République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2778
Proposition de motion de Mmes et MM. Sébastien Desfayes, Delphine Bachmann, Jean-Marc Guinchard, Claude Bocquet, Patricia Bidaux, Olivier Cerutti, Bertrand Buchs, Souheil Sayegh, Jean-Luc Forni, Jean-Charles Lathion, Christina Meissner, Patrick Malek-Asghar, Grégoire Carasso, Jacques Blondin, Sylvain Thévoz, Nicole Valiquer Grecuccio, Youniss Mussa : Face à la tragédie afghane, Genève doit montrer l'exemple
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 2 et 3 septembre 2021.

Débat

Le président. Voici l'urgence suivante: la proposition de motion 2778, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme la députée Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Nous serons unanimes ici sur le constat qu'une tragédie se joue en ce moment même en Afghanistan et tout particulièrement pour certaines classes de la population. Aujourd'hui, les intellectuels, les artistes, les femmes, les filles de ce pays sont en train de perdre leur liberté, leur existence, n'auront plus de droits et seront probablement voués à une vie de misère, si on peut encore appeler cela une vie ! Des dizaines de milliers de personnes ont déjà fui face à cette tragédie et cherchent à pouvoir se reconstruire. Depuis trois semaines, notre Conseil fédéral déçoit, au mieux par son silence, puis par l'annonce de l'accueil de 230 personnes. Rien d'autre ! Je me demande simplement où est passé le sens humanitaire de notre pays et sa tradition d'accueil dans ce type de situation. Nous sommes tout simplement scandalisés par cette inaction et par cette volonté de se contenter du service minimum.

Bien sûr, ce débat a d'ores et déjà tourné à l'émotionnel: quand on nous demande comment on va sélectionner des réfugiés, quand on nous dit qu'on va faire venir des terroristes, qu'on doit d'abord s'occuper de nos précaires. Mais, Mesdames et Messieurs, nous ne demandons pas l'accueil de terroristes, et il faudrait être bien simpliste dans son raisonnement pour tout mélanger à ce point ! Aujourd'hui, nous demandons simplement de pouvoir contribuer à redonner un cadre de vie stable, un futur, à quelques-uns de celles et ceux qui fuient. La plupart de ces réfugiés sont des réfugiés de guerre, qui risquent la mort, qui n'ont pas d'avenir. A celles et ceux qui ricaneraient en disant que ce n'est pas si simple: non, nous n'allons pas envoyer demain un avion récupérer des réfugiés ! Mais des dizaines de milliers de personnes ont déjà fui vers d'autres pays, vers des camps dont les conditions sont plus que précaires. Bien évidemment, nous n'allons pas pouvoir tous les sauver, et les critères des demandes d'asile existent pour cette bonne raison: ils permettent de réguler l'accès.

Je ne commenterai pas le fond du conflit; chacun est libre de son opinion. D'ailleurs, on a vu apparaître autant d'experts sur l'Afghanistan qu'il en existe en ce moment sur la vaccination ou sur la mobilité genevoise. A l'image de la Ville de Genève, de Caritas et de nombreuses autres associations, le PDC Genève invite aujourd'hui ce Grand Conseil à rappeler au Conseil fédéral que nous n'acceptons pas qu'il se cache derrière de faux prétextes et des arrangements administratifs pour simplement s'asseoir sur la tradition humanitaire de notre pays. La Suisse l'a déjà fait d'ailleurs dans d'autres situations similaires. Elle peut le refaire aujourd'hui. Certains estiment que cela s'appelle de la récupération politique, j'appelle cela avoir une conscience citoyenne. Je vous remercie.

M. Yves de Matteis (Ve). Chers collègues, les Verts et les Vertes soutiendront cette motion qui met l'accent, je cite, sur «le risque vital que le nouveau régime de Kaboul fait peser sur une partie de la population, notamment les femmes, les filles, les intellectuels, ainsi que toutes les personnes ayant travaillé de près ou de loin avec les Occidentaux en Afghanistan». A cette liste, j'aimerais ajouter toutes les personnes qui se sont levées contre les talibans ou se sont engagées pour la défense des droits humains et pour une société plus ouverte, notamment des artistes, journalistes, scientifiques ou universitaires, etc., en particulier des femmes, ainsi que des personnes qui, aujourd'hui, courent un risque de persécution du fait de leur sexe, mais aussi de leur orientation sexuelle, identité de genre, positionnement politique ou religion - ou absence de religion -, etc.

