République et canton de Genève

Grand Conseil

N° 11

 MÉMORIAL

DES SÉANCES DU

GRAND CONSEIL

52e LÉGISLATURE

Vendredi 12 mars 1993,

soir

Présidence:

Mme Micheline Calmy-Rey,présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, Dominique Föllmi, Olivier Vodoz, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Christian Grobet, président du Conseil d'Etat, Bernard Ziegler, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. René Chuard, Erica Deuber-Pauli, Bernard Erbeia, Georges Jost, René Koechlin, Jean Queloz, Gérard Ramseyer, Alain Rouiller, députés.

3. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'aimerais vous faire une brève déclaration relative à la loi sur l'encouragement aux départs volontaires, dit PLEND, que vous avez votée le 17 décembre dernier dans le cadre du train de lois visant à rétablir à terme l'équilibre budgétaire du compte de fonctionnement de l'Etat.

Le PLEND s'est étendu sur une période allant du moment où vous avez voté la loi jusqu'au 28 février dernier. Je vous rappelle que ce plan d'encouragement aux départs volontaires prévoyait deux possibilités. D'une part, le pont AVS pour les personnes âgées d'au moins soixante ans et ayant dix ans d'activité qui ne travailleraient désormais plus dans le cadre de l'administration cantonale ou des grands établissements qui y sont affiliés. Cette mesure, comme l'autre d'ailleurs, ne s'appliquait évidemment ni à la police, ni au personnel de la prison, ni aux magistrats judiciaires.

L'autre possibilité était l'indemnité de départ volontaire pour des personnes âgées de cinquante à soixante ans révolus et ayant compté dix années d'activité. Ces deux formes d'indemnités pouvaient être prises en capital ou en rente. J'aimerais vous dire que l'objectif qui, je vous le rappelle, avait été fixé à au moins 1% a été dépassé, puisque nous avons doublé notre objectif et que le total pour l'Etat représente 2,03%. Je vous ferai distribuer tout à l'heure la récapitulation par département. Si l'on prend les EPM et les établissements publics autonomes, c'est-à-dire en tout 24 700 postes, nous arrivons à 1,97%. 459,65 personnes pour être précis ont bénéficié de ce PLEND au 28 février 1993.

Un tiers a choisi l'indemnité de départ volontaire, les deux autres tiers le pont AVS, beaucoup plus attractif. Dans le tiers ayant choisi l'indemnité de départ volontaire se trouvent notamment certains employés étrangers qui ont profité de cette possibilité pour quitter notre canton et notre pays et retourner dans leur pays d'origine. Il est évident que le succès du PLEND génère pour les départements certains problèmes de restructuration; c'était voulu et connu. Je vous rappelle que le PLEND est en quelque sorte autofinancé, puisque, certes, nous allons verser en 1993 des indemnités de départ, mais que simultanément il y a un autofinancement par le gel du poste. A partir de 1994/1995, des économies seront faites dans la mesure où ces postes ne seront pas automatiquement reconduits.

Compte tenu du fait que le PLEND a rencontré un succès dépassant l'objectif fixé, au-delà des postes qui ne se renouvelleront pas de manière naturelle il y a évidemment un certain volant désormais acquis pour les différents départements qui permettra de réengager certaines personnes pour les besoins du service, alors que, si nous avions juste abouti à l'objectif, le gel des postes n'aurait pas permis cette reconduction au terme de la période de gel. C'est dire que nous sommes satisfaits de cette expérience unique, puisque c'est la première fois qu'une collectivité publique propose à son personnel un plan d'encouragement aux départs volontaires. Vous savez qu'il était inspiré de modèles réalisés dans certains secteurs privés, mais que celui-ci, compte tenu de son organisation et de son financement, ne peut pas être renouvelé.

C'est la raison pour laquelle je présenterai à votre parlement, au mois de juin au plus tard, un rapport complet sur l'analyse de cette opération. Sur cette base, nous examinerons comment nous pourrons envisager à terme des propositions de retraite anticipée qui puissent être valables dans le temps et ouvertes à tout un chacun tout au long des années; mais cela est de la musique d'avenir.

Pour l'heure, le succès du PLEND est encourageant et cela répondait incontestablement à un besoin dans notre administration. Je m'en réjouis et je vous remercie d'avoir, le 17 décembre dernier, voté cette loi nous ayant permis d'aboutir à ces résultats.

La présidente. Je salue à la tribune du public la présence de M. Albert Otter, ancien député. (Applaudissements.)

Pour la cérémonie de vendredi prochain en l'honneur de notre conseillère fédérale, je vous prie de rendre votre inscription à l'huissier-chef. Si vous n'y participez pas, veuillez lui remettre la ou les cartes vertes. Pour le bon déroulement de la manifestation, il est nécessaire que ces détails soient mis au point rapidement.

La sous-commission de l'économie siégera lundi 15 mars à 8 h 15 pour l'examen de la P 928. Avis aux commissaires!

RD 189
4. Démission de M. André November, député, et hommage du Grand Conseil. ( )RD189

La présidente. Nous avons reçu une lettre de démission de notre collègue, M. André November. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de ce courrier.

La présidente. M. André November est entré au Grand Conseil en 1985. Il a été réélu en 1989. Il aura donc accompli parmi nous deux législatures. Nous formons les voeux les meilleurs pour la suite de sa carrière professionnelle et nous lui remettons le stylo-souvenir traditionnel. (L'huissier remet le stylo-souvenir du Grand Conseil à M. November. Applaudissements.)

M. André November (Ve). Madame la présidente, chers collègues et amis. «Comment vous dire adieu» chante Françoise Hardy. Je ne vous la chanterai pas car je chante faux! J'aurais voulu aussi éviter cette épreuve de discours final car je ne suis pas certain de trouver le ton juste entre mon état d'âme qui, probablement, ne vous intéresse pas (Rires.) et mon envie de vous délivrer -- ce que je fais depuis longtemps -- encore une fois un message docte.

J'aimerais vous dire que le fait de travailler avec vous, d'appartenir à ce Grand Conseil a été une chance pour moi. J'ai eu également de la chance de faire partie du groupe écologiste que le hasard des élections a réuni. Vous savez certainement que sans un groupe -- M. Matthey l'a d'ailleurs dit au Conseil national -- un député ne représente rien. Je remercie encore une fois mon groupe et vous tous qui avez «subi» mes interventions qui n'étaient pas toujours empreintes d'une grande douceur.

Le Grand Conseil a été pour moi une grande expérience humaine et «intellectuelle». Je souligne ce mot, parce que je revendique le statut d'intellectuel, je suis un intellectuel (Rires.) de coeur. Je pense que dans notre société les intellectuels ont le même droit d'exister que les architectes, les agriculteurs, les ouvriers, les fonctionnaires ou n'importe qui d'autre. En tant qu'intellectuel, j'ai pu tester en grandeur nature des idées écologistes et je sais que certains d'entre vous avez vu rouge, alors que vous auriez dû voir vert!

Si j'écrivais un jour mes mémoires, je les intitulerais: «Les tribulations d'un intellectuel écolo sur les bancs du Grand Conseil»! Toutefois, même dans ces moments d'émotion, j'aimerais vous faire part de deux inquiétudes. Tout d'abord, je regrette que la polarisation extrême des positions au cours des débats empêche le dialogue entre personnes dont la position, en réalité, n'est pas si éloignée. Personnellement, je ne me retrouve pas dans cette confrontation perpétuelle entre deux camps retranchés.

Ma deuxième inquiétude est la perte de crédibilité du monde politique auprès de la population et cette distance qui nous sépare des préoccupations réelles des gens en période de crise. Les politiciens devraient améliorer leur image, se rapprocher de la population. Je pars avec un pincement de coeur, en vous léguant mes illusions -- il m'en reste quelques-unes! -- en formulant mes voeux que le parlement contribue, par son travail, ses débats, ses discussions, à un monde meilleur. (Chaleureux applaudissements.)

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre ami Andràs November a exprimé depuis quelque temps au sein de notre groupe son désir de quitter sa fonction de député. Nous l'avons retenu pendant plusieurs mois; aujourd'hui, sa décision est sans appel et nous en prenons acte avec regret.

Je ne vais pas faire ici l'historique de sa présence sur nos bancs, tant son travail a été considérable. Quel chemin parcouru depuis les premières séances où il s'entendait dire dès qu'il prenait la parole: «Rentre dans ton pays!», «Pourquoi est-ce que tu n'es pas encore à l'aéroport?». Heureusement, ce parlement en changeant de législature a gagné en respect de l'individu et en tolérance.

Andràs November a su passer au-dessus de ces sarcasmes, mais cela ne veut pas dire qu'il n'en a pas souffert, et nous avec. Aujourd'hui, pour des raisons professionnelles, mais aussi parce qu'il a beaucoup donné et peu reçu, il nous quitte. Sans répit tout au long de ces sept ans de députation, il s'est jeté à l'eau pour défendre la cause écologique, et, plus que d'autres, il a reçu en retour quolibets et ricanements.

Au-delà de l'amertume et du ras-le-bol rencontré lors de certaines séances, il a pu s'appuyer sur l'amitié de ses collègues écologistes et sur d'autres amitiés solides qu'il a créées avec des membres d'autres partis. Andràs, ce soir, le groupe écologiste te remercie de ton engagement sans faille et de ta ténacité à toute épreuve. Nous te souhaitons un repos politique bien mérité et beaucoup de satisfactions dans ta vie personnelle et professionnelle.

Avec ton départ, le groupe écologiste se sépare d'une forte personnalité. Avec l'arrivée de Chaïm Nissim pour te remplacer, (Manifestations de réprobation.) le groupe se rend fort d'une autre forte personnalité, mais d'un autre style. (Applaudissements.)

La présidente. Nous remercions aussi M. November pour le courage qu'il a manifesté dans cette enceinte, et c'est aussi avec un pincement de coeur que nous le voyons partir.

Son successeur, M. Nissim, prêtera serment ce soir à 20 h 30. Donc, votre interpellation sur Sécheron, Monsieur November, sera développée après les points 21, 22 et 23 de notre ordre du jour.

 

RD 190-1
5. Rapport oral de la commission de vérification des pouvoirs sur une éventuelle incompatibilité de M. Chaïm Nissim, nouveau député, remplaçant M. André November. ( -)RD190
Rapport de M. Florian Vetsch (R), commission de vérification des pouvoirs

M. Florian Vetsch (R). La commission de vérification des pouvoirs s'est réunie ce soir sous la présidence de votre serviteur. A l'unanimité, ses membres ont considéré que la candidature de M. Chaïm Nissim ne présente aucune incompatibilité avec la fonction de député. Il peut donc prêter serment.

 

6. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

PL 6481
Mme Liliane Johner (T). Le  projet de loi de Mmes et MM. Erica Deuber-Pauli, Liliane Johner, Jean-Pierre Rigotti et Jean Spielmann modifiant la loi sur les prestations en faveur des personnes âgées, des veuves, des orphelins et des invalides (J 9 7) ( ) étant devenu sans objet, ses auteurs, dont Mmes et MM. Erica Deuber-Pauli, Jean Spielmann, Jean-Pierre Rigotti et votre serviteur, vous informent qu'ils le retirent.PL6481

 

La présidente. Nous avons reçu le projet de loi suivant:

PL 6951
Projet de loi de MM. Hervé Dessimoz, Jean Opériol, Jean-Pierre Gardiol et Nicolas Brunschwig modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses. ( )PL6951

Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

 

b) de propositions de motions;

La présidente. Nous avons reçu la proposition de motion suivante:

M 853
Proposition de motion de MM. Hervé Dessimoz, Jean Opériol, Bernard Annen, René Koechlin et Jean Montessuit concernant la mise en valeur de parcelles de terrains appartenant à l'Etat. ( )M853

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

 

c) de propositions de résolutions;

La présidente. Nous avons reçu la proposition de résolution suivante:

R 254
Proposition de résolution de Mme et MM. Hervé Dessimoz, Jean Opériol, René Koechlin, Jean Montessuit et Françoise Saudan pour demander l'abrogation de la Lex Friedrich. ( )R254

Cette résolution sera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

 

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

IN 28-B
a) la recevabilité de l'initiative populaire "Toutes citoyennes, tous citoyens!" pour les droits politiques des étrangers; ( -)IN28
Rapport de la majorité de Mme Françoise Saudan (R), commission des droits politiques
Rapport de la minorité de Mme Fabienne Bugnon (E), commission des droits politiques
P 937-A
b) la pétition concernant l'élection et l'éligibilité des étrangers aux Tribunaux des prud'hommes; ( -)P937
Rapport de la majorité de Mme Françoise Saudan (R), commission des droits politiques
Rapport de la minorité de Mme Fabienne Bugnon (E), commission des droits politiques
PL 6945
Projet de loi modifiant la constitution de la République et canton de Genève (art. 142) (A 2 1). (Contreprojet à l'IN 28); ( )PL6945
IN 30-B
Rapport de la commission des droits politiques chargée d'étudier la recevabilité de l'initiative populaire "Vivre ensemble - voter ensemble" (initiative populaire cantonale pour le droit de vote des étrangers). ( -)IN30
Rapport de la majorité de M. Anne Chevalley (L), commission des droits politiques
Rapport de la minorité de Mme Irène Savoy (S), commission des droits politiques

7. Rapport de la commission des droits politiques chargée d'étudier:

 et

Préconsultation

Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Hormis quelques corrections de français et quelques coquilles figurant dans le rapport, et dont je remettrai la liste à Mme la mémorialiste, je vous signale qu'il faut compléter le rapport de majorité en page 32 par la phrase suivante: «et de déposer la pétition 937 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement».

La commission s'était penchée sur l'opportunité de présenter en même temps en votation l'initiative 28 et l'initiative 30. Certains d'entre vous ont exprimé, après avoir pris connaissance du rapport, certaines inquiétudes quant à cette opportunité. En regardant le problème d'un peu plus près, les objections faites concernant ces deux initiatives sont pratiquement semblables et l'on risque de se trouver dans une situation où l'initiative 28 et l'initiative 30 seraient votées toutes les deux. Il se poserait alors un problème d'interprétation des résultats, voire d'exclusion d'une initiative par rapport à l'autre.

En effet, l'article 58, alinéa 2, de notre constitution s'applique exclusivement à une initiative et à un contreprojet. En l'état, bien que les deux textes soient semblables, puisque le texte de l'IN 30 est contenu dans l'IN 28, on ne peut appliquer une interprétation extensive de cet alinéa. Par contre, il est évident qu'en commission nous avons examiné aussi la question de savoir s'il était opportun de présenter un contreprojet à l'initiative 28. La majorité de la commission est arrivée à la conclusion qui vous est proposée pour des raisons qui figurent dans le rapport.

