République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12305-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur le droit de cité genevois (LDCG) (A 4 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (EAG)

Suite du premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons le traitement du PL 12305-A entamé lors de la séance précédente. Je rappelle qu'il s'agit d'une urgence et que nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Les rapporteurs se sont exprimés, j'ouvre maintenant le débat en cédant la parole à M. Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Bien que l'assemblée soit assez dispersée, je vais prendre la parole. Il s'agit d'un projet de loi relativement long qui comporte 71 articles, et je vous souhaite bon courage, Monsieur le président, pour la lecture au deuxième débat !

Ce texte dense et complexe évoque d'abord le droit de cité genevois. Juste pour l'anecdote, Mesdames et Messieurs, c'est une spécificité suisse d'avoir une commune d'origine: vous pouvez être originaire de Courgenay ou de Steffisburg, par exemple, et demander de devenir citoyenne ou citoyen de Dardagny ou d'Onex. Cela étant, cet aspect très spécifique est plutôt épisodique dans ce projet de loi.

En effet, la partie la plus importante est consacrée à la naturalisation suisse, un processus bien plus difficile que le fait de simplement changer de commune d'origine. A cet égard, le projet de loi est nettement plus touffu et complexe.

Comme l'a indiqué le rapporteur de majorité, la mission de la commission a consisté à s'adapter au droit supérieur, ce qui ne s'est pas avéré évident. La nouvelle loi fédérale est entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Quelques mots peut-être sur ces nouvelles normes, qui ne nous plaisent pas plus que ça. Le premier changement essentiel, qui a déjà été mis en évidence par le rapporteur de minorité, c'est l'exigence d'être titulaire d'une autorisation d'établissement, c'est-à-dire d'un permis C, pour déposer une demande de naturalisation. Il s'agit d'un défaut rédhibitoire dans la Genève internationale, où de nombreuses personnes résidant depuis longtemps en Suisse n'ont pas du tout accès au permis C.

Ensuite, les critères pour déterminer l'intégration ont été durcis et étendus. Les articles 17, puis 20 à 25 du présent projet de loi vous en donnent un aperçu. Enfin, il est patent que la loi fédérale sur la naturalisation suisse se restreint au droit du sang, avec une composante proche de zéro du droit du sol. Par exemple, on peut avoir vécu toute sa vie au milieu du Minnesota, mais être né de parents de nationalité suisse et donc être suisse, sans aucune connaissance de la langue ni de l'hymne national ni du fonctionnement des institutions politiques, alors que pour des personnes nées en Suisse de parents étrangers, il faut suivre tout un processus de naturalisation; certes, celui-ci est parfois facilité, mais il s'agit tout de même d'une course d'obstacles dans laquelle il faut s'engager. Même si, en tant que Verts, nous ne sommes pas forcément en faveur d'un droit du sol absolu, où il suffirait d'avoir vu le jour dans une maternité helvétique pour obtenir le passeport rouge à croix blanche, nous estimons tout de même que de grands pas doivent être franchis dans la direction du droit du sol.

Le traitement du projet de loi en commission s'est révélé fort intéressant, mettant en lumière la complexité des procédures entre les niveaux communal, cantonal et fédéral. Des débats ont eu lieu quasiment sur chaque article, et nous avons réussi à les préciser et à les améliorer quelque peu, par exemple en ce qui concerne les émoluments ou le droit des enfants ou des conjoints. Un exercice a priori positif, donc.

Reste toutefois la question de savoir s'il est utile de manifester notre désapprobation vis-à-vis de la loi fédérale lors du vote de ce soir. Notre groupe penchera plutôt vers le oui, mais en optant majoritairement pour l'abstention au moment de la décision finale. Cette position pourrait évoluer en fonction de votre acceptation ou non, Mesdames et Messieurs les députés, des amendements proposés par le rapporteur de minorité, que je remercie pour son rapport engagé et enflammé. Nous apprécions particulièrement le premier, qui énonce une non-adhésion politique du canton au cadre fédéral sur certains points; on pourrait d'ailleurs y ajouter la question du permis C.