Certains actes, qui sont notamment interdits dans notre pays, vont pouvoir se produire de plus en plus souvent en Afghanistan: mariages forcés et donc viols, non-respect de la liberté religieuse, discriminations et violences basées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité de genre et d'autres exactions qui pourraient non seulement ne pas être interdites, mais même être encouragées par le régime en place en Afghanistan.

Pour cette raison, il est impératif de pouvoir accueillir un contingent de personnes risquant d'être persécutées pour ces motifs, mais aussi, comme le demande l'amendement de Mmes Strasser et Verissimo de Freitas, de prier le Conseil fédéral de réexaminer les dossiers des requérants et requérantes d'asile déboutés vivant dans notre canton, pour leur éviter des persécutions dans leur pays d'origine, l'Afghanistan. Nous accepterons la motion et l'amendement de Mmes Strasser et Verissimo de Freitas, ainsi que ceux de M. Burgermeister.

En revanche, nous sommes nettement moins favorables à l'amendement du MCG qui, bien qu'intéressant, est toutefois bien trop limitatif, car il ne concerne que les persécutions religieuses visant les chrétiens et chrétiennes d'Afghanistan, alors que des personnes athées, agnostiques, juives ou d'autres obédiences - y compris musulmanes - pourraient aussi être persécutées. Merci, Monsieur le président.

M. Jean Burgermeister (EAG). Ensemble à Gauche soutient cette motion, mais nous avons déposé une série d'amendements que je demanderai de voter invite par invite, si vous le voulez bien, Monsieur le président. D'abord, nous partageons le constat qu'il est urgent que la Suisse fasse un geste en faveur d'un accueil conséquent des réfugiés en provenance d'Afghanistan. Il est sidérant de voir le nombre de dirigeants politiques qui se sont inquiétés de la vague migratoire, pour utiliser le jargon, plutôt que de la situation humanitaire, ce qui est absolument déplorable.

Je vais présenter les amendements d'Ensemble à Gauche, en faisant vite, parce que j'ai peu de temps: le premier permet d'élargir le principe du regroupement familial. Il faut savoir qu'actuellement, le regroupement familial est limité aux personnes qui se trouvent en Suisse depuis au moins trois ans et ne concerne que la famille nucléaire. Evidemment, c'est trop restrictif et cela prive beaucoup de personnes de la possibilité d'utiliser ce canal, ce d'autant plus qu'il est pour l'heure impossible d'effectuer les démarches depuis l'Afghanistan, l'ambassade suisse sur place ayant évidemment fermé. Les Afghanes et les Afghans sont obligés, pour effectuer des démarches en vue d'éventuellement venir en Suisse, de se déplacer dans d'autres pays, ce qui est loin d'être facile, puisqu'il y a une interdiction de quitter le territoire fixée par les talibans, des frontières largement fermées, un vide du point de vue des organisations non gouvernementales ou autre sur le terrain, ce qui rend la tâche très compliquée, raison pour laquelle nous demandons l'abandon des entraves bureaucratiques et la facilitation a priori pour les personnes de venir en Suisse, y compris depuis les pays voisins.

Un autre amendement demande d'accueillir au moins 1000 réfugiés. Alors bien entendu, le fait de fixer un chiffre est toujours soumis à caution: on peut se dire que c'est quelque chose d'un peu arbitraire. Pourquoi avons-nous tenu à inscrire ce chiffre, ce quota qui est un minimum, qui évidemment peut être dépassé par le Conseil fédéral ? C'est pour éviter le risque que le Conseil fédéral et que la Suisse de manière générale se contentent d'accueillir le plus petit nombre de réfugiés possible, en gros les quelques centaines de personnes qui ont travaillé avec l'ambassade suisse sur place, et que l'on considère ensuite que le travail a été fait et que les demandes de la motion ont été accomplies. Je pense qu'il est important de montrer qu'il est possible d'accueillir dans notre pays beaucoup plus de personnes. Je rappelle que, pendant la guerre du Kosovo, à la fin des années 1990, la Suisse avait accueilli en l'espace de deux ans environ 50 000 personnes sur le territoire ! C'est donc une question de volonté politique. Il est possible d'accueillir beaucoup plus que ce que nous avons eu coutume de faire ces dernières années. Et je pense que c'est cet ordre de grandeur qu'il faut viser, avec les réfugiés en provenance d'Afghanistan, partant du constat que la situation humanitaire sur place est absolument déplorable. Je m'arrête là, je n'ai pas eu le temps de tout dire, malheureusement, mais enfin, il faut être synthétique !

