une fusée à trois étages. Il devrait permettre de mieux mesurer l'adéquation entre les missions des différents services de l'Etat, les moyens qui leur sont nécessaires et la manière dont ces moyens doivent être utilisés pour le meilleur rapport coût/efficacité.

Le premier étage de cette fusée est situé en périphérie. C'est heureux, parce qu'il impose à chacun des services de l'Etat son propre contrôle de qualité en respect des missions qui lui sont propres.

L'étage intermédiaire est constitué d'un système d'inspectorat, somme toute assez classique, destiné à l'examen des comptes et de la qualité de gestion dans un sens plus large des services de l'Etat, ainsi que des entités concernées.

Mais c'est réellement le troisième étage qui est de loin le plus moderne, puisqu'il instaure une commission externe d'évaluation des politiques publiques. Ce troisième étage devrait, sans nul doute, devenir à terme un élément permanent et indispensable pour la définition des stratégies de l'Etat permettant aussi bien l'ajustement rapide de telle ou telle politique que la mesure des effets attendus d'une politique nouvelle.

Vous l'avez compris, ce projet de loi doit bénéficier du très large appui de notre parlement, d'abord parce qu'il est remarquable, mais aussi pour proposer une alternative de poids à l'initiative 100, qui se base sur des a priori que le groupe démocrate-chrétien ne peut pas partager. Certes, c'est un devoir démocratique prioritaire que d'optimaliser l'utilisation du denier public. Il est fondamental que les dépenses engagées le soient en accord avec les principes de la proportionnalité, de la subsidiarité, mais aussi et surtout celui d'équité, principes qui nous sont chers. Contrairement aux initiants, nous sommes persuadés que le service public genevois est de grande qualité et qu'il contient un véritable gisement d'intelligence, d'inventivité et même de productivité. Ce sont ses missions qu'il convient parfois de mieux définir. C'est sa responsabilité qu'il faut renforcer. C'est en poursuivant des objectifs clairs que l'on mobilisera son énergie de façon optimale.

Ce projet de loi nous paraît, à ce titre, constituer une étape significative et pourquoi pas décisive.

Mme Christine Sayegh (S). Lorsque l'initiative 100 a été mise à l'ordre du jour de la commission des finances, nous nous sommes demandé s'il fallait lui opposer un contreprojet. Les avis étaient partagés, et cela a amené les commissaires à faire une lecture critique de la loi actuelle sur le contrôle financier et le contrôle de gestion. Cet examen avait, dans un premier temps, pour but de renforcer le pouvoir de la commission de contrôle de gestion, et il s'est avéré que certaines dispositions, notamment l'article 9, alinéa 3, au sujet de la mise en oeuvre de ladite commission, n'étaient pas pleinement utilisées. Au cours de l'analyse de cette loi, différentes propositions d'amendements ont été faites en matière d'information et de publicité notamment, afin que les travaux de la commission de gestion et de contrôle soient plus largement diffusés.

Ces propositions ont été retenues dans le projet 7123 qui nous est soumis aujourd'hui. L'évaluation des dispositions légales actuelles en matière de contrôles financiers et de gestion a permis de conclure au fait que, même si ces dispositions étaient bien pensées, elles ne donnaient pas un instrument aussi efficace que souhaité. C'était donc l'occasion de porter la réflexion vers des techniques de contrôles plus modernes tendant à évaluer non seulement l'application de la loi mais également son but en fonction des résultats escomptés. Le contrôle externe et le contrôle interne sont bien évidemment maintenus. La commission de gestion et de contrôle intervient sur mandat. Ce mode de faire a fait ses preuves et répond de manière adéquate à l'exécution des missions confiées. Il est apparu, par contre, que le contrôle interne de gestion de l'Etat devait être quant à lui continu. C'est pourquoi, et vous l'aurez constaté, les sphères d'action de l'inspection cantonale et de la commission de gestion ont été modifiées. Celles de l'inspection s'étendant à la surveillance de la gestion administrative et celle de la commission de gestion s'étendant à l'évaluation des politiques publiques telles que définies à l'article 16 du projet.