Pour ce qui est des autres amendements, il est plus difficile de se prononcer, car ils visent à supprimer certains éléments de la loi genevoise en se référant à la loi fédérale à la place. Le texte serait ainsi incomplet, ce qui n'était pas l'objectif initial, mais peut rester possible. Globalement, nous soutiendrons les amendements 1 et 5, et nous abstiendrons sur les autres.

Je terminerai par une remarque que le rapporteur de minorité a déjà émise en dénonçant le double discours de celles et ceux qui s'opposent au droit de vote des personnes étrangères sur le plan cantonal. Ils nous vendent que ces gens n'ont qu'à se naturaliser; c'est la voie royale, clament-ils. Or ce sont les mêmes qui passent leur temps à rendre les conditions de naturalisation de plus en plus difficiles - une véritable fabrique d'étrangers et d'étrangères sur sol suisse, comme le mentionne le rapporteur de minorité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, tout d'abord, j'aimerais remercier les fonctionnaires du département qui nous ont accompagnés dans nos travaux, qui avaient vraisemblablement déjà préparé ce projet de loi et qui, ensuite, nous ont assistés pendant son traitement - lequel était assez dense, cela a été souligné - en nous fournissant de nombreuses explications, en répondant à toutes les questions que nous pouvions avoir. Nous avons travaillé, je dois dire, dans une ambiance agréable.

Je remercie également le rapporteur de majorité, M. Guinchard, en particulier d'avoir indiqué qu'au sein de la majorité, tout le monde n'adhère pas, tant s'en faut, à certains éléments contenus dans la nouvelle loi fédérale sur la nationalité suisse. Cela a été évoqué aussi par mon collègue préopinant Vert, notamment en ce qui concerne le droit du sang et la nouvelle exigence d'un permis C; il y a encore d'autres points, mais je ne vais pas entrer dans les détails. Je remercie enfin le rapporteur de minorité, parce que sur le fond, nous partageons les critiques de la minorité par rapport au droit supérieur.

Il est particulièrement intéressant d'assister en ce moment aux premiers débats de la commission sur l'initiative «Une Vie ici, une Voix ici... Renforçons notre démocratie !», parce que c'est bien de cela qu'il s'agit finalement, c'est de faire en sorte que l'essentiel de la population qui vit durablement à Genève puisse participer à la prise de décisions. Or sous couvert d'explications selon lesquelles il faudrait que les personnes se naturalisent - «c'est la voie royale», etc. -, l'objectif d'une partie de ce parlement - qui représente sans doute une majorité au niveau fédéral -, très clairement, c'est de faire en sorte qu'il soit le plus difficile possible d'accéder à la citoyenneté au sens large, que ce soit la nationalité ou simplement le droit de vote et d'éligibilité pour les personnes étrangères.

Sur le fond, les enjeux sont posés. Maintenant, ce qui est déterminant pour le groupe socialiste, c'est de savoir ce qu'on peut entreprendre au niveau cantonal. Il faut dire que le département a déjà en partie utilisé la latitude laissée au canton dans le cadre d'un droit fédéral qui, encore une fois, n'est pas favorable selon nous, est beaucoup trop restrictif. Le projet de loi exploitait déjà une partie de la marge de manoeuvre, et nous avons réalisé tout un travail en commission pour déterminer à quel endroit - et c'est plutôt à la marge, il faut le reconnaître - nous pouvions encore plus tirer parti des possibilités laissées par le législateur fédéral aux cantons.