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Monsieur le président, la situation en Afghanistan, sujet de la présente proposition de motion, est tout simplement dramatique. J'aurais aimé cependant qu'elle ne devienne pas l'objet d'une facile récupération politique. (Protestations.) Oui, c'est une situation dramatique: des hommes, mais surtout des femmes, livrés à l'obscurantisme, à la haine, à la barbarie des talibans. Ces scènes que nous avons vues sur nos écrans de personnes si désespérées qu'elles sont prêtes à s'accrocher aux réacteurs des avions de l'armée américaine sont atroces, désespérantes, inacceptables.

Oui aussi, il y a une réponse inaudible de la part du Conseil fédéral. Notre gouvernement ne peut indiquer en conférence de presse que notre pays n'accueillera que 231 résidents afghans. Cela est tout simplement indigne de notre tradition humanitaire. Oui aussi, notre pays doit participer, dans le cadre des instances internationales, à un accueil plus généreux.

Mais non, cette motion n'est pas une réponse sérieuse à cette situation dramatique. Ce texte - mais vous le savez - devrait être discuté aux Chambres fédérales, seules compétentes pour les questions relatives à l'asile et à la politique humanitaire. Le PDC y est sauf erreur représenté et je n'ai pas entendu ses élus à Berne sur ce sujet.

Non, cette motion n'aura aucun effet et ne doit pas être traitée devant notre Grand Conseil. Non encore, une motion ne devrait pas avoir pour but de faire plaisir aux signataires, de leur donner bonne conscience, de leur permettre de se prendre pour de grands défenseurs des droits de l'homme ou de s'imaginer en Bernard-Henri Lévy d'opérette... (Rires.) ...ce qui est un pléonasme - je le reconnais ! -, ou encore de faire leur autopromotion dans la «Tribune de Genève», tout cela en exploitant de façon tout à fait cynique le drame des femmes afghanes, tout cela en exploitant habilement l'émotion suscitée à juste titre par des images terribles. (Remarque.)

Mesdames et Messieurs, la politique est sérieuse, le drame afghan encore plus, traitons-le avec respect ! Le PLR refusera cette motion pour ces motifs. Merci, Monsieur le président. (L'orateur est interpellé. Commentaires.)

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC est fort satisfait de voir que les auteurs de la motion ont bien mesuré la cruauté dont les talibans sont capables et donc l'importance de la menace qu'ils font peser sur la population afghane. Les femmes, les homosexuels, les minorités religieuses ont tout à craindre de ces fous d'Allah, dont l'idéologie est qualifiée, à raison, de mortifère par les rédacteurs de la motion.

Cela dit, nous nous étonnons de voir que les mêmes qui soulignent les dangers qui planent sur l'Afghanistan restent sans voix face à un homme qui loue les talibans pour leur subtilité. En effet, le 23 août dernier, sur le site du «Temps», Hani Ramadan évoquait «des talibans qui maintiennent ouvertes des écoles fréquentées par des jeunes filles, et qui déclarent que, désormais, la filière des études leur est ouverte jusqu'à l'Université, et qui ajoutent que le port de la burqa ne sera pas obligatoire». Les mots utilisés par Hani Ramadan devraient à tout le moins choquer les motionnaires, tant ils sont éloignés de la réalité évoquée par les rédacteurs du texte dont nous parlons. Dans ces conditions, le groupe UDC attendrait un minimum de cohérence vis-à-vis du directeur du Centre islamique de Genève, actuellement en pleine démarche pour tripler son influence. Nous avons l'optimisme de penser que la discussion que nous menons ici ce soir constitue un premier pas dans la lutte que nous devons mener contre l'extrémisme islamique.

Sur le fond, le groupe UDC combattra la motion. Son titre, «Face à la tragédie afghane, Genève doit montrer l'exemple», nous semble une fois de plus arrogant vis-à-vis du reste de la Suisse qui connaît bien les exemples genevois surnommés «Genfereien». Un peu de modestie, s'il vous plaît ! La politique d'asile est de compétence fédérale. Dès lors, une telle motion relève plus de la gesticulation bien-pensante que de l'action politique.