Ainsi, les interventions de l'inspection cantonale et de la commission d'évaluation des politiques sont complémentaires. Pour ne pas tomber dans le piège des lois inefficaces, notre groupe aurait souhaité qu'une évaluation de l'application de cette loi soit prévue et garantie par une disposition légale. Notre proposition a été écartée dans sa forme mais pas dans le fond, puisque nous aurons un rapport du Conseil d'Etat promis pour dans deux ans.

Nous entrons dans l'ère des contrôles législatifs, des évaluations et même des lois expérimentales, avec les trois projets de lois rappelés par le rapporteur et renvoyés à la commission législative. Nous aurons donc bientôt les moyens de savoir si l'outil que nous mettons en place aujourd'hui répond à notre attente et s'il permet d'utiliser au mieux et dans l'intérêt de la communauté notre système législatif et réglementaire.

Ce projet de loi a également le mérite d'être compatible avec la situation financière de notre canton, alors que provoquer un audit général, comme le propose l'initiative 100, ne résoudrait aucun problème. Il en résulterait, outre son coût exorbitant, une multitude d'opinions en réponse aux questions posées. Le présent projet de loi permet quant à lui d'entrer immédiatement en action. C'est pourquoi nous vous invitons à le voter.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit par mes prédécesseurs. Je ne vais donc pas y revenir.

Par contre, je voudrais rappeler que cette loi, si elle répond en partie à la problématique soulevée par l'initiative 100, répond également à la motion 822 que nous avions déposée en 1992. Cette motion considérait que le déséquilibre chronique des finances publiques de Genève devrait amener l'Etat à introduire des méthodes de gestion modernes et rigoureuses. Pour cela elle invitait le Conseil d'Etat à élaborer et à introduire sans délai des méthodes de contrôle de gestion applicables dans l'administration publique, à mettre en place un système d'audit en vue d'évaluer les pratiques administratives des différents services de l'Etat, à entreprendre une étude systématique sur les coûts des différentes prestations et, enfin, à calculer le coût réel des différentes activités de l'administration.

A mon avis, le projet de loi 7123 a répondu à ces trois points. Par contre, la motion 822 considérait qu'il fallait faire appel à l'initiative et à la responsabilité des fonctionnaires pour rationaliser les procédures administratives et dynamiser la gestion. Le projet qui nous est soumis ne répond pas du tout à cette attente. Le volet de la participation des collaborateurs et des fonctionnaires est fondamental pour s'adapter aux conclusions d'une évaluation des politiques ou pour trouver des solutions. A ce propos, je voudrais citer les paroles de Michel Crozier, sociologue, paroles qui reflètent exactement cette préoccupation : «La crise vient de ce que l'on ne s'est pas adapté à un monde qui est devenu tout à fait différent. Le système de contrôle ancien de la société industrielle était fondé sur la hiérarchie, la distance et le secret. Or, la hiérarchie ne fonctionne plus quand il y a une possibilité de discussion et de choix. La distance diminue parce que les rapports humains se simplifient et que l'on n'admet plus les différences de classe ou de statut comme par le passé.».

Nous acceptons donc ce projet de loi, je retirerai la motion 822, à laquelle il a été répondu partiellement s'agissant des méthodes de gestion et d'audit, mais, par contre, nous déposerons une autre motion pour traiter de l'aspect de la participation et de la motivation des collaborateurs de l'Etat.

M. René Ecuyer (AdG). La commission de contrôle de gestion souffrait à notre avis d'un certain handicap. En effet, elle travaillait sur mandats pratiquement exclusifs du Conseil d'Etat. Les conclusions de ses travaux ne parvenaient pas toujours à ceux à qui elles étaient destinées.

Les députés de l'Alliance de gauche ont suivi avec beaucoup d'intérêt les travaux du projet de loi 7123, mais, en fin de compte, nous avons tout de même décidé de nous abstenir. En effet, nous avons été confrontés à une certaine alternative : la nécessité de faire front à l'initiative du 14 juin du commando d'extrême-droite «Halte aux déficits» - cette initiative proposait de remettre de l'ordre avec un grand «O» dans le fonctionnement de l'Etat de Genève, avec un arrière-goût de privatisation, de diminution de salaire, de suppression de prestations, de suppression d'emplois, d'une part, et, de l'autre, la volonté du Conseil d'Etat de maintenir sous son aile bienveillante les services chargés du contrôle de la gestion de l'Etat.