Dans le rapport de minorité - éloquent, en effet - de mon collègue Pierre Vanek, les amendements sont essentiellement d'ordre symbolique. Cela signifie qu'on a utilisé la marge de manoeuvre, et mon collègue Vanek le reconnaît en creux avec son rapport de minorité, puisqu'il propose des amendements symboliques en insérant dans le projet des déclarations de principe. Bon, pourquoi pas, je ne suis pas sûr que nous, les socialistes, allons tous les voter, parce qu'un texte de loi n'est pas forcément le lieu pour des proclamations symboliques, mais nous pourrions tout de même soutenir une partie des amendements.

A la fin, ce qui nous semble important, c'est que nous puissions nous retrouver dans ce projet de transposition cantonale même en étant défavorables au droit fédéral, parce que nous avons profité des marges de manoeuvre à disposition et même si, avec une partie de la majorité, nous ne partageons pas les options de fond.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, ce qui nous importe, c'est d'opérer une comparaison de la situation: que va-t-on gagner à refuser ce projet de loi ? De notre point de vue, on ne va pas gagner grand-chose. Le texte emploie les marges à disposition, donc il est préférable de le voter tout en conservant notre regard critique sur la loi fédérale, laquelle doit être modifiée. Nous devons faire en sorte, Mesdames et Messieurs, que l'essentiel de la population qui vit ici durablement puisse participer aux prises de décisions. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, dans une enceinte politique, nous sommes évidemment là pour faire émerger des idées, pour avancer des arguments, mais quand j'en entends certains qui sont à deux doigts de proposer une séparation d'avec l'Etat fédéral sous prétexte que certains règlements ne leur plaisent pas... Alors que dans l'autre sens, quand la manne tombe, tout va bien ! Ce n'est pas sérieux.

En guise de préambule, l'Union démocratique du centre, qui a participé aux travaux, remercie le rapporteur de majorité pour la précision de son rapport. Nous non plus, sur l'ensemble des amendements et des propositions qui ont été formulés, nous n'étions pas forcément entièrement d'accord avec ce qui est sorti. Par contre, le consensus - nous vivons dans un pays de consensus - qui s'est dégagé dans la rédaction de ce texte est magnifique.

On a entendu au sein des partis de gauche, notamment des socialistes: «Ceux qui vivent ici doivent pouvoir participer.» Nous pourrions éventuellement entrer en matière si, Messieurs de la gauche, comme dans les pays d'Amérique du Nord, par exemple au Canada, les gens qui arrivent étaient soumis à la «Green Card», vous savez, à l'immigration sélective. Ici, on accueille tout le monde, le tout-venant, et pas toujours les meilleurs. Voilà pourquoi il y a peut-être certaines réticences.

Quant au droit de la nationalité, mon Dieu, quand on regarde les événements politiques, chaque pays fait preuve d'un certain souverainisme. Proposer une porte ouverte, sans aucune restriction, ça ne va pas. Vous argumentez sur le permis C; évidemment, c'est un mot qui fait bien, mais rien que l'acquisition de cette autorisation de séjour est déjà soumise à un faisceau de conditions: il faut justifier d'une durée de résidence et surtout d'une certaine intégration.

Le drame, dans ce que l'on propose, à savoir que tout un chacun peut s'installer ici, c'est qu'on doit accepter tout le monde, même ceux qui refusent de s'intégrer. Est-ce normal ? Je vous pose la question. Vers quel genre de système se dirige-t-on si on continue comme ça ? Ce qui se passe actuellement est très bien, le présent projet de loi est parfait. L'Union démocratique du centre refusera tous les amendements déposés et vous invite à voter le projet de loi tel que sorti de commission. Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole va à M. Emmanuel Deonna pour quarante-sept secondes.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Comme cela a été rappelé, il est temps d'octroyer aux personnes étrangères le droit de participer à la vie collective et au processus démocratique. Il n'y a pas de raison d'opposer la naturalisation et l'octroi des droits politiques aux étrangers. Une initiative ambitieuse sur ce sujet est discutée en ce moment à la commission des droits politiques, un contreprojet sera probablement proposé.

