République et canton de Genève

Grand Conseil

No 24

Jeudi 23 juin 1994,

soir

Présidence :

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que MM. Bernard Annen, Claude Blanc et Bénédict Fontanet, députés.

3. Procès-verbal des précédentes séances.

Le procès-verbal des séances des 16 et 17 juin 1994 est adopté.

RD 222
4. Hommage à M. Laurent Rebeaud, député, démissionnaire. ( )RD222

Le président. Je prie Mme la secrétaire de donner lecture de la lettre de démission de M. Laurent Rebeaud.

Le président. Il est pris acte de cette démission. M. Laurent Rebeaud a siégé au Grand Conseil de 1985 à l986, puis dès le début de la présente législature. Nous formons tous nos voeux pour la carrière professionnelle de notre collègue et lui remettons le souvenir traditionnel du Grand Conseil, sauf erreur, pour la troisième fois ! (Applaudissements.)

Le remplaçant de M. Rebeaud prêtera serment à notre prochaine séance de septembre.

Je saisis cette occasion pour vous signaler que M. Rebeaud, ayant également démissionné du Conseil national, y sera remplacé par notre collègue, Mme Fabienne Bugnon, à qui nous présentons nos vives félicitations. (Applaudissements.) 

5. Correspondance.

Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :

P 1040
Privatisation du service des automobiles et de la navigation (SAN). ( ) P1040

à la commission du SAN; 

P 1041
Avenir de Tavaro. ( ) P1041

à la commission de l'économie. 

Il en sera fait ainsi.

Par ailleurs, les lettres suivantes sont parvenues à la présidence :

C 156
Par son courrier du 17 juin, M. Lavergnat nous fait part de ses commentaires sur la pétition 1027 relative à la scientologie (et sur son auteur principal). ( )C156

Cette lettre est transmise à la commission des pétitions. 

C 157
En date du 21 juin 1994, les locataires des immeubles Cité Nouvelle II nous communiquent le texte de la pétition qu'ils ont adressée au DTPE, à la CIA, aux TPG et à diverses autres associations concernant un «espace vert pour nos enfants». ( )C157

Il est pris acte de cette information. 

6. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

E 734
7. Election d'un membre (n'appartenant pas aux professions médicales) de la commission de surveillance des professions de la santé (Z 9 22) en remplacement de Mme Marie-Thérèse Engelberts, démissionnaire. (Durée du mandat : jusqu'au 28 février 1998). ( )E734

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Christophe Dulex, 1964, présentée par le parti démocrate-chrétien. Il n'y a pas d'autre inscription.

M. Christophe Dulex est élu tacitement

IU 30
8. Interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon : Hospitalisation. ( )IU30

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mon interpellation urgente s'adresse au département de M. Guy-Olivier Segond.

Elle a trait à l'hôpital cantonal. Je vous résume très brièvement deux cas, parmi tant d'autres, qui se sont passés cette semaine.

Une dame est admise à l'hôpital le samedi 9 juin vers 19 h 45, suite à un accident. Après les premiers soins, on l'emmène dans le «service d'orthopédie», en chambre commune. Le lundi 11, l'anesthésiste vient lui dire qu'on va l'opérer et lui explique, en long et en large, les difficultés du service, la surcharge de travail et l'impossibilité d'opérer au-delà des heures admises, les heures supplémentaires n'étant pas payées. On lui promet une opération pour le lendemain mardi. Elle est donc à jeun dès le matin. On vient la chercher à 14 h, on la descend, puis on la remonte, car il n'y a pas de place... Le lendemain, même scénario : elle reste à jeun toute la journée; on finit par la descendre dans l'après-midi, puis on la remonte une heure après, par manque de place et par surcharge. Elle peut enfin manger. Le jeudi on l'opère. Qui l'opère ? Elle ne le sait pas. Elle n'a vu le médecin ni avant ni après. Elle apprend, le surlendemain seulement, par le radiologue, qu'on lui a mis des vis et des plaques.

Un jeune homme reste, lui, quatre jours à jeun dans le corridor en attendant une hypothétique opération.

Mes questions sont les suivantes :

1) Ces personnes auraient-elles été traitées de la même manière en privé ?

2) Les restrictions budgétaires empêchent-elles à ce point d'assurer les soins nécessaires ?

3) Y a-t-il un dysfonctionnement à l'hôpital contre lequel on pense remédier ?

Le président. La réponse à l'interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon prendra place au point 13 bis de notre ordre du jour. 

M 932
9. Proposition de motion de MM. Jean-Claude Genecand et Bénédict Fontanet : «Inventer» la commercialisation de l'invention. ( )M932

EXPOSÉ DES MOTIFS

On ne peut que féliciter les partenaires qui sont à l'origine de la fondation de la FONGIT-AGIT. Emmenée par M. Jean-Pierre Etter, du LEM, à Plan-les-Ouates, cette équipe formée de représentants patronaux, syndicaux, des banques et de l'Etat, conduit une expérience prometteuse.

L'industrie genevoise génère environ 8 millards de F de chiffre d'affaires annuellement et consacre 3 à 7% de cette somme pour la recherche. C'est dire que les 3 millions de F investis dans le cadre de la FONGIT-AGIT par les partenaires sont très modestes. Pourtant, l'aide consentie aux inventeurs choisis a pour objectif de créer des places de travail à terme ou, pour le moins, de préserver celles d'une entreprise à la recherche d'un second souffle. En effet, le but de la FONGIT-AGIT est de permettre de matérialiser, c'est-à-dire de commercialiser, une idée géniale et, il faut le savoir, le parcours est long et périlleux. Pour l'industriel, l'invention ne représente que 20% d'un produit commercialisé, tandis que, pour l'inventeur, les proportions sont inversées. Dès lors, trouver un terrain d'entente n'est pas chose aisée.

L'assurance-chômage laisse actuellement déjà la possibilité d'un placement de 6 mois en vue d'un perfectionnement. Il y a d'autres solutions préconisées dans l'invite qui peuvent s'adapter dans le cadre de cette proposition. Parmi les avantages, mentionnons qu'un chômeur au travail c'est un chômeur qui parfait sa formation et qui augmente ses chances de placement, sans négliger l'aspect psychologique d'un travail qui rend la dignité à celui qui l'exécute.

Il est à relever que cette motion ne s'intéresse pas qu'aux chômeurs en fin de droit, mais dès le début des prestations fédérales. Cela est important, car il y a souvent des personnes expérimentées qui sont mises au chômage pour la seule raison qu'elles ont dépassé la cinquantaine. Ces compétences et ce savoir-faire inutilisés sont un gâchis. L'autre aspect est les jeunes sans expérience professionnelle qui pourraient faire leurs premières armes dans le cadre de ces programmes d'occupation collectifs.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion.

Débat

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Il y a comme un vent de crise sur la FONGIT-AGIT. Lancée dans l'enthousiasme il y a trois ans par une palette de personnalités - avec des crédits publics et privés - cette fondation se trouve confrontée à un choix décisif pour son avenir.

L'industrie genevoise génère annuellement 8 milliards de chiffre d'affaires et consacre entre 3 et 7% de cette somme à la recherche. Celle-ci contribue au maintien desdites entreprises, voire à leur développement, mais les inventeurs en puissance n'ont pas accès à ce créneau souvent fort encombré. De là est née l'idée d'une fondation pour inventeurs dont le rôle est de détecter, d'analyser et d'estimer les chances d'une invention à se transformer en une réalisation commercialisable.

Le développement d'un produit demande de longs mois, voire plusieurs années, pour sa mise au point. Il y a non seulement le produit en tant que tel, mais il y a l'outillage pour le produire, puis la mise en place du réseau de commercialisation. Selon l'avis même du président de la FONGIT, le point d'achoppement auquel se trouve confrontée la fondation est cette phase de développement qui coûte à la fois très cher et qui progresse trop lentement par manque d'investissement humain.

Après trois ans d'activité, le conseil de fondation tire un bilan : quatre cents inventions ont été présentées à l'AGIT, cent cinquante ont fait l'objet de discussions, septante l'objet d'un rapport après enquête et examen par le comité de l'AGIT et sept retenues pour présentation à la FONGIT en vue d'un financement. Ces sept innovations sont : taraudeuse, maison modulaire, simulateur de lasershot, manieuse de documents, machine à froid, digesteur/composteur pour restaurants, doseur de poudre.

Les conclusions auxquelles parviennent les membres du conseil sont doubles : soit il faut renforcer les structures actuelles, soit il faut modifier les objectifs. Dans le second cas, il s'agirait de transformer l'AGIT en un bureau conseils en faveur des inventeurs. Ce choix signifierait un renoncement aux objectifs initiaux et à l'ambition de promouvoir la concrétisation d'inventions, par le biais de la FONGIT.

La première solution est de renforcer les structures actuelles. Cette solution motive la présente motion. Pour mener à chef les sept innovations susmentionnées, la FONGIT devrait disposer d'un budget dix fois supérieur au budget actuel. L'état des finances de l'Etat et les limites financières des autres partenaires laissent à penser que ce souhait ne pourra pas être comblé.

Une autre voie peut être explorée, qui consiste à associer les chômeurs à la phase de développement de l'invention en produit fini. Cette solution n'a pas été envisagée dans le rapport et, cependant, elle est conditionnée par le président de l'AGIT.

Certes, il ne s'agit pas d'un problème simple et sans difficultés, mais les avantages sont suffisamment importants pour que des investigations approfondies soient entreprises. Il s'agit, bien sûr, d'un programme lié au développement d'inventions et d'innovations qui a pour objet de conduire des recherches susceptibles d'être commercialisées par des entreprises privées. Il n'est donc pas question de concurrencer des entreprises avec les deniers publics.

Il est également imaginable de créer, lorsque les inventions et les innovations arrivent à maturité, une nouvelle PMI rejoignant l'idée d'une société tremplin. Dans ce cas d'espèce, l'Etat peut recouvrer une part de ses investissements.

Il est évident que les choses paraissent plus simples sur le papier que dans la réalité. La fondation doit faire face à deux obstacles : il faut concilier l'autonomie de l'inventeur avec la réalité économique du développement de son invention. Il faut que l'invention, une fois sur le marché, aboutisse à un succès commercial. L'inventeur est tenaillé par le perfectionnisme; il ignore souvent les données économiques qui exigent la rentabilité des investissements consentis. De même un produit fini, aussi génial soit-il, ne rencontre pas forcément le succès. C'est dire que la tâche n'est pas aisée, mais ces inconvénients doivent, au contraire, galvaniser la volonté d'aboutir. Notre industrie, bien que vigoureuse, a perdu de nombreuses places de travail. Il faut donc retrousser les manches pour atteindre l'objectif fixé par la FONGIT. Nous possédons un instrument; le galvauder serait pire que tout. L'Etat engage sa responsabilité.

C'est une chance pour les chômeurs, qui ont un savoir-faire, et pour les jeunes, qui désirent se réaliser, que de leur mettre à disposition une infrastructure pour le développement des inventions. Concilier à la fois le développement économique, source de nouvelles places de travail, et rendre sa dignité à un chômeur, en lui permettant de s'exprimer dans un travail de recherche, sont les raisons qui ont motivé cette motion. Merci de la soutenir.

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Nous remercions nos deux collègues de nous présenter cette motion. L'Alliance de gauche estime que le sujet est intéressant et que la commission de l'économie devrait étudier ce dossier très rapidement.

L'Association «Défense des chômeurs» avait déjà évoqué ce sujet lors de conférences de presse et dans ses brochures. Cette idée avait été exprimée, mais de façon plus succincte. Nous acceptons donc cette motion et son renvoi à la commission de l'économie.

Néanmoins, nous sommes un peu déçus que ce soit sur l'initiative de deux députés qu'un tel projet soit présenté. En effet, cela fait huit mois que nous sommes assis dans cette salle et le Conseil d'Etat ne nous a présenté aucun projet pour favoriser l'emploi. Pourtant, le programme des élections des partis de droite était basé sur la création d'emplois. Depuis que je suis à la commission de l'économie, depuis le début de cette législature, je n'ai pas vu de projets nouveaux; les projets étudiés sont tous anciens. Alors, j'espère que le Conseil d'Etat va se réveiller, suite à la motion de nos deux collègues sur le problème de l'emploi !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte volontiers cette motion pour étude, de sorte que l'on peut éventuellement se dispenser d'un passage devant la commission de l'économie. Cela permettra d'aller plus vite et de vous répondre plus rapidement.

J'avoue avoir des doutes après avoir entendu M. Lyon, qui manifestement ne sait pas ce qui se fait et, lorsqu'il en est informé, persiste à ne pas l'entendre !

Monsieur Lyon, vous prétendez que le Conseil d'Etat ne fait rien en matière d'emploi. Vous ne pouvez pas le savoir, puisque vous ne votez jamais ce qu'on vous présente ! Le Conseil d'Etat a présenté au Grand Conseil dans le cadre de son budget une enveloppe de 54 millions pour les occupations temporaires - c'est le sujet traité dans le cadre de cette motion - et plus de vingt projets sont en cours pour les occupations temporaires collectives. L'un a été réalisé à notre demande, en collaboration avec la Ville de Genève, je veux parler des «Serres Rothschild». Je constate, une fois encore, qu'il faut vous expliquer vingt fois ce que vous pourriez tout de même comprendre à la dixième !

Si vous souhaitez que cette motion passe en commission pour étude, eh bien, nous vous répéterons, encore et encore, les explications nécessaires ! Nous sommes prêts à la prendre directement au Conseil d'Etat, de façon à accélérer la réponse qui est en route. Vous le savez, nous faisons actuellement une évaluation du travail de la FONGIT, dans le délai imparti d'une année à dix-huit mois, puisque nous nous y sommes engagés au moment où ce projet a été présenté devant le Grand Conseil et au moment où nous avons proposé à votre Conseil un refinancement de la FONGIT. Ce délai est maintenant échu et nous présenterons un rapport, qui fait le point de la situation, devant votre Conseil.

Alors, à vous de choisir : pour que M. Lyon comprenne, faut-il que le Conseil d'Etat fasse un rapport ou qu'il le fasse après un rapport de la commission de l'économie, moyennant un passage devant les nobles députés qui y siègent ?

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Monsieur Maitre, vous n'êtes vraiment pas sérieux ! Il y a une différence entre l'occupation temporaire et la création d'emplois. La manchette du «Journal de Genève», il y a deux jours, à propos des jeunes qui cherchent une place d'apprentissage, titrait, je cite : «Tous ces jeunes à l'abandon !». Je me demande bien où est le projet pour inverser cette situation. Alors, ne venez pas me dire que nous étudions des projets révolutionnaires ! Nous n'avons étudié que des petits projets qui dataient de l'ancienne législature ! Surtout - je le répète - ne venez pas dire que vous avez fait la révolution; c'est faux !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. J'aimerais dire à M. Lyon que nous n'avons pas la prétention de faire la révolution. Nous la lui laissons ! Elle est probablement plus dans sa culture que dans la nôtre !

Des voix. Ouhh, ouhh !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. En revanche, je me félicite que vous ayez d'excellentes lectures, puisque je constate que vous lisez le «Journal de Genève» !

Vous saurez certainement, si vous lisez régulièrement ce qui se passe, que Genève a l'un des meilleurs taux de réussite de tout le pays en matière d'emplois nouveaux et d'entreprises nouvelles. D'ailleurs, nous informerons le Grand Conseil de la dernière tranche de création d'entreprises nouvelles à la suite des résultats de la promotion économique dans le courant de la semaine prochaine.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

«Inventer» la commercialisation de l'invention

Le GRAND CONSEIL,

- vu que la FONGIT-AGIT a été créée dans le but de promouvoir l'innovation technologique à Genève et ainsi aider les inventeurs à développer l'idée géniale qui doit aboutir à un produit commercialisable;

- vu que l'Etat participe financièrement et administrativement à ces fon-dations;

- vu que le bilan, après trois ans d'activité, se trouve confronté à un choix décisif;

- vu que l'investissement financier et humain est extrêmement insuffisant par rapport à la demande et au but recherché,

invite le Conseil d'Etat

à faire rapport sur les trois ans d'activité de la FONGIT-AGIT et les perspectives d'avenir;

à intervenir auprès de l'autorité fédérale afin que, dans le cadre de programmes d'occupation collectifs de chômeurs destinés à mettre en valeur des inventions et innovations, le canton puisse

- obtenir l'autorisation d'employer pour une durée indéterminée, donc pouvant dépasser 6 mois, des chômeurs durant leur période d'indem-nisation;

- obtenir pour de tels programmes les mêmes aides financières que celles octroyées par la Confédération dans le cadre de programmes d'occupation temporaire collectifs.

 

Le président. Vu la température qui règne dans cette salle, je propose à MM. les députés qui ne l'ont pas encore fait de se sentir libres de «tomber la veste» et de la laisser au vestiaire !

Des voix. Aahh ! (De satisfaction.)

Le président. Je n'ai pas de recommandations particulières pour les dames ! (Rires et commentaires amusés.)

P 1017-B
10. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition suite à des licenciements à l'hôtel Lido. ( -) P1017
 Mémorial 1993 : Annoncée, 7822. Lecture, 7823.
 Mémorial 1994 : Rapport, 1552.

A l'occasion de l'examen du rapport P 1017-A de la commission des pétitions, le Grand Conseil a décidé, en date du 29 avril 1994, de suivre les conclusions des commissaires et de renvoyer ladite pétition au Conseil d'Etat.

Ce faisant, la commission se déclarait consciente que «le Conseil d'Etat prend toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le chômage et qu'au niveau cantonal la marge de manoeuvre est limitée». Elle formulait néanmoins le voeu «que la loi cantonale soit appliquée avec davantage de sévérité».

Par conséquent, notre Conseil se limitera à répondre à cette unique invite, les autres points soulevés dans la pétition ayant été valablement développés dans le cadre des auditions auxquelles la commission des pétitions a procédé.

* * *

1. Il sied tout d'abord de situer le cadre légal dans lequel s'inscrit la violation des prescriptions régissant le défaut d'annonces de licenciements collectifs.

 Ainsi que cela a déjà été expliqué aux commissaires, c'est la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services (LSE), du 6 octobre 1989 - entrée en vigueur le 1er juillet 1991 - qui fixe, à son article 29, l'obligation des employeurs de déclarer les licenciements et fermetures d'entreprises. A teneur de cette disposition, «tout employeur est tenu d'annoncer à l'office du travail compétent tout licenciement d'un nombre important de travailleurs ainsi que toute fermeture d'entreprise; il doit l'annoncer dès que possible, au plus tard au moment où les congés sont donnés».

 Les sanctions pénales prévue à l'article 39 LSE stipulent que celui qui, intentionnellement, aura enfreint l'obligation d'annoncer et de renseigner est passible d'une amende de 40 000 F au maximum; quant aux infractions commises par négligence, leurs auteurs pourront être punis d'une amende de 20 000 F au maximum. C'est le lieu de signaler ici que les montants de 500 et 3 000 F cités dans le rapport P 1017-A ne correspondent plus au droit actuel, dans la mesure où ils sont extraits de l'ancienne législation cantonale en la matière - aujourd'hui supplantée par les dispositions de niveau fédéral (LSE).

2. Comme cela est le cas pour la plupart des lois fédérales, ce sont les cantons qui sont chargés de les mettre en application. Dès lors, le canton de Genève a pris, en temps utile, les mesures nécessaires pour régler l'exécution de la loi fédérale en cause (LSE), et ce au travers de la loi sur le service de l'emploi et la location des services, du 18 décembre 1992 (RS J 4 1).

 S'agissant des sanctions pénales fixées par la LSE, c'est le Tribunal de police qui est compétent pour connaître des infractions prévues à l'article 39 de cette loi fédérale. Pour sa part, l'office cantonal de l'emploi (OCE) n'a plus aucune latitude pour sanctionner directement les infractions en cas de violation de l'obligation d'annoncer les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises; dans de telles éventualités, l'OCE ne peut que les dénoncer au procureur général qui est seul compétent pour juger de la suite à donner.

3. Ce cadre légal et pénal étant ainsi précisé, il convient de signaler que les cas passibles de suites judiciaires ont été peu nombreux depuis l'entrée en vigueur des législations fédérale et cantonale en la matière. Lorsque des infractions sont commises, l'OCE n'hésite pas à en saisir l'autorité compétente.