Il est évident qu'en l'état de notre législation, si l'IN 28 et le contreprojet devaient être acceptés et que le contreprojet recueille plus de voix que l'initiative, nous risquons de voir cette dernière éliminée. C'est d'ailleurs à cette fin que le droit d'initiative a été modifié -- le peuple l'a approuvé -- et vous savez maintenant qu'en matière d'initiative et de contreprojet le peuple devra se prononcer sur une question subsidiaire pour marquer sa préférence entre l'initiative et le contreprojet.

Au cas où l'initiative serait acceptée, de même que le contreprojet, et si l'on suppose que celui-ci recueille plus de voix que l'initiative, la décision du contreprojet l'emporterait sur celle de l'initiative. Il s'agit d'un problème politique et la majorité de la commission a décidé, pour marquer sa volonté d'ouverture dans un secteur extrêmement délicat, celui des Tribunaux des prud'hommes, de proposer néanmoins ce contreprojet.

Le fait de séparer le contreprojet et les initiatives pourrait conduire à la situation suivante. Les initiatives étant refusées, il serait difficilement pensable de revenir devant le peuple à brève échéance avec un projet de loi constitutionnelle traitant des Tribunaux des prud'hommes. Il nous a semblé aussi -- c'est une question politique -- qu'il était plus opportun de présenter les trois objets ensemble à la population, en espérant que les raisons pratiques qui se posent -- un réel problème se pose au niveau des Tribunaux des prud'hommes -- serait de nature à convaincre la population et marquer un premier pas dans une direction que nous souhaitons tous qui est celle de la meilleure intégration des étrangers.

J'aimerais relever l'excellente qualité des travaux et l'excellent esprit qui a présidé aux travaux de la commission. Bien que le sujet soit extrêmement délicat, les discussions se sont déroulées dans le respect des convictions de chaque commissaire. Je les remercie d'avoir manifesté une telle ouverture d'esprit, un tel respect des convictions et des engagements de chacun, et j'espère qu'il en sera ainsi lors de ces débats.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. J'aimerais tout d'abord, comme Mme Françoise Saudan l'a fait, formuler le voeu que ce débat en séance plénière se déroule de manière aussi correcte qu'il s'est déroulé en commission, c'est-à-dire dans le respect mutuel. Les quatre rapports déposés d'ailleurs le confirment par leur modération.

Mon second souhait est que ce canton, qui s'est si bien distingué par son ouverture d'esprit concernant le débat européen, ouverture d'esprit largement ressentie également sur les bancs de ce Grand Conseil, persiste dans cette voie. Notre vote de ce soir l'influencera certainement. Je ne tiens pas en l'état à répéter les nombreux arguments parlant en faveur du droit de vote et d'éligibilité des étrangers intégrés dans notre pays depuis dix ans, ils sont relatés dans les deux rapports de minorité. Je m'en remets donc à votre bon sens, et je vous prie de soutenir le rapport de minorité et d'accorder les droits légitimes réclamés par l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens».

Mme Irène Savoy (S), rapporteuse. Comme l'a dit Mme Bugnon, les rapporteuses de la minorité que nous sommes soutiennent les deux initiatives, car il nous semble important que le peuple puisse se prononcer sur les deux.

J'ai vraiment de la peine à comprendre pourquoi la majorité a choisi d'opposer, face à ces initiatives généreuses, un seul petit contreprojet ne touchant qu'au droit de vote et d'éligibilité des travailleurs étrangers aux Tribunaux des prud'hommes. Ce choix extrêmement frileux ne me semble pas aller dans la ligne progressiste et généreuse de notre canton qui, lors de la votation sur l'EEE notamment, a su trouver une dimension d'ouverture. Nous aurions souhaité que le parlement genevois dans sa majorité préavise favorablement et soutienne ces initiatives, donnant ainsi un élan aux électrices et électeurs de ce canton qui ne demandent peut-être qu'à être encouragés.

Au lieu de cela, on calcule, on se pose la question de savoir si la population est vraiment prête, si c'est judicieux, si c'est le moment, cela au lieu d'être le moteur entraînant la population vers une conception moins restrictive des droits politiques, plus généreuse et plus solidaire envers des gens que nous côtoyons chaque jour, avec lesquels nous vivons, avec lesquels nous partageons les difficultés actuelles, et sur qui nous comptons pour nous aider à sortir ensemble de la crise. Je vous demande donc d'accepter les deux initiatives.

M. Anne Chevalley (L) (L), rapporteuse. En ce qui concerne l'IN 30 qui ne propose -- comme Mme Savoy vient de le dire -- que le droit de vote des étrangers, j'aimerais ajouter à mon rapport quelques remarques.

Si dans une certaine mesure la majorité de la commission était prête à entrer en matière sous la forme d'un contreprojet offrant aux étrangers, à certaines conditions, le droit de vote en matière communale, le vote négatif du 6 décembre a modifié cette attitude. Il faut souligner que l'IN 30, contrairement aux directives européennes, vise toutes les catégories d'étrangers sans distinction. Or comment s'assurer que ces personnes n'exercent plus leurs droits civiques dans leur pays d'origine? Un contrôle est impossible, et il serait choquant et contraire à la notion d'intégration que ces étrangers cumulent des droits, se trouvant ainsi dans une situation privilégiée par rapport à nos concitoyens.

Je rappelle d'ailleurs que ces mêmes directives stipulent expressément qu'un Etat membre dont la population étrangère ressortissante d'un des pays de la Communauté dépasse 20% peut ne pas appliquer la directive octroyant le droit de vote. Il est intéressant aussi de souligner qu'en fait, lesdites directives ne font rien d'autre que reprendre le principe de la nationalité, puisque les ressortissants des pays membres sont porteurs d'un passeport européen.

Enfin, que dire de Genève, dont la population étrangère au sens large dépasse 33%? Ne risquerions-nous pas, en lui octroyant le droit de vote, d'éveiller des sentiments d'intolérance? Certains sondages prouvent que nos concitoyens ne sont pas prêts à faire le pas et, n'en déplaise à la minorité de la commission, la majorité a considéré que le contreprojet à l'IN 28 serait un bon test.

Un autre argument déterminant ayant joué un rôle important dans les prises de positions est celui de la réciprocité. Aucun pays n'accorde le droit de vote à nos compatriotes établis à l'étranger et, dans les circonstances actuelles, pourquoi ferions-nous ce pas? En conclusion, la majorité vous invite à refuser l'IN 30 «Vivre ensemble - Voter ensemble».

M. Hermann Jenni (MPG). Notre époque se caractérise par une grande confusion des valeurs dont la discussion sur l'octroi des droits politiques aux étrangers est une illustration particulièrement significative. Un argument fréquemment entendu en faveur de cette accession, tant au droit de vote qu'à l'éligibilité, est que les étrangers participent en général à nombre de secteurs de notre activité sociale, par leur appartenance à nos diverses sociétés culturelles ou sportives. On oublie toutefois qu'il a bien fallu d'abord faire acte de candidature et être accepté pour entrer dans ces diverses sociétés.

Pourquoi voudrait-on qu'il en soit autrement pour appartenir à cette société essentielle que représente l'organisation civique et politique de notre pays? La naturalisation était considérée autrefois comme tellement essentielle qu'elle était subordonnée à la renonciation par l'étranger à sa nationalité d'origine. Par pur patriotisme, nombre de nos hôtes ont dans le passé renoncé à demander une naturalisation que leurs intérêts matériels auraient tout de même pu motiver. Cette attitude doit nous inspirer le plus grand respect. Un tel sacrifice n'est aujourd'hui plus nécessaire, et l'on compte dans notre pays bon nombre de double nationaux, que ce soit par pur civisme ou par intérêt.

L'appartenance par naissance ou par la naturalisation, grandement facilitée aujourd'hui, doit demeurer l'un des moyens obligés de participer aux affaires publiques d'un pays, d'une nation. Le pouvoir du souverain n'est pas un bonus commercial donné par-dessus le marché à tout participant à notre économie. Si l'argument consistant à dire que ces gens, puisqu'ils participent à notre économie et travaillent avec nous, ont donc les mêmes droits que nous, était vrai, pourquoi ne pas conférer également le droit de vote et le droit d'éligibilité aux personnes travaillant pour nos entreprises à l'étranger? Pourquoi ne pas étendre à tous les comptoirs commerciaux que la Suisse compte à travers le monde ce droit de vote dans notre pays?

Il n'y a plus aucune raison de faire de la discrimination si, pour des raisons purement économiques, le fait de travailler chez nous, de participer à notre économie, suffit à motiver l'octroi du droit de vote et du droit d'éligibilité. Le droit de vote et le droit d'éligibilité, je le répète, c'est le pouvoir du souverain, ce n'est pas un bonus commercial. Nous refuserons tant les deux initiatives que ce pseudo contreprojet, parce que celui-ci n'est finalement que le pied mis dans la porte pour aller plus de l'avant.

M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais à mon tour me féliciter de l'excellent esprit qui a régné tout au long des travaux de la commission des droits politiques, que j'ai eu le privilège de présider pour la fin des travaux sur ces deux objets, et remercier aussi les rapporteuses pour la qualité de leur travail et l'état d'esprit dans lequel elles l'ont réalisé.

 Les moeurs politiques des suisses évoluent, comme vous le savez, mais elles évoluent lentement. Est-ce un bien, est-ce un mal, je ne m'érigerai pas en juge. Les derniers événements que nous avons vécus cette semaine au plus haut niveau de la Confédération montrent que les choses finissent tout de même par arriver, et je crois qu'il n'est pas mauvais qu'elles mûrissent lentement de manière à être plus sûrement acceptées par tout le monde.

Nous constatons effectivement une évolution par rapport aux anciennes consultations du peuple au sujet du droit de vote et d'éligibilité des étrangers. Le refus net d'il y a quelques années a effectivement fait place -- je suppose que l'on aura l'occasion de le vérifier lors du scrutin populaire -- à plus de compréhension, mais je ne crois pas, bien que moi-même et le parti démocrate-chrétien que je représente le souhaitions, que le peuple voudrait «introduire» les étrangers d'une manière plus concrète dans les rouages (Rires.) de notre vie politique...

Qu'ai-je dit de si rigolo? (Rires.) Quelques-uns d'entre vous, Mesdames et Messieurs, ont l'esprit mal tourné et ne pensent qu'à interpréter les choses les plus banales! (Rires.)

Je disais donc que nous étions quant à nous convaincus que les étrangers devront de plus en plus être associés à notre vie politique, mais que nous ne le ferons pas d'un coup et qu'il faut savoir que la population évolue lentement. D'ailleurs, j'en veux pour preuve que même Mme Bugnon, l'excellente rapporteuse du rapport de minorité, le dit à la page 32: «Si, comme beaucoup s'accordent à le penser, le peuple genevois n'est pas encore prêt à faire le pas, et la période de crise économique que nous vivons ne l'y aidera sans doute pas...». C'est vrai, nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous sommes tous convaincus que malgré le désir que nous avons d'avancer, le peuple ne nous suivra pas si vite.

D'ailleurs, le parti démocrate-chrétien avait été il y a quelques années le précurseur d'un débat comme celui de ce soir au niveau des Tribunaux des prud'hommes, puisque vous vous rappelez que Mme Gillet, notre ancienne collègue, avait déposé un projet de loi constitutionnelle accordant précisément le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers en matière prud'homale en espérant que cela serait un premier pas vers des droits plus étendus.

Malheureusement, le 17 juin 1979, c'est-à-dire il y a déjà quatorze ans, le peuple avait refusé cette loi constitutionnelle par 56% des voix. Vous me direz que l'évolution des esprits peut nous faire espérer aujourd'hui un résultat différent. Mais nous avons jugé en commission qu'il fallait poursuivre la politique des petits pas et qu'il convenait d'utiliser une partie de l'initiative 28 en sachant, comme Mme Bugnon, que l'initiative dans son ensemble n'a pratiquement aucune chance, qu'il fallait utiliser une partie de cette initiative 28 pour voir si le peuple avait fait le chemin espéré.

Je crois que c'est constructif, et c'est marquer notre volonté d'aller dans une direction, mais il faut y aller en utilisant le temps et les moyens nécessaires. Le problème c'est qu'aujourd'hui les deux rapports de minorité nous invitent, nous Grand Conseil, à donner un préavis favorable aux deux initiatives et, par conséquent, à ne pas présenter de contreprojet. C'est là le problème. C'est que vous savez selon toute vraisemblance que le peuple n'est pas encore prêt à aller jusqu'aux droits politiques. Vous en êtes conscients, vous l'avouez même et entre nous c'est très probable. Alors, en demandant au Grand Conseil de ne pas présenter de contreprojet et de ne pas donner au peuple la possibilité de prendre ce que nous pourrions lui offrir, vous allez vers un rejet total, et on se retrouvera au lendemain du scrutin comme aujourd'hui, c'est-à-dire que l'on n'aura pas avancé d'un pas.

Je trouve dommage qu'aujourd'hui vous ne nous donniez pas l'occasion de dire à la population: «Voilà une alternative, une petite alternative, nous sommes bien conscients que c'est une petite alternative, mais rappelez-vous que la première fois qu'on l'a soumise, cette petite alternative n'avait pas passé!». Si on la faisait passer aujourd'hui, eh bien, ce serait un progrès et c'est ce que je voudrais vous dire, Mesdames et Messieurs de la minorité. Je trouverais dommage que le Grand Conseil, en ne présentant pas de contreprojet, s'en tienne à un oui ou à un non froid et glacial obtenu du peuple, parce que, comme je le répète, il est fort probable que le peuple dira non et ce non sonnera sec et sonnant aux oreilles des étrangers.