Si on examine sa composition - je me réfère à l'article 19 : les seize membres sont désignés par le Conseil d'Etat après consultation de la commission des finances - on peut se poser des questions. En effet, elle était composée de trois avocats, trois ingénieurs, des banquiers, des industriels et des assureurs, ce qui laissait peu de place au petit peuple. On peut légitimement se demander quel contrôle la population majoritaire - à laquelle nous avons la modestie d'appartenir - a sur la gestion de l'Etat de Genève. Nous ne sommes pas du tout satisfaits du système de nomination de cette commission, et, de plus, nous considérons que, les membres de cette commission étant désignés par le Conseil d'Etat, celle-ci n'aura pas une autonomie suffisante pour mener à bien les tâches qu'elle doit accomplir.

C'est pourquoi nous appelons ce Grand Conseil à s'abstenir sur le projet de loi qui nous est proposé.

M. Bernard Clerc (AdG). Je voudrais compléter l'intervention de mon collègue, M. Ecuyer.

Ce projet a été mis en oeuvre pour répondre à l'initiative «Halte aux déficits» dont le comité - rappelons-le - est le bras droit du parti libéral. Malheureusement, pour ce dernier, il est allé trop loin et trop brutalement dans l'action «d'assainissement» des finances de l'Etat. Il ne suffit pas de qualifier un projet de moderne pour qu'il le soit réellement. Si nous ne sommes pas opposés au chapitre 1, concernant le contrôle interne, ni au chapitre 2, relatif à la surveillance interne de la gestion administrative et financière, il en va tout autrement du chapitre concernant l'évaluation des politiques publiques, principalement sur le plan des éléments contenus à l'article 16, alinéa 2, lettres a) et c).

A la lettre a, il est dit que la commission d'évaluation des politiques publiques devra analyser les secteurs qui seront soumis à son examen selon les principes de la proportionnalité et de la subsidiarité. Or, ces principes ne sont évidemment pas définis, et ils sont interprétables à souhait !

A la lettre c on parle de rapport coût/utilité des prestations. Quels seront les critères retenus ? Nous n'en savons rien ! Probablement ceux de l'économie privée, alors que certaines tâches de l'Etat répondent par définition à des besoins que l'économie ne peut ou ne veut pas assumer !

Enfin, les experts, aussi bons soient-ils, ne sont jamais neutres, et ils analysent les choses à partir de leurs expériences personnelles et professionnelles.

Nous craignons, à travers cette commission d'évaluation des politiques publiques, un glissement du parlement vers cette commission qui, sous un aspect de neutralité, déclarerait la vérité. Nous estimons que c'est la tâche fondamentale de l'autorité politique d'évaluer les politiques publiques et que ce n'est pas celle des commissions d'experts. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. Nicolas Brunschwig (L). Contrairement à ce que M. Clerc a l'air de penser, le comité «Halte aux déficits» et le parti libéral genevois n'ont aucun lien entre eux.

D'ailleurs, notre position en commission a été très claire, dès le début. Nous disions non à l'initiative, et oui à une amélioration et à un renforcement du contrôle. Dès lors, l'abstention des députés de gauche sur le fond qui doit sans doute signifier leur désintérêt, ou, tout au moins, leur manque d'idée pour améliorer ce contrôle de la gestion publique, ne doit pas les amener à dénigrer sur la forme la position des uns et des autres ! Quelle que soit la position du comité «Halte aux déficits», celle-ci avait au moins le mérite de pousser notre commission à la réflexion, ce qui a été fait consciencieusement. Vous avez participé personnellement à ce travail, Monsieur Clerc, aussi je trouve un peu faible de faire de tels parallèles !

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je vous rappelle que trois critères furent à la base des réflexions du Conseil d'Etat et de la commission des finances :

1) Le renforcement des compétences, s'agissant de la commission désormais appelée commission d'évaluation.

2) Publicité des conclusions.

3) Large saisine de la commission qui pouvait déjà le faire avec sa structure actuelle, mais qui ne l'utilisait pas.