4. Dans la plupart des dossiers de licenciement, des contacts préalables sont généralement pris par les entreprises avec l'OCE qui les informe et les conseille utilement afin d'anticiper et de chercher à réduire au maximum les conséquences négatives des pertes d'emplois prévisibles; au surplus, l'OCE collabore de manière constante et attentive avec les partenaires sociaux des branches économiques concernées pour faciliter le reclassement des travailleurs touchés par un licenciement collectif.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport. 

I 1903
11. Interpellation de M. Bernard Clerc : Le pape genevois de la sexologie, médecin-chef aux IUPG, candidat aux élections européennes sur la liste de Silvio Berlusconi «Forza Italia» bénéficie-t-il d'un traitement de faveur pour mener sa campagne électorale à Naples ? ( )I1903

M. Bernard Clerc (AdG). A l'occasion des élections européennes, le médecin-chef de l'unité de gynécologie psychosomatique et de sexologie, employé de Belle-Idée, s'est porté candidat en Italie sur la liste de Silvio Berlusconi «Forza Italia». Afin de lever toute ambiguïté, précisons d'emblée que cette interpellation ne remet nullement en cause le droit pour le professeur dont il est question d'être candidat à une telle élection. Notre groupe qui est partisan de l'extension des droits démocratiques, et plus particulièrement de ceux des immigrés dans notre canton, comprend fort bien le désir des ressortissants de l'Union européenne de participer à la vie politique.

Cette interpellation a pour objectif d'obtenir des précisions sur les conditions dans lesquelles cette participation aux élections s'est réalisée. Candidat à Naples, le professeur a passé plusieurs semaines dans cette région pour conduire sa campagne. Il a participé à des émissions télévisées qui ressemblaient d'ailleurs davantage à des shows de variétés qu'à des émissions politiques censées informer le citoyen.

Mes questions sont les suivantes :

1) Le professeur a-t-il obtenu un congé spécial pour le temps de sa campagne ?

2) Dans l'affirmative, quelle a été la durée, les conditions de ce congé et quand a-t-il été obtenu ?

3) Cette absence a-t-elle eu des conséquences sur la marche du service dirigé par le professeur ?

4) Est-il exact que le professeur assume une pratique privée, en plus de son poste à plein-temps ?

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Il est exact que M. Pasini a été candidat sur la liste «Forza Italia» aux élections européennes, dans l'arrondissement de Naples.

Sa campagne électorale s'est déroulée dans des conditions correctes du point de vue du statut du personnel des établissements publics médicaux. Par un accord conclu le 9 mai 1994, M. Pasini a obtenu l'autorisation de prendre, sur ses jours de vacances, congé les mercredis, jeudis et vendredis des quatre semaines qui suivaient, pour sa campagne électorale. Les dispositions de cet accord ont été soumises, d'une part, au professeur Haynal pour la question de la continuité de ses fonctions hospitalières et, d'autre part, aux autorités académiques pour garantir la continuité de ses fonctions universitaires. L'un et les autres se sont prononcés favorablement. Cet accord a donc été ratifié par M. Pasini et M. Gruson, le directeur général du complexe hospitalier de Belle-Idée.

Par ailleurs, M. Pasini a - comme tous les professeurs de médecine clinique, du reste - des responsabilités hospitalières et académiques. Il a aussi, sous certaines conditions, le droit d'avoir une pratique privée. Cela fait l'objet de dispositions légales qui figurent dans la loi sur les établissements publics médicaux, qui ont d'ailleurs été récemment discutées lors des travaux de la commission parlementaire de la santé.

M. Bernard Clerc (AdG). Lorsque vous parlez de congé, Monsieur Segond, j'imagine que vous parlez d'un congé sans solde !

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je viens de vous indiquer que les congés de M. Pasini ont été pris sur ses vacances. Comme la loi le prévoit généralement, les vacances sont rémunérées !

Cette interpellation est close. 

IU 30
12. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon : Hospitalisation. ( ) IU30
 Mémorial 1994 : Développée, 2474.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Malheureusement, l'interpellatrice est absente.

Bien évidemment, je ne suis pas en mesure de répondre efficacement -  dix minutes seulement après l'interpellation - sur les circonstances concrètes du cas évoqué. Mme Bugnon m'a donné les coordonnées de la patiente en question pour que je puisse vérifier les faits. S'ils sont vérifiés, je demanderai des explications et un rapport à l'hôpital cantonal.  

PL 6954-A
13. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 1) et la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 6) (réduction de l'impôt sur le bénéfice et le revenu et du droit de vente en cas de liquidation de sociétés immobilières). ( -) PL6954
 Mémorial 1993 : Projet, 2327. Commission, 2331.
Rapport de M. Jean-Luc Ducret (DC), commission fiscale

Déposé le 24 mars 1993, le projet de loi 6954 fait suite à l'adoption de la loi sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD), qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1995.

L'article 207 de la LIFD prévoit que l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par une société immobilière lors du transfert de son immeuble à l'actionnaire est réduit de 75% si la société est dissoute. L'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire lui-même est réduit dans la même proportion.

Le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit se faire durant une période de cinq ans à dater de l'entrée en vigueur de la LIFD, soit du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999.

Sociétés immobilières

L'article 68, lettre c, LCP donne une définition succincte d'une société immobilière qui est une société de capitaux, dont l'activité principale est la construction, la possession, l'exploitation, l'achat et la vente d'immeubles.

Cette forme particulière de la société anonyme, régie par le Code des obligations, a été depuis longtemps utilisée en Suisse et particulièrement à Genève pour assurer l'anonymat de la propriété immobilière.

Il y a actuellement en Suisse environ 25 000 sociétés immobilières (dont 12 000 en Suisse alémanique et 13 000 en Suisse romande). A Genève, on dénombre environ 4 500 sociétés immobilières.

Outre la confidentialité, la société immobilière présentait des avantages fiscaux que le législateur a combattus depuis des années. Le droit fiscal s'est en effet adapté à cette construction juridique quelque peu insolite que constitue la société anonyme immobilière.

De nombreux auteurs de doctrine fiscale ont assimilé la société immobilière, particulièrement celle à actionnaire unique, à une fraude à la loi déguisée.

L'évasion fiscale a été à de nombreuses reprises sanctionnée par le Tribunal fédéral.

L'utilisation, à des fins exclusivement fiscales, d'une forme juridique inadéquate ou insolite peut amener souvent l'autorité à taxer une opération sur la réalité économique.

L'abus de droit a incité le législateur à introduire dans les lois fiscales des dispositions de plus en plus contraignantes, rendant de moins en moins attractive l'utilisation ou la création d'une société immobilière.

Les règles, bien connues maintenant, de sous-capitalisation des sociétés immobilières, destinées à éviter la réduction abusive du bénéfice imposable par le paiement d'intérêts sur des prêts octroyés par l'actionnaire, ont été introduites pour lutter justement contre l'évasion fiscale pratiquée par certains propriétaires d'actions de sociétés immobilières qui entendaient éviter la double imposition.

Dans ce but, la LIFD prévoit, à son article 75, alinéa 2, que le capital imposable des sociétés immobilières correspond au tiers de la valeur de leurs actifs déterminante pour l'impôt sur le bénéfice.

Dès le 1er janvier 1995, l'endettement des sociétés immobilières ne devra pas dépasser les 2/3 (actuellement 80%) de la valeur de l'immeuble déterminante pour l'impôt sur le bénéfice.

Les intérêts sur les dettes excédant cette proportion ne seront donc plus déductibles et seront considérés comme du capital propre dissimulé et imposés comme dividendes en main de l'actionnaire.

On le voit par ces quelques rappels de la législation fédérale, la fiscalité des sociétés immobilières devient de plus en plus lourde.

Cette aggravation de la fiscalité a incité le législateur fédéral à introduire des dispositions visant à encourager la liquidation des sociétés immobilières.

Actuellement, l'opération consistant à liquider une société immobilière est très souvent d'un coût fiscal prohibitif, la différence entre la valeur réelle des actifs immobiliers et leur valeur comptable étant en effet trop importante.

Cela explique que peu de sociétés immobilières se soient liquidées à ce jour.

Travaux de la commission

La commission fiscale, sous la présidence de Mme Christiane Magnenat Schellack, a étudié le projet de loi lors de ses séances des 4 juin et 3 septembre 1993.

Sous la présidence du rapporteur, elle a procédé à un complément d'audition le 14 janvier 1994, en présence de M. Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales à l'Administration fiscale cantonale.

Elle a bénéficié de la présence de M. Pierre-Alain Loosli, directeur général de l'Administration fiscale cantonale, de M. Flurin Könz, chef du service juridique de l'Administration fiscale cantonale, de M. Alfred Charpilloz, directeur de la division du contrôle à ladite administration, et de M. Daniel Brauen, nouvel administrateur général de l'Administration fiscale.

La commission fiscale a constaté qu'il était impératif de favoriser au maximum la liquidation des sociétés immobilières dont l'immeuble est repris en nom par l'actionnaire, tout en veillant à ne pas laisser échapper à l'Etat une matière fiscale importante.

Il est utile ici de rappeler que les cessions d'actions ne sont pas soumises à la loi sur les droits d'enregistrement, que, dans la quasi-totalité des cas, ces cessions s'opèrent par convention sous seing privé, voire par simple tradition des titres et qu'il arrive fréquemment que ces opérations de cessions d'actions échappent à la connaissance de l'autorité fiscale et, par conséquent, à la perception d'un impôt sur les bénéfices immobiliers.

Il est donc manifeste que l'Etat trouvera à terme un intérêt fiscal évident à identifier le véritable propriétaire économique des actifs immobiliers jusqu'alors détenus par des sociétés immobilières.

Le projet de loi soumis à l'examen de la commission fiscale se veut incitatif à la liquidation des sociétés immobilières au même titre que la loi fédérale.

Dans ce but et au cours de ses travaux, il est apparu à la commission que la réduction d'impôt prévue à l'article 74, chiffre 1, LCP ne devait pas s'appliquer uniquement à l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire et provenant de la dissolution de la réserve latente sur l'immeuble.

L'allègement consenti doit s'étendre à la totalité de l'excédent de liquidation, sans restriction, donc également sur la distribution de profits accumulés, le produit de la dissolution de réserves et toutes autres provisions.

Les facilités fiscales sont octroyées si la réquisition de radiation de la société immobilière est déposée au Registre du commerce le 31 décembre 1999 au plus tard.

Il faut donc bien comprendre que l'opération de liquidation ne sera peut-être par terminée à cette date. Il peut y avoir des recours pendants portant notamment sur la détermination de la valeur de sortie de l'immeuble par l'autorité administrative.

C'est ainsi que la commission fiscale a prévu dans le projet de loi, contrairement à ce qui est fixé dans la loi sur les droits d'enregistrement, la désignation, par le Conseil d'Etat, d'une commission d'experts en cas de désaccord sur la valeur de transfert.

Des représentants des milieux immobiliers participeront à cette commission, dont le fonctionnement et la composition seront déterminés par voie réglementaire.

S'agissant des droits d'enregistrement perçus à l'occasion de la vente par la société immobilière à son actionnaire, la commission fiscale a constaté que, malgré la réduction de moitié prévue au nouvel article 189 de la loi sur les droits d'enregistrement (LDE), la charge pouvait être lourde. Il est rappelé que ce droit d'enregistrement est actuellement de 3% de la valeur de transfert.

A cet égard, tant M. Oliver Vodoz, chef du département, que M. Pierre-Alain Loosli, ont exprimé leur volonté d'accorder, dans des cas particuliers, où il serait démontré que la charge était effectivement très lourde, des délais de paiement en application de l'article 162 LDE, la possibilité de se garantir par l'inscription d'une hypothèque restant ouverte.

Auditions

La commission fiscale a procédé à l'audition de trois groupements:

- la Chambre genevoise immobilière,

- le Groupement des propriétaires d'appartements de la Chambre genevoise immobilière,

- l'Ordre genevois des experts-comptables.

Tous les représentants de ces groupements ont accueilli favorablement ce projet de loi et soutiennent l'objectif visé, à savoir la liquidation du plus grand nombre possible de sociétés immobilières.

Mais tous ont exprimé leur crainte que, malgré les allègements fiscaux consentis, le but fixé ne puisse être atteint, car la charge d'impôt est trop lourde.

Le cas particulier des sociétés d'actionnaires-locataires a été évoqué. Le projet de loi ne fait en effet aucune distinction entre ce type de sociétés (2 500 environ à Genève) et les sociétés immobilières classiques.

Les statuts des sociétés d'actionnaires-locataires prévoient, dans certains cas, l'accord unanime de tous les actionnaires pour liquider la société.

Et même si les statuts le permettent, la sortie d'un actionnaire présente des difficultés, qu'il n'appartient pas d'ailleurs au projet de loi d'appréhender directement, mais plutôt de régler avec l'Administration fédérale des contributions. Mais il faut être conscient du fait que, bien souvent, les actionnaires-locataires occupant leur logement n'ont pas choisi, lors de leur décision d'achat, la forme particulière de la société immobilière; ils ont choisi l'appartement dans un marché souvent en état de pénurie, mais n'ont pas choisi la forme juridique.

Il a été aussi relevé que, d'une manière générale, aucune distinction n'est faite, dans le projet de loi, entre les actionnaires qui habitent leur logement dans la société immobilière liquidée et les autres. Ne fallait-il pas octroyer à ceux-là un allègement supplémentaire?

Compte tenu des assurances données par le département quant à l'examen des cas qui lui sont soumis, la commission fiscale a estimé qu'il ne convenait pas d'entrer en matière sur ces différents points soulevés.

M. Olivier Vodoz a donné à ce sujet des garanties à la commission. L'article 350 LCP lui permet d'accorder des remises partielles d'impôts. Il se dit prêt à examiner avec attention les cas particuliers qui lui seront soumis dans le cadre de l'application du projet de loi.

Les représentants de l'Administration fiscale cantonale ont souligné l'importance qu'il y avait pour les sociétés immobilières qui envisageaient d'entrer en liquidation d'effectuer les grands travaux qui ont fait l'objet de provisions mentionnées au bilan, cela dans le but de diminuer la charge fiscale.

S'agissant de l'impôt spécial sur certains bénéfices immobiliers, qui serait perçu à l'occasion de la vente ultérieure d'un actif immobilier par l'actionnaire-cessionnaire, plusieurs commissaires se sont étonnés d'apprendre que l'Administration fiscale entendait considérer le transfert de l'immeuble de la société immobilière à l'actionnaire comme une origine de propriété et que le prix du transfert de propriété serait considéré, dans le calcul de l'impôt, comme prix d'acquisition.

Cela peut sembler contraire au principe fiscal bien connu de la réalité économique.

Cette question, dont l'importance est non négligeable, ne peut être traitée dans le cadre de ces travaux, mais pourrait être débattue lors de la discussion sur la nouvelle loi, en cours d'adoption, sur les bénéfices et gains immobiliers.

Enfin, s'agissant de la durée d'occupation visée à l'article 48, lettre e, LCP, pour déterminer la valeur fiscale, la Chambre genevoise immobilière a proposé que l'Administration fiscale interprète le cas particulier de liquidation des sociétés immobilières en prenant en compte les années pendant lesquelles les actionnaires-locataires occupèrent leur logement. Une fois encore, cela paraît équitable en regard du principe admis par l'autorité fiscale de la réalité économique.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, la commission fiscale, à l'unanimité, vous propose d'accepter le projet de loi du Conseil d'Etat.

Premier débat

Mme Christine Sayegh (S). Je remercie le rapporteur d'avoir résumé, de manière claire et complète, les travaux de la commission fiscale dans le cadre de cette loi dont le but est d'encourager la liquidation des sociétés immobilières. Ces dernières ont pu, pendant des décennies, faire de substantielles économies d'impôts, ce qui, comme le rappelle d'ailleurs le rapporteur, était qualifié par la doctrine de «fraude à la loi».

La commission fiscale vous propose, à l'unanimité, de voter le présent projet. Toutefois, le rapporteur soulève la question de savoir si l'origine de propriété doit se situer au moment de la constitution de la société immobilière ou lors de la liquidation de cette dernière, lorsque l'actionnaire, devenu propriétaire, revend son bien. Cette question a trait à la détermination de la valeur d'acquisition du bien à prendre en considération lors de l'application de la loi sur l'imposition des bénéfices immobiliers que nous allons examiner au point suivant.

Je souhaite tout de même attirer votre attention à ce stade de nos travaux, car la question soulevée par M. Ducret ne devrait en tout cas pas entraîner une modification de loi. En effet, en admettant que l'origine du bien remonte à la date de constitution de la société, cela voudrait dire que l'on ne tient pas compte du transfert de propriété entre la société immobilière liquidée et l'ancien actionnaire et que le nouveau propriétaire pourrait alors bénéficier de la durée de possession du bien par la société immobilière et par lui-même.

Cela est également une fraude déguisée à l'impôt, puisque non seulement la société immobilière va pouvoir obtenir un allégement fiscal de 75% à sa liquidation - allégement dont l'actionnaire appréciera directement les retombées généreuses - mais encore le nouveau propriétaire pourrait utiliser sa qualité d'ancien actionnaire pour obtenir, en cas de revente, une nouvelle déduction fiscale en fonction de la durée de possession de la société immobilière.

Ces précisions apportées, je vous invite à suivre les conclusions de la commission et à voter ce projet de loi.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je remercie la commission fiscale pour le travail précis qu'elle a fait dans le cadre d'un projet de loi important. La presse a d'ailleurs relaté les débats du Grand Conseil vaudois qui, lui aussi, a adopté un projet de loi visant à la liquidation des sociétés immobilières.

Je vous rappelle qu'il s'agit de permettre la liquidation des sociétés immobilières dans les conditions les plus satisfaisantes. Le projet de loi prévoit la réduction de l'impôt sur le bénéfice de la liquidation à hauteur de 75%, ainsi qu'une réduction de l'impôt de 75% sur le dividende de liquidation. Pour faciliter les opérations, s'ajoute une réduction des droits de mutation de 50%.

Certes, pour certains actionnaires-propriétaires d'un petit bien immobilier, une liquidation, suivant la valeur au bilan de leur bien, risque encore de coûter trop cher, leur occasionnant des problèmes de liquidité. C'est pourquoi, je dis ici très clairement que le département des finances - et l'administration fiscale en particulier - tiendra largement compte de la situation des personnes. En fonction du montant des impôts dus, il donnera des délais confortables pour permettre à ces personnes de négocier cet impôt afin de supprimer les sociétés immobilières sans trop d'à-coups.

J'aimerais vous rendre attentifs au fait qu'à partir du 1er janvier 1995, date de l'entrée en vigueur de la loi, trois lois entreront également en vigueur, visant à l'harmonisation fiscale. Elles sont à l'étude devant la commission fiscale - qui devrait bientôt terminer ses travaux - et l'une des dispositions de l'article 366 prévoira, pour l'ensemble des impôts cantonaux, la possibilité d'octroyer des délais pour permettre au débiteur de l'impôt d'obtenir un paiement échelonné. La loi prévoit que l'administration fiscale pourra même renoncer à prélever l'intérêt dû sur le montant des impôts dont le paiement est différé. C'est dire que nous avons l'arsenal nécessaire - ou que nous l'aurons - en plus de nos moyens actuels, pour atténuer encore et rendre plus accessible la liquidation des sociétés immobilières.

J'ai encore trois remarques à formuler.

La première porte sur le rapport de M. Jean-Luc Ducret, que je remercie. En page 4, troisième paragraphe, M. le rapporteur allègue que : «L'allégement consenti doit s'étendre à la totalité de l'excédent de liquidation, sans restriction, donc également sur la distribution de profits accumulés...». Jusque-là, je suis d'accord. Mais il ajoute : «...le produit de la dissolution de réserves et toutes autres provisions.».

Pour la clarté du Mémorial et de l'interprétation future, je vous affirme qu'il n'y aura pas d'allégement consenti sur la dissolution des réserves ou autres provisions, puisque ces dernières ne sont pas imposées lors de leur constitution, contrairement aux profits accumulés.

Ma deuxième remarque répond à l'une des questions posées. Après consultation de l'autorité fédérale, les sociétés immobilières liquidées au travers de cette loi ne seront pas frappées d'une interdiction de revente pendant un délai donné. Cela est important à l'égard de la question que vous aviez posée, Monsieur le rapporteur. Il n'y aura donc pas de délai d'interdiction de revente comme c'était le cas jusqu'à maintenant; l'autorité fédérale me l'a confirmé.

