République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2526-C
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de David Martin, Frédérique Perler, Marjorie de Chastonay, Jean Rossiaud, Isabelle Pasquier, Delphine Klopfenstein Broggini, Alessandra Oriolo, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Mathias Buschbeck, Yves de Matteis, Paloma Tschudi, Jean-Marc Guinchard, Bertrand Buchs, Vincent Maitre, Jocelyne Haller, Jacques Blondin, Delphine Bachmann, Anne Marie von Arx-Vernon, Pierre Bayenet, Adrienne Sordet, Jean-Luc Forni, Philippe Poget, Diego Esteban, Léna Strasser, Sylvain Thévoz, Helena Verissimo de Freitas, Jean Batou, Nicole Valiquer Grecuccio, Pablo Cruchon, Katia Leonelli, Olivier Baud, Grégoire Carasso : Faciliter l'insertion professionnelle et l'octroi d'un permis de séjour aux personnes déboutées de l'asile dont le renvoi n'est pas réalisable

Débat

La présidente. Nous passons à la M 2526-C. Je donne la parole à Mme Léna Strasser.

Mme Léna Strasser (S). Merci, Madame la présidente. Cette motion a été déposée en 2019, et cette dernière réponse du Conseil d'Etat ne nous satisfait toujours pas: elle est très floue sur le nombre de personnes concernées et sur la volonté d'aller de l'avant rapidement en utilisant les marges cantonales. Nous attendions un investissement fort du Conseil d'Etat, des régularisations dans des délais courts, permettant d'offrir des perspectives aux personnes actuellement sous le régime de l'aide d'urgence qui ne seront pas renvoyées, puisque cela n'est actuellement pas possible.

Selon les associations réunies dans la Coordination asile.ge, que je remercie pour leur engagement, il y a actuellement à Genève plus de cinquante personnes déboutées de l'asile âgées de 15 à 25 ans. Pour beaucoup, le rejet de leur demande d'asile est survenu juste après leur majorité, après plusieurs années d'intégration et de scolarité. Nombre d'entre elles se sont ainsi vu refuser d'entreprendre ou de continuer une formation, de suivre un stage ou d'achever un diplôme, ou encore ont reçu une interdiction de travail. La précarité de l'aide d'urgence, la menace d'un renvoi et l'absence de perspectives professionnelles ou de formation affectent considérablement la santé physique et psychique de ces personnes.

Une étude de l'IREG vient de sortir et de mettre en lumière les chiffres qu'implique le refus d'un permis de séjour aux jeunes dans cette situation. Selon les chercheurs et les chercheuses, les personnes jeunes déboutées de l'asile sont dans une situation paradoxale et coûteuse pour le canton de Genève. D'une part, elles peuvent suivre un parcours scolaire presque ordinaire. D'autre part, leur absence de statut s'accompagne d'une interdiction de travailler. Cette inactivité forcée, couplée à une impasse quant à un départ de Suisse, les oblige à rester à l'aide d'urgence, une aide matérielle minimale de 10 francs par jour, alors qu'elles ont acquis des compétences valorisables sur le marché du travail. Cette situation engendre un coût direct à travers l'aide d'urgence et un coût d'opportunité lié à la non-utilisation de cette main-d'oeuvre formée. Ce sont les conclusions de ce rapport. Ce coût est estimé dans l'étude à plus de 13 millions de francs, une perte pour le canton de Genève sur dix ans pour une population de quelque 32 jeunes, qui sont représentés dans ce rapport. Alors si vous n'êtes pas, comme nous, sensibles à leur détresse, soyez sensibles à la perte financière sèche pour nos institutions !

Le groupe socialiste ne demandera pas un nouveau renvoi au Conseil d'Etat de cette motion ni de la pétition liée au droit de rester pour les Erythréens, mais appelle celui-ci à tirer parti des conclusions de cette étude et à travailler main dans la main avec la Coordination asile.ge afin de trouver des solutions pragmatiques, rapides et stabilisantes pour les personnes concernées et que Genève arrête de créer des situations de précarité. (Applaudissements.)

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, juste quelques mots pour compléter les propos de ma préopinante, que je rejoins complètement. Effectivement, on se retrouve encore parfois avec des personnes qu'on empêche de se former, qu'on empêche de travailler, alors qu'elles sont parfaitement intégrées, qu'elles n'ont absolument aucune possibilité objective d'être renvoyées dans leur pays, qu'elles coûtent aux caisses publiques à travers les aides qui leur sont bien évidemment versées, et que, par ailleurs, nous faisons face à une pénurie de main-d'oeuvre dans de nombreux domaines de l'économie. C'est le cas de l'agriculture, par exemple, ou de l'hôtellerie-restauration, dont on entend souvent parler.

Il est donc parfaitement logique que le Conseil d'Etat utilise toutes les marges de manoeuvre à sa disposition dans la législation fédérale pour faire en sorte que les perspectives d'intégration et d'emploi, dans les limites de la législation, soient accordées à ces personnes, plutôt que de les maintenir dans un statut précaire et sans aucune perspective. Je vous remercie.

M. Yves Nidegger (UDC). Il faut prendre acte du rapport du Conseil d'Etat qui objecte aux motionnaires un problème de logique: au fond, ce que la motion demande, c'est que les gens déboutés du droit d'asile reçoivent les mêmes bénéfices que s'ils avaient obtenu ce droit. C'est une manière de nier l'existence même des conditions de l'octroi du droit d'asile, de nier l'asile, qui est une institution humanitaire de grande importance, et de miner tout l'édifice qui tourne autour. Le Conseil d'Etat a parfaitement raison d'objecter aux motionnaires que ce qu'ils demandent est irréaliste et irréalisable. Je vous invite donc à en prendre acte et à régler par suite le sort de cette motion qui n'a pas lieu d'être.

La présidente. Merci.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2526.