Pour la gauche et notamment les Verts suisses, il faudrait instaurer dans la loi le droit à la naturalisation pour toutes les personnes qui vivent en Suisse depuis plus de trois ans avec un statut réglementé. En attendant, s'agissant de l'objet dont nous débattons, comme l'ont souligné les députés Mizrahi et Vanek, on peut refuser d'inscrire dans la loi genevoise l'exigence du permis C et travailler de manière consensuelle, comme l'a fait la commission, à un assouplissement du droit de la nationalité.

M. Patrick Dimier (MCG). Je me suis souvent exprimé sur ces questions, Mesdames et Messieurs, et vous connaissez ma conviction quant à l'intérêt des apports étrangers à notre république, qui en font ce qu'elle est aujourd'hui. Toutefois, il ne faut pas confondre les apports et les déports. Qu'est-ce que les déports ? Les déports, c'est vouloir accorder des droits à des personnes qui n'ont pas l'intention de s'intégrer. Les amendements et tout ce qui va avec, avec tout le respect que j'éprouve pour mon ami Vanek, ce sont des voeux pieux d'une poignée d'élus !

Dans notre système démocratique, il n'y a qu'un seul juge, il n'y en a pas deux: c'est le peuple. Soumettez vos idées à la population, et vous verrez sa réponse ! Une fois que vous aurez obtenu sa décision, vous serez fixés. Et je peux déjà vous donner cette réponse, si vous voulez. (Commentaires.) Elle sera négative. Ce sera non. Il y aura peut-être une forte minorité, mais si vous soumettez cette question au peuple - et je parle du peuple suisse, pas des Genevois -, vous verrez sa réponse, elle sera massive.

Je suis un fervent, un acharné défenseur de l'intégration, mais celle-ci n'a de sens que pour les gens qui veulent participer au projet, qui souhaitent s'investir. Ce n'est pas un self-service, une démocratie comme la nôtre ! Il s'agit d'un système - vous le dites assez souvent, et à juste titre - qui adore la participation.

Les démocraties qui ont tenté la voie vers laquelle vous entendez nous emmener en reviennent. Et elles ne sont pas aux antipodes: c'est d'une part la Suède, qui revient très fortement en arrière, d'autre part les Pays-Bas qui, eux, ont déjà franchi le pas et fait marche arrière. Dès lors, si des pays aussi ouverts que les Pays-Bas par leur histoire et la Suède par ses habitudes démocratiques reviennent en arrière, je pense qu'on peut s'éviter la même peine, suivre le rapport de majorité dont je tiens à souligner l'excellence et bien entendu soutenir ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo, Patrick !

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, je vous propose de revenir au travail qui a été le nôtre pendant quatorze séances de la commission des droits politiques et qu'il s'agit de concrétiser aujourd'hui en votant une loi qui constitue une adaptation à la modification de la législation fédérale sur la nationalité, principalement en ce qui concerne le processus de naturalisation. C'est dans ce sens que, pour le moment en tout cas, les choses fonctionnent, c'est à la Confédération de fixer le cadre législatif général et aux cantons de s'adapter.

Comme cela a été souligné, ces quatorze séances de travail consciencieux et minutieux ont permis d'en arriver à un projet de loi qui prend en considération toutes les sensibilités et exploite la marge de manoeuvre cantonale pour aller dans le sens des revendications de certains, qui ont largement été exprimées et que je ne reprendrai pas à mon compte.

Tout cela pour vous dire que le PLR vous invite à adopter ce projet de loi tel que sorti de commission et à refuser l'ensemble des amendements. Le PLR s'associe également aux remerciements qui figurent dans le rapport de majorité et qui ont déjà été formulés. Nous avons effectivement bénéficié d'un accompagnement extrêmement précieux, professionnel, efficace, patient et attentif de la part des représentants du département et des fonctionnaires, il faut vraiment saluer cette collaboration.