Ce projet de loi important prendra effet au 1er janvier 1995 et permettra de faciliter la liquidation des sociétés immobilières. C'est pourquoi je souhaite que vous l'adoptiez sans amendement.

M. Jean-Luc Ducret (PDC), rapporteur. M. Vodoz a d'ores et déjà répondu à la question que j'envisageais de poser !

M. Dominique Belli (R). M. Gardiol a demandé la parole avant moi. Je voudrais le laisser parler d'abord !

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Malgré les explications données par M. Vodoz concernant les éventuels délais de paiement en cas de liquidation de sociétés immobilières, je dépose un amendement pour bien clarifier ces délais de paiement dans le projet de loi, à l'article 74 (nouveau), alinéa 3 :

«A la demande du contribuable, le département pourra accorder des délais de paiement de longue durée, moyennant garantie et paiement d'un intérêt.»

Il me semble tout de même opportun de mettre cet article dans la loi. Effectivement, nous connaissons les montants très importants d'impôts qui découleront de ces liquidations, et il faut prévoir des délais de paiement, si nous voulons réellement encourager les gens à liquider leur SI, ce qui permettra de mieux gérer les finances de l'Etat en étalant les rentrées d'argent.

Je vous remercie de bien vouloir soutenir cet amendement. Bien sûr, l'alinéa 3 de l'article 74 deviendrait l'alinéa 4.

M. Dominique Belli (R). Les sociétés immobilières ont été une mauvaise habitude utilisée depuis plusieurs décades en Suisse, pour assurer un certain degré d'anonymat de la propriété privée. A ce titre, le groupe radical se réjouit de l'introduction, aux niveaux fédéral et cantonal, d'une loi qui prévoit des mesures pour encourager la liquidation desdites sociétés, en particulier à Genève.

En effet, comme cela est évoqué dans le rapport de ce projet de loi, on dénombre environ quatre mille cinq cents sociétés de ce type à Genève. Toutefois, je mettrai un bémol, car pour un certain nombre de ces sociétés, spécialement celles qui ont un unique actionnaire, il s'agit plus souvent de «fatalités ancestrales» que de réelles tentatives d'essayer de fuir les responsabilités fiscales.

Ce ne sont pas les complexes immobiliers à but spéculatif qui sont en cause, mais souvent des logements individuels - appartement ou villa - appartenant à de petits propriétaires. Ces gens se sont retrouvés actionnaires - parfois sans le désirer réellement - parce que la structure existait avant leur accession à la propriété, propriété la plupart du temps fort modeste. Pour cette raison, je regrette, vu mon désir de voir liquidées toutes les SI et mon désir de transparence dans ce domaine, que le législateur fédéral ne soit pas allé plus loin dans l'amnistie fiscale.

Cette remarque s'applique également à ce projet de loi. Pourquoi ? Il faut savoir que la taxation correspond à la moitié de la différence entre la valeur fiscale de l'objet et sa valeur au bilan. Il est dès lors bien clair que cela va représenter, non pas de petites sommes, comme le disait M. Vodoz, mais de très grosses sommes qui vont certainement décourager certaines personnes d'effectuer cette liquidation, cela est d'autant plus vrai pour les actionnaires uniques qui n'auront certainement pas les possibilités financières de l'effectuer, malgré la réduction consentie.

Comme c'est souvent le cas, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, et alors que nous aurions eu l'occasion de voir sortir du bois tous ceux qui s'y cachaient, les actionnaires plus importants trouveront d'autres moyens et les petits seront à nouveau les plus pénalisés. Ils seront découragés d'accéder à ce que je qualifierai «la petite propriété» ou «la propriété non spéculative».

En raison de ces arguments, je pense qu'il va falloir faire preuve de souplesse dans l'application de cette loi en ce qui concerne le recouvrement des droits de mutation si l'on veut vraiment assister à la liquidation des quatre mille cinq cents SI, comme nous le souhaitons. C'est pourquoi le groupe radical soutient ce projet tel qu'amendé, afin que le but soit atteint totalement et non pas partiellement.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'ai examiné l'amendement qui vous est présenté aujourd'hui. Je vais vous dire pourquoi je ne peux pas l'accepter, au-delà de ce que je vous ai dit lors de ma première intervention.

La première de ces raisons est la suivante. Etant donné que la loi fédérale permettant la liquidation des sociétés immobilières ne prévoit pas une telle disposition, le fisc fédéral se servira, et c'est de nouveau le canton qui devra accorder de très longs délais, comme vous le suggérez. Très franchement, dans notre situation, je ne vois pas pourquoi je devrais subir la rigueur fédérale et accepter des facilités au niveau du canton. En effet, dans les trente jours de l'établissement du bordereau, le fisc fédéral prélèvera l'impôt. De ce point de vue déjà, je ne peux pas l'accepter !

Deuxième raison. Même si vous demandez des garanties, notamment une hypothèque légale, au nom de quoi l'Etat devrait-il jouer le rôle du banquier et accepter un paiement différé de l'impôt ? C'est au propriétaire actionnaire de la SI de prendre une hypothèque complémentaire pour pouvoir payer !

Monsieur Belli, vous avez utilisé une merveilleuse formule : «la fatalité ancestrale» pour les actionnaires uniques ! J'ai eu l'occasion, à la commission fiscale, d'évoquer justement ces actionnaires-propriétaires uniques de petites villas, qui, à une certaine époque, étaient construites en SI. J'ai dit combien nous serions attentifs - je l'ai répété tout à l'heure au sujet des délais de paiement - pour accorder ou non une remise sur un certain nombre de cas exceptionnels, mais j'attire votre attention sur la problématique de l'égalité de traitement. Il est évident que celles et ceux qui détenaient un bien immobilier comme actionnaires d'une société immobilière et dont la valeur au bilan de leur bien immobilier était extrêmement basse n'ont virtuellement payé aucun droit au travers de la société immobilière, alors que ceux qui sont en nom, pour une même villa, payent l'impôt fondé sur la valeur de bien, depuis le début de leur possession. Cette difficulté a été examinée en commission. Il fallait faciliter la liquidation des sociétés immobilières, certes, mais aussi tenir compte de cette égalité de traitement.

C'est pourquoi je confirme ici, d'une part, que l'amendement n'est pas nécessaire puisque nous serons dotés depuis le premier janvier 1995 de l'article 366 LCP qui permettra à l'administration d'autoriser des paiements échelonnés - c'est une garantie importante - et, d'autre part, qu'il privilégierait l'impôt fédéral direct au détriment des recettes cantonales et communales. C'est donc à regret que je ne peux souscrire à cette proposition d'amendement, car mes arguments sont clairs et justes.

Mme Christine Sayegh (S). Notre groupe ne soutiendra pas non plus l'amendement proposé par M. Gardiol, en raison des arguments développés par M. Vodoz et parce que cet amendement n'a pas une portée générale. A la rigueur, il pourrait faire l'objet d'un règlement, mais certainement pas d'une loi.

M. Jean Spielmann (AdG). On est en train de mettre en place une disposition légale visant à faire disparaître les sociétés immobilières. Il faut une égalité de traitement entre ceux qui étaient propriétaires en nom et qui payaient leurs impôts et les autres. Ce transfert se fait avec une réduction de l'ordre de 75% du bénéfice réalisé, ce qui me semble significatif. On pourrait d'ailleurs se demander si ce pourcentage n'est pas trop important, effaçant d'un coup tous les avantages que ces gens ont eu pendant des années. C'est malgré tout une bonne chose d'encourager la liquidation des SI. C'est l'intérêt général, mais il ne faut pas aller trop loin non plus. L'amendement libéral reviendrait à ne rien changer au niveau des prélèvements fiscaux - M. Vodoz a précisé que l'impôt fédéral sera prélevé de la même manière - mais il contraindrait le canton à faire le banquier, ce qui coûterait très cher. Ce serait parfaitement inéquitable et illogique !

Pour notre part, nous suivrons la loi telle qu'elle est proposée, même si je me permets de souligner que l'Etat fait un cadeau à ceux qui ont échappé au fisc pendant des années. Alors, n'amplifiez pas davantage ce cadeau, d'autant plus que le canton en serait la victime !

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Monsieur Vodoz, vous tenez, me semble-t-il, deux discours. En effet, dans la première partie de votre intervention, vous dites que vous serez capable de faire des arrangements et de tenir compte des cas particuliers et, ensuite, vous dites le contraire eu égard à l'impôt fédéral.

Pour ma part, je suis convaincu que, si l'échelonnement de ces impôts n'est pas possible, le but recherché ne sera pas atteint. Les personnes concernées ne dissoudront pas leur SI. Je maintiens donc mon amendement.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je ne peux accepter l'allégation selon laquelle je tiens un double discours, notamment lorsqu'elle vient de bancs qui me sont, en principe, acquis ! (Sourires sur tous les bancs.)

Je ne tiens pas deux discours, mais il y a un problème de principe, comme je vous l'ai exposé. En fixant une disposition particulière pour ce type de liquidation des sociétés immobilières, encore une fois vous favorisez la Confédération et vous prétéritez le canton. En revanche, par l'article 366, qui est une disposition générale, j'étends les possibilités - déjà en pratique dans l'administration - de mieux tenir compte de la situation particulière des contribuables genevois. De ce point de vue, je ne tiens absolument pas un double langage. Nous savons dans cette République que, de toute manière, nous pouvons trouver des arrangements lorsque la situation l'exige.

Je ne veux absolument pas que le contribuable genevois qui liquide sa société immobilière demande automatiquement un délai, même avec une hypothèque de garantie, alors que simultanément il s'acquittera de l'impôt fédéral direct, sous réserve d'éventuels accords que l'administration fédérale pourrait octroyer.

C'est pourquoi, je persiste à penser que cet amendement est inutile !

M. Dominique Belli (R). Comme M. Gardiol, je pense que vous tenez un double langage. En effet, vous nous dites que le canton sera désavantagé. Mais n'est-ce pas le désavantager encore plus que de demander aux personnes concernées d'augmenter leurs intérêts hypothécaires qui iront aux banques plutôt que de les verser à l'Etat ? L'amendement propose de donner l'argent emprunté à l'Etat, qui en a besoin, plutôt qu'aux banques.

A ce titre, on pourrait modifier l'amendement de M. Gardiol de la manière suivante :

«A la demande du contribuable, le département pourra accorder des délais de paiement de longue durée, moyennant garantie et paiement d'un intérêt, sur la quote-part cantonale de l'impôt.».

M. Jean Opériol (PDC). Je voudrais demander à M. Vodoz de m'apporter une précision sur le problème de l'imposition des réserves pour travaux, au moment où elles passeront dans le patrimoine privé de l'actionnaire. L'année dernière, la commission du logement s'est largement penchée sur la problématique des réserves pour travaux et elle a reconnu, à l'unanimité, la justesse du raisonnement qui consiste à les encourager, d'une part, pour le maintien du patrimoine bâti et, d'autre part, dans une optique de relance.

Monsieur le président, vous dites aujourd'hui - contrairement à ce qui est écrit dans le rapport - que ces réserves ne bénéficieront pas des mesures d'allégements fiscaux au moment de la liquidation de la société immobilière. Je me permets de le déplorer, car si l'actionnaire et sa société, à ce niveau de leur patrimoine, sont taxés au droit commun - c'est-à-dire en plein - c'est pratiquement 50% de ces réserves pour travaux qui partent en imposition. D'un côté, je trouve cela logique par rapport à la philosophie fiscale de la loi, mais par rapport à la conjoncture que nous vivons c'est parfaitement regrettable. N'y a-t-il pas moyen de trouver un arrangement fiscal sur ce terrain ?

M. Christian Ferrazino (AdG). Par rapport à l'observation faite par M. Opériol. Ce Grand Conseil avait effectivement déjà adopté une motion qui prévoyait de mettre sur pied d'égalité les personnes physiques et les détenteurs de capital-actions en matière de constitution de réserves. Si je ne me trompe pas cette motion n'a pas été concrétisée par un projet de loi, mais l'idée était, justement, d'inciter les propriétaires en nom à pouvoir constituer des réserves pour grands travaux sans qu'elles fassent l'objet d'un prélèvement fiscal, pour autant que ces réserves soient utilisées dans un certain délai.

Mais ce n'est pas du tout le problème posé par M. Belli et par M. Gardiol. Effectivement, vous ne pouvez pas accuser M. Vodoz de tenir deux discours dans cette affaire, car il faut lui laisser au moins le mérite d'être cohérent dans ce projet de loi. Une fois n'est pas coutume, vous voyez, Monsieur le président, j'abonde dans le sens de votre raisonnement !

Monsieur Belli, vous qui avez l'air d'être préoccupé par le sort des futurs actionnaires qui vont pouvoir acquérir en propriété la société en question, vous devez savoir que les détenteurs de ces actions ont bénéficié de cadeaux fiscaux durant des années. Les acheteurs d'actions pour l'acquisition d'un immeuble ne sont pas contraints et forcés de le faire ! C'est un choix.

S'il existe dans cette République quatre mille cinq cents sociétés anonymes immobilières, dont à peu près la moitié, voire davantage, sont constituées sous forme de sociétés d'actionnaires-locataires, c'est précisément parce qu'un certain nombre de personnes y trouvaient des raisons suffisantes pour adopter ce type de régime juridique. Je ne pensais pas nécessaire de le rappeler, Monsieur Belli, mais en vous entendant j'ai changé d'avis. Effectivement, lorsqu'il y a sous-évaluation au bilan de la valeur de la société et que l'on veut procéder à la liquidation de cette société, on est taxé sur cette valeur réelle et on s'aperçoit qu'il faut «passer à la caisse». Il faut choisir !

La Confédération - vous le savez - a eu exactement le même débat puisque l'impôt fédéral direct a été modifié dans ce sens. La discussion que nous avons maintenant a déjà eu lieu il y a plusieurs mois, voire plus, aux Chambres fédérales. La situation qui a été retenue par ce projet est exactement identique à celle qui a été retenue dans la loi fédérale sur l'IFD. Alors, pourquoi voulez-vous aujourd'hui donner encore plus d'avantages fiscaux cantonaux, puisque les conséquences - M. Vodoz l'a relevé avec pertinence - seraient finalement favorables à la Confédération au détriment du canton ? Monsieur Belli, vous favorisez la Confédération sans tenir compte des cadeaux fiscaux très importants qui ont été accordés par la loi précédente aux détenteurs de ce capital-actions des sociétés immobilières !

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Que l'on se comprenne bien ! Je revendique, en demandant le rejet des amendements qui vous sont présentés, de la souplesse au niveau de l'administration.

En effet, les cas sont très dissemblables les uns des autres. M. Belli a parlé de l'actionnaire unique d'une petite villa ou d'un appartement qui ne rentre pas dans le cadre d'une société d'actionnaires-locataires et qui pose d'autres problèmes. Dans ce cadre, il peut s'agir de retraités qui ont habité leur villa en société immobilière, qui n'ont plus de ressources financières provenant du travail et qui vivent de leurs rentes. Je n'ai pas l'intention de porter préjudice à ces personnes si elles veulent liquider leur SI avant de vendre leur propriété. Je ne souhaite pas qu'elles s'endettent en prenant des hypothèques complémentaires.

Je préfère, dans ce cas, leur accorder de longs délais pour qu'ils puissent payer par petites tranches. A défaut, je recevrai l'impôt, mais eux seraient grevés d'intérêts complémentaires qu'ils pourraient déduire, du reste, dans le cadre de leur déclaration de revenus. C'est la raison pour laquelle je ne cherche pas du tout à promouvoir le système de garantie que vous évoquez, car les intérêts diminueraient encore leurs revenus. Je préfère donc une certaine souplesse. C'est pourquoi, je ne me rallierai - j'en suis désolé - à aucun des amendements proposés, car la rigueur exige que le canton soit traité de la même façon que la Confédération. En revanche, il faut que nous puissions accorder des délais sur le plan cantonal, même si la Confédération, qui est intraitable, ne le fait pas.

En page 6 du rapport de M. Ducret, il est dit, je cite : «Les représentants de l'administration fiscale ont souligné l'importance qu'il y avait pour les sociétés immobilières qui envisageaient d'entrer en liquidation, d'effectuer les grands travaux qui ont fait l'objet de provisions mentionnées au bilan, cela dans le but de diminuer la charge fiscale.». Monsieur Opériol, ce problème n'a pas du tout été évacué et des directives - vous le savez en tant que professionnel - ont été données depuis déjà de nombreux mois, sous réserve du vote de votre parlement pour inciter, notamment, les grandes sociétés immobilières à effectuer les travaux pour lesquels les provisions avaient été constituées afin de diminuer la charge fiscale. Voilà pourquoi, je le crois, la position de l'administration fiscale et du département des finances est parfaitement claire.

M. Jean-Luc Ducret (PDC), rapporteur. Je souhaite faire une remarque aux auteurs des deux amendements.

J'espère avoir été assez explicite dans le rapport. Je lis l'article 162 de la loi sur les droits d'enregistrement dans lequel il est expressément stipulé : «Dans des cas exceptionnels, le directeur de l'administration de l'enregistrement et du timbre est autorisé à prolonger les délais fixés pour le paiement des droits.». C'est très clair. Vous savez que nous avons voté, l'année dernière, une loi fixant les intérêts des créances fiscales. Actuellement, ces créances produisent des intérêts de 4%.

Dès le 1er janvier 1995, ces intérêts seront portés au taux pratiqué par la Confédération pour ses emprunts publics.

M. Vodoz nous a assuré qu'il ferait application de cet article dans des cas de rigueur. Nous avons pris acte de cet engagement. Alors, contentons-nous de cet engagement de l'administration d'accorder des délais moyennant, évidemment, paiement d'un intérêt !

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 74, al. 3, de l'article 1 (souligné)

Le président. L'amendement chargé de son sous-amendement reviendrait à libeller l'article 74, alinéa 3, de la manière suivante :

«A la demande du contribuable, le département pourra accorder des délais de paiement de longue durée, moyennant garantie et paiement d'un intérêt, sur la quote-part cantonale de l'impôt.».

Mis aux voix, le sous-amendement de M. Belli est rejeté.

Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Gardiol, ainsi libellé :

«A la demande du contribuable, le département pourra accorder des délais de paiement de longue durée, moyennant garantie et paiement d'un intérêt.».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 74 (nouveau) de l'article 1 (souligné) est adopté.

Mis aux voix, les articles 1 à 3 (soulignés) sont adoptés.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi générale sur les contributions publiques

(D 3 1)

et la loi sur les droits d'enregistrement

(D 3 6)

(Réduction de l'impôt sur le bénéfice et le revenu et du droit de venteen cas de liquidation de sociétés immobilières)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Liquidation de sociétés immobilières

SECTION 2

Réduction de l'impôt en cas de liquidation de sociétés immobilières(nouvelle)

Art. 74 (nouveau)

1 L'impôt sur le bénéfice en capital réalisé lors du transfert d'un immeuble à l'actionnaire par une société immobilière fondée avant le 1er janvier 1995 est réduit de 75 pour cent si la société est dissoute.

2 L'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même proportion.

3 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 1999.

4 La valeur de transfert de l'immeuble est déclarée par la société sur la formule établie par le département. Le département peut, dans les 60 jours, déterminer une autre valeur. En cas de désaccord, la société peut, dans les30 jours, faire évaluer l'immeuble par la commission d'experts désignée par le Conseil d'Etat.

Art. 2

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit:

Art. 189 (nouveau)

Liquidation de sociétés immobilières

1 En cas de liquidation d'une société immobilière fondée avant le 1er janvier 1995 et de transfert de la propriété de l'immeuble à son actionnaire, le droit de vente prévu à l'article 33 est réduit de moitié.

2 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 1999.