Une fois de plus, nous aurons donné une image de notre pays pas très agréable, alors que nous avons à portée de main l'occasion de faire ce geste que beaucoup attendent. La commission a eu un certain nombre d'auditions, et notamment les représentants des Italiens de Genève disaient que le droit de vote et d'éligibilité en matière prud'homale serait considéré par eux comme un pas déjà important. Je vous en supplie, aidez notre population à faire ce pas et à ne pas se cantonner dans un oui ou un non qui se terminera malheureusement par un non et qui sera très préjudiciable à tout le monde.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Située au coeur de l'Europe et habitée depuis près de 6 000 ans, lieu de passage entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest, Genève a toujours été à la croisée des peuples. Elle a hébergé de nombreux philosophes avant-gardistes. Aujourd'hui, elle est le siège des Nations-Unies et est ainsi devenue un lieu de dialogue et de concertation. Un tiers des habitants de ce canton sont des étrangers. Tous ces immigrés nous ont apporté leurs richesses culturelles et leurs bras pour travailler. Sans eux, Genève ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui, une ville riche et prospère. Pour le parti socialiste, il est profondément injuste d'exclure un tiers de la population genevoise des droits démocratiques élémentaires. Comme il était déjà injuste dans le passé d'exclure les pauvres et les femmes.

Il nous semble essentiel que le parlement donne l'impulsion positive en la matière en proposant au peuple d'accepter les initiatives. Si nous sommes d'accord avec celle qui propose le droit de vote et d'éligibilité au niveau cantonal et communal, nous approuvons également celle qui va dans le même sens mais ne retient que le droit de vote et non celui de l'éligibilité.

En effet, qui veut le plus veut le moins! Les droits démocratiques font partie des droits de l'homme et de la femme. Ils contribuent à l'intégration des étrangers. Nous observons, dans plusieurs régions du monde, ce à quoi le nationalisme et le chauvinisme peuvent mener. Ces courants de pensée d'extrême-droite tentent de s'emparer du désarroi d'une partie de la population pour propager la haine, la xénophobie, le racisme et le repli sur soi. Le parlement a une grande responsabilité par rapport à ces idées et doit montrer la ligne digne d'une ville, d'un canton qui se situe au milieu d'un continent. Arrêtons de faire la politique de la peur, contribuons à l'ouverture et à la solidarité qui font partie de l'esprit de Genève. Acceptons ces deux initiatives pour que Genève puisse gagner à tous les niveaux.

M. Philippe Fontaine (R). Voici une décision bien difficile. Si l'on regarde le programme de certains partis, et du nôtre par exemple, l'accessibilité aux droits politiques est souvent revendiquée, et ceci depuis longtemps. De notre côté, un sondage a été effectué il y a déjà quelques mois; il montre que nos militants ne sont pas du tout prêts à accepter ce pas en avant. C'est peut-être regrettable, mais c'est la réalité. Nous sommes persuadés que ces droits seront acceptés un jour, mais pas aujourd'hui.

Les temps en effet ne sont pas encore mûrs, on le voit bien lorsque l'on interroge l'homme de la rue ou que l'on regarde ce qui se passe dans les pays qui nous entourent. Dès lors, quelle voie choisir? J'ai été frappé par une interview, dans un journal français, de l'ancien ministre français de l'environnement, M. Brice Lalonde, qui nous rejoignait en déclarant ceci: «Je crois, pour ma part, que la solution à suivre aujourd'hui pour les Français c'est l'intégration et la naturalisation». D'ailleurs, c'est la voie que nous aussi

favorisons aujourd'hui en ayant récemment amélioré les possibilités de naturalisation. Je dirais aux étrangers qui souhaitent participer à la vie de notre pays autrement que par leur travail: «Mesdames et Messieurs, venez, intégrez-vous et acceptez de vous naturaliser». Le contreprojet présenté n'a certes pas l'ampleur de la proposition adverse, mais c'est là un premier pas bienvenu, surtout dans les difficultés actuelles rencontrées dans le monde du travail. Nous pensons donc qu'il doit être accepté.

En conclusion, je dirai que les opposants ont certainement une vision un peu idéaliste d'une société. L'idéal reste pour moi une valeur vers laquelle il faut tendre, bien sûr, mais que par définition on atteint que bien difficilement. Soyons donc optimistes et courageux, mais il est toutefois des pas que l'on ne peut pas faire aujourd'hui parce que nous savons tous que le peuple ne le souhaite pas non plus.

M. Robert Cramer (Ve). Mme Bugnon, dans son rapport de minorité, ainsi que les autres rapporteuses et Mme Roth-Bernasconi ont déjà dit avant moi à quel point ces deux initiatives contenaient des revendications importantes. Elles touchent des principes et des valeurs essentielles auxquels nous sommes tous attachés, le principe de l'équité et aussi l'exigence de réaliser une politique d'intégration, ce qui est essentiel, parce que l'exclusion est peut-être ce qu'il y a de plus haïssable et que le problème de l'exclusion sera très certainement un des problèmes les plus importantss auquel nos sociétés vont être confrontées ces prochaines années.

Qu'en est-il des droits populaires? C'est une longue histoire, M. Fontaine l'a évoquée tout à l'heure; c'est une histoire qui a commencé au début du XIXème siècle avec l'abolition du suffrage censitaire avec le principe: un homme - une voix. C'est une histoire qui a continué durant toute la première moitié du XXème siècle avec le principe selon lequel les électeurs ne sont pas seulement les hommes, mais que les femmes citoyennes d'un pays doivent également participer à la vie publique.

C'est un combat qui continue à travers ces initiatives disant que tous ceux qui vivent dans une communauté, ceux qui la construisent, ceux qui sont destinataires de décisions prises par les autorités doivent également pouvoir contribuer à la formation de la volonté collective. C'est ce que désirent ces initiatives.

Monsieur Fontaine, je regrette votre timidité dictée par les sondages d'opinion que vous avez pu commander. Je crois en effet que notre rôle n'est pas de suivre l'opinion, mais c'est aussi souvent de la précéder. En tant que parti politique, nous présentons à nos électeurs, aux citoyens, un certain nombre de choix de société, de valeurs pour lesquelles nous nous battons et que nous devons savoir défendre lorsqu'il le faut, au risque même d'être impopulaires. Je n'irai pas plus loin quant au débat de fond sur les initiatives et je souhaiterais maintenant dire deux mots quant à la procédure, et plus particulièrement sur la question du contreprojet que l'on a voulu adjoindre à l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens!».

Monsieur Blanc, si je ne connaissais pas votre engagement et votre sincérité, lorsque vous parlez d'extension des droits populaires, en écoutant votre intervention je pourrais vous soupçonner d'un certain jésuitisme! J'ai l'impression, en vous entendant, que l'on pourrait imaginer que tout à la fois vous prétendez défendre un certain nombre de principes auxquels je sais que vous croyez et qu'en même temps vous faites ce que vous pouvez pour les enterrer. Cela pour une double raison. La première, c'est que j'ai l'impression qu'avec le contreprojet l'on traite de deux choses différentes. Il y a, d'une part, une initiative qui porte sur l'extension des droits populaires et sur les droits de vote et d'éligibilité. Il y a, d'autre part, un contreprojet dont l'objet est l'élection aux Tribunaux des prud'hommes.

Je ne dis pas que le fait d'affirmer que les travailleurs étrangers doivent être éligibles aux Tribunaux des prud'hommes soit totalement sans rapport avec l'initiative, ce d'autant moins d'ailleurs que c'est une des dispositions de celle-ci, mais, tout de même, je dis que l'essentiel des questions liées à l'éligibilité et à la composition des Tribunaux des prud'hommes n'est pas réellement une question d'extension des droits populaires et d'intégration des étrangers à la vie de la cité. C'est une question plus modeste qui est traitée par le contreprojet, et je dirais que c'est plutôt une question d'organisation judiciaire qu'il essaye de résoudre.

Il s'avère simplement qu'aujourd'hui les Tribunaux des prud'hommes, dans un certain nombre de groupes, ne peuvent plus fonctionner parce qu'il n'y a plus suffisamment de travailleurs pour permettre de composer de façon satisfaisante les juridictions prud'homales. Les travailleurs dans un certain nombre de groupes étant des étrangers, la seule possibilité pour que les Tribunaux des prud'hommes soient ce qu'ils doivent être -- c'est-à-dire une juridiction composée de juges travailleurs et de juges employeurs -- et puissent fonctionner est de permettre que ces travailleurs étrangers y siègent, et cela implique que les étrangers puissent être éligibles aux Tribunaux des prud'hommes. Sans négliger qu'il s'agit bien d'une question d'éligibilité, il me semble par conséquent que l'essentiel du problème que posent les Tribunaux des prud'hommes est un problème d'organisation judiciaire.

Monsieur Blanc, si ce que veut le Grand Conseil c'est permettre au peuple de faire au moins ce premier pas, ce petit pas qui serait l'éligibilité en matière prud'homale, eh bien, dans ce cas, si nous sommes sincères dans nos intentions, ce qu'il faut faire c'est diviser ces projets, ne pas présenter comme contreprojet la proposition relative aux Prud'hommes, mais la proposer comme un projet distinct de telle sorte que les électeurs puissent tout à la fois voter oui à la présence des étrangers comme juges dans les Tribunaux des prud'hommes et voter oui à l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens» s'ils le désirent. Si vous ne séparez pas ces projets, cela équivaut concrètement à opposer ces textes l'un à l'autre.

Vous savez qu'en matière d'initiative, selon le droit qui est actuellement applicable et qui le sera lorsque se voteront ces initiatives, en cas de double oui -- de oui à l'initiative et de oui au contreprojet -- on fera un décompte, et c'est le texte qui obtiendra le plus de voix qui l'emportera. En d'autres termes, cela signifie que ceux qui souhaitent voir aboutir l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens!», pour faire en sorte que le texte qu'ils soutiennent obtienne le plus de voix, seront contraints de voter oui à l'initiative et non au contreprojet.

Les effets d'un tel vote sont évidents: le risque est très fort de voir tout à la fois l'initiative et le contreprojet échouer. C'est pourquoi je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les députés, si vous êtes sincèrement attachés à l'idée de voir des étrangers ouvrir la possibilité d'être élus aux Tribunaux des prud'hommes, de séparer ces deux textes. Vous ferez ce que vous voudrez quant à l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens!». En commission, vous avez dit en majorité qu'il fallait que le Grand Conseil en propose le rejet. Ce n'est pas mon avis. Je soutiens cette initiative, je pense qu'elle est nécessaire, mais enfin sur ce point vous voterez comme vous l'entendrez et on peut malheureusement prédire que le résultat de votre vote sera négatif. En revanche, lorsque l'on vous demandera si vous voulez qu'à titre de contreprojet soit opposée à cette initiative la question de l'éligibilité aux Tribunaux des prud'hommes, je vous demande de voter non. Cette

initiative doit être présentée devant le peuple sans contreprojet, et rien ne nous empêche -- en même temps ou lors d'une autre opération électorale, peu importe -- de poser également la question au peuple sur le point sur lequel il y a un large compromis dans ce Grand Conseil: la question prud'homale.

Je vous en prie, n'opposez pas les textes, parce qu'en le faisant vous allez vous-mêmes contribuer très probablement à voir échouer une proposition à laquelle nous sommes pour la plupart attachés dans ce Grand Conseil et qui a réuni un très vaste consensus au-delà de ce Grand Conseil dans ce que l'on peut qualifier de société civile, dans les milieux d'employeurs et de travailleurs.

Enfin, puisque j'en suis venu à parler un peu de procédure, je dirai encore un mot sur une autre question. J'ai vu que la commission a, semble-t-il, débattu de la question de savoir si les initiatives devaient se voter à la même date ou pas. Je crois que ce débat ne devait pas avoir lieu en commission. Quoique les commissions soient libres de débattre de ce qu'elles entendent, il existe des lois que nous avons votées comme députés et qui veulent que ce soit le Conseil d'Etat qui fixe la date des opérations électorales. Pour ma part, je suis d'avis que des raisons techniques font qu'il est est impossible de fixer la même date pour ces deux votations, mais je m'en reporte sur ce point à l'appréciation et à la sagesse du Conseil d'Etat. De toute façon, les votes que nous aurons tout à l'heure ne pourront pas porter sur cet objet.

M. Thierry Du Pasquier (L). Le groupe libéral adhère au consensus qui s'est formé autour du contreprojet concernant l'éligibilité et le vote en matière prud'homale. Le problème est différent en ce qui concerne les deux initiatives qui posent la véritable question qui nous est soumise aujourd'hui et qui est une question fondamentale constitutionnelle de principe.

Il se trouve que dans un délai relativement bref, en quelques semaines, ce Grand Conseil a eu à se prononcer à deux reprises sur des problèmes fondamentaux. Une fois, c'était sur l'incompatibilité des fonctionnaires et, cette fois-ci, il s'agit du problème d'éligibilité des étrangers. Ce Grand Conseil a dû se prononcer deux fois sur une question qui, de toute façon, sera soumise au peuple. Quel est le sens de la décision que nous allons prendre? Certains ont dit tout à l'heure que la question se posait de savoir si se prononcer avait

un sens; je crois que oui. Il faut absolument que les responsables politiques prennent conscience d'un certain nombre de problèmes et aident ainsi la population ou la conduisent à prendre elle aussi conscience de ces questions avant de se prononcer.

On vous a dit tout à l'heure qu'on s'est félicité du fait que les travaux en commission s'étaient déroulés de façon très agréable, et vous avez pu constater, ayant entendu ou lu les rapports, que c'est surtout des questions de procédure qui ont été examinées. Permettez-moi de vous dire que je suis un peu resté sur ma faim dans ce débat, parce que le seul véritable problème de fond qui nous est posé et qui sera posé au peuple par ces deux initiatives a été quelque peu évacué. Je crois que ce problème des droits politiques de pouvoir être élu et de pouvoir élire, c'est la base même de la construction de l'Etat.

Ces droits politiques, c'est la concrétisation ou la manifestation concrète de ce que l'on appelle le contrat social, c'est-à-dire des éléments qui constituent ou qui sont à la base de notre société.

Ce contrat social, c'est l'accord de tous les citoyens de participer à des institutions nationales, cantonales et communales. C'est la définition de l'Etat. Cela n'est ni une question d'appréciation, ni une question sentimentale ou humanitaire, c'est une question purement politique au sens noble du terme. Il ne faut pas avoir peur de ce mot, le mot politique n'est pas péjoratif; il faut savoir qu'il s'agit véritablement des problèmes qui sont au centre du fonctionnement de l'Etat.

Les droits politiques sont la manifestation de l'adhésion à ce contrat social, et cette adhésion dans notre pays peut se produire de deux façons, d'une façon héréditaire -- c'est le principe de l'origine -- et d'une façon volontaire -- c'est la naturalisation.