Je conclurai en précisant que pendant ces quatorze séances de commission, il y avait une unanimité de tous les membres à se donner la peine de travailler ensemble en respectant les différents points de vue afin de parvenir au résultat de ce jour. Je vous demande dès lors de ne pas tenter de profiter de la tribune qui nous est donnée ici pour exprimer des intentions qui ressortissent au droit supérieur et aux Chambres fédérales. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci bien. Je redonne la parole à M. Patrick Dimier pour trois minutes.

M. Patrick Dimier (MCG). Je n'en ai pas besoin d'autant, Monsieur le président, mais les prises de parole de mon collègue Conne comme de mon collègue Mizrahi précédemment me rappellent que j'ai oublié de remercier à mon tour les collaborateurs du département. Et je le fais avec d'autant plus de force que les deux principales personnes qui nous ont aidés dans nos travaux sont toutes deux naturalisées. Je peux vous assurer, Mesdames et Messieurs, que la précision de leur contribution, la conviction qu'ils ont mise dans leur travail représente une joie pour ceux qui soutiennent que l'intégration est et restera toujours le meilleur moyen de devenir suisse. Merci. (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Je serai très rapide. A l'instant, Pierre Conne, pour le PLR, a soutenu que ce débat ne devait pas servir de tribune pour un sujet politique d'ordre fédéral. Certes, Mesdames et Messieurs, mais la naturalisation à Genève se pratique sur la base d'une loi genevoise qui énonce aujourd'hui - ce sera peut-être différent demain - qui a le droit de participer à la politique genevoise, à la vie publique genevoise, d'élire notamment ce Grand Conseil. Il est dès lors parfaitement légitime, si nous avons des objections de fond - et nous en avons, elles ont été exprimées par un certain nombre de groupes derrière moi dans ce parlement, notamment sur les voies d'intégration de notre population étrangère -, qu'on les formule ici.

Cyril Mizrahi a indiqué que dans le fond, mes amendements étaient symboliques et que je le reconnaissais en creux. Non, je ne le reconnais pas en creux, je l'affirme: ce sont en effet des amendements symboliques, mais les symboles revêtent une certaine importance, Mesdames et Messieurs ! Ce sont des amendements politiques qui visent à adresser - ou à ne pas adresser, si on ne les accepte pas - un message à la Berne fédérale sur quelque chose qui est vital pour notre démocratie ! Qui est vital aussi parce qu'à Genève, 40% d'étrangers vivent parmi nous, avec nous, mais se voient barrer la route par des obstacles et des difficultés d'accès au passeport rouge à croix blanche.

Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, la démarche que je présente est légitime; on peut ne pas être d'accord avec moi, mais enfin, il est quand même raisonnable qu'on débatte de cette question. Ici, on ne rédige pas des règlements d'application de telle ou telle norme fédérale, on fait de la politique cantonale, et mes propositions sont l'expression d'éléments de politique cantonale en direction de la Berne fédérale.

Maintenant, Patrick Lussi s'est exclamé qu'on voulait se séparer de l'Etat fédéral, j'ai entendu ce reproche. Au contraire, je défends ici l'idée que nous avons un rapport organique avec cet Etat fédéral et qu'il faut lui envoyer un message fort quant à l'accès à la nationalité suisse !

Ce message, des citoyens de Suisse allemande le relaient déjà - c'est à l'intention de Patrick Dimier, Monsieur le président, donc vous lui transmettrez que c'est pour lui. Il a dit: «Il faut soumettre cette question au peuple suisse, et vous verrez bien sa réponse.» Eh bien, Monsieur Dimier, je vous signale qu'une initiative dite des quatre quarts - consultez votre «browser», vous trouverez cela - a été lancée pour faciliter les processus. Elle n'a pas été lancée par des Genevois bolchéviques, mais par des Suisses allemands du côté de Zurich qui proposent précisément de présenter ce sujet à la population. J'ai adhéré récemment à cette association et je vous propose d'en faire de même, Monsieur Dimier, puisque vous voulez que la question soit soumise au peuple helvétique. Signez l'initiative et on verra bien si votre pronostic se vérifie. Je ne le crois pas; je pense que les Suisses sont prêts pour une avancée sur cette thématique.