Art. 3

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

PL 6737-B
a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (impôt sur les bénéfices et gains immobiliers) (D 3 1). ( -) PL6737
 Mémorial 1991 : Projet, 4118. Commissions, 4131. Lettre, 4247.
 Mémorial 1993 : Rapport, 2729. Commission, 2784.
Rapport de majorité M. Jean Montessuit (DC), commission fiscale
Rapport de minorité M. Bernard Clerc (AG), commission fiscale
IN 21-C
b) Initiative populaire «Halte à la spéculation foncière». ( -) IN21
 Mémorial 1992 : Rapport, 5977. Commission, 6061.
 Mémorial 1993 : Rapport, 2729. Commission, 2784.
Rapport de majorité de M. Jean Montessuit (DC), commission fiscale
Rapport de minorité de M. Bernard Clerc (AG), commission fiscale

14. Deuxième rapport de la commission fiscale chargée d'étudier les objets suivants :

1. Introduction

Déposé le 21 août 1991 le projet de loi 6737 appartient au train de mesures fiscales annoncées par le Conseil d'Etat pour assurer une plus grande équité fiscale. Il vise, en outre, à garantir le paiement de l'impôt sur le bénéfice immobilier et à lutter contre la spéculation immobilière. Renvoyé à l'examen de la commission fiscale par décision du Grand Conseil du 19 septembre 1991, il a fait l'objet d'un premier rapport de Mme Françoise Saudan députée, déposé le 22 avril 1993 et d'un deuxième débat au Grand Conseil lors de la séance du vendredi 14 mai 1993 au soir (Mémorial N° 20 p. 2729 et suivantes).

Lors de cette dernière séance, plusieurs députés dont le rapporteur sont intervenus pour contester le résultat du travail de la commission sur le point précis du calcul de l'imposition. Ils ont estimé que la solution adoptée par la majorité de la commission fiscale était regrettable dans la mesure où elle ne tenait pas compte de l'évolution du pouvoir d'achat dans la détermination du prix de revient et, de ce fait, frappait de façon anormale et injuste le secteur immobilier déjà très fortement malmené par la conjoncture économique actuelle. Ils ont proposé le renvoi en commission du projet de loi, ce qui a été accepté par une majorité du Grand Conseil.

Cette contestation n'enlève rien au remarquable rapport de synthèse établi par Mme Saudan à l'issue de la première partie des débats de la commission fiscale. Le rapporteur n'a donc repris dans le présent document que les explications relatives aux articles contestés et invite Mesdames et Messieurs les députés à se référer pour le surplus aux explications très claires et très détaillées du rapport 6737 A de Mme Saudan.

2. Travaux de la commission

Suite à la décision du Grand Conseil du 14 mai 1993, la commission fiscale, présidée successivement par Mme Christiane Magnenat-Schellak, députée, et M. Jean-Luc Ducret, député, a consacré tout ou partie des séances des 28 mai, 18 juin, 2 juillet, 27 août 1993, 18 mars et 6 mai 1994 à l'examen des points contestés. Lors de ces séances, elle a bénéficié de la participation de M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat chargé du département des finances et contributions ainsi que de la collaboration successive de MM. Pierre-Alain Loosli, directeur général de l'administration fiscale, Flurin Könz, chef du service juridique, Alfred Charpillod, directeur de la division du contrôle et, dès 1994, de MM. Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales et Daniel Brauen, administrateur général.

Les collaborateurs du département ont fourni de nombreux exemples chiffrés ainsi que des tableaux comparatifs pour lesquels la commission les remercie tout particulièrement.

2.1 Auditions

En date des 18 juin 1993, 2 juillet 1993 et 18 mars 1994, la commission a procédé, à leur demande, aux auditions suivantes:

18 juin 1993 : Audition de la Chambre genevoise immobilière, représentée par MM. Jean-Paul Rey, secrétaire, Pierre Mottu, notaire et Michel Ricci, tous trois membres de la commission fiscale de la Chambre. (Annexe 2)

Les représentants de la Chambre relèvent combien la solution retenue jusqu'alors par la commission fiscale ignore la dévaluation monétaire et pénalise fortement les personnes qui ont conservé longtemps un bien immobilier, même si l'alinéa 5 de l'article 84 permet de tenir compte des années de propriété. Ils estiment que le système de taxation devrait frapper fortement les reventes après une courte durée de possession et que les personnes à revenus modestes ayant placé leurs économies dans un bien immobilier devraient pouvoir récupérer, sans taxation, le montant investi, à sa valeur indexée. Ainsi ce montant versé par exemple aux Rentes Genevoises en vue de s'assurer une rente de retraite serait exonéré d'impôt.

La prise de position de la Chambre donne l'occasion à M. Loosli de rappeler les dispositions de l'article 12 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (Annexe 1) que les cantons doivent mettre en application d'ici au 1er janvier 2001.

Les représentants de la Chambre se déclarent favorables au retour au système de taxation actuel avec modification des taux pour les possessions de courte durée, ce qui permettrait de mieux lutter contre la spéculation.

18 juin 1993: Audition de l'Association des promoteurs constructeurs genevois représentés par MM. François Moser et Thierry Barbier-Mueller, tous deux gérants d'immeubles. (Annexe 3)

Outre les remarques similaires à celles des représentants de la Chambre genevoise immobilière, celles de l'Association des promoteurs constructeurs démontrent, exemple à l'appui, que la tarification retenue conduit à des taxations inéquitables. Un bien immobilier de 10 millions, revendu 10 ans plus tard 12,5 millions, soit un «bénéfice» de 2,5 millions, ou encore de 25%, inférieur à l'inflation, payera un impôt de 32,85%, alors qu'un «bénéfice» de 61% réalisé par la revente d'un studio à 290 000 F 1 an après son acquisition à 180 000 F, ne sera frappé que d'un impôt de 15,4%

Ils soulignent que les éventuels investisseurs immobiliers sont présentement dans une situation d'attente devant le marché genevois et que l'adoption de la loi dans sa nouvelle formulation serait perçue comme un message négatif. Au contraire, ils suggèrent des messages positifs tels que, par exemple, l'exonération totale ou partielle (limitée dans le temps) des droits de mutation ou encore le report de l'imposition de la valeur locative pour l'acquéreur de son propre logement.

Ils disent encore qu'un certain nombre de caisses de retraite, prêtes à investir dans l'immobilier, qui en a grand besoin, seront découragées par les dispositions de ce projet de loi.

2 juillet 1994: Audition de l'Association genevoise pour la protection des villas et de leur environnement, représentée par MM. Philippe Schmidt, Bertrand Reich, Renaud Barde et Walter Zbinden. (Annexe 4)

Les représentants de cette association estiment que la valeur d'acquisition devrait être indexée selon l'indice des prix à la consommation pour faire sortir, en valeur réelle, la somme soumise à taxation. Ils se déclarent, par contre, favorables à l'application de taux élevés les 5 premières années. Ils estiment que la réduction de l'impôt devrait atteindre 80% après 25 ans de possession et 100% après 30 ans.

18 mars 1994: Audition de la Caisse paritaire de prévoyance bâtiment-gypserie-peinture, représentée par M. Gérard Baudry, administrateur et M. Gabriel Barrillier, secrétaire général de la Fédération des métiers du bâtiment (F.M.B.) (Annexe 5)

Les représentants de la Caisse exposent leur préoccupation devant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1995, des modifications de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) par introduction du libre-passage et de facilités pour l'accession à la propriété. Ils estiment qu'il pourrait résulter de ces nouvelles dispositions la nécessité pour les caisses de pension de réaliser une partie de leurs actifs immobiliers, lesquels seraient lourdement frappés par les textes nouveaux adoptés. Ils suggèrent d'exonérer les caisses de pension de cet impôt. Ils suggèrent également une mesure conjoncturelle, soit de libérer de l'impôt les bénéfices réalisés lors de la première revente d'un immeuble mis en chantier dans les 2 ans qui suivent l'adoption de la présente loi.

2.2 Débat général

Les nombreuses auditions effectuées ont conduit la majorité de la commission à admettre que la solution retenue, après le premier renvoi en commission n'était pas satisfaisante, donnait quelquefois des résultats contraires au but recherché et était enfin, par son système de double échelle progressive, compliquée et difficilement perçue par les contribuables. La commission a longuement débattu du principe de l'indexation du prix d'acquisition pour y renoncer finalement, moyennant qu'il soit largement tenu compte des durées de possession pour déterminer l'impôt. La commission a demandé au département de revenir à un système proche de la législation actuelle.

Enfin, elle a apporté quelques modifications à d'autres dispositions de la loi explicitées ci-après.

2.3. Commentaires article par article.

Ces commentaires ne concernent que les articles qui ont été modifiés à la suite du deuxième renvoi en commission.

Art. 80

La rédaction de l'alinéa 1 a été modifiée. Les termes «L'impôt sur certains bénéfices....» ont été remplacés par «L'impôt sur les bénéfices...»

Art. 81

Les dipositions retenues après le premier passage en commission prévoyaient qu'en cas de succession ou de partage successoral l'imposition était prorogée. Cette disposition était conforme à la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale citée ci-avant. La commission a préféré maintenir la situation actuelle où l'impôt n'est pas perçu étant entendu qu'il conviendra ultérieurement de procéder à la modification de la loi pour la rendre conforme au droit fédéral. Ce changement implique également une modification de l'article 82 exposée ci-après.

En conséquence, l'article 81 alinéa 1 lettre b est modifié par suppression des mots : «de succession, de partage successoral». L'alinéa 3 est complété par une lettre c «en cas de succession ou de partage.»

Les dispositions de cet article ont donné l'occasion au département de préciser qu'il entend maintenir sa pratique actuelle en cas de succession soit de laisser un délai de 27 mois aux héritiers pour réaliser un bien immobilier dans le cadre des droits de succession.

L'article ainsi modifié est adopté par 8 voix (5L, 2DC, 1R.) contre 5 voix (2S, 1AdG, 1E et 1R)

Art. 82

L'alinéa 1 est modifié par suppression des mots «augmentée des impenses».

L'alinéa 2 est modifié par adjonction des mots «augmentée des impenses».

Ces 2 modifications, purement rédactionnelles, n'impliquent pas de changement de fond.

L'alinéa 3 reprend le texte de l'alinéa 4.

L'alinéa 4 est nouveau, il résulte de la modification de l'article 81.

L'alinéa 5 reprend les dispositions actuelles de la loi.

L'alinéa 6 reprend le texte de l'ancien alinéa 5.

L'alinéa 7 reprend le texte de l'ancien alinéa 6.

L'alinéa 8 reprend le texte de l'ancien alinéa 7.

L'ancien alinéa 8 est supprimé.

Un amendement à l'alinéa 8 précisant que les impenses peuvent comprendre les indemnités versées aux locataires pour libérer les locaux a été refusé par 9 voix (2L, 2R, 3S, 2E, et 1 AdG) contre 1 voix (DC) et 2 abstentions (L et DC)

Art. 84

L'article 84 est entièrement nouveau. Il est semblable à la législation actuelle avec des taux modifiés qui réflètent les discussions de la commission. Les tableaux de l'annexe 6 établis par le département, avec les taux proposés modifiés ultérieurement par la commission pour les courtes durées de possession, permettent de comparer l'imposition prévue avec l'imposition actuelle. Les tableaux font ressortir clairement l'alourdissement de l'impôt pour les courtes durées de détention et son allègement pour celles dépassant 25 ans. Pour les lettres a) b) et c), le département avait proposé respectivement les taux de 45%, 35% et 25%. Un amendement, accepté à l'unanimité pour la lettre a), à l'unanimité moins 1 abstention (L) pour la lettre b) et à l'unanimité moins 1 opposition (L) pour la lettre c), a porté les taux à respectivement 50%, 40% et 30%.

Un amendement proposant de modifier de 0% à 5% le taux prévu à la lettre g) a été repoussé par 7 voix (4L 2DC 1R) contre 4 voix (3AdG 1R) et 3 abstentions (2S et 1E). L'article, dans sa rédaction amendée, est finalement adopté sans vote.

Art. 86 A

Le délai de 5 jours prévu à l'alinéa 3 est porté à 8 jours. Le texte de l'alinéa 4 est modifié. Les mots «l'aliénateur est dispensé...» sont remplacés par «l'aliénateur peut, à sa demande, être dispensé...».

L'article 86 A amendé est accepté à l'unanimité.

3. Conclusion

En conclusion, la commission fiscale vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, par 11 voix (4L 2R 2DC 1E et 2S) contre 3 voix (AdG) d'accepter le projet de loi dans sa rédaction ci-après, étant entendu que le projet de loi répond au volet fiscal de l'initiative 21. La motion 474, mentionnée dans le premier rapport, n'a pas été reprise en début de législature et est, par conséquent, devenue caduque.

(6737)

PROJET DE LOI

modifiant la loi générale sur les contributions publiques

(Impôt sur les bénéfices et gains immobiliers)

(D 3 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Art. 33 A (nouveau)

Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le revenu, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers perçu en application des articles 80 à 87 est imputé sur l'impôt annuel entier ou remboursé pour la part qui en excède le montant.

Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Art. 74 (nouveau)

Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le bénéfice net ou le revenu net, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers perçu en application des articles 80 à 87 est imputé sur l'impôt annuel entier ou remboursé pour la part qui en excède le montant.

PREMIÈRE PARTIE

TITRE II

IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES

ET GAINS IMMOBILIERS

(intitulé nouvelle teneur)

Objet

Art. 80 (nouvelle teneur)

1 L'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers a pour objet le bénéfice net provenant de l'aliénation d'immeubles ou de parts d'immeubles sis dans le canton, ainsi que certains gains que ces immeubles procurent sans aliénation.

2 Sont assimilées à des immeubles les actions ou parts de sociétés immobilières au sens de l'article 68, lettre c.

3 L'impôt est dû par l'aliénateur ou le bénéficiaire du gain même s'il est domicilié hors du canton. Les époux vivant en ménage commun sont considérés comme contribuables distincts. Le conjoint aliénateur ou bénéficiaire du gain est seul responsable du paiement de l'impôt dû.

4 Est considéré comme aliénation tout acte qui confère à un acquéreur la propriété ou la réelle disposition économique d'un immeuble, soit notamment la vente, l'échange, le partage, l'expropriation et l'apport dans une société.

5 Le transfert d'un immeuble ou part d'immeuble de la fortune privée dans la fortune commerciale ou de la fortune commerciale dans la fortune privée est assimilé à une aliénation.

Exemption

 Imposition

 prorogée

Art. 81 (nouvelle teneur)

1 L'imposition est prorogée en cas d'aliénation en raison:

a)

d'actes juridiques entre époux;

b)

d'avancement d'hoirie ou de donation;

c)

d'échange;

d)

de remembrement effectué en vue d'un remaniement parcellaire, de l'établissement d'un plan de quartier, de rectification de limites ou d'arrondissement d'une aire agricole.

2 Lors d'un partage ou d'un échange, l'impôt est perçu immédiatement sur la soulte reçue pour la part qui représente une plus-value de l'immeuble aliéné.

Exonérations

3 L'impôt n'est pas perçu:

a)

en cas de vente forcée, lorsque les créanciers saisissants, gagistes ou admis définitivement à l'état de collocation ne sont pas entièrement désintéressés;

b)

en cas de revente d'un immeuble que le créancier ou la caution d'une créance hypothécaire avait dû acquérir dans une vente forcée pour se couvrir de sa créance si elle n'est pas entièrement éteinte par le prix de vente;

c)

en cas de succession ou de partage successoral.

Calcul du bénéfice

Art. 82 (nouvelle teneur)

1 Le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d'aliénation et la valeur d'acquisition.

Valeur d'acquisition

2 La valeur d'acquisition est égale au prix payé pour l'acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale.

3 Lors de l'aliénation d'un immeuble acquis par un transfert justifiant la prorogation de l'imposition, le prix d'acquisition est celui de la dernière aliénation soumise à l'impôt qui est aussi déterminante pour fixer la durée de possession.

4 Lorsque le bien a été acquis par dévolution pour cause de mort ou à la suite d'une déclaration d'absence, la valeur d'acquisition est égale à la valeur fixée par le département pour la perception des droits de succession ou d'enregistrement, augmentée du montant desdits droits.

5 Lorsque l'acquisition est intervenue plus de dix ans avant l'aliénation, le contribuable peut demander que soit considérée comme valeur d'acquisition la valeur fiscale 5 ans avant l'aliénation s'il s'agit d'un immeuble locatif au sens de l'article 48, lettre a, et la valeur fiscale 10 ans avant l'aliénation majorée de 30% s'il s'agit d'un autre immeuble.

Valeur d'aliénation

6 La valeur d'aliénation est égale au prix de vente diminué des impenses que l'aliénateur a supportées à cette occasion.

7 Le prix de vente comprend l'ensemble des prestations de tout genre auxquelles l'acquéreur s'oblige à l'égard de l'aliénateur.

Impenses

8 Sont considérés comme impense les frais liés à l'acquisition ou à l'aliénation de l'immeuble et les dépenses qui en ont augmenté la valeur.

Autres gains

Art. 83 (nouvelle teneur)

1 Sont également soumises à l'impôt les prestations de tout genre que reçoit, avant ou après l'aliénation, le propriétaire d'un bien ou actif immobilier ou le titulaire d'un droit immobilier réel ou personnel, soit notamment:

a)

le produit de la cession du droit d'acquérir un immeuble, de droit d'emption et de préemption et la substitution dans le bénéfice d'une promesse de vente;

b)

le produit de la constitution, la modification ou la radiation de charges ou, le cas échéant, de droits de superficie, qui, sous la forme de servitudes de droit privé ou de restrictions de la propriété fondées sur le droit public, atteignent de façon essentielle et durable l'exploitation ou la valeur d'aliénation d'un immeuble;

c)

les dédits et peines conventionnels résultant de l'inexécution d'un contrat relatif à l'immeuble;

d)

les indemnités de tout genre, quelle que soit leur appellation, liées à l'aliénation du bien ou actif immobilier ou à une des transactions prévues à cet article.

2 Lorsqu'une de ces prestations est liée à l'aliénation d'un immeuble, elle fait partie de la valeur d'aliénation selon l'article 82; dans les autres cas, elle est soumise à l'impôt au moment où elle est acquise, sous déduction éventuelle des seuls frais s'y rapportant directement.

Taux de l'impôt

Art. 84 (nouvelle teneur)

1 L'impôt est perçu de l'aliénateur ou du bénéficiaire du gain sur le montant global du bénéfice ou du gain nets aux taux suivants:

a)

50% lorsqu'il a été propriétaire des biens ou actifs immobiliers, ou titulaire des droits immobiliers (réels ou personnels) pendant moins de 2 ans;

b)

40% lorsqu'il l'a été pendant 2 ans au moins, mais moins de 4 ans;

c)

30% lorsqu'il l'a été pendant 4 ans au moins, mais moins de 6 ans;

d)

20% lorsqu'il l'a été pendant 6 ans au moins, mais moins de 8 ans;

e)

15% lorsqu'il l'a été pendant 8 ans au moins, mais moins de 10 ans;

f)

10% lorsqu'il l'a été pendant 10 ans au moins, mais moins de 25 ans;

g)

0% lorsqu'il l'a été pendant 25 ans et plus.

2 Lorsque, postérieurement à l'acquisition d'un immeuble, des travaux lui ont apporté une plus-value d'une certaine importance, le gain est déterminé et imposé séparément pour les divers éléments selon la durée de propriété de chacun d'eux; si la répartition du bénéfice entre les divers éléments ne peut être déterminée, elle est fixée par estimation.

Remploi

Art. 85 (nouvelle teneur)

1 L'impôt est remboursé en cas de remploi du bénéfice résultant de l'aliénation:

a)

d'un logement (villa ou appartement) occupé par le propriétaire qui aliène;

b)

d'une propriété exclusivement agricole exploitée par le propriétaire qui aliène, son conjoint ou un membre en ligne directe de sa famille;

c)

de tout autre immeuble cédé à l'Etat, à une commune genevoise ou à une corporation de droit public genevois pour cause d'utilité publique ou d'intérêt général.

2 Il y a remploi au sens de l'alinéa précédent lorsque l'aliénateur utilise le produit de l'aliénation pour acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature, pourvu qu'il ne s'écoule pas plus de 5 ans entre les deux opérations.

3 N'est remboursé que l'impôt relatif au bénéfice qui a été effectivement investi, en plus du montant de la valeur d'acquisition du bien aliéné.

4 L'impôt remboursé est exigible lors de l'aliénation de l'immeuble de remplacement; les aliénations dont l'imposition est prorogée n'entrent pas en ligne de compte, mais l'acquéreur reprend l'obligation de l'aliénateur dans les cas de l'article 81, alinéa 1, lettres a et b.

5 La prescription et la péremption ne commencent à courir qu'au moment de l'aliénation donnant lieu à la perception de l'impôt.

Déclaration

Art. 86 (nouvelle teneur)

Toute aliénation ou prestation doit être déclarée au département par l'aliénateur ou le bénéficiaire du gain, dans un délai de 30 jours à compter de la date de l'opération, sur la formule établie par le département, en y joignant les pièces justificatives.