Comme de nombreux députés l'ont souligné, il était important que la nouvelle commission désignée ce soir par le vote de votre loi puisse d'elle-même examiner des services ou des structures dépendant de l'Etat sans attendre obligatoirement des mandats, soit de la commission des finances, soit du Conseil d'Etat. A ces trois critères, nous considérons qu'il a été répondu à satisfaction, et je remercie ici publiquement les députés de la commission des finances qui ont beaucoup travaillé sur ces projets de lois et de l'accueil majoritairement réservé à leurs conclusions devant le parlement.

L'Etat de Genève - c'est-à-dire votre parlement et le Conseil d'Etat - se dote par cette loi d'un instrument qui devrait répondre aux préoccupations actuelles et qui fait une synthèse judicieuse de l'état des travaux en cours dans d'autres collectivités publiques, soit cantonales soit fédérales, y compris - comme M. Unger y a fait allusion - au niveau de l'université en matière d'évaluation législative. Ce travail ayant été fait et bien fait, il faut désormais, une fois cette loi votée, trouver les personnalités qui, grâce à leurs compétences, permettront de réaliser les espoirs que vous mettez - que nous mettons - dans les travaux de cette commission. Ces travaux doivent être utiles à Genève et à nos activités respectives.

Le Conseil d'Etat souhaite que la nouvelle commission externe puisse débuter ses travaux dès les premiers jours d'avril prochain. Par conséquent, je serai amené à venir devant la commission des finances pour indiquer, conformément au projet de loi, les personnalités que nous nous proposons de désigner. Nous aurons un débat à ce sujet dans le cadre de la commission des finances, puis le Conseil d'Etat prendra des décisions, de telle sorte que cette commission puisse se mettre au travail dès que possible. Je m'en réjouis, car c'est un point important.

Le Conseil d'Etat s'est lui aussi opposé à l'initiative 100, car il ne croit pas à l'efficacité d'un audit général de l'Etat, sans parler des millions qu'il faudrait engager à cet effet. En revanche, il croit, d'une part, à ce type de commission et, d'autre part, aux travaux et aux audits particuliers qui seraient demandés dans certains secteurs bien précis. C'est la conjugaison de ces moyens qui nous permettra, effectivement, d'entente avec le personnel de l'Etat, de réformer l'Etat dans la mesure du possible.

Je vous remercie donc de l'accueil que vous réserverez à ce projet de loi important.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques

(D 1 4)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Système de contrôle interne

(système qualité)

Article 1

But

1 Les services de l'Etat, ainsi que les établissements publics et les organismes subventionnés (ci-après entités), mettent en place un système de contrôle interne adapté à leurs missions et à leur structure, dans le but d'appliquer les principes de gestion mentionnés aux articles 2 et 3 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

2 Les communes s'inspirent des principes des chapitres I et II de la présente loi, sous réserve des dispositions particulières qui leur sont applicables.

Art. 2

Définition

1 Le système de contrôle interne est un ensemble cohérent de règles d'organisation et de fonctionnement et de normes de qualité qui ont pour but d'optimiser le service au public, la qualité des prestations et la gestion des entités et de minimiser les risques économiques et financiers inhérents à l'activité des entités.

2 La mise en place et la maintenance du système interne de contrôle incombe à la direction des entités.

Art. 3

Certification

Toute entité est encouragée à soumettre son système de contrôle interne à une autorité de certification désignée par le Conseil d'Etat.

CHAPITRE II

Surveillance interne de la gestion

administrative et financière de l'Etat

Art. 4

Principes

1 La surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat est assurée par l'inspection cantonale des finances (ci-après l'inspection).

2 Elle exerce cette surveillance selon les critères de la régularité, de la légalité et de la rentabilité, ainsi que selon les principes généraux de la revision et de l'audit.

3 Elle examine, au titre de la rentabilité, si les ressources sont employées de manière économique; elle analyse le prix de revient des prestations.

4 L'inspection est à disposition du Conseil d'Etat et de la commission des finances du Grand Conseil dans leur exercice de la haute surveillance de l'administration.

Art. 5

Entités concernées

L'inspection exerce son activité :

a)

auprès des départements, de la chancellerie et de leurs services;

b)

auprès des institutions cantonales de droit public;

c)

auprès des institutions privées dans lesquelles l'Etat possède une participation financière majoritaire ou une représentation majoritaire au sein des organes supérieurs de l'institution;

d)

auprès de tout organisme privé bénéficiant d'une aide financière de l'Etat.

