République et canton de Genève

Grand Conseil

GR 53-1
a) M. B. P.( -)GR53
Rapport de M. Luc Gilly (AG), commission de grâce
GR 54-1
b) M. C. H.( -)GR54
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission de grâce
GR 55-1
c) Mme J. A. M.( -)GR55
Rapport de M. Laurent Moutinot (S), commission de grâce

12. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les recours en grâce suivants :

M. B. P., 1962, Espagne, sans profession.

M. Luc Gilly (AdG), rapporteur. M. B. P. a 32 ans, il est espagnol né en Suisse. Il est célibataire et vit encore chez sa mère. Il n'exerce plus sa profession de gérant depuis deux ans, car il est atteint d'une maladie irréversible. M. B. P. vit du versement de son assurance-maladie, versement qui prendra fin au mois d'octobre. Ensuite, il devrait toucher une rente AI. Sinon, il sera pris en charge par l'Hospice général.

M. B. P. a fait une demande de grâce pour le solde de ses amendes non payées. En 1992, il a été amendé pour une somme de 1 350 F pour avoir conduit en état d'ivresse et pour ne pas avoir respecté un feu rouge dans la même soirée. Entre 1989 et 1993, il a eu un nombre considérable d'amendes suite à des mauvais parcages et des dépassements de vitesse - 15 km/hre - dont le montant se monte à 2 490 F.

M. B. P. a déjà payé un grand nombre d'amendes de parcage qui lui avaient été infligées auparavant, mais la situation actuelle de ce monsieur est pour le moins délicate. Après dix années de travail pendant lesquelles ses différents patrons ont été pleinement satisfaits, il s'est retrouvé sans emploi, conséquence de sa maladie incurable. Il sait depuis dix ans que sa vie est en sursis, ce qui explique ses écarts de «conduite». Aujourd'hui, il va être pris en charge par son assurance-invalidité, voire par l'Hospice général - comme je l'ai déjà dit - et son revenu est fort modeste. Sa mère est également à l'AI. Depuis son arrestation pour conduite en état d'ébriété, il a vendu sa voiture et, donc, ne circule plus en voiture; il se déplace soit à pied soit en vélo. (Brouhaha.)

Je demande un peu de silence à l'assemblée !

M. B. P. a trouvé, ces dernières années, quelque espoir dans un groupe oecuménique où il a rapidement pris en charge un groupe de réflexion et un groupe de prière. Je spécifie d'emblée - puisqu'on me l'a demandé en commission - qu'il ne s'agit pas d'une secte, ni de la scientologie, ni d'une autre secte.

Vu la gravité de sa situation de santé et vu sa situation sociale délicate, je demande à toutes les députées et à tous les députés, au nom de la commission et en mon nom, de remettre le solde des amendes de M. B. P.. Son avenir étant très incertain, cela lui enlèvera au moins un souci. Je rappelle que M. B. P. n'a que 32 ans. Je vous remercie de votre attention.

Mis aux voix, le préavis de la commission (remise du solde des amendes) est adopté.

M. C. H., 1945, Vaud, aide-chauffeur.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je vais vous présenter le recours en grâce de M. C. H., 49 ans, vaudois, aide-chauffeur de profession et habitant Genève. Ce monsieur ne vous est pas inconnu, puisqu'il s'agit de son troisième recours, le premier lui ayant été refusé en avril 1993 et le second par notre parlement en janvier 1994.

M. C. H. est divorcé depuis 1993 et il a une fille de vingt-sept ans. Sa situation pécuniaire est très précaire, car il gagne peu d'argent. Il a une dette de 240 000 F due à la faillite de son ancienne société, société qui n'a d'ailleurs jamais été inscrite au registre du commerce. Dès 1970, M. C. H. a eu des démêlés avec la justice. Il a fait l'objet de différentes plaintes telles que : enlèvement de son propre enfant, violation d'obligation d'entretien, coups, blessures, émission d'un chèque sans provision, faux dans les titres, falsification de formules bancaires, abus de confiance et j'en passe. J'ai dénombré trente-six plaintes entre 1970 et 1991.

Condamné à quatre mois de prison avec sursis en 1988, il écope de quatre mois fermes en 1992 pour détournement d'objets mis sous main de justice, «détournement de gain saisi» et escroquerie. Il a été condamné à une peine ferme, car il n'a pas été dissuadé de commettre les infractions qui lui étaient reprochées quatre ans plus tôt. M. C. H. a utilisé toutes les voies de recours à disposition et il a été débouté à chaque fois, si bien que le 29 août de cette année il a enfin commencé à purger sa peine sous le régime de la semi-détention, soit douze heures dans une maison d'arrêts et douze heures en liberté. Sa libération conditionnelle pourrait avoir lieu le 28 novembre 1994.

Quels sont les éléments nouveaux qui motivent cette demande de recours en grâce ?

Premièrement, la naissance, en janvier 1994, à Casablanca, d'un garçon reconnu par M. C. H..

Deuxièmement, une promesse de mariage signée à Rabat, en mars 1994, avec la mère du bébé.

Il a cependant paru à la commission de grâce que, d'une part, la promesse de mariage a été signée en connaissance de cause et que, d'autre part, les modalités d'exécution de la peine permettent le maintien de l'emploi actuel de M. C. H. et ne prétéritent pas son avenir. Ce dernier ne saurait abuser plus longtemps les pouvoirs. Le préavis du procureur général est négatif. La commission de grâce vous propose également le rejet de ce recours.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.

Mme J. A. M., 1961, Portugal, couturière.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. Mme J. A. M. recourt pour la deuxième fois. M. Rigotti était rapporteur lors du premier recours qui a été rejeté le 2 décembre 1993.

Mme J. A. M. est une Portugaise de 34 ans. Elle est venue en Suisse dans les années 1980 pour se prostituer. Elle a été refoulée en 1990 et une interdiction d'entrer en Suisse, lors d'une deuxième venue dans notre pays, lui a été signifiée. Interpellée une troisième fois, elle a été condamnée le 7 janvier 1992 à trente jours de prison avec sursis et trois ans d'expulsion ferme. C'est contre cette peine d'expulsion qu'elle demande la grâce, étant précisé que cette expulsion de trois ans prendra fin le 7 janvier 1995.

Par ailleurs, elle est sous le coup d'une mesure administrative d'interdiction d'entrée jusqu'en 1997. C'est alors qu'elle est interdite de séjour en Suisse qu'elle épouse M. J., assez curieusement à la mairie des Eaux-Vives, le 3 mars 1993. Son premier recours en grâce était motivé par son désir de vivre avec son mari. Le deuxième recours dont nous nous occupons aujourd'hui ne contient aucun élément nouveau. Elle vit toujours à Ambilly avec deux enfants de six et huit ans.

Le préavis du procureur général est négatif dans la mesure où il craint que Mme J. A. M. ne revienne en Suisse que pour se livrer à la prostitution, parce qu'il faut savoir que son mari n'a malheureusement pas les moyens de subvenir à ses propres besoins et, a fortiori, à ceux de sa femme. Malgré le caractère extrêmement pénible des mesures d'éloignement à l'égard des étrangers, la commission de grâce préavise le rejet du recours.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.