Consignation et sûretés

Art. 86 A (nouveau)

1 Lors de la passation d'un acte translatif de la propriété d'un immeuble ou de tout autre droit immobilier réel ou personnel, l'aliénateur est tenu de consigner entre les mains du notaire qui instrumente ou du préposé à l'office des poursuites et des faillites la partie du prix correspondant en pour-cent au taux de l'impôt, ou des sûretés équivalentes.

2 Sauf accord du département, le notaire doit refuser d'instrumenter tant que la consignation n'a pas été effectuée. Les fonds destinés à la part de l'impôt sont consignés chez le notaire, sans intérêts.

3 En cas de doute sur la somme à consigner, le département fixe cette somme dans les huit jours à compter de la réception de la requête de l'aliénateur.

4 Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le revenu, l'aliénateur peut, à sa demande, être dispensé du versement de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers moyennant remise d'une garantie bancaire dont les termes et conditions sont fixés par le département.

Provision

Art. 86 B (nouveau)

1 Le bénéfice réalisé par le promoteur d'une opération immobilière soumise à la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, peut être affecté à la constitution d'une provision.

2 Cette provision doit être utilisée dans un délai de cinq ans pour une nouvelle opération de construction, de transformation et de rénovation d'un immeuble soumise à la loi générale sur le logement et la protection des locataires.

3 Le montant du bénéfice réinvesti ne peut dépasser

a)

la différence entre le prix du nouvel immeuble construit et le prix de revient de l'immeuble aliéné;

b)

le coût de la transformation;

c)

le coût de la rénovation.

4 Si la provision n'est pas utilisée ou n'est que partiellement utilisée dans un délai de cinq ans, elle doit être dissoute et portée au crédit du compte de résultat.

Hypothèque légale sans inscription

Art. 371 (nouvelle teneur)

L'impôt immobilier complémentaire pour deux années échues et l'année courante, ainsi que l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers pendant deux ans à compter de l'aliénation et dans la mesure où la consignation prévue à l'article 86 A n'a pas été effectuée, sont au bénéfice d'une hypothèque légale sans inscription (art. 836 du code civil) dans les termes prévus par l'article 89 de la loi d'application du code civil et du code des obligations.

Dispositions transitoires

Art. 2

(concernant l'application de l'art. 85, al. 4 in fine:)

L'impôt dont la perception avait été différée en raison d'un remploi intervenu entre le 1er janvier 1987 et l'entrée en vigueur de la présente loi n'est pas dû si la première aliénation qui suit est une de celles qui sont désignées à l'article 81, alinéa 1, lettres a et b et intervient jusqu'au 31 décembre 1999.

Modification à une autre loi

(E 1 1)

Art. 3

La loi d'application du code civil et du code des obligations, du 7 mai 1981, est modifiée comme suit:

Art. 80, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

a) les impôts désignés à l'article 371 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887;

Entrée en vigueur

Art. 4

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

ANNEXE 6

RAPPORT DE MINORITÉ

Le projet de loi 6737 relatif à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers propose une modification bienvenue de notre législation fiscale.

Nous sommes intervenus à de multiples reprises pour taxer davantage les plus values considérables réalisées lors de ventes de biens immobiliers et plus particulièrement les bénéfices réalisés lors d'opérations spéculatives. Il n'est en effet pas normal que certains puissent ainsi réaliser des profits, sans créer aucune richesse, par la réalisation de bénéfices purement spéculatifs.

Rappelons que l'initiative IN 21 contre la spéculation n'a toujours pas été soumise en votation populaire alors que les délais prévus dans notre Constitution sont écoulés depuis plusieurs années. Par ailleurs nous avons présenté à ce parlement des projets de loi qui concernent directement les buts visés par le présent projet de loi.

Nous n'entendons pas revenir dans ce rapport de minorité sur l'ensemble des arguments qui militent en faveur d'une imposition plus forte des revenus spéculatifs, ces arguments ayant été largement développés dans les exposés des motifs de nos projets de loi et de l'IN 21. Précisons tout de même que la période actuelle nous semble particulièrement favorable à l'introduction de dispositions contre la spéculation. Leur but principal n'est pas seulement d'assurer de nouvelles recettes fiscales mais de servir avant tout d'instrument de dissuasion contre les opérations spéculatives. Celles-ci ont pris une importance telle dans notre canton ces dernières années qu'elles ne frappent pas seulement les locataires mais l'ensemble des activités économiques avec des conséquences désastreuses sur l'emploi qui est actuellement le principal sujet de préoccupation de la population.

Notre opposition ne porte donc pas sur les buts visés par le projet de loi 6737 mais sur les mesures trop timides qu'il préconise quant aux taux d'imposition proposés. Nous proposons de reprendre les taux d'imposition que nous avions prévus dans notre projet de loi et qui correspondent aux pratiques actuellement en vigueur dans le canton de Zurich. Nos amendements visent l'article 84 du projet de loi relatif à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.

Art. 84 (nouvelle teneur)

1L'impôt est perçu de l'aliénateur ou du bénéficiaire du gain sur le montant global du bénéfice ou du gain net aux taux suivants:

a) 70 % lorsqu'il a été propriétaire des biens ou actifs immobiliers, ou titulaire des droits immobiliers (réels ou personnels) pendant moins de 6 mois;

b) 60 % lorsqu'il l'a été pendant 6 mois au moins, mais moins de 1 an;

c) 50 % lorsqu'il l'a été pendant 1 an au moins, mais moins de 2 ans;

d) 40 % lorsqu'il l'a été pendant 2 ans au moins, mais moins de 3 ans;

e) 35 % lorsqu'il l'a été pendant 3 ans au moins, mais moins de 5 ans;

f) 30 % lorsqu'il l'a été pendant 5 ans au moins, mais moins de 10 ans;

g) 25 % lorsqu'il l'a été pendant 10 ans et plus.

Nous considérons que nous devons nous donner les moyens légaux nécessaires pour frapper énergiquement les bénéfices résultants de la spéculation immobilière. La spéculation foncière, si elle s'est quelque peu ralentie avec la crise économique, a atteint dans notre canton des niveaux tels que la question de savoir si le gain immobilier doit être imposé ne se pose même plus. Cependant les dispositions antérieures ont fait la preuve de leur insuffisance tant du point de vue des taux appliqués que des modalités de perception de l'impôt puisque des aliénateurs domiciliés ou partis à l'étranger ont pu échapper à l'imposition.

Les taux de l'actuel projet de loi proposés par la majorité de la commission sont eux aussi manifestement insuffisants et surtout il supprime toute imposition à partir de la vingt-cinquième année de possession comme si, avec le temps, la spéculation devenait acceptable.

Dans de nombreux cantons la fiscalité est utilisée depuis plusieurs années comme une mesure dissuasive contre la spéculation. L'imposition unique des gains immobiliers en une seule fois, au moment où ils sont effectivement réalisés, est non seulement justifiée, mais elle est aussi la méthode la plus efficace pour résoudre les problèmes posés par leur évaluation. Le gain réalisé peut en effet être déterminé avec précision en établissant la différence entre le prix de vente et le prix de revient.

Dans notre pays, les gains immobiliers sont imposés de diverses manières, soit par le biais d'un impôt spécial, soit dans le cadre de l'impôt ordinaire, ou encore par le cumul des deux. De nombreux cantons soumettent les gains immobiliers à un impôt spécial, exclusif, en ce sens qu'il n'est perçu que sur ce type de gains. Dans d'autres cantons, ces gains sont en outre soumis de façon cumulative à l'impôt sur le revenu (le bénéfice). La majorité des cantons établissent des distinctions entre les diverses catégories de gains immobiliers. Les gains faisant partie de la fortune privée du contribuable sont assujettis à l'impôt spécial et les gains réalisés sur les immeubles faisant partie de la fortune commercial sont soumis aux impôts ordinaires sur le revenu et le bénéfice et viennent s'additionner aux autres éléments du résultat d'exploitation. C'est ce système qui est en vigueur à Genève et que le projet de loi 6737 propose de modifier. Rappelons que les gains réalisés professionnellement sont soumis à l'impôt sur les bénéfices immobiliers et sont en outre soumis, parallèlement, à l'impôt sur le revenu (sur le bénéfice). Le bénéfice sur les gains immobiliers qui a été soumis à l'impôt spécial peut toutefois être déduit du bénéfice devant être pris en compte.

L'acheteur est tenu solidairement responsable du paiement par le vendeur de l'impôt sur les gains immobiliers. Lorsque le prix indiqué par les parties est manifestement inférieur à la valeur vénale de l'immeuble en question, le montant de l'aliénation est établi d'office par l'autorité fiscale. Dans ce cas, le supplément d'impôt relatif à la différence entre la valeur ainsi déterminée et le prix indiqué par les parties est alors dû par l'acquéreur, le vendeur étant tenu solidairement responsable.

Nos amendements visent à modifier les taux et le montant de la perception de l'impôt sur le bénéfice immobilier pour mieux tenir compte de la durée de possession et permettre ainsi de réduire la portée des opérations purement spéculatives qui sont nuisibles à l'ensemble de l'économie et aux conditions de vie de la population.

Telles sont, Mesdames et Messieurs les députés, les amendements que nous jugeons utile d'apporter au projet de loi 6737 pour lui permettre de lutter plus efficacement contre la spéculation immobilière.

Premier débat

M. Jean Montessuit (PDC), rapporteur. Il est nécessaire, me semble-t-il, de rappeler en préambule de ce nouveau débat sur la taxation des plus-values immobilières que la finalité de cette loi s'applique aux non-professionnels, étant entendu que les professionnels seront taxés selon la fiscalité ordinaire. Cette précision a pour but d'éviter, si on suivait les amendements du rapport de minorité, que les professionnels soient moins taxés que ceux qui, pour une raison ou une autre, vendent dans un délai relativement court.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à ne pas suivre le rapport de minorité.

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. Je voudrais apporter quelques précisions, tout d'abord sur le fond, puis sur trois aspects particuliers de ce projet de loi.

Le texte de loi parle de bénéfices et de gains immobiliers. Permettez-moi de dire qu'il s'agit d'un euphémisme pour traiter de ce que j'appelle la rente foncière, à savoir un profit parasitaire, parce que ne découlant d'aucune création de valeur, contrairement à la plupart des activités de production et de services. Ces profits spéculatifs sont parasitaires, non seulement parce qu'ils n'apportent rien à la société, mais parce qu'ils péjorent les conditions de vie et les conditions économiques. Ils renchérissent de manière artificielle les prix des produits et des services.

Ceux qui parlent à longueur d'année de la concurrence internationale sont soudain muets face à ce facteur artificiel d'élévation des coûts. Sur le plan social, c'est évidemment au niveau du logement que la spéculation foncière a les conséquences les plus néfastes avec le renchérissement des prix des terrains qui rend de plus en plus difficile la construction de logements bon marché et entraînant des dépenses accrues de l'Etat pour le logement social. Ces profits spéculatifs n'existent, au fond, que parce que les terrains sont par nature limités sur le plan quantitatif et qu'il n'est pas possible d'augmenter l'offre pour faire baisser les prix. Seuls des transferts de zones peuvent freiner ce processus, mais ce système a forcément ses limites. En l'état, ce projet de loi tente d'agir sur les conséquences et non sur les causes de la spéculation foncière. Encore le fait-il de manière bien timide !

Le précédent projet, le PL 6737-A, prévoyait des taux différents et mieux adaptés. Dans le rapport de Mme Saudan d'avril 1993, on pouvait lire en page 24 : «On ne peut raisonnablement affirmer que l'on va prétériter de manière grave le marché immobilier avec ces modifications. Elles ont essentiellement pour but une imposition plus équitable en fonction de la capacité contributive de chacun de lutter contre la spéculation foncière, de favoriser les possessions de longue durée.». Eh bien, certains sont revenus en arrière sur la pression des milieux immobiliers en exonérant de tout impôt les profits spéculatifs de la vingt-cinquième année de possession.

Le rapporteur de majorité a le sens de l'humour, lorsqu'il écrit en page 6 : «Les tableaux font ressortir clairement l'alourdissement de l'impôt pour les détentions de courte durée et son allégement pour celles dépassant vingt-cinq ans.». En fait d'allégement, il s'agit de la suppression de toute imposition, avec comme conséquence cette aberration qu'un propriétaire qui vend la vingt-quatrième année en réalisant, par exemple, un bénéfice d'un million payera 100 000 F d'impôts, alors que le même propriétaire ne payera rien s'il vend la vingt-cinquième année en réalisant le même bénéfice.

Du point de vue de l'équité fiscale, on peut se poser la question de la validité de ces taux. Par ailleurs, aucune étude n'a été faite sur les conséquences fiscales de ce projet de loi qui rapportera peut-être plus, peut-être moins, que les taux actuels. Nous n'en savons rien !

A l'heure où nous assistons à une tendance à la baisse des rentrées fiscales, dues notamment à la diminution de la masse salariale, et où la majorité de ce parlement prétend équilibrer les finances de l'Etat, on nous propose de voter les yeux fermés cette modification de l'impôt sur les gains immobiliers ! Le minimum aurait été de considérer l'ensemble des ventes immobilières de ces trois dernières années et de leur appliquer les nouveaux taux, pour nous permettre d'évaluer l'impact sur les rentrées fiscales par rapport aux taux actuels. L'examen des cent dix-sept cas présentés dans le rapport de majorité - dont nous ne connaissons pas la représentativité - n'est pas suffisant.

Enfin, en augmentant les taux d'imposition sur les gains immobiliers, notre parlement peut agir de manière intelligente sur les recettes de l'Etat, sans risquer un rejet du projet. Jusqu'à présent la politique suivie a consisté à agir sur les seules dépenses, mais cette fois nous pouvons intervenir au niveau des recettes. C'est dans ce sens que nous vous demandons de soutenir nos amendements.

Monsieur le président, je vous serais reconnaissant de bien vouloir proposer la formulation de l'article 89 de notre rapport de minorité.

Le président. Il en sera fait ainsi !

Mme Christine Sayegh (S). Ce projet de loi sur l'imposition spéciale des gains immobiliers a occupé la commission fiscale de manière très intense et pendant de nombreuses séances.

Sans en reprendre l'historique, on peut tout de même rappeler que l'on revient pratiquement à la «case départ», je veux parler du projet du Conseil d'Etat. Il est d'ailleurs surprenant de constater que les modifications - plus particulièrement la conception du barème d'imposition telle qu'elle est ressortie de la première phase des travaux, laquelle avait fait l'objet du rapport de Mme Françoise Saudan - avaient été suggérées par les milieux professionnels concernés, qui ont ensuite changé d'avis. Il n'est pas interdit de changer d'avis, mais cela a passablement retardé l'entrée en vigueur de cette loi qui, au-delà du fait qu'elle tend à décourager les spéculateurs, introduit un système de perception de l'impôt beaucoup plus efficace. L'impôt est prélevé immédiatement sur le bénéfice réalisé. Ainsi, non seulement la substance de l'impôt est garantie, mais encore cette méthode de perception a l'avantage de réduire sensiblement le contentieux de l'administration fiscale.

Au cours des travaux, M. Ducret a proposé un amendement accepté par la majorité des commissaires, à savoir de ne pas imposer le bénéfice immobilier dans le cadre des successions, soit le système actuellement appliqué. Toutefois, pour être cohérents avec la loi fédérale sur l'administration fiscale, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2001 et qui imposera ces bénéfices tout en prorogeant la perception, nous proposerons trois amendements que j'étayerai en deuxième débat. Ils ne remettent pas la loi en cause, et c'est pourquoi nous voterons l'entrée en matière.

M. Nicolas Brunschwig (L). Je voudrais faire quelques remarques, suite aux propos de M. Clerc. Je rappelle à l'ensemble de ce parlement que le taux actuel pour une durée de possession de moins de deux ans est de 32% et que, donc, avec cette loi, nous allons passer à un taux de 50%. Par ce biais, nous répondons en grande partie aux soucis partagés par l'ensemble des membres de la commission en taxant plus fortement les plus-values en cas de courtes durées de possession.

Comme l'a dit M. Montessuit en préambule, il paraît impensable d'aller au-dessus d'un tel taux, car les professionnels se verraient moins taxés que les non-professionnels. Ce serait illogique et illégitime !

Un deuxième élément me paraît important : la spéculation après vingt-cinq ans. Mon Dieu ! Pensez-vous, Monsieur Clerc, que les gens spéculent au bout de tant de temps ! Seul votre groupe peut exprimer une telle affirmation !

Vous parlez également de l'iniquité des limites entre les détenteurs d'un bien immobilier : vingt-quatre et vingt-cinq ans. Eh bien, c'est comme cela ! Toute loi fiscale comporte une limite, un plancher, un plafond, un délai ou autre, et on se trouve en dessous ou au-dessus. Si on va par là on pourrait remettre en cause bien des lois, ce qui serait tout à fait inadéquat.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, après un parcours tortueux, est difficile et technique. Son aspect politique l'a compliqué encore un peu. Le compromis auquel nous sommes arrivés est satisfaisant. Je vous recommande donc de ne pas accepter les différents amendements qui vont vous être proposés.

M. Jean Spielmann (AdG). En parlant de spéculation il convient de garder à l'esprit qu'il s'agit de problèmes complexes et qu'il ne suffit pas de légiférer en la matière pour les résoudre.

Le renchérissement du sol tient à des paramètres complexes qui échappent au droit, pour la plupart. La législation peut ralentir la montée du prix du terrain, mais elle ne peut pas l'empêcher. On peut agir donc sur la prise de bénéfices, on peut dissuader les activités spéculatives, mais, en définitive, le problème est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Plus personne aujourd'hui ne peut plus soutenir la spéculation foncière. Même dans les milieux proches du parti libéral - je pense au juriste Jean-François Auber - on part du principe «qu'il serait bon de combattre l'augmentation de la valeur du sol, ne serait-ce que pour freiner la spéculation, car nul ne peut tenir pour satisfaisant l'état d'une société dont certains membres s'engraissent de l'industrie des autres.». Il est difficile d'être plus clair. Il est donc nécessaire de se doter d'un certain nombre de moyens pour éviter cela.

La spéculation s'est beaucoup développée dans notre canton et a posé de gros problèmes aux locataires, mais aussi à l'activité immobilière, aux artisans, à ceux qui voulaient développer des activités industrielles ou tertiaires et qui sont aux prises avec des valeurs locatives résultant d'activités spéculatives. En définitive, elle pénalise toute notre société.

L'initiative 21, curieusement relatée dans ce deuxième rapport, était chargée de freiner la spéculation foncière et, dans le cas particulier, on parle de loi sur les bénéfices immobiliers, ce qui n'est pas la même chose. L'initiative avait quatre objectifs :

- La fiscalité, qui peut être utilisée pour dissuader la spéculation et pour effectuer des prélèvements sur la plus-value sur les bénéfices immobiliers.

- L'aménagement du territoire. La loi fédérale permet un certain nombre de dispositions pour effectuer des prélèvements en cas de plus-value due à des changements de zone ou des changements d'affectation. D'ailleurs, la loi fédérale demande aux différents cantons de légiférer en la matière et de mettre en place les dispositions que nous proposions dans notre initiative. Certains cantons l'ont déjà fait. Les recours des milieux immobiliers ont d'ailleurs été sanctionnés par le Tribunal fédéral qui a pris clairement position en faveur des dispositions prévues par la loi fédérale d'aménagement du territoire qui permettent de prélever ces plus-values.

- Le régime du crédit bancaire et l'acquisition de terrain. Des dispositions doivent également être prises sur ces points. Je ne veux pas revenir là-dessus.

- L'acquisition de terrain par les collectivités publiques.

L'initiative dont je vous parle a été déposée tout au début de l'année 1988. Le délai pour que le Grand Conseil prenne une décision est échu le 8 février 1989 et, aujourd'hui, on continue à nous «promener» avec des propositions qui n'ont rien à voir avec le contenu de l'initiative sur ces différents points. On en discute dans certaines commissions, mais, concrètement, aucune décision n'a encore été prise, alors que ce Grand Conseil avait voté son entrée en matière pour trouver des solutions rapides. Visiblement, c'est un acte de déni de justice et nous saisirons le Tribunal fédéral ! Nous avons dit, à plusieurs reprises et même cinq ans après le dépôt de cette initiative, que nous étions prêts à accepter d'attendre pour autant que les choses se concrétisent. Il faut bien constater aujourd'hui que c'est loin d'être le cas !