Art. 6

Compétences

1 L'inspection est notamment compétente pour:

a)

la revision des comptes;

b)

le contrôle des valeurs du patrimoine et des inventaires;

c)

l'examen par rapport au système de contrôle interne de la réalisation des objectifs de la gestion à tous les stades de leur exécution, sous les angles juridique, comptable, économique, financier, organisationnel et informatique;

d)

la surveillance et la coordination des activités de revision exercées par des organes internes ou externes désignés.

2 L'inspection participe à l'élaboration des prescriptions sur le contrôle, la revision, la comptabilité, le service des paiements et la tenue des inventaires.

Art. 7

Déroulement

1 L'inspection a tout pouvoir d'investigation. Elle effectue son contrôle de sa propre initiative, selon un programme qu'elle remet au Conseil d'Etat ou sur mandat conféré par le Conseil d'Etat.

2 Dans le cadre de l'exécution de son mandat, les dispositions légales sur le maintien du secret ne peuvent pas être invoquées vis-à-vis de l'inspection.

3 L'inspection peut s'adjoindre des spécialistes lorsqu'un mandat de surveillance nécessite des connaissances particulières.

Art. 8

Rapports et droit d'être entendu

1 Toute intervention de l'inspection donne lieu a un rapport.

2 Préalablement à la rédaction de son rapport, l'inspection clôt son examen par un entretien final avec les responsables de l'entité. Elle discute notamment des mesures correctives déjà prises ou à prendre.

3 Les rapports sont remis au chef du département dont dépend l'entité examinée et au chef du département chargé des finances.

Art. 9

Contrôles par des experts ou fiduciaires

1 Le Conseil d'Etat peut confier des missions relevant des compétences de l'inspection à des mandataires externes spécialisés.

2 Les entités ou organes des institutions ou sociétés, visés à l'article 5, lettres b et c, chacun pour leur part et avec l'accord du Conseil d'Etat, confient directement de telles missions à des mandataires externes spécialisés.

3 Le Conseil d'Etat peut dispenser l'inspection d'intervenir simultanément dans ces cas. Il appartient néanmoins à cette dernière de prendre connaissance des rapports établis par les mandataires externes et de formuler toutes observations qu'elle juge nécessaires à ce sujet à l'autorité qui a confié la mission.

Art. 10

Obligation de renseigner en matière de contrôle de gestion

Si, lors d'une revision, les mandataires externes constatent des défauts, des erreurs ou des lacunes dans la gestion des entités contrôlées, ils doivent en saisir à bref délai, par un rapport séparé, soit le conseiller d'Etat duquel relève le service ou l'institution en cause, soit l'autorité qui a confié le mandat.

Art. 11

Organisation

1 L'inspection est autonome et indépendante. Administrativement, elle dépend du département chargé des finances

2 Elle est placée sous la direction d'un fonctionnaire nommé par le Conseil d'Etat. Ce dernier en informe la commission des finances du Grand Conseil.

3 Le personnel de l'inspection est assermenté. Il doit vouer tout son temps à sa fonction et ne peut accepter aucune autre fonction rétribuée d'ordre public ou d'ordre privé.

Art. 12

Pouvoir réglementaire

Le Conseil d'Etat fixe, par voie de règlement, l'organisation et le fonctionnement de l'inspection.

Art. 13

Rapport annuel

1 Au début de chaque année, soit jusqu'au 30 avril, l'inspection adresse au Conseil d'Etat un rapport résumant son activité durant l'exercice écoulé. Il mentionne en particulier:

a)

la liste des entités contrôlées avec mention de l'étendue des travaux effectués;

b)

les conclusions générales sur les constatations faites, notamment sur d'éventuelles irrégularités, ainsi que les mesures correctives déjà prises ou à prendre;

c)

les conclusions auxquelles donnent lieu les rapports de mandataires externes dont il a pris connaissance ainsi que les observations éventuelles qu'il a formulées à ce sujet.

2 Ce rapport est communiqué à la commission des finances du Grand Conseil et à la commission d'évaluation des politiques.

3 La commission des finances du Grand Conseil peut appeler le chef de l'inspection à lui donner les renseignements complémentaires dont elle pourrait avoir besoin pour l'exercice de son mandat.