A l'assemblée générale d'une société, d'une association, personne ne s'étonne du fait que l'on contrôle que les personnes qui participent aux débats ou aux votes sont membres de la société. N'est-il pas plus important encore, dans le cadre de cette société beaucoup plus vaste et aux enjeux beaucoup plus grands qu'est une nation, de faire en quelque sorte le même contrôle et de s'assurer que ceux qui participent aux votes, qui prennent les décisions, adhèrent à ses institutions. Je pense que c'est là la question fondamentale.

Cette adhésion est le contenu même du principe de nationalité. Comment ce principe de nationalité se matérialise-t-il? De plusieurs façons auxquelles on ne réfléchit pas toujours suffisamment. Tout d'abord, on ne peut recevoir son passeport que de son propre Etat. On ne peut pas être extradé ou expulsé de son Etat ou de son pays, c'est une chose assez fondamentale qui me semble bien marquer le rapport particulier qui existe entre l'Etat, la nation et ses ressortissants. On ne peut pas être privé de sa nationalité. C'est aussi une chose qui est en relation avec l'étroitesse de ce lien. Enfin, si le pays est menacé, on peut être amené à le défendre même militairement. Ce sont ces règles, ces principes que je viens de rappeler qui sont reconnus et appliqués quasiment dans le monde entier.

Revenons maintenant à la situation posée par ces initiatives. En quoi les droits et les obligations du Suisse se distinguent-ils des droits et des obligations du détenteur de permis C? Pratiquement et uniquement en ce qui concerne les droits politiques et l'obligation de servir. En d'autres termes, le droit de participer aux institutions et le devoir de les défendre.

C'est cet équilibre entre le droit et l'obligation qu'il me paraît absolument important de conserver, et c'est précisément parce que ces deux initiatives ne maintiennent pas cet équilibre ou, plus exactement, le cassent que je pense qu'elles ne doivent pas être admises. La question de savoir si les Suisses seront désavantagés par le fait qu'ils seront astreints à l'obligation de servir, alors que cela ne sera pas le cas pour les détenteurs du permis C, est un exemple significatif de ce déséquilibre. Ce n'est cependant pas l'élément fondamental.

Ce qui est fondamental, c'est que pour adhérer aux institutions il faut recourir à ce qui existe dans notre pays, soit la naturalisation. Cette naturalisation c'est l'opposé de l'adhésion automatique qui nous est proposée par ces initiatives. Permettez-moi de dire que je respecte encore suffisamment les institutions de notre pays pour ne pas souhaiter qu'elles soient en quelque sorte livrées en «libre-service». Il est normal que celui qui souhaite y adhérer en manifeste la volonté et démontre qu'il remplit les conditions légales qui sont posées.

C'est pour ces raisons qui me paraissent très importantes, et sur lesquelles nous ne devons pas nous laisser détourner par des aspects humanitaires qui nous touchent tous, que le groupe libéral proposera un préavis négatif en ce qui concerne les deux initiatives et, comme je l'ai dit tout à l'heure, admettra le contreprojet.

Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. J'ai écouté très attentivement mon collègue Robert Cramer et dans une certaine mesure, je suis sensible à ses arguments, tant il est vrai que, d'une part, l'on ne peut pas préjuger d'un vote populaire et que, d'autre part, dans un domaine aussi délicat il faut faire extrêmement attention à la manière dont nous allons présenter ces sujets devant le peuple.

J'aimerais lui rappeler -- comme il n'a pas suivi les travaux de la commission -- que nous nous sommes trouvés dans une situation un peu particulière. En effet, nous avons été saisis d'une pétition émanant des milieux syndicaux nous priant avec insistance de tout faire pour que l'aspect prud'homal soit accepté par le peuple. Elle prévoyait même d'accorder le droit de vote et d'éligibilité en matière prud'homale, quel que soit le domicile du travailleur.

Nous en sommes arrivés à la conclusion suivante. Si nous voulions vraiment manifester une volonté politique, comme l'a dit M. Blanc, nous ne pouvions pas adopter la solution du projet de loi constitutionnelle. Peut-être aurions-nous dû, en commission, examiner cela plus attentivement, je vous l'accorde Monsieur, mais si nous voulions manifester notre volonté politique il fallait vraiment la présenter sous forme d'un contreprojet qui allait à l'encontre d'une partie de ce que les initiants nous demandaient.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Vous savez, Monsieur Blanc, qu'il est dangereux de lire une phrase à moitié. Cela donne une interprétation erronée, et vous savez également combien ces initiatives me tiennent à coeur et à quel point j'espère les voir acceptées par le peuple. Je vous trouve ce soir bien soucieux de savoir ce que va voter le peuple avant de prendre votre propre décision. Vous avez dit: «Nous avons un désir d'avancer». Alors, avançons! C'est ce que je vous demande par mon rapport de minorité.

J'aimerais maintenant revenir sur la proposition de mon collègue Robert Cramer en vous demandant, à ce stade du débat, de bien vouloir nous lire la lettre envoyée hier par les syndicats, qui proposent de faire de l'article 142 un projet de loi constitutionnelle.

M. Bénédict Fontanet (PDC). La matière du vote des étrangers est un sujet tout à fait délicat dans un canton comme le nôtre où plus d'un tiers de la population résidente est étrangère. On se trouve en quelque sorte presque comme dans la Grèce antique, à Athènes, où la moitié de la population n'avait pas la citoyenneté athénienne et était par conséquent exclue du débat politique.

Ces initiatives sont, il est vrai, généreuses, mais je crains qu'elles ne soient pas réalistes parce que, toujours pour en rester à la Grèce antique, nous ne sommes malheureusement pas des citoyens du monde, à l'instar de ce que Socrate voulait être. L'Europe qui s'est faite au XIXème siècle et qui continue à se faire cahin-caha aujourd'hui, si l'on voit comment les choses se passent, eh bien, c'était l'Europe des nations. L'Europe s'est construite autour de la notion de nation. Cette notion est peut-être un peu surannée pour un certain nombre d'entre nous, mais c'est là la source, au XIXème siècle, des grands pays européens. L'on est citoyen d'un pays par son appartenance nationale, même s'il est vrai, et c'est bienheureux, que la Communauté européenne, dans les directives qu'elle a récemment édictées tend à faire évoluer la situation et à faire en sorte que les étrangers qui résident dans un autre pays que le leur puissent s'exprimer, à tout le moins, en matière d'élection municipale. Il est vrai qu'en Suisse, nous connaissons moins cette notion de nation et que l'on est citoyen suisse au travers de sa commune, puis de son canton et, enfin, au travers de la Confédération.

Nous démocrates-chrétiens, ne sommes pas du tout fermés à l'idée que les étrangers puissent acquérir un jour le droit de vote et nous avons à cet égard une double approche. La première approche, celle expliquée tout à l'heure par Claude Blanc, consiste à dire qu'en matière de prud'hommes il est effectivement urgent de pallier aux difficultés que nous connaissons aujourd'hui en prévoyant la libre éligibilité et le libre droit de vote des étrangers, et peut-être en matière communale d'ici quelques années, si ce premier test prud'homal -- qui, je vous le rappelle avait été sèchement refusé par le peuple il n'y a pas si longtemps -- est un succès, nous pourrons envisager qu'il en soit aussi ainsi en matière de droit de vote, et non pas d'éligibilité.

Quant à octroyer dès aujourd'hui un droit de vote et d'éligibilité complet, je ne pense pas que ce soit une bonne chose, et je ne pense pas qu'il soit concevable dans notre culture politique actuelle que nous puissions avoir par hypothèse un conseiller d'Etat ou une conseillère d'Etat -- puisqu'aujourd'hui c'est à la mode -- qui ne soit pas de nationalité suisse.

Nous estimons par contre, et c'est là le deuxième aspect important, que le fait de permettre aux étrangers de participer aux débats politiques au sens large et d'être élus, eh bien, cela passe par l'acte positif qu'est la demande de naturalisation; la volonté de s'engager dans le cadre du débat politique doit passer par la naturalisation qui, elle, témoigne d'une véritable volonté d'intégration. A mon sens, en Suisse, nous avons encore beaucoup à faire à ce propos.

On disait tout à l'heure qu'il y a un tiers des citoyens de ce canton qui est exclu du débat. Si nous avions, à Genève et en Suisse, une législation comparable à la législation française, qui prévoit qu'après cinq ans de résidence l'on peut demander la nationalité française, eh bien nous n'aurions plus que 10 à 15% de population étrangère résidente.

Ce à quoi notre parti tient beaucoup, c'est qu'en matière de naturalisation -- nous avons déjà fait l'effort au plan cantonal -- au plan fédéral on fasse un sérieux effort pour que cette barrière des douze ans de séjour pour pouvoir devenir citoyen suisse soit abaissée à huit, voire pourquoi pas à six ans. C'est par là que nous devons commencer l'intégration des étrangers, et c'est par là effectivement que des efforts importants doivent être faits, parce que, je vous le rappelle, notre loi en matière de naturalisation est une des plus strictes qui existent en Europe et dans le monde, et, si l'on veut intégrer les étrangers, c'est tout d'abord au travers de la simplification et du raccourcissement des procédures de naturalisation qu'on doit le faire, et j'estime qu'aujourd'hui cela devient absolument urgent.

Par contre, ensuite, lorsque nous aurons simplifié ces procédures de naturalisation, nous pourrons nous poser la question de savoir si, nonobstant cette simplification, il y aurait lieu de donner le droit de vote aux étrangers, par exemple en matière municipale. Le droit de vote et d'éligibilité complet, tel qu'il est suggéré par l'initiative, n'existe à ce jour nulle part en Suisse. Je ne crois pas non plus qu'il existe au plan européen et je crains même que cette démarche ne finisse à terme par susciter certains réflexes populistes que l'on voit hélas poindre à nouveau dans notre pays.

A mon sens donc, et au sens de mon parti, un effort maximum doit être fait pour intégrer les étrangers par le biais de la naturalisation, et je pense, tout comme Claude Blanc, que notre population n'est pas prête à donner dès aujourd'hui un droit de vote et d'éligibilité complet aux étrangers, ce d'autant qu'à mon avis la volonté de participer aux affaires du pays doit procéder d'un acte positif qui se manifeste sous la forme d'une demande de naturalisation.

M. Claude Blanc (PDC). M. Cramer m'a fait l'amitié de croire à ma bonne foi dans cette affaire, mais il n'a pas pu s'empêcher d'utiliser à mon égard une épithète dont je m'honorerais d'ailleurs, si je la méritais; d'autre part, il a quand même mis en doute la volonté du groupe démocrate-chrétien d'avancer dans cette affaire. Monsieur Cramer, nous ne vous avions pas attendu en 1979 pour prendre nous-même une initiative dans ce sens et, par conséquent, vous êtes, permettez-moi de vous le dire, assez malvenu de nous soupçonner aujourd'hui de vouloir en réalité couler le bateau.

Je crois que tout au long de ces derniers mois nos débats ont été animés, en tout cas dans la commission, par une bonne foi réciproque et, tout en ayant fait d'abord une profession de bonne foi à mon égard, vous n'avez pas pu vous empêcher d'y ajouter un peu de fiel, et je le regrette. Je reviens au problème de l'initiative 28 et du contreprojet que la commission y oppose.

Vous nous dites que l'on devrait dissocier et soumettre au peuple l'initiative telle quelle, sans contreprojet, et le projet de loi constitutionnelle tel qu'il est sorti des travaux de la commission. Fort bien! Mais il se trouve que la formulation de l'article 142 de la constitution n'est pas la même dans l'initiative que dans le contreprojet. Alors, qu'arriverait-il si, ce jour-là, les électeurs acceptaient simultanément les deux projets? Vous savez que, quand il y a une initiative et un contreprojet et qu'ils passent tous les deux, c'est celui qui a obtenu le plus de voix qui est accepté.

Lorsqu'il y a une initiative et un projet de loi constitutionnelle sur le même sujet, mais que ce n'est pas un contreprojet, s'ils sont acceptés tous les deux, quelle sera la bonne interprétation de l'article 142? Pour en revenir à cet article 142, les initiants l'ont voulu extrêmement succinct. Je vous le lis d'ailleurs:

«Sont électeurs et éligibles les employeurs et salariés suisses jouissant de leurs droits politiques dans le canton ainsi que les employeurs et salariés étrangers conformément aux conditions prévues par la loi.»

La commission des droits politiques a jugé que c'était insuffisant, que les droits politiques quels qu'ils soient, le droit d'élire et d'être élu, ne peuvent pas être réglés par la loi, mais bien par la constitution. C'est la constitution dans ce pays qui détermine qui peut voter, qui peut être élu. Ce n'est jamais une loi. C'est pourquoi la commission a pris la peine de rédiger un article 142 beaucoup plus précis, et je vous le lis aussi puisqu'il semble qu'un certain nombre d'entre vous n'y ont pas prêté attention aujourd'hui. Le texte de la commission est le suivant:

«Sont électeurs et éligibles les employeurs et salariés suisses jouissant de leurs droits politiques dans le canton ainsi que les employeurs et salariés étrangers domiciliés dans le canton et y exerçant leur activité professionnelle, conformément aux conditions prévues par la loi.»

C'est une précision qu'il valait la peine d'apporter et qui évitera au service du contrôle de l'habitant des difficultés pour déterminer qui sera électeur ou ne le sera pas, qui sera éligible et qui ne le sera pas. Cela nous paraît assez important pour figurer dans la constitution. L'ennui, comprenez-vous, c'est qu'il s'agit d'une initiative formulée et que nous ne pouvons pas y changer une virgule. Si nous avions pu préciser cet article 142 de l'initiative, nous l'aurions fait, parce qu'il mérite de l'être. Ce que je crains, c'est que, dans le cas où le peuple accepterait simultanément les deux projets, on soit dans une situation impossible. C'est pourquoi, si vraiment le Grand Conseil voulait aller dans cette direction, alors je lui demanderais de renvoyer tout cela en commission pour que nous puissions examiner la situation de plus près.

M. Pierre Meyll (T). Depuis toujours, favorable au processus d'intégration des étrangers qui ont participé à notre essor économique et qui actuellement subissent les conséquences de la récession, le groupe du parti du Travail soutient évidemment les deux initiatives. Il est de notre devoir de convaincre les citoyens électeurs d'ouvrir notre communauté genevoise à ceux qui offrent leur travail, et souvent pour notre bien-être. Certains craignent la décision du peuple, mais c'est en tant que guide que nous devons nous prononcer et montrer la voie, donc accepter les deux rapports de minorité. (Interruption de M. Blanc.)