Le deuxième point important : je veux parler du contexte politique. Si on regarde rétrospectivement ce qui s'est passé dans ce parlement et comment une véritable politique du logement a été mise sur pied - je pense à la création du Rassemblement pour une politique du logement - on constate que le parti chrétien-social participait activement à cette politique du logement si importante pour les familles. Ce parti est devenu le parti démocrate-chrétien, mais il est, surtout et paradoxalement, devenu le parti qui défend le plus les milieux immobiliers dans ce parlement. Chaque fois que des projets doivent être défendus et chaque fois que des spéculateurs se trouvent dans une position inconfortable, il se trouve un rapporteur du parti démocrate-chrétien pour défendre ce qui n'est pas défendable ! C'est un important changement de politique ! (M. Maitre interpelle M. Spielmann.) Monsieur Maitre, puisque vous intervenez, permettez-moi de vous dire ce que j'ai sur le coeur ! Ce sont les deux représentants démocrates-chrétiens qui se montrent les plus farouches défenseurs des milieux immobiliers et qui proposent, au niveau national, la suppression de tout contrôle des loyers, la suppression du bail et la libéralisation dans le domaine du logement.

C'est un paradoxe politique que je tenais à souligner. Il explique les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le domaine du logement et il explique également la duplicité de votre discours sur la défense de la famille et des intérêts des plus démunis. Votre démarche politique vire nettement à droite en faveur de l'immobilier ! Je pourrais multiplier les exemples, Monsieur Maitre. Ne m'obligez pas à continuer !

Il faut aujourd'hui faire un pas en direction des propositions faites dans notre rapport de minorité. Je rappelle simplement que les propositions contenues dans la loi sont très nettement inférieures à ce qui se fait dans de nombreux cantons de ce pays. Pour des prises de bénéfices relativement faibles : 10 000 F, nous sommes un peu plus chers que d'autres, mais ensuite nous sommes taxés moitié moins que les autres cantons. Et surtout, Monsieur Brunschwig, il y a abandon total de toute forme de perception d'impôt sur la plus-value immobilière après une durée de vingt-cinq ans, ce qui ne se fait nulle part ailleurs. Expliquez-moi pourquoi on ne payerait pas d'impôts sur un bénéfice immobilier réalisé, même après vingt-cinq années de possession d'un bien ?

Aucun canton ne va aussi loin; tous maintiennent un petit seuil d'imposition. C'est la proposition que je ferai à titre subsidiaire si vous refusez les propositions contenues dans notre rapport de minorité !

M. Daniel Ducommun (R). Notre groupe soutient et accepte ce projet de loi. Conformément au rapport de M. Montessuit, nous le souhaitons sans amendement. Comme le disait M. Brunschwig, nous accouchons d'un projet après seize séances de travail. Alors, je vous en prie, arrêtons-nous là !

Certains d'entre nous regrettent toutefois que l'important travail fait par la précédente commission fiscale - excellemment rapportée par notre collègue Françoise Saudan - ait été vain et n'ait pas reçu le soutien du Conseil d'Etat, lequel l'avait pourtant déposé. Ce rapport faisait apparaître des éléments intéressants, tels que la double échelle, faisant référence à la capacité contributive, ainsi que la distinction entre un immeuble acquis à titre de placement et un logement habité par son propriétaire.

La nouvelle mouture présentée ce soir est considérablement simplifiée. Réflexion faite, elle correspond mieux au but fixé, à savoir la volonté de lutter contre la spéculation par une imposition plus forte des gains réalisés à court terme. En outre, elle correspond à l'injonction contenue dans la loi fédérale sur l'harmonisation qui stipule que les cantons doivent veiller à ce que les bénéfices réalisés à court terme soient plus lourdement taxés. L'augmentation du taux, pour les deux premières années, de 32 à 50% correspond aux nouvelles exigences. A contrario, taxer l'aliénateur après une propriété supérieure à vingt-cinq ans ne poursuit pas le même but et ne peut que pénaliser les propriétaires ayant fait un investissement immobilier pour assurer leur retraite, ce qui n'est pas satisfaisant.

Voilà quelques-uns des arguments qui motivent l'acceptation du rapport de majorité.

M. Michel Halpérin (L). Un mot seulement pour mieux renseigner M. Spielmann qui pense que la suppression de l'impôt après une certaine durée de possession n'existe nulle part en Suisse. Pour s'en tenir aux cantons romands, celui du Valais, par exemple, connaît exactement la même disposition, de sorte que nous sommes en bonne compagnie, mon cher collègue !

M. Jean-Luc Ducret (PDC). A entendre M. Spielmann, je comprends que ses lectures favorites ne sont pas «Les encycliques du pape» ! (Rires.) S'il prenait le temps de les lire, il constaterait que la spéculation est un péché...

M. Jean Spielmann. Vous allez souvent vous confesser, vous ? (Rires.)

M. Jean-Luc Ducret. Certes, c'est un péché véniel, mais vous spéculez sur la disparition du parti démocrate-chrétien, Monsieur Spielmann ! Eh bien, vous pouvez attendre encore longtemps ! Nous connaissons parfaitement le problème de la spéculation, à telle enseigne que, lors du premier débat, nous nous sommes élevés - autant que vous du reste - contre la spéculation malsaine. Nous avons voulu marquer notre désapprobation à l'égard de ces opérations qui ont fleuri dans les années 85 à 89.

L'adage «L'impôt tue l'impôt» est véridique. En modifiant nos taux d'imposition vers le haut, le danger est grand de favoriser une nouvelle fois une évasion fiscale, voire une fraude fiscale. Restons donc raisonnables; c'est ce que nous avons voulu être en fixant les taux d'imposition.

Je suis étonné de votre proposition d'amendement, Madame Sayegh. Je vous ai suivie avec attention, lorsque vous avez parlé des liquidations de sociétés immobilières. Vous avez dit que la liquidation d'une société immobilière, au sens du droit fiscal, était une origine de propriété. Vous refusiez donc le principe de la prépossession qui est, comme je l'avais dit dans mon rapport, une fiscalité équitable qui tient compte de la réalité économique. Vous avez combattu cette réalité, puisque vous n'avez pas considéré la propriété de l'actionnaire au travers d'une société immobilière comme faisant partie de la possession. Et maintenant, vous voulez réintroduire le principe de la prépossession, s'agissant de l'impôt spécial à la suite d'une succession. Il s'agit manifestement d'une contradiction.

Sans vouloir reprendre le débat qui a été fait il y a plusieurs mois, il s'agit d'une loi simple qui reprend, pour l'essentiel, les principes existants. Elle est efficace, compréhensible pour un propriétaire moyen et, surtout, praticable dans ce sens que n'importe quel propriétaire sera à même de calculer son impôt à l'occasion de la vente de sa propriété. Je vous demande donc d'accepter ce projet de loi et de refuser les amendements qui vous seront proposés.

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. J'aimerais répondre à quelques-uns des arguments qui ont été avancés.

Comment pouvez-vous, Monsieur Brunschwig, dire qu'après vingt-cinq ans il n'y a plus spéculation ? Cela supposerait qu'après ce délai le bénéfice réalisé par le revendeur soit égal à la compensation du renchérissement ou de la perte du pouvoir d'achat. Or, vous savez bien que ce phénomène ne se passe pas comme cela.

D'autre part, je m'étonne que vous avanciez cet argument, puisque vous avez refusé le mode de perception qui était proposé dans le rapport précédent, lequel prévoyait justement une déduction de l'impôt en fonction de la durée de possession. Non seulement vous avez supprimé cette possibilité de réduction de l'impôt en fonction de la durée de possession, mais vous avez supprimé tout impôt après vingt-cinq ans ! C'est étonnant, car l'Association genevoise des propriétaires pour la protection des villas, qui avait été auditionnée par la commission, était prête à admettre une imposition jusqu'à trente ans. Mais vous, vous avez trouvé que ces propriétaires de villa exagéraient et qu'il ne fallait les imposer que jusqu'à la vingt-quatrième année ! (M. Brunschwig fait non de la tête.) C'est dans le rapport, Monsieur Brunschwig !

Il y a des cantons qui n'imposent plus les bénéfices après vingt-cinq ans, mais il n'y en a que deux sur vingt-six. Monsieur Halpérin, vous oubliez de dire à combien sont imposées les premières années de possession ! Eh bien, je vais vous le dire, moi ! C'est 40% en Valais jusqu'à vingt ans, ce qui est bien différent de nos taux !

L'argument selon lequel il faut supprimer tout impôt pour éviter la fraude fiscale me laisse rêveur !

M. Michel Balestra. Très bonne idée ! Bravo ! (Applaudissements de la droite.)

M. Jean Montessuit (PDC), rapporteur. M. Spielmann n'arrive plus tellement à vendre sa marchandise, c'est pour cela qu'il développe toujours des théories sans rapport avec les projets qui nous occupent ! Je ne peux pas accepter, Monsieur Spielmann, que vous me traitiez de suppôt de la Chambre genevoise immobilière, pour la simple et bonne raison - que j'ai déjà donnée - que la proposition que vous faites favorise, précisément, les professionnels de l'immobilier ! Alors vous, Monsieur Spielmann, vous êtes le «porteur d'eau» de la Chambre genevoise immobilière ! (Des bravos fusent.)

Cela dit, les taux que vous proposez sont carrément confiscatoires. Prendre 70% du bénéfice est délirant, je ne sais pas si un tel taux résisterait à une attaque sur le plan légal !

Avant de terminer, je propose également un amendement à apporter à l'article 86 A, mais c'est un amendement purement technique que je développerai en temps opportun.

Le président. C'est exactement ce qu'on va faire, Monsieur le député !

M. Jean Spielmann (AdG). Je reviens sur les propos de M. Montessuit. J'ai effectivement déposé un projet de loi modifiant la loi sur les gains immobiliers - dans lequel je tenais compte, précisément, du problème lié aux professionnels - et sur l'imposition spéciale sur ces gains. Je suis intervenu pour tenter de combler ces anomalies et vous avez refusé ces projets. Si vous étiez cohérents, vous les auriez admis ! Acceptez au moins d'admettre que j'ai une certaine cohérence et que je maintiens mes positions par rapport à la spéculation, au logement social, aux problèmes liés au patrimoine bâti et aux possibilités offertes par la loi pour pénaliser, comme le dit si bien le professeur François Auber, ceux qui «s'enrichissent de l'industrie des autres».

Vous dites que les taux d'imposition sont confiscatoires et que vous pouvez intervenir au niveau de la loi. Regardez les documents que vous recevez en tant que membres de la commission fiscale; vous pouvez les lire et vous constaterez qu'en page 81 on fait des comparaisons intercantonales sur les gains immobiliers. Ces comparaisons ne sont guère pertinentes, puisqu'elles ne correspondent même pas au projet de loi qui est voté. Vous avez utilisé des anciens tableaux qui étaient déjà modifiés au cours de la discussion de la commission, mais je m'abstiendrai sur ce point. Certains cantons imposent bien davantage que nous le faisons.

Monsieur Halpérin, je parlais de comparaison entre cantons comparables, comme Bâle, Zurich, Berne. La spéculation tient aussi à la densité de la population et à la possibilité d'extension au niveau des constructions. Les cantons d'Argovie et du Valais sont dans une situation différente de celle de canton-ville, tel que Genève ou Bâle, ou d'agglomérations urbaines, comme Zurich ou Berne. Leur législation va dans le sens de ce que nous vous proposons. Les prélèvements sont importants; ils dépassent 60% pour Berne et Zurich, mais je ne vais pas tous les énumérer ici.

Monsieur Montessuit, il y a des gens dans ce pays qui, contrairement à vous, pensent qu'il convient effectivement de combattre la spéculation foncière par tous les moyens. Ils utilisent l'arsenal légal existant pour la combattre.

J'irai plus loin ! Si vous refusez les amendements, tels qu'ils sont présentés, vous n'allez pas aggraver la fiscalité, au contraire, vous allez supprimer toute prise d'impôts sur une bonne partie des bénéfices immobiliers après un certain nombre d'années. Je le répète, seuls deux cantons le font après trente et cinquante ans, Argovie et Valais. Nous ne pouvons pas nous comparer d'autant que leurs taux sont nettement supérieurs à ceux que vous proposez dans la loi pour les premières années de possession. Il y a une totale incohérence et je me demande même si la population serait prête à accepter que ce parlement vote une loi supprimant les impôts sur les bénéfices immobiliers !

Quelles en seraient les conséquences au niveau des recettes fiscales ? Je me tourne vers M. Vodoz qui pourra très certainement nous donner son appréciation. Paradoxalement, on a peu parlé des conséquences d'une telle mesure sur le budget de l'Etat. Je sais bien que nous vivons une période un peu particulière. Les arrêtés «anti-surchauffe» et le blocage des ventes de terrains ont rendu le problème de la spéculation moins aigu. C'est peut-être justement l'occasion de mettre en place des dispositions légales pour nous permettre d'éviter que cela recommence, eu égard à la mentalité de certains dans ce Grand Conseil !

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. Je voudrais revenir sur la notion de taux confiscatoire.

En effet, il ne suffit pas d'articuler un taux, encore faut-il dire sur quelle période de possession il s'applique. Dans notre proposition, il s'applique sur une période de moins de six mois. Cela veut dire que la personne qui achète un immeuble et qui le revend dans le délai de six mois - ce qui est typiquement une opération de type spéculatif - sera taxée à 70%. On trouve tout à fait normal qu'une personne à qui on arrache le sac à main le retrouve avec l'argent dedans. Ce genre d'action est de l'escroquerie. On dit qu'on va prendre 60%, mais en laissant 40%. Le taux de 60% s'applique entre six mois et moins d'un an et, ensuite, il retombe au niveau des taux évoqués par le rapport de majorité. Les taux pour les possessions de longue durée doivent légitimement être maintenus, compte tenu que la spéculation n'est pas seulement un phénomène de rattrapage du coût de l'inflation, mais qu'elle va bien au-delà dans la majorité des cas.

Monsieur le président, nous demanderons le vote nominal pour notre amendement. (Appuyé.)

M. Jean Montessuit (PDC), rapporteur. MM. Spielmann et Clerc pourraient laisser croire que la nouvelle loi, telle qu'elle est proposée, diminue la fiscalité pour les détenteurs d'un bien pendant une courte durée. Je vous invite - vous m'excuserez, car cela est très technique, mais il faut en faire la démonstration - à vous reporter aux tableaux des pages 38 et 39 qui sont faux - comme l'a dit M. Spielmann - dans la mesure où les taux du nouveau barème sont inférieurs à ceux qui ont été finalement retenus par la commission. Je l'ai du reste signalé dans mon rapport.

Vous constaterez que l'aggravation de la fiscalité est considérable, en tout cas pour les courts délais, puisque ceux qui sont frappés à raison de 45% voient leurs impôts passer de 1,6 million à 2,25 millions, par exemple. Alors, Monsieur Spielmann, je vous en supplie, ne faites pas de fausse démonstration !

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. Je suis désolé, mais je ne peux pas laisser passer ce type d'affirmation !

Je l'ai dit dans mon introduction tout à l'heure, les exemples donnés sont théoriques, tout comme ceux dont vous venez de nous parler, Monsieur Montessuit ! Ils ne sont pas représentatifs des ventes telles qu'elles ont effectivement été réalisées dans le canton. Vous ne pouvez donc pas extrapoler sur une plus-value fiscale par rapport à ces taux. C'est faux !

M. Jean Spielmann (AdG). Je me vois obligé de répondre à M. Montessuit que non seulement il n'a pas compris mes propos mais encore qu'il les a falsifiés ! Je n'ai jamais dit que nous avions diminué l'imposition pour les courtes durées de possession. C'est le contraire, mais nous allons beaucoup moins loin que ce que font les autres cantons.

Il est logique qu'une telle loi différencie les professionnels des autres, car le but n'est pas que les professionnels acheteurs/revendeurs gardent leur propriété plus longtemps. La vocation de ces professionnels est de revendre le plus rapidement possible, pour faire fonctionner le marché. Si celui qui l'achète veut faire la même chose qu'un professionnel, eh bien, qu'il paye des impôts comme un professionnel ! Vos propositions ne vont pas assez loin; elles sont quasiment inférieures de moitié aux dispositions des autres cantons.

Je répéterai, jusqu'à ce que vous ayez compris ou, tout du moins, jusqu'à ce que vous arrêtiez de comprendre le contraire de ce que je dis... (Immense éclat de rires du groupe libéral.) Monsieur Montessuit, vous avez dit qu'on voulait réduire l'impôt de courte durée. Ce n'est pas vrai, je n'ai pas dit cela ! On l'augmente effectivement, mais pas assez ! Nous, on propose d'aller plus loin. C'est le premier point.

Deuxième point, j'ai dit que vous proposiez, avec cette loi, la suppression de l'impôt sur le bénéfice immobilier pour toute une série d'opérations, ce que je trouve scandaleux. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous pouvez justifier de supprimer l'impôt sur toutes ces opérations immobilières, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je vais tenter d'être bref, mais je voudrais rappeler que le débat auquel nous assistons me paraît presque naturel en raison, précisément, de la matière.

En effet, ce projet de loi comporte deux aspects bien distincts :

- les aspects techniques, qui ont rencontré très rapidement un large consensus, voire l'unanimité, notamment au niveau de la prise d'impôts sur les opérations et qui ne font pas l'objet de contestation aujourd'hui;

- les aspects politiques, touchant plus particulièrement l'article 84 fixant les taux de prélèvement sur les bénéfices.

On l'a dit et je le rappelle :

1) Cette loi ne touche pas les professionnels de l'immobilier.

2) Cette loi n'a pas pour objectif de condamner toute prise de bénéfices, mais elle a, en revanche, pour but - comme cela a été souligné par l'ensemble des rapporteurs, à l'exception de l'Alliance de gauche - de lutter contre des bénéfices spéculatifs inacceptables, notamment en période de revente dans une durée limitée.

Le projet de loi qui vous est présenté ce soir est l'aboutissement d'une très longue saga. Le département des finances avait imaginé un système très simple, puis on nous a demandé d'élaborer un système à double échelle. Il fallait partir de l'idée qu'un bénéfice devait être traité différemment suivant que, sur un même objet de 600 000 F, par exemple, le bénéfice était de 150 000 F ou de 500 000 F. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes remis au travail, et nous avons présenté à la commission une nouvelle mouture dite «des deux échelles», l'une se référant à la durée de possession, l'autre atténuant les rigueurs de la durée de la possession par la problématique de l'intensité du bénéfice prélevé sur l'opération.

Finalement, nous avons, après le retour en commission, renoncé au système de la double échelle pour revenir au système que nous connaissons actuellement, mais en en modifiant les taux. Jusqu'à ce soir en tout cas, ce projet de loi a recueilli en commission une très large majorité, puisque seuls s'y sont opposés les commissaires de l'Alliance de gauche.

Le débat central de ce soir porte en réalité sur l'article 84, non pas seulement et essentiellement sur la lettre a) où le rapporteur de minorité souhaite porter le taux d'imposition à 70% du bénéfice levé, mais surtout sur la lettre g), qui stipule que le taux est de 0% lorsque la durée de possession a atteint vingt-cinq ans ou plus.

Voyez-vous, je n'ai pas entendu les arguments qui ont finalement motivé cette proposition. Elle est fondée sur le fait qu'on ne tient pas compte de l'inflation en matière de bénéfices immobiliers. Evidemment, il y a eu de nombreuses propositions. Le système valaisan est à mon avis un système pervers, parce qu'en permettant d'adapter le bénéfice à l'inflation on arrive virtuellement à des impositions égales à zéro. D'ailleurs, le canton du Valais est en train d'examiner la possibilité de revoir sa propre loi, compte tenu des effets découlant de l'indexation des prix de vente. C'est en raison de cette absence d'indexation des prix de vente que la commission a considéré, notamment pour les propriétaires d'appartement ou de petite villa pendant vingt-cinq ans et plus, que la prise de bénéfices pouvait être exonérée dans ce cas, ce qui compensait, en partie, l'érosion de la monnaie pendant la durée de possession.

Voilà ce qui, en définitive, a motivé les commissaires de la commission fiscale dans leur majorité à adopter cette proposition. C'est la raison pour laquelle, après beaucoup de discussions, il a été considéré qu'après un laps de temps de vingt-cinq années de possession on pouvait tenir compte de cet élément au niveau de la prise de bénéfices.