Art. 14

Devoir de secret des experts et du personnel des fiduciaires

1 Les experts et le personnel des sociétés fiduciaires sont tenus au secret de fonction. Ils ne peuvent en aucun cas, lors d'une activité étrangère à leur mandat, faire état de renseignements dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de ce mandat.

2 Ils sont également tenus de garder le secret même après la fin de leur mandat.

CHAPITRE III

Evaluation des politiques publiques

Art. 15

Principes

1 Il est créé une commission externe d'évaluation des politiques publiques (ci-après commission d'évaluation), chargée de seconder le Conseil d'Etat et le Grand Conseil dans leurs tâches d'évaluation des politiques de l'Etat et des services publics, ainsi que des entités dépendant de l'Etat.

2 L'évaluation peut s'étendre aussi aux entités qui ne dépendent pas directement de l'Etat, mais qui sont subventionnées par lui.

Art. 16

Mise en oeuvre

1 La commission d'évaluation agit en principe sur la base et dans le cadre de mandats, limités dans le temps, qui lui sont confiés soit par le Conseil d'Etat, soit par la commission des finances du Grand Conseil.

2 De tels mandats peuvent porter notamment sur:

a)

l'évaluation des politiques publiques du point de vue des principes de la proportionnalité et de la subsidiarité,

b)

l'évaluation de l'organisation des administrations et entités publiques en regard des buts que le législateur leur assigne;

c)

l'évaluation du rapport coût/utilité des prestations et des dépenses consenties par rapport aux effets escomptés.

3 Lorsqu'il s'agit d'une entité dépendant de l'Etat ou d'une entité qui, sans en dépendre, est subventionnée par lui, le mandat est donné exclusivement par le Conseil d'Etat, agissant soit de son propre chef, soit à la demande de la commission des finances du Grand Conseil.

4 La commission d'évaluation peut engager de son propre chef un projet d'évaluation, après en avoir informé le Conseil d'Etat et avoir discuté avec lui le but, la portée et les modalités d'exécution du mandat. Elle en informe également la commission des finances.

Art. 17

Relations avec les autorités

La commission d'évaluation entretient des contacts réguliers avec le Conseil d'Etat et la commission des finances.

Art. 18

Relations avec l'inspection cantonale des finances

Le président de la commission d'évaluation reçoit personnellement les rapports de l'inspection. Il juge de l'opportunité de les diffuser aux membres de la commission d'évaluation.

Art. 19

Composition

1 La commission d'évaluation est composée de 16 membres désignés par le Conseil d'Etat, après consultation de la commission des finances du Grand Conseil.

2 Les membres sont choisis parmi des personnalités représentatives de la diversité culturelle et sociale du canton et qui se sont acquis par leur formation ou leur expérience une large autorité dans le domaine de la gestion économique et politique.

3 Ces personnes sont indépendantes. Elles ne peuvent appartenir en particulier ni à l'administration cantonale, ni aux pouvoirs politiques de l'Etat de Genève, ni aux conseils d'entités dépendant à un titre ou à un autre de l'Etat, ni à l'administration d'établissements de droit privé dans lesquels l'Etat détient une participation lui conférant une influence prépondérante.

4 Les membres de la commission d'évaluation sont assermentés.

Art. 20

Durée du mandat

1 Les membres de la commission d'évaluation sont désignés pour une période de 8 ans non renouvelable.

2 L'organe est renouvelé par moitié tous les 4 ans.

Art. 21

Nomination du président

1 Le Conseil d'Etat nomme pour 4 ans le président de la commission d'évaluation parmi les membres de celle-ci après consultation de la commission des finances. Il est rééligible.

2 La commission d'évaluation règle elle-même son organisation interne et son mode de fonctionnement.

Art. 22

Secrétariat

1 La commission d'évaluation dispose des services d'un secrétaire permanent, qualifié dans les domaines de l'audit et de l'évaluation des politiques, qui dépend administrativement de l'inspection.

2 Le secrétaire de la commission d'évaluation a le statut d'agent spécialisé.

Art. 23

Honoraires

Les honoraires des membres de la commission sont fixés par le Conseil d'Etat.

Art. 24

Secret

1 Les membres de la commission d'évaluation sont tenus au secret de fonction, de même que les personnes qui les assistent. Ils ne peuvent en aucun cas, lors d'une activité étrangère à leur mandat, faire état de renseignements dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de ce mandat.