La présidente. Monsieur l'ancien président du Grand Conseil, s'il vous plaît, tenez-vous tranquille!

M. Hermann Jenni (MPG). M. Cramer nous disait tout à l'heure en substance que nous n'avons pas à suivre l'opinion publique, mais que nous devons en quelque sorte la former. Voilà une opinion révélatrice d'un état d'esprit. Nous, classe politique, aurions-nous une qualité supérieure au bas peuple? Nous conférons un certain magistère par la seule vertu d'avoir été élus par ce même peuple. Cette qualité ferait de nous les maîtres à penser de ceux qui n'ont fait que nous déléguer une part de leur souveraineté pleine et entière.

 Quelle suffisance et quel manque de respect pour nos concitoyens. Il est vrai qu'une majorité de politiciens, consciemment ou non, partagent à cet égard l'attitude de M. Cramer. On a même forgé une injure nouvelle pour les tenants d'une réelle démocratie. On les appelle des populistes, n'est-ce pas, Monsieur Fontanet? Expliquez-nous, Mesdames et Messieurs les anti-populistes, comment vous pouvez concilier ce mépris de l'opinion de vos concitoyens avec votre combat pour permettre aux étrangers de participer à l'expression de cette même opinion. Ne venez pas prétendre que vous respectez l'opinion majoritaire du peuple. Ce n'est pas vrai. On a vu récemment ce qu'il en était lorsque nous divergions de nos concitoyens alémaniques. Que d'injurieuses appréciations n'ont-ils pas dû essuyer, n'est-il pas vrai, de la part des tenants de l'Espace économique européen! Alors, il est évident que, si l'on peut se permettre une considération aussi relative de l'opinion publique, peu importe qu'elle soit exprimée, que ce soit par le bulletin de vote ou autrement, par tout un chacun et n'importe qui.

La présidente. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir lire le courrier du 10 mars 1993 de la Communauté genevoise d'action syndicale nous faisant part de ses remarques concernant l'IN 28, la P 937-A et le PL 6945 (droits politiques pour les étrangers). (C 36)

M. David Lachat (S). Je me souviens d'un débat assez récent, à l'époque où M. Blanc était encore président de ce Grand Conseil. J'avais commis une grossière erreur juridique et M. Blanc m'a dit: «Je ne suis pas juriste, mais j'ai l'impression que...».

Monsieur Blanc, je ne sais pas si vous êtes jésuite, je ne me prononce pas. Mais j'ai le sentiment que vous êtes devenu juriste avec le temps. Je crois que votre analyse juridique est exacte et je partage votre avis. J'ai le sentiment que la proposition faite par M. Cramer se heurte à une impossibilité juridique, à moins que l'on ne modifie l'un des textes. On ne peut pas modifier le texte de l'initiative, par conséquent, il faudrait amender le texte du contreprojet. C'est la première remarque.

La seconde remarque que je fais concerne la procédure de vote. Puisque le peuple genevois a accepté le nouveau droit d'initiative, nous aurons une nouvelle procédure de vote en cas de double oui. Il faudra toutefois, dans l'intervalle, que les lois qui concrétisent les textes constitutionnels aient été approuvées en troisième débat par ce Grand Conseil. Nous aurons donc une nouvelle procédure, calquée sur la procédure fédérale, c'est-à-dire la procédure de la question subsidiaire pour savoir si les électeurs qui votent deux fois oui préfèrent l'initiative ou le contreprojet.

Mme Irène Savoy (S), rapporteuse. Je voudrais faire quelques remarques concernant les intervenants de tout à l'heure. Concernant M. Blanc, d'abord, j'ai de la peine à comprendre son analyse. Vous nous expliquez, Monsieur Blanc, que vous êtes tout à fait pour l'intégration des étrangers, alors je ne comprends pas. Si vous pensez que le droit de vote est une justice qu'il faut rendre à ces étrangers, vous devez défendre cette idée et ne pas refuser une initiative parce que vous pensez qu'elle va être refusée par le peuple. Si on ne présentait que des projets sans risques, on ne ferait pas avancer les choses.

Quant à M. Fontaine, il parle d'idéalisme. Les Jurassiens seraient-ils plus idéalistes que les Genevois, et alors, où se trouve l'esprit de Genève? Le canton du Jura a accepté ce droit de vote dans sa constitution depuis le début de sa création, et il me semble que ça va sans risques. Donc, est-ce que les Genevois sont moins prêts et moins généreux que les Jurassiens? Quant à M. Du Pasquier, il parle de l'équilibre entre le droit de vote et le droit de servir.

Je trouve que ce n'est pas sérieux. Nous sommes ici quatre femmes élues autour de cette table, laquelle d'entre nous fait du service militaire? (Applaudissements.)

Mme Marlène Dupraz (T). Certains députés de ce Grand Conseil donnent une interprétation de l'Etat comme s'il était un club fermé au statut inchangeable, pire, comme une verrue condamnée à émettre des racines asphyxiantes contre toute velléité de mouvement ou de changement. L'Etat, comme ses institutions, instaure des jalons, des stations, qui sont appelés à s'améliorer selon les exigences du citoyen et surtout à s'adapter à un monde changeant, changeant par ses modèles sociaux générés par la dynamique économique.

Il est à peine réaliste que nous songions à intégrer dans notre univers clos l'expression des dizaines de milliers de travailleurs qui ont partagé avec nous des préoccupations et aussi des défaites, défaites provoquées trop souvent à cause du non-droit de vote. Quant à l'éligibilité, il faut donner la chance aux étrangers de prouver à quel point, intellectuellement et pratiquement, ils sont intégrés. Très souvent, on ne reconnaît leur intégration que par une fondue bien moelleuse ou un rösti bien graissé. Ils prouveront qu'ils possèdent des aptitudes autrement plus techniques et autrement plus spirituelles.

Jusque-là, une catégorie puissante et nantie participe déjà par ses émissaires locaux aux diverses décisions, tandis que les salariés, eux, n'ont pour émissaires que leur force de travail, leur existence et leur santé, le don de leur richesse, le fait d'être simplement salariés. Nous déplorons trop souvent la faible participation aux débats politiques et aux scrutins, alors que nous écartons sciemment cette population qui, sans aucun doute, apporte en marge de nos tribunes une dynamique toujours vouée au silence. Cette pétition est très modérée. Le Grand Conseil, qui jouit d'un état d'esprit plus large, plus généreux, est invité à voter cette pétition et cette initiative.

M. Robert Cramer (Ve). J'aimerais faire deux très brèves observations suite à l'intervention de M. Lachat. La première pour lui dire que je suis tout à fait d'accord avec lui sur un point. Je ne crois pas avoir caché que, si l'on fait du projet de loi constitutionnelle un projet distinct de l'initiative qui ne soit donc pas un contreprojet et que le texte reste ce qu'il est actuellement, ces deux textes ne pourront pas être votés le même jour.

Il me semble que cela est tout à fait certain pour les mêmes raisons que l'initiative 28 et l'initiative 30 ne pourront pas être votées le même jour. Une de ces initiative dit «Oui à l'éligibilité», et l'autre dit «Non à l'éligibilité». Si les deux initiatives passent, on ne saura pas si c'est oui ou si c'est non, et si l'on voulait considérer que l'initiative adoptée est celle ayant obtenu le plus de voix, je vous dirais qu'un tel raisonnement est insoutenable. Voilà pourquoi nous serons obligés de voter deux jours différents. Il y aura le jour de l'initiative 28 et celui de l'initiative 30, de telle sorte que, si le texte de la loi constitutionnelle sur les Tribunaux des prud'hommes reste ce qu'il est, on pourrait le voter le jour de l'initiative 30.

Deuxième observation, et là je dois émettre quelques doutes, Monsieur Lachat, quand bien même vous avez parlé au conditionnel, quant à la possibilité que vous avez évoquée que l'on puisse déjà au mois de juin se trouver dans la situation où le nouveau droit d'initiative sera en vigueur. Malheureusement, cela ne sera pas le cas.

Je me suis renseigné auprès de M. Ziegler, qui très justement a attiré mon attention sur le fait que s'agissant d'une modification de la constitution il nous fallait encore la garantie de l'assemblée fédérale, laquelle ne se réunira pas avant quelques mois, de telle sorte que cette garantie constitutionnelle nous ne l'aurons vraisemblablement qu'aux environs du mois de juin. Lorsque nous l'aurons, il faudra encore que les lois d'application soient publiées, que les délais référendaires s'écoulent et, dans la meilleure des hypothèses, c'est aux environs de l'automne que le nouveau droit d'initiative sera mis en place.

Vous avez certainement raison, Monsieur Lachat, lorsque vous estimez que le nouveau droit d'initiative est plus intelligent et préférable à celui que nous avons maintenant. C'est la raison pour laquelle le peuple nous en a voulu, mais malheureusement, ce nouveau droit d'initiative n'est pas encore applicable.

Pour le plaisir de cette discussion entre juristes, j'attire encore votre attention sur le fait que le nouveau droit d'initiative contient une clause qui veut qu'il ne s'applique pas de façon rétroactive. Alors, est-ce que cette rétroaction agirait ou n'agirait pas dans ce cas? A mon avis, non. Mais le point de vue inverse est soutenable. Il me semble que nous nous engageons là sur des chemins un peu tortueux et compliqués.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Certains voudraient, en abordant ce sujet, saisir l'occasion qui leur est offerte pour donner une impulsion et pratiquer une politique d'ouverture. D'autres se disent acquis à cette ouverture, mais conscients du fait que la population n'est pas prête à la confirmer. Ils craignent même que cette démarche soit de nature à provoquer des réactions contraires et négatives. Certains, peut-être, y sont tout à fait opposés ou conçoivent que la participation à la vie de la cité et du canton se réalise à partir d'une politique de naturalisation plus active. A cet égard, plusieurs intervenants ont relevé les modifications qui sont entrées en vigueur récemment et qui ont indiscutablement élargi le cercle des personnes participant à la vie du canton et du pays. Nous avons pu, au niveau des naturalisations, nous en rendre compte par l'encombrement que cela a suscité dans nos services, compte tenu des demandes qui ont été présentées. Il me semble maintenant que chacun ici aimerait au moins franchir un pas et permettre aux étrangers d'être éligibles aux Tribunaux des prud'hommes.

Dans l'appréciation des méthodes, on arrive à des conclusions un peu différentes, et M. Cramer dit: «Il me semble qu'en scindant le contreprojet nous aurions une meilleure chance de succès». Très sincèrement, Monsieur le député, je n'en sais rien, et je n'en suis absolument pas convaincu. Je crois que la question que vous vous posez ce soir et à laquelle vous donnez une réponse, les membres de la commission y ont longuement pensé et sont arrivés à une conviction. Mais vous savez qu'il est difficile de se livrer à des évaluations précises dans ce domaine, que c'était la moins mauvaise des réponses que l'on pouvait donner, la moins mauvaise des propositions que l'on pouvait faire. Au surplus, mettez-vous à la place des électrices et électeurs qui parfois ne comprennent pas très bien les questions qu'on leur pose.

Ceux qui songent que l'on pourrait les déranger plusieurs fois sur les mêmes sujets devraient réaliser que les gens sont un peu perplexes lorsqu'ils sont interrogés sur les mêmes sujets croyant y avoir répondu quelques mois auparavant. Je me demande si la sagesse ne voudrait pas, malgré les risques que nous courons, que nous en restions à la proposition faite par la majorité de la commission. Il me semble que c'est la voie la plus raisonnable dans laquelle nous pourrions nous engager. J'ajoute que ce sont les initiants eux-mêmes qui ont demandé que la votation ait lieu le même jour.

Maintenant, si vous deviez séparer les choses et imaginer de voter uniquement et d'exclure de sortir la partie prud'homale, je désire m'accorder un délai de réflexion avant de faire des propositions au Conseil d'Etat. Mais, selon les décisions que vous prendrez, je me demande si dans un premier temps il ne faudrait peut-être pas que le peuple s'exprime uniquement sur les prud'hommes et ensuite sur le deuxième volet lors d'une autre consultation. Ce sont des questions que je me pose pour aller dans le sens que vous souhaitez tous.

M. Blanc avait raison tout à l'heure. Quand on banalise la démarche qui est faite aujourd'hui, on ne prend pas en compte la réalité. Or nous avons le devoir de le faire pour avancer au moins d'un petit pas. On peut penser ce qu'on veut, mais ce devoir nous l'avons. Ayant assisté aux travaux de la commission, je me suis réjouis de l'ambiance qui y régnait. C'est cela qui a conduit la majorité de la commission à faire cette proposition. J'ajoute que même pour les prud'hommes, et quelle que soit la méthode que nous choisirons, ce n'est pas acquis.

J'invite d'ores et déjà tous les partis à se mobiliser pour faire passer le message de manière à obtenir une réponse positive sur ce point. Voilà ce que je désirais ajouter. A vous de trancher, mais, encore une fois, je crois que la majorité de la commission avait bien pris en compte tous les éléments exposés ce soir; elle n'a pas improvisé sa réponse, c'était un travail sérieux et rien de nouveau n'a été apporté dans le débat au cours de la discussion que nous avons maintenant. C'est la raison pour laquelle, encore une fois, dans un domaine où il n'est pas facile d'évaluer le comportement des gens, il me semble que la proposition qui vous a été faite est la meilleure.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Vous savez bien, Monsieur le conseiller d'Etat, que l'on était tous d'accord de faire voter les prud'hommes en premier. Nous avons essayé de trouver toutes les solutions possibles pour qu'ils soient votés de façon à être applicables pour ces élections-ci. Seulement, suite aux propos de M. Bernard Ziegler, et je le rappelle à la page 29 de mon rapport, cela n'avait tout simplement pas été possible techniquement en raison du vote sur l'EEE où le Conseil fédéral ne voulait pas que l'on ajoute d'autres propositions. Ensuite, on a essayé de le faire passer pour le 7 mars. Ce n'était pas possible non plus pour une raison de délai référendaire. L'urgence concernant ces prud'hommes n'est plus la

même puisque nous avons six ans jusqu'à la prochaine élection. Cela me paraît tout à fait possible de séparer les deux choses et de revenir plus tard avec un projet de loi constitutionnelle pour les prud'hommes.