Cette loi, sur le plan politique, devait provoquer le débat que nous connaissons. Le département des finances - et ce sera ma conclusion, même s'il est vrai que les travaux de commission se sont étalés sur deux législatures et que bon nombre de documents ont été fournis aux commissaires de la précédente législature - a présenté cent dix-sept cas, tous réels. Ils ont été présentés afin de dénombrer les ventes réalisées ces dernières années, selon les délais différents et de mesurer leur impact. Nous avons constaté qu'en dehors des transactions effectuées par les professionnels, il y avait fort peu de ventes dans les premières tranches, soit d'un à deux ans. C'est pour cela que la commission a longuement hésité en imaginant une tranche supplémentaire comprise dans ce délai et, d'autre part, que les bénéfices réalisés après vingt-cinq ans étaient très limités. Nos propositions ont donc été faites sur la base des renseignements fournis par l'administration fiscale, sur des cas concrets, et cette dernière n'a pas été avare pour répondre aux questions posées par les députés.

Je souhaite ardemment que ce projet de loi soit accepté en débat d'entrée en matière. J'interviendrai sur les différentes propositions d'amendement dans le cadre du deuxième débat.

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

Art. 81 (nouvelle teneur), al. 1, lettre b)

Mme Christine Sayegh (S). L'amendement que je propose ajoute à l'article 81, alinéa 1, lettre b) :

«d'avancement d'hoirie, de succession, de partage successoral ou de donation.».

Cet amendement, ainsi que les deux suivants qui résultent du premier, à savoir imposer, mais proroger la perception d'impôt en matière de succession, est conforme au droit fédéral dans le cadre de l'harmonisation fiscale, lequel sera applicable dans notre canton dès le 1er janvier 2001.

Il n'y a pas - comme l'a dit M. Ducret - de confusion entre les SI et les successions. La prépossession n'est pas dans la même situation. En effet, il s'agit de traiter sur pied d'égalité le bénéfice dans le cadre d'une vente suite à une donation qui est taxable, aux termes de l'article 81, indice b, et la vente suite à une succession. Cette solution procède de l'équité. En effet, la distinction entre ces deux situations est infondée. Il n'y a aucune raison d'exonérer fiscalement le bénéfice immobilier en cas de succession. Ainsi le propriétaire, qui vend un bien immobilier reçu par donation ou par succession, est censé avoir acquis l'immeuble à la date et au prix auquel ce dernier est entré dans le patrimoine du donateur ou de la personne décédée. La durée de possession, alors prise en considération pour le calcul de l'impôt, sera donc étendue à celle du donateur ou du défunt, ce qui permettra un allégement certain du montant imposé.

En cette période où la masse fiscale diminue, on ne peut négliger le besoin impératif de recettes nouvelles, et il serait déraisonnable de renoncer à celles-ci pendant quelque cinq ans et demi encore. C'est pourquoi je vous invite à soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Ducret (PDC). Pour les raisons évoquées tout à l'heure, je vous demande de ne pas entrer en matière sur cette proposition d'amendement.

En effet, il ne s'agit pas simplement de discuter d'un taux, mais, selon Mme Sayegh, d'introduire un nouvel impôt qui serait prélevé à l'occasion d'une vente suivant les vingt-sept mois après un décès. C'est un nouvel impôt, qui ne correspond pas du tout à la volonté de la commission fiscale.

S'agissant notamment de la liquidation des sociétés immobilières, Madame Sayegh, vous ne m'avez pas répondu ! Vous avez combattu le principe de la prépossession et vous voulez la réintroduire dans le cadre de l'imposition sur les bénéfices immobiliers; c'est une contradiction que je ne comprends pas !

Mme Christine Sayegh (S). Il ne s'agit pas d'un impôt nouveau, mais d'un impôt prévu par le droit fédéral, qui sera de toute façon imposé à notre canton le 1er janvier 2001. Je ne suis donc pas en train d'inventer un nouvel impôt !

Ensuite, il me semble que les sociétés immobilières font justement des économies d'impôts substantielles pendant toute leur durée, ce qui nous autorise à nous opposer au principe de la prépossession. Ce n'est pas le cas pour les successions. La donation est traitée de la même manière et je ne vois pas pourquoi on ferait une différence entre la donation et la succession en cas de revente, ce que le Parlement fédéral a bien compris, puisqu'il a fait un projet de loi qui entrera en vigueur dans cinq ans et demi.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. L'exonération prévue à l'article 81, alinéa 3, lettre c), votée par la commission fiscale de votre parlement, confirme le système actuel.

J'ai eu l'occasion de dire en commission - et je le répète ici - que la LHID - comme l'a rapporté Mme Sayegh tout à l'heure - obligera les cantons à adapter leur législation sur ce point, dès le 1er janvier 2001. Or, je vous rappelle que le 13 avril, après avoir effectué avec le département et l'administration fiscale un énorme travail, nous avons déposé trois projets de lois visant un premier train d'aménagement de notre loi fiscale cantonale à la loi fédérale d'harmonisation fiscale et à la nouvelle loi fédérale sur l'impôt fédéral direct. Ce train de lois, qui est en cours d'examen par la commission fiscale, traite précisément des personnes morales, de l'impôt à la source et des dispositions relatives à l'encaissement de l'impôt. Le dernier train de lois d'harmonisation, puisque cela se fait par étape, comme dans tous les cantons - le canton de Vaud a adopté la semaine dernière les nouvelles dispositions en matière de personnes morales - touchera les personnes physiques.

Ce «paquet», selon les travaux en cours, devrait intervenir devant le Grand Conseil dans le courant de l'année 1997, pour être adopté et appliqué au plus tard le 1er janvier de l'an 2001. Dans le cadre de ce dernier «paquet» sur les personnes physiques, nous aurons, comme la loi fédérale nous y contraint, à adapter nos dispositions pour cette date. C'est pourquoi j'ai dit en commission qu'il y avait deux possibilités : harmoniser immédiatement ou, par souci d'égalité par rapport à ceux qui verront cette loi changer relativement drastiquement, la présenter lors du dernier train de modifications de lois d'harmonisation fiscale, globalement avec les personnes physiques. De toute manière, votre parlement, au plus tard d'ici quatre ans, devra voter une disposition fixant la prorogation de l'impôt au niveau de cas de succession et de partage successoral, comme le propose Mme Sayegh, et non pas au niveau de l'exonération, comme c'est le cas aujourd'hui.

Pour être tout à fait clair, car c'est un domaine complexe, Mme Sayegh propose qu'on ajoute à l'alinéa 1, lettre b) :

«d'avancement d'hoirie, de succession, de partage successoral ou de donation.».

La loi sera ainsi conforme à la perspective de l'an 2001 et ce sera, par conséquent, la suppression de l'alinéa 3, lettre c), avec les corrections qui s'imposeront à l'article 82.

L'autre suggestion de la majorité vous propose de voter le texte tel quel et de revenir avec le dernier train de modifications, comme je viens de vous l'expliquer.

Le président. Je mets aux voix l'amendement de Mme Sayegh qui consiste à remplacer le libellé de l'article b) actuel, en bas de la page 9, par le libellé suivant :

«d'avancement d'hoirie, de succession, de partage successoral ou de donation.».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Art. 81 (nouvelle teneur), al. 3, lettre c)

Le président. Nous sommes en présence d'un second amendement de Mme Sayegh portant sur l'alinéa 3, lettre c).

Mme Christine Sayegh (S). Les deux amendements suivants étant intimement liés au premier, je renonce à les proposer.

Mis aux voix, l'article 81 (nouvelle teneur) est adopté.

 Art. 82 (nouvelle teneur)

Le président. Nous sommes en présence, à l'alinéa 4, d'un nouvel amendement de Mme Christine Sayegh, qui n'est pas forcément lié au premier. Le maintenez-vous, Madame ?

Mme Christine Sayegh (S). Non, car il est lié au premier !

Mis aux voix, l'article 82 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 83 (nouvelle teneur).

Art. 84 (nouvelle teneur) de l'article 1 (souligné)

Le président. Nous sommes en présence de quatre amendements.

Le plus éloigné de la version du rapporteur de majorité est celui proposé par le rapporteur de minorité, que vous trouverez en page 43 de votre rapport. Il consiste à changer entièrement l'article 84 nouvelle teneur.

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. Je demande le vote nominal sur notre proposition. (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent l'amendement proposé dans le rapport de minorité répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Cet amendement est rejeté par 50 non contre 33 oui et 9 abstentions.

Ont voté non (50) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Dominique Belli (R)

Janine Berberat (L)

Anne Briol (E)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Fabienne Bugnon (E)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Bernard Lescaze (R)

Sylvia Leuenberger (E)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jean Montessuit (DC)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

Laurent Rebeaud (E)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Micheline Spoerri (L)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Nicolas Von der Weid (L)

Michèle Wavre (R)

Ont voté oui (33) :

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Jacques Boesch (AG)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

Sylvie Hottelier (AG)

Liliane Johner (AG)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Françoise Saudan (R)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Pierre Vanek (AG)

Se sont abstenus (9) :

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Jean-Claude Genecand (DC)

René Longet (S)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Christine Sayegh (S)

Philippe Schaller (DC)

Max Schneider (E)

Claire Torracinta-Pache (S)

Etaient excusés à la séance (3) :

Bernard Annen (L)

Claude Blanc (DC)

Bénédict Fontanet (DC)

Etaient absents au moment du vote (4) :

Jean-Claude Dessuet (L)

Catherine Fatio (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Andreas Saurer (E)

 Présidence:

M. Hervé Burdet, président.

Le président. Nous passons à l'amendement proposé par M. Spielmann, qui porte sur les lettres f) et g) de l'article 84 (nouvelle teneur). Il consiste à libeller la lettre f) de la façon suivante :

«10% lorsqu'il l'a été pendant dix ans ou plus.»

et à biffer la lettre g).

M. Jean Spielmann (AdG). Dans la législation actuelle, il est prévu que les bénéfices réalisés après une certaine durée soient imposés au taux plancher de l'imposition, soit 10%. La loi d'aujourd'hui augmente l'imposition pour une très courte durée - je précise pour des opérations spéculatives - ce qui me semble juste. Par contre, il n'est pas normal que, d'un coup et d'un seul, ce parlement supprime toute perception sur des bénéfices réalisés lors de ventes.

Vous pouvez difficilement argumenter en faveur de cette proposition de suppression totale de toute forme de perception pour une durée de possession de dix ans et plus. Je rappelle, pour comparer des choses comparables, que nos voisins - je pense à la ville de Lausanne - appliquent une perception de 18% sans fixer de limite à la durée de possession. Il y aurait donc une différence considérable, puisque, quelle que soit la durée de possession, on payerait un impôt de 18% à Lausanne et rien à Genève !

Je propose donc qu'on garde le taux plancher de 10% qui est actuellement dans la loi pour toutes les opérations avec prise de bénéfices.

M. Christian Grobet (AdG). L'adoption de cette loi après les propos tenus par M. Vodoz me laisse extrêmement perplexe.

M. le conseiller d'Etat a relevé que la loi - nous le savions - ne s'applique pas aux gains réalisés par les professionnels. Or, en matière de spéculation immobilière - vous êtes certainement mieux renseigné que nous, Monsieur Vodoz - la plupart des affaires spéculatives importantes ont été réalisées par des professionnels. A cet égard, il serait intéressant de savoir quelles sont les mesures que le Conseil d'Etat entend prendre pour frapper plus fortement ces professionnels de la spéculation.

Une voix. La bourgeoisie !

M. Christian Grobet. Cette question est importante, car ces personnes ont causé un tort considérable au marché immobilier genevois.

La loi va donc s'appliquer aux propriétaires qui n'exercent pas une activité professionnelle dans le domaine immobilier et, par voie de conséquence et forcément, sur des objets dont la durée de possession est beaucoup plus longue. Nous ne sommes pas étonnés des propos de M. Vodoz qui affirme que peu de cas se trouveraient concernés par cette loi, s'agissant des premières années de possession. Je ne sais pas combien il y a de cas de possession de plus de vingt-cinq ans, mais j'ai tout de même le sentiment qu'ils sont relativement nombreux.

La moindre des choses serait donc de maintenir le statu quo actuel qui, finalement, est un taux modeste : 10% à partir de dix ans de possession. Comme Jean Spielmann l'a rappelé, le canton de Vaud applique un taux de 18%. Il est vrai que ce taux s'applique sur la différence entre la valeur fiscale et le prix de vente. Cela m'amène également à dire que la valeur fiscale des biens immobiliers - et c'est une faveur accordée aux propriétaires, notamment à ceux qui vivent dans leur villa ou leur logement - est notoirement en dessous de la valeur vénale. C'est dire que les propriétaires fonciers bénéficient déjà aujourd'hui d'un privilège fiscal non négligeable. Il serait tout de même paradoxal qu'au moment de la vente d'un bien immobilier ces propriétaires bénéficient encore d'un avantage supplémentaire ! En effet, cette loi va accorder un cadeau fiscal supplémentaire à un certain nombre de propriétaires !

M. Ducret, je crois, a dit qu'il ne faudrait pas pénaliser les propriétaires dont le logement constitue la caisse de retraite. Ce ne sont pas ces propriétaires qui vendent, Monsieur Ducret, et les cas de ventes de logements ne sont pas les seuls concernés ! Les biens immobiliers de façon générale et les immeubles sont également concernés. C'est d'autant plus important que l'on vient de voter un projet de loi dont l'objectif est d'encourager la liquidation des sociétés immobilières. Les immeubles vont donc devenir des propriétés en nom. Par conséquent, on ne peut pas invoquer comme argument qu'un certain nombre de propriétaires sont des propriétaires de villas et de logements, pour ne pas maintenir une imposition fiscale sur les autres types d'immeubles.

En définitive, on peut - comme M. Clerc l'a fait - se demander si on va améliorer véritablement le rendement fiscal de cette loi sur les gains immobiliers ou si on ne va pas au contraire le diminuer. Le rendement restera identique à partir de dix ans de possession, il sera meilleur pendant les dix premières années, quoiqu'encore à un taux inférieur à celui d'autres cantons, et il sera nul à partir de la vingt-cinquième année. En cette période de difficultés financières de l'Etat, il est tout de même assez paradoxal de constater que l'on cherche à réduire, voire à supprimer l'impôt sur des bénéfices certainement importants. (S'adressant à M. Montessuit qui sourit.) Vous souriez, Monsieur Montessuit, mais nous savons que la plus-value immobilière dépasse de loin, et de très loin, l'indexation de la valeur d'achat à l'indice du coût de la vie. Je doute que cette plus-value diminue à l'avenir. Elle a été considérable ces dernières années. Par voie de conséquence, si on ne maintient pas le statu quo, Monsieur Ducret, je pense que nous retournerons au mauvais exemple du Valais que vous avez cité tout à l'heure et qui n'est vraiment pas un exemple à suivre !

M. Nicolas Brunschwig (L). Il me semble que l'on n'a pas assez tenu compte d'un élément dans les propos tenus par ces messieurs de l'Alliance de gauche !

En effet, dans le projet de loi qui fait l'objet de notre débat, la valeur d'acquisition n'est pas indexée. Une autre formule a été envisagée et, dans ce cas, les arguments que vous avancez auraient pu être pris en considération. Dans le cas présent, l'effet de l'inflation se répercute exclusivement par le biais de ces taux qui sont différenciés en fonction des durées de possession du bien immobilier concerné. Dès lors, il est apparu légitime à la commission de différencier les personnes qui gardent leur bien immobilier pendant dix, douze ou quinze ans, et les personnes qui les gardent plus de vingt-cinq ans. Pour ces raisons techniques essentielles et sans entrer dans des considérations politiques, la formule proposée aujourd'hui est une bonne formule.

Nous vous demandons donc de rejeter cet amendement.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Suite aux dernière interventions, j'attire votre attention - comme je l'ai fait en commission et comme je l'ai fait lors du dépôt de ce projet de loi - sur le fait que les professionnels sont imposés en tout temps dans leur déclaration annuelle sur le montant du bénéfice et que la durée de possession ne joue aucun rôle pour eux.

Grosso modo, l'impôt cantonal et communal à Genève, suivant l'intensité, se monte de 0 à 50%, sur le bénéfice. C'est pourquoi, pendant la période de forte spéculation immobilière - en ce qui me concerne je n'étais pas encore au Conseil d'Etat - le gouvernement a encaissé des montants considérables résultant de cette plus-value. L'IFD oscille entre 0 et 11,5%. C'est la raison pour laquelle il faut à tout prix distinguer les deux choses. C'est aussi pour cela que je vous ai indiqué, il y a quelques mois, dans le cadre de la présentation d'un autre projet de loi, qu'il fallait absolument que nous sérions mieux les activités professionnelles et de patrimoine détenues à titre professionnel et du patrimoine immobilier détenu au titre de particulier.

En effet, il faut savoir qu'un certain nombre de personnes s'intitulaient «agents immobilier» pendant un certain temps, ou étaient taxées comme tels après deux ou trois opérations, et nous annonçaient ensuite que leur bien faisait partie de leur patrimoine privé. J'ai donc pris des mesures correctrices. C'est pour cela que, d'une manière générale, les professionnels sont imposés à l'année sur leur déclaration. Si nous n'avions pas déposé un projet de loi visant à imposer immédiatement les bénéfices des professionnels, on se serait retrouvé, dans une phase de reprise ou de spéculation éventuelle future, avec un certain nombre de contribuables réalisant des bénéfices immobiliers importants et quittant le canton, soit pour un autre, soit pour l'étranger. Il y avait alors une fin d'assujettissement et nous ne pouvions plus prélever d'impôts. J'ai donc déposé, au nom du Conseil d'Etat, un projet de loi visant à corriger cette anomalie et ce dernier a été voté par votre parlement. Je voulais ainsi apporter quelques éclaircissements sur le distinguo à faire entre les professionnels et les autres.

Le président. Je mets aux voix le double amendement de M. Spielmann dont je vous rappelle la teneur portant sur les lettres f) et g). Il consiste à «relibeller» la lettre f) de la façon suivante :

«10% lorsqu'il l'a été pendant dix ans ou plus.»

et à biffer la lettre g).

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Nous sommes en présence d'un autre amendement de M. Spielmann qui porte sur la lettre g) de l'article 84 (nouvelle teneur). Voulez-vous le présenter, Monsieur le député ?

M. Jean Spielmann (AdG). Il s'agit d'une proposition qui vise à éviter la suppression complète de l'imposition. Cela permettrait de conserver le taux plancher le plus faible des taux appliqués, soit 5% après une durée de possession de vingt-cinq ans. Cela me semble vraiment dérisoire ! Je vous préviens que si vous refusez un minimum d'imposition, la loi deviendrait inacceptable et nous prendrions les mesures nécessaires pour nous y opposer.

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement de M. Spielmann, qui porte sur la lettre g), ainsi libellé :

«5% lorsqu'il l'a été pendant vingt-cinq ans et plus.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 84 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 85 (nouvelle teneur) et l'article 86 (nouvelle teneur).

 Art. 86 A (nouveau), al. 1

Le président. Nous avons une proposition d'amendement de M. Jean Montessuit.

M. Jean Montessuit (PDC), rapporteur. En fait, cette proposition d'amendement n'émane pas de moi, mais de l'administration fiscale. Le lendemain du jour où j'ai déposé mon rapport, j'ai reçu un petit mot de M. Sansonetti me disant qu'une dernière lecture du texte du projet de loi avait laissé apparaître qu'il serait plus judicieux de mettre : «...la partie du bénéfice résultant de l'opération...» plutôt que : «...la partie du prix correspondant...». Cela ne change absolument rien au sens de l'article, mais la rédaction est meilleure ainsi.

Je vous recommande donc d'accepter cet amendement.

Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Montessuit qui consiste à remplacer :

«...la partie du prix correspondant...» par «...la partie du bénéfice résultant de l'opération...».

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 86 A (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 à 4 (soulignés).

Le projet est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. (Accueilli sans enthousiasme.) Eh oui, encore !