Ils sont d'autant plus prêts que notre droit de la naturalisation est le plus restrictif d'Europe, ce qui est indigne de notre pays... (Exclamations.)

Des voix. Ce n'est pas vrai !

M. Pierre Vanek. Si, c'est vrai ! (Applaudissements. Commentaires.) On me dit, en s'adressant directement à moi, donc en violation de la LRGC, que ce n'est pas vrai. Eh bien en réponse à cette affirmation - Monsieur le président, vous transmettrez -, et cela figure dans mon rapport, un institut de recherche fédéral a publié un article à ce sujet en présentant un certain nombre de critères documentés et établi que la Suisse est le pays d'Europe continentale le plus restrictif en la matière. Ce n'est pas moi qui le soutiens, c'est l'Université de Neuchâtel et le pôle de recherche fédéral en question. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. Monsieur Murat-Julian Alder, c'est à vous pour quatre minutes.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Le rapporteur de minorité et avec lui son groupe et ses partisans sont tellement désespérés pour dénicher de nouveaux électeurs... (Exclamations.) ...qu'ils sont prêts à brader les droits politiques, à sacrifier la nationalité et à les distribuer comme de vulgaires petits pains ! Non, Monsieur Vanek, la Suisse n'a pas le droit du sol; nous avons le droit du sang, mais nous avons aussi la possibilité de devenir citoyens suisses, et il n'y a absolument aucune raison de changer les règles en la matière.

Cela étant dit, vous êtes allé beaucoup trop vite dans votre description des faits, sans doute parce que celle-ci ne correspond pas à la réalité. Le droit suisse de la nationalité est tout à fait comparable à celui d'autres pays européens, à commencer par le Danemark ou l'Italie qui, eux aussi, exigent des délais de résidence relativement longs.

Autrefois, pour devenir suisse, il fallait vivre douze années dans notre pays; aujourd'hui, ce n'est plus que dix ans. Et la même révision législative qui a introduit cette réduction du délai de résidence - c'était en 2017 - a prévu l'exigence du permis C, de l'autorisation d'établissement, avant de pouvoir briguer la nationalité helvétique.

Dites-moi, Monsieur Vanek, combien de signatures avez-vous récoltées contre cette modification législative ? La réponse est très simple: absolument aucune. Aucun référendum n'a été lancé contre la nouvelle loi fédérale sur la nationalité suisse, ni par vous, ni par votre parti - enfin, par la multitude de groupes qui forment la constellation de l'extrême gauche genevoise -, ni par les Verts, ni par les socialistes. Cette loi a déployé des effets sans que le peuple ait eu à se prononcer. Je le répète: la loi sur la nationalité suisse telle qu'elle est en vigueur aujourd'hui n'a pas été contestée en votation populaire.

Vous voulez maintenant lancer une initiative, on sait qu'une initiative populaire est en cours pour que la nationalité helvétique soit accordée à celles et ceux qui habitent dans notre pays depuis seulement cinq ans; on n'aurait plus besoin de posséder un permis C pour briguer le passeport rouge à croix blanche. C'est tout simplement absurde ! On ne ferme la porte à personne, tous les citoyens étrangers qui vivent dans notre pays et qui se sont bien intégrés peuvent obtenir la naturalisation.

Comme cela a été relevé par notre collègue Vert, M. Eckert, notre pays connaît une citoyenneté à trois étages: il y a les niveaux communal, cantonal et fédéral. Le droit du sol, pour autant que vous souhaitiez porter ce débat au bon échelon, Monsieur Vanek, c'est à Berne qu'il faut en parler, là où vous avez d'ailleurs siégé un certain temps dans les années 90. Je n'ai pas le souvenir que vous ayez déposé à cette époque une quelconque proposition pour introduire le droit du sol en Suisse. Là encore, une occasion manquée !