M. Claude Blanc (PDC). Oui, bien sûr! Tout est possible! C'est clair! Mais je voudrais quand même attirer votre attention sur le fait que si vous présentez au peuple au mois de juin l'initiative 28 et l'initiative 30 toute crues, on a de fortes raisons de penser que la réponse sera claire et nette. Comment voulez-vous -- il y a quand même une question psychologique -- après avoir «ramassé vos quilles» -- si vous me passez l'expression -- au mois de juin, revenir au mois de septembre avec une partie de la question. Je crois que M. Haegi l'a très bien expliqué, le peuple ne comprend pas toujours les questions qu'on lui pose, et surtout il ne comprend pas qu'on lui pose la même question à trois mois d'intervalle. Cela me paraît délicat, dangereux... Madame Savoy vous avez cru devoir dire que je n'étais pas conséquent avec moi-même en n'acceptant pas l'initiative.

Je crois l'avoir expliqué, je voudrais quelque chose, le plus petit quelque chose possible, mais quelque chose! Votre attitude conduit à ne rien obtenir, sinon de beaux discours, mais ce n'est pas avec de beaux discours qu'on avancera. Il faut faire ce petit pas et, lorsque l'on aura obtenu celui-là, on pourra en faire un autre. Je vous en supplie, faisons ce petit pas!

M. Denis Menoud (Ve). J'ai milité il y a plus de dix ans de cela, dans le comité «Etre-solidaire», dont tout le monde se souvient; c'était pour l'abolition non pas de l'apartheid -- mais enfin presque -- mais pour l'abolition du statut de saisonnier. J'ai mobilisé toutes sortes de gens, de tous milieux et, hélas, nous avions ramassé une claque mémorable à ce sujet. Seul 20%, je crois, du corps électoral avait approuvé cette initiative rejetée par tous les cantons. Il est évident que je ne me fais aucune illusion: devant le souverain, ces deux initiatives n'ont quasiment aucune chance de passer et c'est regrettable, mais enfin, c'est la réalité actuelle, telle qu'elle se pose aujourd'hui en Suisse.

J'aimerais savoir si, dans le projet de loi figurant à la page 26 intitulé «Contreprojet», il ne serait pas possible -- M. Blanc parlait de pas en avant et il semble que la commission veut faire des pas en avant -- plutôt que de risquer de n'avoir rien; le choix extrémiste me déplaît profondément parce qu'il est évident que des initiatives comme «Toutes citoyennes, tous citoyens» ou l'autre ne passeront de toute façon pas la rampe devant ce Grand Conseil, et c'est regrettable, de faire un amendement au projet de loi en ajoutant un article 42 qui demanderait le droit de vote sur le plan communal, c'est-à-dire se limiter à une chose qui est déjà en vigueur au niveau de la CEE. Dans ce cas, il y aurait un élargissement parce que cela ne concernerait pas seulement des ressortissants européens.

Je fais cette proposition parce que, dans le fond, plutôt que d'avoir des discours excessifs de part et d'autre dans quelques semaines, je me dis: «Soyons peut-être un peu réformistes, réalistes.». Ce serait un vote extrêmement clarificateur de cette assemblée pour voir s'il y a oui ou non des doubles discours. C'est-à-dire ceux qui disent oui, mais dans le fond, ce serait sur le vote communal, on serait d'accord, patati et patata, mais comprenez que ces initiatives vont trop loin!» Je les mets au défi, et je propose un amendement au projet de loi, donc le contreprojet majoritaire, si je puis dire. Je propose un article qui reprendrait l'article 42 et qui dirait:

«...mais qui serait limité aux droits sur le plan communal».

Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Je comprends le souci de M. Menoud, et ce souci a été présent tout au long des travaux de la commission. Mon collègue Philippe Fontaine l'a rappelé, nous avons dans nos orientations radicales proposé que la première démarche soit d'adopter le droit de vote au plan communal. Nous y avons renoncé, Monsieur Menoud, pour deux raisons. Nous avions l'impression que venir devant le peuple avec en fait quatre propositions était une espèce de menu à la carte...

L'assemblée. «Menoud!»

Mme Françoise Saudan. ...et que les problèmes constitutionnels étaient trop importants pour que l'on ne respecte pas la volonté des initiants qui, dans leur totalité je crois, étaient opposés au droit de vote sur le plan communal, et on s'est dit que la démarche concernant les Tribunaux des prud'hommes qui était justifiée par de simples raisons de fond que personne ne peut nier, aussi bien les Syndicats patronaux que les syndicats ouvriers, semblait un test suffisant. Je comprends aussi les soucis de ma collègue Fabienne Bugnon. Simplement, le problème est très clair. Si l'on veut revenir devant le peuple, il faut au moins attendre une dizaine d'années. En matière de prud'hommes, c'est impensable. La dernière fois que nous nous sommes prononcés sur les prud'hommes, c'était en 1979, c'était un projet extrêmement modéré qui avait été refusé par le peuple. On ne peut pas envisager de faire voter le peuple concernant l'aspect prud'homal avant plusieurs années, et ce sera trop tard. Il ne faut pas oublier que les syndicats sont venus nous voir à deux reprises et, à chaque fois, ils ont insisté sur la gravité du problème et sur l'urgence d'y trouver une solution. En définitive, la solution appartient au peuple, mais encore faut-il la lui présenter.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je me permets d'insister. J'ai de plus en plus la conviction que le travail qui a été fait était le meilleur possible et qu'en observant tout à l'heure -- réfléchissant à haute voix -- je vous disais que nous pourrions envisager de séparer, si vous deviez aller dans ce sens, les deux choses, et voter le projet des prud'hommes, puis ensuite les initiatives. Mais comme dans l'initiative il y a précisément les prud'hommes, imaginez dans quelle situation nous nous trouverions. Ce n'est pas possible.

C'est la raison pour laquelle il faut accepter le travail qui vous est proposé par la commission. Je me permets de dire, par rapport à la lettre qui a été écrite par le Comité genevois d'action syndicale et par le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs, qu'un passage nous semble problématique d'un point de vue démocratique, ce d'autant plus que le fond traite d'un problème d'une autre dimension que les seuls Tribunaux des prud'hommes. J'ai eu l'occasion d'en parler hier soir avec mon collègue, M. Ziegler. Ce n'est pas son avis. Les Tribunaux des prud'hommes ont été prévus dans l'initiative, nous ne sommes pas éloignés de l'initiative, vous ne vous êtes pas éloignés de l'initiative, vous avez repris une de ses composantes importantes, et j'insiste, ne la banalisez pas. Ce n'est pas gagné, vous devrez vous battre devant vos partis et ensuite devant la population pour faire passer ce contreprojet. Je crois qu'il est normal d'avoir des élans, et il sera normal que tout à l'heure une partie de ce Grand Conseil donne un préavis favorable; c'est dans l'ordre des choses. Certains d'entre vous resteront fidèles à un type d'engagement, mais j'espère qu'une majorité se dégagera pour accepter ce projet tel qu'il vous est proposé par la majorité de la commission et qu'ensuite nous serons tous réunis pour faire aboutir au moins le contreprojet.

M. Denis Menoud (Ve). Mais on peut déposer cet amendement ou quoi? (Ton ironique de l'orateur.)

La présidente. Vous faites ce que vous voulez! (Ton dédaigneux de la présidente.)

Mme Jeanine Bobillier (MPG). Je souhaiterais demander l'appel nominal pour ce vote. (Protestations.)

La présidente. Je voudrais, avant que nous passions au vote proprement dit, vous résumer la procédure de vote. Premièrement, nous allons voter sur la prise en considération de l'initiative 28, ensuite nous allons procéder au vote sur le projet 6945, puis au vote sur les conclusions de la pétition 937 et, enfin, au vote sur l'initiative 30.

IN 28-B

Mise aux voix, l'initiative 28 est rejetée.

M. Robert Cramer (Ve). La question qui va être posée maintenant est de savoir si nous voulons que le projet de loi 6945 soit ou non un contreprojet à l'initiative. En effet, puisque le Grand Conseil a préavisé défavorablement à l'initiative, il est en droit de faire le choix de présenter un contreprojet.

Je vous invite, je vous demande et je vous supplie de voter non lorsque l'on vous demandera si vous voulez d'un contreprojet. Dans le même temps, je vous indique que j'ai déposé sur le bureau du Grand Conseil un petit amendement au projet de loi 6945, de telle sorte qu'à la place de s'appeler «Contreprojet à l'initiative 28», il s'appelera «Projet de loi constitutionnelle».

Ainsi, l'on aurait deux textes distincts. Le Grand Conseil ne voudrait pas d'un contreprojet, mais de deux textes distincts, d'un côté l'initiative 28 et de l'autre le projet de loi constitutionnelle que nous pourrions adopter tout à l'heure.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je trouve que l'insistance de M. Cramer est dangereuse. Ce n'est pas en séance, dans ces conditions, que l'on apporte ces modifications. Vous pensez, Monsieur Cramer, que vous donnez une meilleure chance au contreprojet en agissant de cette manière, mais rien ne nous permet de le prouver. Je crois qu'il faut en rester là. Je me permets d'insister, et je vous invite à accepter le contreprojet conformément à ce qu'il vous est demandé par la commission qui a travaillé sérieusement sur ce sujet.

Mis aux voix, le projet de loi 6945 (contreprojet) est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Nous avons une proposition d'amendement de M. Cramer consistant à modifier le titre du projet qui s'intitulerait «Projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 142 de la constitution de la République et canton de Genève», le reste étant semblable au texte figurant à la page 26 du rapport.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

La présidente. Nous en arrivons à la demande d'amendement de M. Denis Menoud qui vise à compléter l'article 142 par le texte suivant:

«Les étrangers, sans distinction de sexe, âgés de 18 ans révolus, ont le droit de vote sur le plan communal à condition qu'ils aient résidé en Suisse depuis 10 ans et qu'ils ne se trouvent pas dans le cas prévu par l'article 43.»

M. Denis Menoud (Ve). Il ne s'agit pas du tout d'un rajout à l'article 142, mais bien d'un article 42. Attention, on est bien précis! Si vous voulez, j'ai repris le même texte en quelque sorte que...

La présidente. Il n'y a pas d'article 42 dans ce projet de loi!

M. Denis Menoud. Eh bien, on l'rajoute!

La présidente. Alors c'est un nouvel article?

M. Denis Menoud. Oui, c'est un nouvel article, mais ça s'appelle un amendement...

La présidente. Je vous remercie de le préciser, ce que vous n'aviez pas fait!

M. Denis Menoud. Excusez-moi! Le libellé pour l'essentiel est repris de ce qui a été prévu. Il n'y a donc rien de nouveau et d'intéressant. Simplement, maintenant on arrive au moment de clarification. Il est vrai qu'il faut faire preuve aujourd'hui d'ouverture, et je persiste à croire -- plus de dix ans se sont écoulés depuis l'initiative «Etre solidaire» -- que les choses ont peu avancé. Il est vrai que l'on aurait peut-être dû se battre pour que les étrangers soient présents dans les commissions extraparlementaires. Je rappelle que, pour que les étrangers puissent adhérer dans les entreprises à des commissions ouvrières ou autres, cela a pris énormément de temps.

Cela nous permet de nous prémunir contre les excès de tous ordres et permettra aux gens de s'exprimer sur les objets concrets de leur vie quotidienne. Prenons un exemple sur un plan communal, un plan d'aménagement. A ce moment ces gens pourront aussi s'exprimer car ils sont vraiment impliqués. C'est pourquoi je vous propose de faire bon accueil à cet amendement, et je souhaite que ce Grand Conseil dans sa grande sagesse aille de l'avant.

M. Claude Blanc (PDC). On repart à zéro! M. Menoud a reconnu tout à l'heure -- il l'a dit -- que l'on avait toutes les chances de ne pas réussir avec les initiatives. On refuse l'initiative, on lui oppose un contreprojet, minimaliste, je vous l'accorde, mais qui, lui, a une chance, et puis le chargez à nouveau pour le faire couler. Alors, que voulez-vous en réalité? (Ton agacé de l'orateur.) Voulez-vous des beaux discours ou voulez-vous qu'on avance?

D'autre part, Madame la présidente, si l'on devait dans une modification constitutionnelle venir avec un amendement, comme ça en dernière minute en deuxième débat, ajouter une chose aussi importante, il est évident qu'il faudrait retourner en commission. On ne peut pas ajouter une chose aussi fondamentale à la sauvette!

Mme Françoise Saudan (R), rapporteuse. Je prie mon collègue Menoud de bien réfléchir à la portée de la décision que nous allons devoir prendre. Je vous en prie, ne bricolons pas avec la constitution! Vous allez amener la majorité, voire l'unanimité de ce Grand Conseil, à refuser un tel amendement. Je vous en prie, Monsieur Menoud, réfléchissez et retirez votre amendement!

M. Claude Lacour (L). Je constate que le projet de loi ne concerne que l'article 142. Un amendement ne peut toucher que l'article concerné... (Protestations.)

La présidente. On ne peut pas ajouter un article nouveau.

M. Claude Lacour. La proposition consistant à faire un nouvel article 42 est une proposition de nouvelle loi, et, à mon avis, elle n'est pas acceptable ici.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Est-ce nécessaire de dire ce qui a déjà été signalé par plusieurs députés, à savoir, Monsieur Menoud, que vous êtes en train de faire couler le contreprojet. Ça ne fait pas l'ombre d'un doute! Or tout à l'heure, M. Blanc a dit en parlant des petits pas, que sans doute dans quelques années une étape nouvelle pourrait être franchie, et je pense que ce sera l'étape communale. C'est indiscutablement le pas que nous pourrons faire dans un avenir que j'espère rapproché, dans la mesure où certaines conditions seront remplies.

C'est dommage, Monsieur Menoud, vous compromettez même par cette démarche le pas que l'on aimerait franchir peut-être un peu plus tard. A mon tour, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Denis Menoud (Ve). Je tiens à vous dire que ce débat sur le droit de vote communal n'est pas nouveau, ce n'est pas une invention d'un illuminé débarqué ce soir de la planète Mars! C'est un débat qui a lieu dans l'opinion publique depuis longtemps. Je ne veux pas vous refaire tous les débats qui ont animé les syndicats à Genève à ce propos. Il ne s'agit pas de faire un amendement à la sauvette. Pas du tout!

Si vous dites que c'est si important que ça, alors je suis surpris que vous ne l'ayez pas évoqué dans le débat de ce soir, ou si peu... (Contestations.) Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la parlote, ce sont les résultats! Parce que le blabla, on connaît ici; pour les écologistes on ne fait que ça depuis huit ans, on connaît la chanson! C'est facile de dire: «Oui, tout d'un coup vous remettez tout en cause! A cause de vous, les prud'hommes, tout ça va échouer!» Je ne sais pas qui a rappelé tout à l'heure, riant sous cape, que de toute façon les prud'hommes avaient déjà été refusés à l'époque. Alors, rira bien qui rira le dernier.