Nous avons proposé toute une série d'amendements qui allaient d'une solution qui nous paraissait normale et équitable à un amendement qui visait simplement à prolonger la fiscalité actuelle sur les bénéfices spéculatifs immobiliers. Nous avons même proposé un taux d'imposition de 5% pour la période de vingt-cinq ans et plus. Vous les avez tous refusés. Vous faites des cadeaux à ceux qui spéculent à Genève dans l'immobilier... (Manifestation de réprobation.) Vous acceptez de voter les yeux fermés sans mesurer les conséquences fiscales, alors que vous vous plaignez à longueur d'année des comptes de l'Etat qui ne sont pas équilibrés !

Dans ces conditions, je vous annonce que l'Alliance de gauche ne votera pas cette loi. (La droite acclame presque cette déclaration.)

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi générale sur les contributions publiques

(Impôt sur les bénéfices et gains immobiliers)

(D 3 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Art. 33 A (nouveau)

Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le revenu, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers perçu en application des articles 80 à 87 est imputé sur l'impôt annuel entier ou remboursé pour la part qui en excède le montant.

Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Art. 74 (nouveau)

Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le bénéfice net ou le revenu net, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers perçu en application des articles 80 à 87 est imputé sur l'impôt annuel entier ou remboursé pour la part qui en excède le montant.

PREMIÈRE PARTIE

TITRE II

IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES

ET GAINS IMMOBILIERS

(intitulé nouvelle teneur)

Objet

Art. 80 (nouvelle teneur)

1 L'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers a pour objet le bénéfice net provenant de l'aliénation d'immeubles ou de parts d'immeubles sis dans le canton, ainsi que certains gains que ces immeubles procurent sans aliénation.

2 Sont assimilées à des immeubles les actions ou parts de sociétés immobilières au sens de l'article 68, lettre c.

3 L'impôt est dû par l'aliénateur ou le bénéficiaire du gain même s'il est domicilié hors du canton. Les époux vivant en ménage commun sont considérés comme contribuables distincts. Le conjoint aliénateur ou bénéficiaire du gain est seul responsable du paiement de l'impôt dû.

4 Est considéré comme aliénation tout acte qui confère à un acquéreur la propriété ou la réelle disposition économique d'un immeuble, soit notamment la vente, l'échange, le partage, l'expropriation et l'apport dans une société.

5 Le transfert d'un immeuble ou part d'immeuble de la fortune privée dans la fortune commerciale ou de la fortune commerciale dans la fortune privée est assimilé à une aliénation.

Exemption

 Imposition

 prorogée

Art. 81 (nouvelle teneur)

1 L'imposition est prorogée en cas d'aliénation en raison:

a)

d'actes juridiques entre époux;

b)

d'avancement d'hoirie ou de donation;

c)

d'échange;

d)

de remembrement effectué en vue d'un remaniement parcellaire, de l'établissement d'un plan de quartier, de rectification de limites ou d'arrondissement d'une aire agricole.

2 Lors d'un partage ou d'un échange, l'impôt est perçu immédiatement sur la soulte reçue pour la part qui représente une plus-value de l'immeuble aliéné.

Exonérations

3 L'impôt n'est pas perçu:

a)

en cas de vente forcée, lorsque les créanciers saisissants, gagistes ou admis définitivement à l'état de collocation ne sont pas entièrement désintéressés;

b)

en cas de revente d'un immeuble que le créancier ou la caution d'une créance hypothécaire avait dû acquérir dans une vente forcée pour se couvrir de sa créance si elle n'est pas entièrement éteinte par le prix de vente;

c)

en cas de succession ou de partage successoral.

Calcul du bénéfice

Art. 82 (nouvelle teneur)

1 Le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d'aliénation et la valeur d'acquisition.

Valeur d'acquisition

2 La valeur d'acquisition est égale au prix payé pour l'acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale.

3 Lors de l'aliénation d'un immeuble acquis par un transfert justifiant la prorogation de l'imposition, le prix d'acquisition est celui de la dernière aliénation soumise à l'impôt qui est aussi déterminante pour fixer la durée de possession.

4 Lorsque le bien a été acquis par dévolution pour cause de mort ou à la suite d'une déclaration d'absence, la valeur d'acquisition est égale à la valeur fixée par le département pour la perception des droits de succession ou d'enregistrement, augmentée du montant desdits droits.

5 Lorsque l'acquisition est intervenue plus de dix ans avant l'aliénation, le contribuable peut demander que soit considérée comme valeur d'acquisition la valeur fiscale 5 ans avant l'aliénation s'il s'agit d'un immeuble locatif au sens de l'article 48, lettre a, et la valeur fiscale 10 ans avant l'aliénation majorée de 30% s'il s'agit d'un autre immeuble.

Valeur d'aliénation

6 La valeur d'aliénation est égale au prix de vente diminué des impenses que l'aliénateur a supportées à cette occasion.

7 Le prix de vente comprend l'ensemble des prestations de tout genre auxquelles l'acquéreur s'oblige à l'égard de l'aliénateur.

Impenses

8 Sont considérés comme impense les frais liés à l'acquisition ou à l'aliénation de l'immeuble et les dépenses qui en ont augmenté la valeur.

Autres gains

Art. 83 (nouvelle teneur)

1 Sont également soumises à l'impôt les prestations de tout genre que reçoit, avant ou après l'aliénation, le propriétaire d'un bien ou actif immobilier ou le titulaire d'un droit immobilier réel ou personnel, soit notamment:

a)

le produit de la cession du droit d'acquérir un immeuble, de droit d'emption et de préemption et la substitution dans le bénéfice d'une promesse de vente;

b)

le produit de la constitution, la modification ou la radiation de charges ou, le cas échéant, de droits de superficie, qui, sous la forme de servitudes de droit privé ou de restrictions de la propriété fondées sur le droit public, atteignent de façon essentielle et durable l'exploitation ou la valeur d'aliénation d'un immeuble;

c)

les dédits et peines conventionnels résultant de l'inexécution d'un contrat relatif à l'immeuble;

d)

les indemnités de tout genre, quelle que soit leur appellation, liées à l'aliénation du bien ou actif immobilier ou à une des transactions prévues à cet article.

2 Lorsqu'une de ces prestations est liée à l'aliénation d'un immeuble, elle fait partie de la valeur d'aliénation selon l'article 82; dans les autres cas, elle est soumise à l'impôt au moment où elle est acquise, sous déduction éventuelle des seuls frais s'y rapportant directement.

Taux de l'impôt

Art. 84 (nouvelle teneur)

1 L'impôt est perçu de l'aliénateur ou du bénéficiaire du gain sur le montant global du bénéfice ou du gain nets aux taux suivants:

a)

50% lorsqu'il a été propriétaire des biens ou actifs immobiliers, ou titulaire des droits immobiliers (réels ou personnels) pendant moins de 2 ans;

b)

40% lorsqu'il l'a été pendant 2 ans au moins, mais moins de 4 ans;

c)

30% lorsqu'il l'a été pendant 4 ans au moins, mais moins de 6 ans;

d)

20% lorsqu'il l'a été pendant 6 ans au moins, mais moins de 8 ans;

e)

15% lorsqu'il l'a été pendant 8 ans au moins, mais moins de 10 ans;

f)

10% lorsqu'il l'a été pendant 10 ans au moins, mais moins de 25 ans;

g)

0% lorsqu'il l'a été pendant 25 ans et plus.

2 Lorsque, postérieurement à l'acquisition d'un immeuble, des travaux lui ont apporté une plus-value d'une certaine importance, le gain est déterminé et imposé séparément pour les divers éléments selon la durée de propriété de chacun d'eux; si la répartition du bénéfice entre les divers éléments ne peut être déterminée, elle est fixée par estimation.

Remploi

Art. 85 (nouvelle teneur)

1 L'impôt est remboursé en cas de remploi du bénéfice résultant de l'aliénation:

a)

d'un logement (villa ou appartement) occupé par le propriétaire qui aliène;

b)

d'une propriété exclusivement agricole exploitée par le propriétaire qui aliène, son conjoint ou un membre en ligne directe de sa famille;

c)

de tout autre immeuble cédé à l'Etat, à une commune genevoise ou à une corporation de droit public genevois pour cause d'utilité publique ou d'intérêt général.

2 Il y a remploi au sens de l'alinéa précédent lorsque l'aliénateur utilise le produit de l'aliénation pour acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature, pourvu qu'il ne s'écoule pas plus de 5 ans entre les deux opérations.

3 N'est remboursé que l'impôt relatif au bénéfice qui a été effectivement investi, en plus du montant de la valeur d'acquisition du bien aliéné.

4 L'impôt remboursé est exigible lors de l'aliénation de l'immeuble de remplacement; les aliénations dont l'imposition est prorogée n'entrent pas en ligne de compte, mais l'acquéreur reprend l'obligation de l'aliénateur dans les cas de l'article 81, alinéa 1, lettres a et b.

5 La prescription et la péremption ne commencent à courir qu'au moment de l'aliénation donnant lieu à la perception de l'impôt.

Déclaration

Art. 86 (nouvelle teneur)

Toute aliénation ou prestation doit être déclarée au département par l'aliénateur ou le bénéficiaire du gain, dans un délai de 30 jours à compter de la date de l'opération, sur la formule établie par le département, en y joignant les pièces justificatives.

Consignation et sûretés

Art. 86 A (nouveau)

1 Lors de la passation d'un acte translatif de la propriété d'un immeuble ou de tout autre droit immobilier réel ou personnel, l'aliénateur est tenu de consigner entre les mains du notaire qui instrumente ou du préposé à l'office des poursuites et des faillites la partie du bénéfice résultant de l'opération en pour-cent au taux de l'impôt, ou des sûretés équivalentes.

2 Sauf accord du département, le notaire doit refuser d'instrumenter tant que la consignation n'a pas été effectuée. Les fonds destinés à la part de l'impôt sont consignés chez le notaire, sans intérêts.

3 En cas de doute sur la somme à consigner, le département fixe cette somme dans les huit jours à compter de la réception de la requête de l'aliénateur.

4 Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le revenu, l'aliénateur peut, à sa demande, être dispensé du versement de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers moyennant remise d'une garantie bancaire dont les termes et conditions sont fixés par le département.

Provision

Art. 86 B (nouveau)

1 Le bénéfice réalisé par le promoteur d'une opération immobilière soumise à la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, peut être affecté à la constitution d'une provision.

2 Cette provision doit être utilisée dans un délai de cinq ans pour une nouvelle opération de construction, de transformation et de rénovation d'un immeuble soumise à la loi générale sur le logement et la protection des locataires.

3 Le montant du bénéfice réinvesti ne peut dépasser

a)

la différence entre le prix du nouvel immeuble construit et le prix de revient de l'immeuble aliéné;

b)

le coût de la transformation;

c)

le coût de la rénovation.

4 Si la provision n'est pas utilisée ou n'est que partiellement utilisée dans un délai de cinq ans, elle doit être dissoute et portée au crédit du compte de résultat.

Hypothèque légale sans inscription

Art. 371 (nouvelle teneur)

L'impôt immobilier complémentaire pour deux années échues et l'année courante, ainsi que l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers pendant deux ans à compter de l'aliénation et dans la mesure où la consignation prévue à l'article 86 A n'a pas été effectuée, sont au bénéfice d'une hypothèque légale sans inscription (art. 836 du code civil) dans les termes prévus par l'article 89 de la loi d'application du code civil et du code des obligations.

Dispositions transitoires

Art. 2

(concernant l'application de l'art. 85, al. 4 in fine:)

L'impôt dont la perception avait été différée en raison d'un remploi intervenu entre le 1er janvier 1987 et l'entrée en vigueur de la présente loi n'est pas dû si la première aliénation qui suit est une de celles qui sont désignées à l'article 81, alinéa 1, lettres a et b et intervient jusqu'au 31 décembre 1999.

Modification à une autre loi

(E 1 1)

Art. 3

La loi d'application du code civil et du code des obligations, du 7 mai 1981, est modifiée comme suit:

Art. 80, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

a) les impôts désignés à l'article 371 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887;

Entrée en vigueur

Art. 4

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Initiative 21-C

Le président. Il est entendu que ce projet de loi concrétise l'initiative 21, s'agissant de son volet fiscal, tel qu'il figure dans le rapport de majorité en page 7.

M. Jean Spielmann (AdG). Je ne suis pas d'accord !

Je vous ai dit dans mon intervention que je n'avais obtenu aucune réponse concrète à l'initiative 21. Vous traitez des bénéfices immobiliers, alors que l'initiative parle de spéculation foncière. Vous avez même fait des fautes de numérotation. Nous saisirons le Tribunal fédéral pour déni de justice par rapport aux pratiques de ce parlement !

Et vous avez le front de conclure que cette loi concrétise l'initiative 21 ! C'est faux ! Revenez sur les débats d'entrée en matière de l'initiative 21 et vous constaterez qu'elle n'a rien à voir avec la loi qui vient d'être votée.  

I 1902
15. Interpellation de M. Jean Montessuit : Conséquences des lois fédérales sur le libre passage et l'acquisition de la propriété du logement sur les caisses de retraite publiques. ( )I1902

M. Jean Montessuit (PDC). C'est très probablement le 1er janvier prochain que la loi fédérale sur l'encouragement à la propriété du logement entrera en vigueur, au moyen de la prévoyance professionnelle et la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité. Ces nouvelles dispositions ne seront pas sans incidence sur les caisses de pension des collectivités publiques.

Tout d'abord, l'encouragement à la propriété du logement. En vue d'une saine gestion des liquidités, il serait sans aucun doute utile de procéder à une estimation des futurs retraits en espèces et des mises en gage des prestations. Comme les taux techniques pratiqués par nos institutions de droit public sont largement inférieurs aux taux d'intérêts hypothécaires, on peut penser que les assurés d'ores et déjà propriétaires procéderont à des retraits en espèces pour rembourser tout ou partie de leur dette. Le versement anticipé en espèces entraînant une réduction des prestations de vieillesse ainsi que des rentes de survivants et d'invalidité, le législateur charge l'institution de prévoyance d'offrir elle-même une assurance complémentaire et de faire office d'intermédiaire pour la conclusion d'une telle assurance en matière de décès et d'invalidité.

Quelles mesures nos institutions de prévoyance de droit public ont-elles prévues et quelles sont leurs modalités de financement ? Ce sera ma première question.

L'article 19 de la loi stipulant que les institutions de prévoyance des corporations de droit public ne sont pas autorisées à tenir compte du découvert technique dans les calculs de prestations de sortie, on peut se demander quelles en seront les questions financières, sachant, par exemple, que le degré de couverture des prestations de libre passage est de 40% pour la CIA. Dans les institutions en primauté des prestations, la prestation de libre passage se détermine en fonction de la valeur actuelle des prestations acquises. Compte tenu du fait que ce sont essentiellement les jeunes assurés qui changent d'institution, la solidarité entre groupes d'âge deviendra encore plus coûteuse et la somme des prestations de sortie excédera de manière sensible le montant des prestations d'entrée.

Ce système risque de mettre en cause les modalités de financement des institutions de droit public à terme. Je demande donc au Conseil d'Etat si les conséquences du droit fédéral ont été examinées, et, le cas échéant, quelles sont les conclusions de cette étude.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Pour ceux qui sont encore là, je pourrais répondre oui et me rasseoir !

Néanmoins, le sujet est suffisamment important et, M. Montessuit ayant eu l'amabilité de me remettre le texte de son interpellation hier à la commission des finances, j'ai pu m'y préparer, avec l'aide de mes collaborateurs. Je vais donc pouvoir vous répondre immédiatement.

Monsieur Montessuit, vous posez des questions relatives aux conséquences des lois fédérales sur le libre passage et l'acquisition de la propriété du logement sur les caisses publiques de retraite.

Alors, permettez-moi tout d'abord de faire une première remarque de nature générale. Si ces deux lois fédérales entrent en vigueur le 1er janvier 1995, les ordonnances d'application ne sont toutefois pas connues à ce jour. Je ne vous cache pas que cela devient problématique, comme pour la TVA, de ne pas connaître encore l'ordonnance d'application qui va imposer à tout un chacun des modifications extrêmement considérables, notamment sur le plan de l'informatique.

En conséquence, il subsiste encore de nombreuses inconnues quant aux modalités pratiques de ces lois. Au surplus, un délai de cinq ans étant laissé aux institutions de prévoyance pour adapter leur réglementation au droit fédéral, cela devrait permettre aux institutions en question de bien mesurer l'impact des nouvelles lois fédérales avant de modifier leurs statuts. Vous devez donc savoir que ce problème est d'ores et déjà examiné dans le cadre des trois caisses de prévoyance de l'Etat de Genève.

J'en viens à votre première question divisée en deux parties sur l'encouragement à la propriété du logement.

A la première partie de votre question, je réponds que l'OFAS a autorisé les caisses de prévoyance à offrir à leurs assurés des prêts hypothécaires à taux préférentiel, au maximum 0,5% de moins que les taux de référence des banques cantonales. De ce fait, de nombreux assurés ont déjà obtenu de tels prêts et c'est la voie que les caisses de prévoyance veulent encourager en mettant toutefois en garde les assurés sur les éléments suivants :

- les conséquences du remboursement au niveau des prestations futures de la caisse;

- sur le fait que, si l'assuré veut effectuer un rachat d'année d'assurance, il devra payer un montant beaucoup plus élevé, le montant du rachat augmentant en fonction de l'âge et de l'évolution des salaires;

- enfin, sur l'obligation de souscrire une assurance invalidité/décès à la charge de l'assuré.

Bien que l'on ne s'attende pas, Monsieur l'interpellateur, à une avalanche de demandes, les études menées sur la congruence entre actifs et passifs des caisses montrent que la gestion des liquidités ne pose pas de problème. Si tel devait être le cas, la caisse peut, de toute façon, différer les demandes de remboursement en capital.

A la deuxième partie de votre question relative à l'encouragement à la propriété du logement, je vous réponds que la conclusion d'une assurance-invalidité/décès est obligatoire et sera entièrement à la charge de l'assuré. Toutefois, les caisses de prévoyance publiques cantonales ne désirent pas procéder elles-mêmes à la couverture de ce risque. Elles veilleront simplement à ce qu'une telle assurance soit conclue auprès d'un assureur autorisé par la loi fédérale.

Votre deuxième question concerne le libre passage. Pour ce qui est du premier élément de cette question, il est vrai que, pour les caisses en répartition, les assurés recevront néanmoins l'intégralité des prestations du libre passage et accession à la propriété, alors qu'une partie seulement de ces prestations est réellement financée. Cette nouvelle norme ne modifie guère la pratique actuelle et cela augmente bien entendu à chaque fois la garantie de l'Etat. C'est la raison pour laquelle nous sommes extrêmement attentifs à cette ordonnance.

Par contre, en cas de sortie d'un groupe d'assurés ayant signé une convention d'affiliation avec la CIA ou la CEH, que l'on appelle des employeurs externes, comme par exemple l'aéroport international de Genève ou l'Hospice général, il faudra, à l'avenir, considérer qu'il s'agit d'une dissolution partielle et, par voie de conséquence, l'employeur externe devra alors verser la différence résultant du déficit technique.

Sur ce point, je peux vous dire que j'ai donné des instructions et suggéré au directeur de la CIA, comme à celui de la CEH, d'écrire à toutes les associations et groupements affiliés externes pour attirer leur attention sur le fait qu'en principe les changements devant intervenir au 1er janvier 1995 leur poseront un certain nombre de problèmes et que, par conséquent, il faut savoir s'ils entendent résilier avant ou après la convention. Pour ma part, j'espère qu'ils ne la résilieront pas, mais ce n'était que justice de les informer de ce fait qui générera des sommes importantes à la charge de la caisse.

Pour la dernière partie de votre question, enfin, je vous indique ce qui suit. Globalement, les prestations de libre passage prévues par les statuts actuels de la CIA et de la CEH ne seront guère modifiées par la loi fédérale sur le libre passage, mais il se peut que les prestations de sortie soient quelque peu améliorées pour les jeunes assurés, sans pour autant remettre en cause les modalités de financement de la CIA et de la CEH. Pour la caisse de police, par contre, il faut s'attendre à une augmentation sensible de toutes les prestations de sortie, dont les conséquences sur l'équilibre financier à long terme devront être mesurées.

Voilà, Monsieur le député, ce que je pouvais vous dire, avant même d'avoir pris complètement connaissance des ordonnances sur l'application de la loi fédérale.

M. Jean Montessuit (PDC). Je remercie M. Vodoz, et je me déclare satisfait de sa réponse !

Cette interpellation est close.

 

La séance est levée à 19 h 30.