Dans le cas d'espèce, il s'agit d'un projet de loi sur le droit de cité genevois, autrement dit les échelles cantonale et communale. Ce texte est parfaitement équilibré et raisonnable, il a fait l'objet d'un important travail en commission, et la seule suite raisonnable qu'il convient de lui donner, c'est de l'approuver tel qu'il a été présenté dans le rapport de majorité. Merci beaucoup de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Pierre Vanek pour vingt-cinq secondes.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Oui, Monsieur le président, «mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa» ! En effet, j'aurais dû intervenir dans le sens du droit du sol lorsque je siégeais à Berne au début des années 2000. Notre conseillère nationale actuelle, Stéfanie Prezioso, a déposé un postulat ou une initiative parlementaire dans ce sens, donc l'erreur est réparée. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Jean-Marc Guinchard, à qui il reste deux minutes en tant que rapporteur, additionnées de six minutes sur le temps du groupe.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais me prononcer surtout sur les amendements du rapporteur de minorité, à qui je tiens à préciser que personne ne conteste la légitimité de ses propos. Toutefois, il faut savoir, et je l'ai rappelé dans mon rapport, que la marge de manoeuvre dont nous disposons par rapport au droit supérieur est relativement ténue, et je pense que nous l'avons utilisée au mieux dans le cadre des travaux de commission.

Une loi ne constitue pas une déclaration d'intention, même symbolique, et ce débat ne porte pas sur l'initiative «Une Vie ici, une Voix ici». Qui plus est, il s'agit ici d'une adaptation de nos normes cantonales à la législation fédérale. Sur cette base, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'accepter le projet de loi tel que sorti de commission et de ne pas soutenir les cinq amendements qui vous seront proposés tout à l'heure. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ainsi que cela a été rappelé, c'est le 1er janvier 2018 que la nouvelle loi fédérale sur la nationalité suisse est entrée en vigueur. Nous avons modifié notre loi d'application, qui concerne également le droit de cité genevois - le titre a d'ailleurs été modifié dans ce sens - et avons déposé le projet de loi quelques mois plus tard.

Quatre ans après, à la suite de travaux pour lesquels je remercie non seulement mes collaborateurs, mais salue surtout l'attention et la diligence dont la commission a fait preuve de même que l'intérêt qu'elle a manifesté pour ce sujet, qui est effectivement fondamental, le rapport a été présenté. Nous avons dû solliciter l'urgence pour que le sujet soit abordé lors de l'avant-dernière session de cette législature et qu'enfin nous disposions de notre loi d'application d'une loi fédérale entrée en vigueur il y a plus de cinq ans.

Il est vrai que l'on peut toujours faire mieux, il est vrai que nous regrettons les modifications intervenues au niveau fédéral, pour lesquelles nous allons devoir nous battre, il est vrai que l'on a totalement négligé la communauté internationale en posant l'exigence du permis C. Certaines conditions, notamment de connaissance de la langue française, sont parfaitement surréalistes: une personne étrangère née à Genève et y ayant effectué toute sa scolarité doit passer un examen pour prouver qu'elle connaît le français alors qu'elle le maîtrise certainement mieux que d'autres bons Helvètes localisés dans notre canton.

Au final, nous avons essayé d'opérer le plus d'adaptations possible, et ce projet de loi apporte aussi des améliorations, précisément sur le sujet que je viens d'évoquer, à savoir la démonstration de la connaissance de la langue. Il serait dès lors regrettable que pour des motifs certes importants, qui sont l'expression d'une insatisfaction genevoise face à la révision fédérale, nous perdions des avantages résultant d'un travail fouillé et majoritairement d'un consensus.