Je m'excuse, c'est un discours qui n'est pas très cohérent, pas très logique. Si vous pensez que c'est aussi important que cela, je crois que c'est simple, on renvoie le tout en commission et on en rediscute calmement. (Protestations.) Qu'avez-vous à craindre? Vous savez bien que les sondages d'opinion ont démontré à Genève que les gens ne sont pas d'accord de donner le droit de vote, plein et entier, aux étrangers, qu'ils ne sont pas pour l'éligibilité, mais par contre qu'ils sont prêts à faire un pas en avant. On l'a vu lors des récoltes de signatures devant les bureaux de vote.

De quoi avez-vous peur? Je ne le comprends pas; tout à coup vous vous cabrez, vous devenez rétifs avec une argumentation un peu spécieuse et qui échappe franchement à l'entendement.

La présidente. Monsieur Menoud, nous avons consulté le règlement. L'amendement étant une proposition de modification d'un texte en délibération, et ce qui est en délibération maintenant étant le projet de loi modifiant l'article 142 de la constitution, M. Lacour a raison, votre proposition ne peut pas être prise en considération.

M. Denis Menoud (E). Ecoutez, Madame, je ne suis pas un expert «ès-magouilles» parlementaires comme on en voit à Berne, mais toutefois, c'est la

première fois que j'entends un tel argument pour ne pas soumettre un objet au vote du législatif. (L'orateur s'énerve.) Je trouve cela particulièrement scandaleux, et j'espère que les électeurs jugeront cet automne!

M. Michel Balestra (L). Je ne comprends pas l'acharnement thérapeutique de M. Menoud. Le Grand Conseil donne un préavis négatif à deux initiatives allant être votées par la population. Si la population est prête à accepter ces initiatives, elle les acceptera et il y aura l'éligibilité et le droit de vote aux étrangers au niveau cantonal ou le droit de vote aux étrangers au niveau communal. Puisque c'est ce que demandent ces deux initiatives soumises à la votation populaire, cela ne pose donc pas le problème de déficit démocratique que crie M. Menoud.

M. Bernard Annen (L). Une simple question. Je remarque que plusieurs de nos collègues ont déjà pris trois fois la parole dans ce débat et j'aimerais que l'on respecte aussi le règlement.

Mis aux voix, l'article unique est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

P 937-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

IN 30-B

Mise aux voix, cette initiative est rejetée.

 

I 1770
8. Suite de l'nterpellation de M. André November Sécheron: qui fait la loi à Genève?. ( ) I1770
 Mémorial 1990: Annoncée, 5641. Développée, 6102. Divers, 6104.

M. André November (Ve). J'aimerais répliquer à une non-réponse du Conseil d'Etat. L'ironie du sort... (Brouhaha.) Je ne sais pas si vous voulez m'écouter!

Mme Fabienne Bugnon. (S'adressant à l'assemblée.) C'est la dernière fois que vous l'écoutez!

M. André November. Madame la présidente, pouvez-vous faire un peu de silence? (Long silence, suivi d'un brouhaha.) Même si vous ne m'écoutez pas!

La présidente. S'il vous plaît, laissez parler M. November, c'est sa dernière intervention!

M. André November. L'ironie du sort a voulu que pour ma dernière intervention ce soir je doive aborder encore le problème de Sécheron, et je pense que, tout comme moi, vous avez assez entendu parler de ce problème.

Le 13 décembre 1990, j'ai développé une interpellation intitulée: «Sécheron: Qui fait la loi à Genève?» Depuis lors, je n'ai pas reçu de réponse et j'aimerais maintenant répliquer à une non-réponse du Conseil d'Etat, C'est une procédure un peu inusitée, mais je ne peux pas faire autrement. J'avais à l'époque posé plusieurs questions au Conseil d'Etat dont une qui disait: «Quelle est sa déontologie lorsqu'un conseiller d'Etat participe aux négociations avec des promoteurs où les intérêts privés et publics sont en jeu?» Et une autre: «Quelles sont les étapes de la réalisation du dossier Sécheron?»

J'aimerais vous dire que je comprends tout à fait la non-réponse du Conseil d'Etat, car je suppose que, depuis cette interpellation, le Conseil d'Etat a entrepris une réflexion approfondie, mais étant très occupé par d'autres soucis il n'a pas pu communiquer les résultats de sa réflexion dans les délais voulus. En deuxième lieu, je comprends aussi la non-réponse du Conseil d'Etat voulant exprimer par ce biais, donc par le silence, que les négociations sont en cours mais que son interlocuteur promoteur étant très têtu les négociations avancent lentement, et il voulait probablement éviter un souci particulier, un casse-tête à ce Grand Conseil et ne voulait pas provoquer un débat désagréable.

Enfin, pour clore, j'aimerais féliciter le Conseil d'Etat pour avoir inauguré une nouvelle forme de communication non verbale, non écrite, sous forme d'une non-réponse! Je pense que cette forme de communication est tout autant valable qu'une réponse ayant été à côté de la question! Je vous prie, Madame la présidente, de déclarer l'interpellation 1770 comme close suite à ma réplique.

Madame la présidente, voilà la partie officielle de ce que je voulais dire. J'aimerais ajouter à titre tout à fait personnel à l'adresse des conseillers d'Etat que je les aime beaucoup, que je les respecte beaucoup et que quelquefois j'ai trouvé leur susceptibilité tout à fait compréhensible, c'est humain, forcément humain, et c'est quelquefois même admirable!

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat laisse le mot de la fin à M. November ce soir. C'est la moindre des courtoisies!

Cette interpellation est close.

M. Denis Menoud (Ve). Madame la présidente, je vais vous lire non pas un passage de la bible, mais du règlement. C'est l'article 80, par rapport au point précédent. C'est important! La définition de l'amendement: «L'amendement est une proposition de modification d'un texte en délibération.» Donc, manifestement, c'est écrit noir sur blanc, vous avez fait une interprétation abusive du règlement du Grand Conseil!

La présidente. Non, Monsieur Menoud! Le texte en délibération était l'article 142. Vous pouvez regarder le titre du projet de loi 6945. 

PL 6890-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit pour le remplacement de l'installation de conditionnement thermique et de déshydratation des boues de la station d'épuration d'Aïre; ( -) PL6890
 Mémorial 1992: Projet, 4592. Commission, 4614.
Rapport de M. David Revaclier (R), commission des travaux
PL 6891-B
b) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les eaux (L 2 0,5); ( -) PL6891
 Mémorial 1992: Projet, 4614. Commission, 4626.
Rapport de M. David Revaclier (R), commission des travaux
M 852
Proposition de motion de Mmes et MM. Hervé Burdet, Christiane Magnenat Schellack, Bernard Annen, Yves Meylan, Paul Passer, André Vial, Bernard Erbeia, Jean-Pierre Gardiol, Henri Duvillard, Bernard Lusti, David Revaclier et Irène Savoy sur une cohérence des structures d'établissement autonome. ( )M852

9. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier les objets suivants:

 et

Premier débat

M. David Revaclier (R), rapporteur. Vous trouverez sur vos places le projet de loi 6891-B qui est un rapport complémentaire de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les eaux. Soumis à votre approbation ce soir, il remplace le précédent rapport 6891-A.

Par conséquent, le vote de la commission figurant dans les conclusions dudit rapport est annulé. Pour les raisons évoquées dans le rapport complémentaire qui vous est soumis ce soir, la commission des travaux vous invite à l'unanimité à bien vouloir accepter le projet de loi 6891 tel qu'il est présenté.

M. Albert Maréchal (PDC). La majorité de la commission des travaux, après de nombreuses séances, avait adopté le PL 6891, mais en constatant un nombre élevé d'abstentions. Par la suite, le Conseil d'Etat lui-même nous a soumis postérieurement différentes propositions d'amendements. Celles-ci ont eu pour conséquence de semer un peu le trouble, et comme il existait déjà auparavant tout le monde a trouvé préférable, étant donné les réactions entendues parmi nos collègues, de tronquer...

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Scinder!

M. Albert Maréchal. ...de scinder ce projet de loi... (Rire de l'orateur.) Je vous remercie, Monsieur Grobet, de votre précieuse assistance! ...pour n'en conserver que la première partie ouvrant le nouveau mode de financement pour l'assainissement des eaux et l'équipement de tout le réseau primaire. Il est en effet primordial aujourd'hui de pouvoir voter le projet de loi 6890 et les 30 millions qui le concerne pour l'équipement de la station de traitement des boues, celle-ci étant complètement dépassée par la technique, technique nécessitant d'être remplacée au plus tôt pour répondre aux impératifs de l'ordonnance fédérale devenue plus draconienne concernant l'incinération de ces boues.

La majorité de la commission a soutenu ce second projet et, conséquence logique, pour soutenir un projet de dépense il fallait soutenir son financement. La notion du pollueur-payeur a été admise par chacun, bien que la révision ait inquiété plusieurs députés. C'est pourquoi il a été demandé un amendement sur le projet initial qui demandait au Conseil d'Etat la possibilité pour les entreprises qui trouveraient la nouvelle tarification disproportionnée ou trop lourde à supporter de demander un allégement que pourrait lui consentir le Conseil d'Etat. Cet amendement a été introduit dans la loi qui vous est soumise et, personnellement, je m'en réjouis.

Cela permettra au Grand Conseil qui aura à statuer sur les nouveaux projets d'investissements pour l'équipement de la station d'assainissement d'Aïre de voter ces crédits en fonction des besoins et des progrès nécessaires pour cette station, mais aussi en tenant compte du contexte économique. Il serait, en effet, périlleux de vouloir aller trop vite et d'asphyxier nos entreprises. On sait toutes les difficultés qu'elles connaissent aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à voter le projet de loi 6891-B assurant ce financement.

La seconde partie de ce premier projet de loi méritera par contre, et c'est là qu'était le grand point d'achoppement, une étude très sérieuse, et c'est pour cela que vous a été présentée la motion 852 demandant au Conseil d'Etat d'avoir une politique globale concernant tous les établissements pour lesquels il veut instaurer une autonomie. Plusieurs députés se sont inquiétés de voir traiter ces problèmes de façons divergentes, selon les départements et selon les services concernés.

Je crois que cette proposition découle de la sagesse. Il est indispensable d'avoir une ligne conductrice cohérente, et nous invitons le Conseil d'Etat à soumettre dans les meilleurs délais une unité de traitement pour tous les services qui pourraient devenir autonomes. C'est pourquoi nous vous invitons à soutenir la motion 852 et le projet de loi 6891-B.

M. Hermann Jenni (MPG). En ce qui concerne le projet de loi 6890 et sur le principe même de faire ces améliorations, je n'ai pas d'objection. En revanche, lorsque l'on prend l'argumentation prétendument économique dont on fait état dans la présentation de l'exposé des motifs et du rapport lors de la présentation du projet, on comprend pourquoi notre Etat est en faillite. Ces argumentations économiques relèvent de l'arithmétique à Bonzon.

On nous fait miroiter une économie parce que l'on va produire du gaz et de l'énergie et que l'on pourra récupérer quelque chose comme 260 000 F par an. Pas un mot de ce que coûte cet investissement: 30 millions à 6% sans amortissement, donc uniquement la couverture des intérêts représente 1,8 millions par an. De grâce, lorsque l'on nous présente un projet, qu'on nous présente un bilan économique tenant debout, qu'il soit fait comme doivent le faire les entreprises quand elles envisagent de développer quelque chose pour savoir si elles vont pouvoir tenir le coup et si elles vont pouvoir se payer le luxe de cet investissement.

Sur le plan pratique, je sais qu'il faut épurer les eaux, et j'y suis favorable, mais qu'on ne nous camoufle pas les conséquences financières et économiques des dépenses nouvelles que cela comporte. C'est tellement vrai qu'il y a des dépenses nouvelles que l'on nous modifie le projet de loi 6891 par un autre projet. Selon le principe de la taxe du pollueur-payeur on veut nous augmenter les taxes sur la consommation de l'eau! C'est à nouveau une augmentation de charges, une augmentation des prélèvements obligatoires. Je veux bien en accepter l'augure en vertu du principe du pollueur-payeur, mais où je deviens franchement sceptique, c'est dans l'article 90 nouvelle teneur où l'on nous propose à la fin de cet article, au premier alinéa, que si pour ces entreprises la taxe annuelle d'épuration constitue une charge financière disproportionnée, un abattement peut être accordé sur demande dûment motivée adressée au département.

Autrement dit, les entreprises que cette taxe mettrait en péril -- cela veut donc dire que cela a une certaine incidence -- pourront aller tendre leur sébile au département qui appréciera librement les arguments qu'on lui présentera et accordera éventuellement un dégrèvement qu'il faudra bien répercuter sur l'ensemble des autres contribuants si l'on veut arriver à équilibrer le budget. Cela créera encore des distorsions sur les exploitations parce que les unes auront des privilèges -- on ne sait pas trop sur quels critères -- et les autres seront surchargées parce qu'il faudra bien arriver à prélever suffisamment de taxes pour couvrir les frais effectifs si vraiment l'on veut appliquer le principe du pollueur-payeur. Je dis que tout cela n'est pas très sérieux.

Mme Irène Savoy (S). Comme vient de vous le dire M. le rapporteur David Revaclier, c'est un projet scindé que la commission vous propose d'accepter. Si nous avons finalement opté pour cette façon de procéder, c'est pour éviter un retour en commission qui n'aurait pas manqué d'avoir lieu. Le projet, bien que voté en commission par la majorité des commissaires, ne faisait manifestement pas l'unanimité des groupes après la lecture des rapports.

A ce propos, contrairement à ce que M. Maréchal vient de nous dire, seul le groupe libéral s'est abstenu ou a voté non, le reste de la commission a voté le projet. On peut regretter cette façon de faire, car l'on pourrait souhaiter que le travail en commission ne soit pas fondamentalement remis en cause chaque fois, les groupes ayant des représentants au sein des commissions. Ce projet scindé permet néanmoins de sauver l'essentiel, c'est-à-dire de permettre la réalisation rapide de la nouvelle installation de conditionnement thermique et de déshydratation des boues de la STEP d'Aïre.