2 Ils sont également tenus de garder le secret même après la fin de leur mandat.

Art. 25

Désistement

Les membres de la commission d'évaluation doivent se désister lorsque l'exécution du mandat met en cause directement ou indirectement leur intérêt personnel ou celui de l'institution ou de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ou exercent une fonction de direction ou d'administration.

Art. 26

Pouvoirs d'investigation

1 La commission d'évaluation peut exiger de l'entité soumise à évaluation, la communication de tout dossier, document ou renseignement en sa possession.

2 Demeurent réservées les dispositions légales ou réglementaires relatives au secret de fonction.

3 Sur demande expresse de la commission d'évaluation, le conseiller d'Etat dont dépend l'entité soumise à évaluation peut délier un fonctionnaire du secret de fonction.

Art. 27

Experts

1 La commission d'évaluation peut s'entourer de l'avis d'experts si elle juge nécessaire leur intervention pour l'exécution d'un mandat d'évaluation.

2 Dans ce cas, elle établit un budget qu'elle soumet à l'approbation du Conseil d'Etat.

Art. 28

Auditions

1 La commission d'évaluation établit la liste des personnes qu'il souhaite auditionner dans le cadre de l'exécution d'un mandat. Il adresse cette liste au conseiller d'Etat concerné, une semaine au moins avant l'audition.

2 Les personnes interrogées reçoivent le procès-verbal de l'audition. Elles peuvent apporter des observations à ce document dans un délai de 5 jours après réception.

Droit de réplique

3 Une fois que la commission d'évaluation a rédigé ses recommandations, elle les adresse à la direction des entités directement concernées. Celle-ci dispose d'un mois pour présenter son avis qui est consigné en annexe du rapport de la commission d'évaluation.

Art. 29

Rapports

1 La commission d'évaluation adresse ses rapports au Conseil d'Etat et à la commission des finances lorsque celle-ci est à l'origine du mandat.

2 Le rapport mentionne la méthode de travail, dresse la liste des personnes auditionnées et présente des recommandations et des propositions, ainsi que les mesures correctives déjà prises ou à prendre.

3 Au cas où l'exécution du mandat requiert un délai prolongé, la commission d'évaluation peut établir un ou plusieurs rapports intermédiaires.

4 Préalablement à l'établissement de son rapport, la commission d'évaluation fait connaître au Conseil d'Etat ou au conseiller d'Etat intéressé les conclusions auxquelles elle aboutit.

5 Une fois par an au moins, le Conseil d'Etat renseigne le Grand Conseil et la commission d'évaluation sur les mesures qu'il a prises pour faire suite aux conclusions et propositions contenues dans les rapports de cette dernière.

Art. 30

Suite d'un rapport demandé par la commission des finances

1 Lorsque la commission des finances du Grand Conseil confie elle-même un mandat à la commission d'évaluation, soit directement, soit par l'intermédiaire du Conseil d'Etat, elle met en délibération le rapport.

2 Elle transmet ensuite ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il se prononce par écrit à ce sujet.

3 Si le rapport concerne une entité dépendant de l'Etat, ou qui, sans en dépendre, est subventionnée par lui, la réponse du Conseil d'Etat mentionne l'avis de l'entité en cause.

Art. 31

Rapport

annuel

1 La commission d'évaluation établit chaque année son rapport d'activité qu'elle adresse au Conseil d'Etat avant le 31 mars. Ce dernier le communique au Grand Conseil pour information.

2 Le rapport annuel contient au moins le mandat et les conclusions des rapports déposés durant l'année.

CHAPITRE IV

Dispositions particulières et finales

Art. 32

Missions d'organisation

1 Le Conseil d'Etat peut confier à un service de l'Etat, ou à des mandataires externes spécialisés, des missions d'organisation.

2 Les entités ou organes des institutions visés à l'article 5, lettre b et c, peuvent également, chacun pour leur part et avec l'accord du Conseil d'Etat, confier de telles missions à des experts ou à des sociétés fiduciaires.

Art. 33

Clause abrogatoire

La loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion, du 7 mai 1976, est abrogée.

Art. 34

Modification à une autre loi    (D 1 9)

La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, est modifiée comme suit:

Art. 72 (abrogé)