Il est vrai, Monsieur le rapporteur de minorité, que nous ne sommes pas contents de cette modification législative décidée à Berne, il est vrai aussi que nous devons oeuvrer à cet échelon-là pour faire en sorte que l'on prenne en considération les spécificités de la Genève internationale. Il n'y a pas si longtemps, le directeur général d'une grande organisation non gouvernementale me demandait comment il pouvait s'y prendre pour que son fils, né ici, puisse postuler à la naturalisation. Or celui-ci est titulaire d'une carte de légitimation comme membre d'une famille et ne peut donc pas faire compter ses années de résidence en Suisse, ce qui est évidemment absurde, aberrant.

Toutefois, nous ne résoudrons pas cette question en indiquant, comme vous le proposez, à l'article 1: «L'application des normes fédérales faisant l'objet de la présente loi n'entraîne ni ne signifie aucune adhésion politique du canton de Genève ou de ses autorités au système du "droit du sang" qui fonde le droit fédéral en matière de nationalité.» Ça, c'est un slogan. Un slogan ! On n'inscrit pas de slogans dans des lois, franchement, mais plutôt dans les exposés des motifs.

Aussi légitime que soit votre agacement, Monsieur le rapporteur de minorité, de grâce, essayons d'avancer et de faire preuve de maturité politique en appliquant la loi fédérale, parce que nous devons le faire, c'est le droit supérieur. Du reste, ce ne serait pas la première loi que nous appliquerions alors qu'elle ne nous satisfait pas.

Ce qui est beau, dans notre pays, c'est qu'il y a toujours une victoire future face à une défaite présente; eh bien, Mesdames et Messieurs, travaillons ensemble à cette victoire future en tentant de modifier le droit fédéral. Le Conseil d'Etat vous demande ainsi d'approuver le projet de loi tel qu'issu de commission et de ne pas entrer en matière sur les amendements, quand bien même je peux en reconnaître moi aussi la légitimité. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous procédons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12305 est adopté en premier débat par 92 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis de cinq amendements présentés par M. Pierre Vanek. Voici le premier:

«Art. 1, al. 3 (nouveau)

3 L'application des normes fédérales faisant l'objet de la présente loi n'entraîne ni ne signifie aucune adhésion politique du canton de Genève ou de ses autorités au système du "droit du sang" qui fonde le droit fédéral en matière de nationalité.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 29 oui et 8 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 1 est adopté, de même que l'art. 2.

Le président. La deuxième proposition de modification de la minorité consiste à biffer l'alinéa 1 de l'article 3, qui stipule: «L'acquisition de la nationalité suisse constitue l'ultime étape administrative de l'intégration.» Il s'agit donc de biffer cette phrase.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 23 oui et 13 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 3 est adopté, de même que les art. 4 à 16.

Le président. Le prochain amendement est libellé comme suit:

«Art. 17, al. 4 (nouvelle teneur)

4 La personne requérante doit résider effectivement en Suisse pendant toute la durée de la procédure.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 26 oui et 13 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 17 est adopté, de même que les art. 18 et 19.

Le président. M. Vanek nous soumet encore cet autre amendement:

«Art. 20, al. 6 (nouvelle teneur)

6 Le règlement précise en outre les modalités de la consultation et de l'utilisation des données obtenues auprès de VOSTRA ainsi qu'auprès des autorités de poursuite pénale et des juridictions pénales.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 25 oui et 13 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 20 est adopté, de même que les art. 21 à 24.

Le président. Enfin, nous passons à la dernière demande de modification:

«Art. 25, al. 1 et 3 (nouvelle teneur)

1 La personne requérante ne doit pas nuire à l'intégration dans la communauté genevoise de son conjoint, partenaire enregistré ou des enfants mineurs sur lesquels est exercée l'autorité parentale, notamment en ce qui concerne leur participation à la vie sociale, culturelle et économique.

3 Le règlement fixe les modalités de vérification en ce qui concerne les dispositions du présent article.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 39 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 25 est adopté, de même que les art. 26 à 70.

Mis aux voix, l'art. 71 (souligné) est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12305 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 9 non et 15 abstentions (vote nominal).

Loi 12305 Vote nominal