La nécessité et l'urgence des travaux sont reconnues par l'unanimité de la commission et les riverains qui souffrent des mauvaises odeurs générées par le procédé actuel seront les premiers à s'en réjouir. D'ailleurs, une pétition vient d'être déposée par l'Association des intérêts d'Aïre qui va dans ce sens et qui se plaint des mauvaises odeurs que ses membres ont à supporter. D'autre part, le personnel qui travaille dans des conditions extrêmement pénibles sera aussi heureux de voir ces installations modernisées. Je ne peux donc que vous engager à voter le projet de loi 6890.

Quant au projet de loi 6891, les articles que nous vous proposons de voter aujourd'hui permettent notamment de financer, par diverses taxes, le projet proposé et, par la suite, l'adaptation et le renouvellement des réseaux primaires secondaires. Cette partie du projet de loi 6891 recueille l'unanimité des commissaires et l'accord de l'Association des communes genevoises. En ce qui concerne la seconde partie du projet concernant la gestion et la création d'un établissement de droit public autonome, le groupe libéral n'a pas caché en commission que cette conception de l'autonomie ne le satisfaisait pas et qu'il s'était abstenu lors du vote du projet.

Notre groupe y était favorable, et si nous avons accepté de procéder comme il vous est proposé de le faire, c'est qu'il nous a semblé nécessaire de faire une réflexion plus approfondie sur les projets d'autonomie actuellement à l'étude. En effet, il nous semble important que les établissements publics du canton que l'on projette de rendre autonomes aient un cadre, tout au moins une ligne directrice commune. Bien sûr, ils ne peuvent pas avoir un statut absolument identique, ils ont chacun leur spécificité, mais il est souhaitable que leur autonomie procède de la même démarche.

Actuellement, deux projets d'autonomie sont à l'étude: le projet concernant l'aéroport et le projet des eaux usées et des stations d'épuration. Ces deux projets ainsi que le projet socialiste sur l'aéroport diffèrent totalement. Ils sont étudiés dans deux commissions différentes qui travaillent fatalement chacune dans des directions différentes. On nous annonce à plus ou moins long terme des projets d'autonomie pour les Cheneviers, l'hôpital, et que sais-je encore! A mon sens, si l'on veut être efficace et ne pas avoir des situations complètement différentes, il faut, comme je l'ai proposé en commission -- proposition qui semblait avoir recueilli l'assentiment des commissaires -- créer une commission ad hoc, comme on l'a fait pour la Banque cantonale et comme on en a vu le résultat, qui étudiera sereinement et avec efficacité un cadre que l'on pourrait retenir pour tous les cas où l'autonomie d'un établissement est envisagée.

C'est aussi le but de la motion déposée par la commission des travaux. C'est pourquoi je vous invite à voter les deux projets de lois tels que présentés aujourd'hui par la commission, ainsi que la motion concernant les projets d'autonomie. Etant bien entendu que la partie des projets de l'aéroport se référant à l'autonomie comme la partie gestion du service d'assainissement des eaux doivent être transférées à une commission ad hoc dès que le Conseil d'Etat aura répondu à la motion. C'est dans cette optique que nous avons accepté de signer cette motion. En attendant, si la commission de l'économie se trouve bloquée, elle pourra aborder rapidement la loi sur le tourisme qui est aussi urgente.

M. Bernard Annen (L). Nul ne va revenir sur la nécessité d'une coordination d'un certain nombre de règles minimales à respecter pour obtenir une cohérence entre tous les établissements qui devraient devenir autonomes. Je dis bien les «conditions minimales». Ce n'est pas parce que Mme Savoy vient de vous expliquer sa position qu'elle reflète celle de la commission.

En déposant cette motion, les commissaires de l'Entente ont été très clairs en disant qu'il n'était pas question que nous retardions quoi que ce soit des travaux de l'aéroport. Cela ne veut pas dire, Madame, que nous ne tiendrons pas compte d'un projet de loi qui devra naturellement être élaboré rapidement par le Conseil d'Etat pour l'appliquer au modèle de l'aéroport. Nous vous avons dit également, puisque, parmi nous, certains commissaires étaient membres de la commission de l'économie, que ces règles minimales étaient observées dans le cadre de l'étude du projet de loi relatif à l'aéroport. Nous nous étions inspirés d'un projet de loi sur ces fameuses règles minimales que nous avions adoptées à l'unanimité lorsque nous avons évoqué la question de la Banque cantonale.

Par conséquent, ces règles minimales, actuellement, de mon point de vue, pourraient s'inspirer de ces deux projets. Il n'est pas question aujourd'hui de remettre en cause les travaux concernant l'aéroport, car en définitive, pourquoi avons-nous déposé cette motion? Tout simplement parce que le projet proposé ce soir sortait diamétralement du concept que la Banque cantonale avait utilisé et que l'aéroport est en train d'utiliser, raison pour laquelle, Madame, je pense qu'il n'est pas souhaitable, et nous nous y opposerons, que la commission de l'économie suspende ses travaux.

Elle doit les poursuivre et, à partir du moment où une idée ou un projet du Conseil d'Etat nous serait soumis, il suffirait de regarder la concordance qu'il y aurait entre les deux projets. Je ne crois pas, Madame, que nous sommes prêts à vous suivre pour retarder les travaux de l'aéroport, d'autant plus qu'un certain nombre de députés de votre parti s'évertuent à faire retarder ces travaux.

M. Pierre Meyll (T). M. Annen exagère car il y a quand même quelques problèmes similaires dès que l'on demande l'autonomie de certains services. Tous les problèmes de personnel, notamment, pourraient être discutés dans une commission ad hoc qui permettrait ainsi d'établir un programme-cadre de l'ensemble.

Or, ce que vous ne désirez pas, c'est que certaines représentations du personnel ne soient pas accordées dans le conseil d'administration de l'aéroport, notamment, Monsieur Annen, il faudrait quand même admettre la similitude des problèmes, la possibilité de discuter dans le cadre de l'aéroport; mais il faut bien admettre que si des problèmes devaient se poser en ce qui concerne l'autonomie et qu'il y ait une façon de procéder qui ne soit pas correcte, nous devrions revenir en arrière sur ces problèmes. Nous serons intransigeants sur ce point.

M. Bernard Annen (L). Il y a des choses que nous ne pouvons pas laisser passer, telle l'assertion de M. Meyll consistant à dire que nous nous opposons à la participation des travailleurs dans les conseils d'administration. La motion que vous avez sous les yeux, c'est moi qui l'ai écrite. Il est indiqué dans l'exposé des motifs:

«Il n'en reste pas moins que certains principes ont un dénominateur commun, comme par exemple la représentation du personnel dans un conseil d'administration.»

Alors, Monsieur Meyll, je vous en prie, ne faites pas dire aux gens ce qu'ils n'ont jamais dit, surtout lorsqu'ils ont écrit le contraire!

M. Jean Montessuit (PDC). Nous accepterons bien entendu la motion 852, mais en acceptant celle-ci, il n'est pas question pour nous de suspendre les travaux de la commission de l'économie sur l'aéroport. Au contraire, je crois que ce qui différencie l'aéroport d'établissements comme celui des eaux usées, c'est son indépendance financière. L'aéroport est l'établissement type pour servir de modèle à un schéma d'autonomie. Je crois que c'est la réflexion que se fera la commission de l'économie sur les possibilités d'autonomie de l'aéroport qui pourrait être un support à la réflexion du Conseil d'Etat sur l'autonomie d'autres établissements.

Je propose que la commission de l'économie accélère ses travaux et donne ainsi un support à la réflexion du Conseil d'Etat.

M. Alain Sauvin (S). Je ne reviendrai pas sur les arguments dans un sens ou dans l'autre, mais j'aimerais dire que M. Annen fait preuve d'une singulière conception de la démocratie, de l'ouverture et du dialogue en reprochant aux représentants du parti socialiste, suite à l'intervention de Mme Savoy, d'essayer de travailler en profondeur autour d'un projet important en commission de l'économie.

Nous ne sommes pas les seuls. C'est à vous que l'on pourrait reprocher peut-être de vouloir passer immédiatement à la conclusion parce que cela vous arrange ou parce que vous êtes aux ordres!

PL 6891-B

Premier débat

Ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que le titre IV chapitre II section 3 - Financement et exploitation des installations publiques (nouvelle teneur) et le § 1 - Financement (fonds cantonal d'assainissement des eaux) (nouvelle teneur).

Mis aux voix, les articles 84 (nouvelle teneur) à 89 (nouvelle teneur) sont adoptés.

M. Hermann Jenni (MPG). Je trouve un peu bizarre la fin de l'article 90 qui dit:

«Si, pour ces entreprises, la taxe annuelle d'épuration constitue une charge financière disproportionnée, un abattement peut être accordé sur demande dûment motivée adressée au département.»

Deux problèmes se posent. D'abord, on nous dit que certaines industries consomment énormément d'eau et que celles-ci se trouveraient dans une situation difficile par rapport à la concurrence étrangère. Il faudrait d'abord que toutes les industries du même type soient traitées de cette façon. Cela va à fin contraire du but général de la loi. On a cité l'exemple d'une papeterie. Une papeterie consomme énormément d'eau car elle rejette des eaux usées en énorme quantité, alors qu'elle pourrait, en modernisant ses installations, recycler cette eau, la réemployer et diminuer de ce fait dans des proportions importantes sa consommation d'eau.

Si l'on rend l'eau meilleur marché et si l'on part du raisonnement simpliste qu'il suffit d'aller tirer la sonnette et présenter sa sébile à M. Grobet pour obtenir un abattement -- suivant qu'on lui plaît ou qu'on ne lui plaît pas, il dira oui ou non! -- c'est tellement plus simple de faire une démarche au département pour obtenir un abattement sur le prix de l'eau, tandis que, si l'on doit payer le même prix que tout le monde et si l'on ne reporte pas ses propres charges sur d'autres industries, en créant par là des distorsions de concurrence, la solution de facilité consiste à ce que ce soit les autres qui paient. Si c'est cher, c'est trop cher pour pouvoir être compétitif; alors on se creuse un peu la cervelle et on se dit: «Tiens, il y a des installations qui permettent de recycler mon eau et de l'utiliser d'une manière beaucoup plus économique. Cela nécessite un certain investissement, je mets dans la balance le prix que je dois payer l'eau, le prix que me coûte l'installation et, si je paie l'eau cher, cela vaut la peine de faire l'installation. Une telle situation va à ce moment dans le sens de la loi, dans le sens de vouloir le minimum de pollution et d'introduire le principe du pollueur-payeur. Je n'arrive pas à comprendre, d'une part, cette distorsion de la concurrence et, d'autre part, cet arbitraire qui, sans en fixer les modalités, mais sous la toute-puissance d'un département, apprécie si oui ou non une industrie peut supporter cette charge. A moins d'avoir une réglementation très précise sur la manière d'appliquer cette détaxe, elle est inadmissible pour cette simple question de principe. Raison pour laquelle je vous propose de biffer la fin de cet article.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. La disposition présentée en commission n'a finalement aucune différence par rapport à une autre règle générale -- que l'on connaît en matière de contributions publiques -- qui est la remise d'impôt laissée à la libre discrétion du chef du département des finances et contributions lorsque des cas le justifient. Je crois que la commission a eu raison de dire qu'il peut y avoir des cas particuliers qu'il faut prendre en considération. C'est le simple but de cette disposition qui n'a rien d'excessif; cela me paraît parfaitement normal qu'en matière de contributions publiques il puisse y avoir des allégements éventuels qui ne sont pas du tout consentis à libre discrétion. Dans un cas comme celui-ci, le département des travaux publics consulterait le département de l'économie et celui des finances et il y aurait une voie de recours contre la décision au Conseil d'Etat. Par conséquent, il y a toutes les garanties qu'il faut. Je vous recommande d'adopter cette disposition.

M. Pierre Meyll (T). Tous ces problèmes ont été évoqués en commission. M. Jenni évidemment n'y participait pas, la courroie de transmission n'a visiblement pas fonctionné, ce qui bien sûr explique toutes les doléances qu'il fait valoir maintenant. Il a été prévu des accommodements pour les sociétés qui prendraient soin de rejeter leurs eaux dans un état de propreté relative. J'estime tout à fait logique et normal que le pollueur-payeur paie et que celui qui rejette de l'eau dans des conditions normales ne soit pas pénalisé.

M. Albert Maréchal (PDC). M. Jenni se trompe en affirmant ce qu'il vient de dire. L'application stricte de ce que vous avancez, Monsieur, voudrait dire que l'on fermerait des entreprises tout de suite, alors que bien souvent des entreprises pourraient convenir d'un contrat avec l'Etat sur trois ou quatre ans...

La présidente. On ne vous comprend pas bien, Monsieur Maréchal!

M. Albert Maréchal. (Haussant le ton.) ...ce qui leur laisserait le temps d'adapter leurs installations pour ne pas êtres mises en péril. Si vous arrivez brutalement avec des changements de tarifs -- ils vont être très brutaux, regardez les chiffres alignés, ce sont des multiplications. On nous a cité les chiffres de l'industrie: une consommation moyenne de 80 000 m3 par année, une augmentation de 2 ou 3 F, et vous voyez ce que ça donne! A cela s'additionnent les augmentations des Services industriels -- on arrivera à des coûts pour l'industrie qui vont devenir dissuasifs.

Or, si vous voulez fermer les rares industries genevoises qui nous restent, continuons comme ça! C'est pour cette raison que nous avons demandé cet article qui laisse encore l'appréciation au Conseil d'Etat -- M. Grobet vous l'a expliqué -- de convenir avec une entreprise qu'au-delà d'un délai de cinq ans elle doit s'adapter ou diminuer sa consommation. Je pense que c'est la sagesse qui veut cela.

M. Hermann Jenni (MPG). Je suis persuadé que les remarques que j'ai faites tout à l'heure sont parfaitement fondées et justifiées. Là où la chatte a mal aux pieds, c'est qu'évidemment, si on se propose d'augmenter les taxes d'un seul coup d'un seul, alors bien entendu les entreprises auront beaucoup de peine à s'adapter! Comme il n'est pas prévu de procéder progressivement, je pense effectivement que supprimer cette fin d'article aurait des effets trop brutaux. Malheureusement, je me vois dans l'obligation pour des raisons purement pratiques et non pas pour des raisons de doctrine de retirer mon amendement.

Mis aux voix, les articles 90 (nouvelle teneur) à 92 (nouvelle teneur) sont adoptés, de même que la section 4 et l'article 2 souligné.

Troisième débat

Le projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

PL 6890-A

Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

M 852

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

La séance est levée à 19 h 30.