Je conclus avec le point proposant que notre canton prenne en charge, en proportion de sa population et de ses moyens, les réfugiés afghans qui seraient attribués au territoire suisse. La clé de répartition des requérants se base sur des critères fixés par Berne. Cette requête n'est aucunement judicieuse, puisqu'elle revient à faire des réfugiés afghans une catégorie de requérants qui bénéficieraient d'une autre politique d'accueil que les demandeurs d'asile standards, si j'ose me permettre.

Le groupe UDC refusera cette motion et vous invite à faire de même. Je vous remercie de votre attention.

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse ne peut-elle vraiment rien faire de plus que d'évacuer 230 personnes d'Afghanistan - alors que nous avons vu, hébétés et abasourdis, les images de la prise de pouvoir par les talibans, alors que les Afghanes et Afghans qui vivent dans notre pays tentent de tenir le choc et tremblent de voir leurs proches, leurs amis restés au pays se barricader, chercher à fuir, craignant pour leur vie ? Le parti socialiste pense que la Suisse peut faire bien plus, doit faire bien plus. Un appel au Conseil fédéral a d'ailleurs été lancé au niveau national, signé déjà par plus de 45 000 personnes. Mme Keller-Sutter, dans sa communication lors d'une rencontre autour de cette question, a parlé, je cite, «de renforcer la protection des frontières extérieures de l'Union européenne, d'accélérer les procédures d'asile et d'appliquer une politique commune pour le renvoi des requérants déboutés». J'entends «renvoi», «frontières», «déboutés», «procédures». Aujourd'hui, nous devrions parler plutôt de solidarité, d'humanité, de soutien. Le canton de Genève se doit de prendre position et de s'engager. Il est nécessaire à notre sens de continuer à soutenir la population sur place, d'accueillir des personnes arrivant jusqu'à notre pays en mettant en place des voies sûres pour la relocalisation de femmes, d'hommes et d'enfants et de prendre en compte les demandes de visas humanitaires des proches des Afghans installés ici. Il est également urgent, au vu de la situation, de stabiliser et de régulariser le séjour de celles et ceux qui se trouvent déjà ici et dont la demande d'asile a été refusée. C'est l'objet de l'amendement que nous avons proposé, qui complète les propositions de cette motion, que nous soutiendrons.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Je tiens à revenir sur certains propos qui ont été tenus, notamment par le député PLR. Il nous dit que la position du Conseil fédéral, notamment de sa représentante du PLR, est indigne de la Suisse. Il vient nous dire que la situation en Afghanistan est tragique; que la Suisse doit apporter une réponse coordonnée avec les autres pays européens, bref, que nous ne pouvons rester silencieux face à la tragédie afghane. Mais in fine, il nous dit qu'il est urgent de ne rien faire. Or nous savons tous que si rien n'est fait dans les cantons, si les gouvernements cantonaux ne font rien, si les villes suisses ne font rien, il ne se passera strictement rien à Berne, et la Confédération se bornera à accueillir 230 personnes dans notre pays, ce qui est inacceptable !

Par ailleurs, je crois qu'il faut entendre les principaux intéressés et les Afghans eux-mêmes. La communauté afghane s'est réunie il y a trois semaines à quelques centaines de mètres d'ici et a déclaré: «Genève ne doit pas rester silencieuse !» Parce que la voix de Genève, au regard de la tradition de cette ville et de ce canton, c'est la voix de la lumière par rapport à un pays qui se dirige vers la nuit. Alors cela peut paraître dérisoire, mais cette voix-là, par rapport à ceux qui souffrent, compte.

Et puis, est-ce qu'on peut rester de marbre devant les problèmes de regroupement familial qui ont été exposés ? J'ai un ami qui est suisse, d'origine afghane, accueilli en Suisse en 1989, avocat et membre du même parti que M. de Senarclens, qui m'écrivait il y a quelques semaines qu'il avait de la famille en Afghanistan, mais qu'elle ne pouvait pas se déplacer, parce qu'évidemment, il est impossible de se rendre à Islamabad - là où se trouve l'ambassade suisse la plus proche d'Afghanistan -, compte tenu de la situation. Il faut aussi entendre les organismes comme Caritas ou le Centre social protestant, qui ont d'ailleurs écrit au Conseil d'Etat pour expliquer que le regroupement familial, aujourd'hui, est impossible; ils rapportent le cas de personnes qui se rendent, quand elles le peuvent - ce qui est difficile - en Iran: une fois arrivées là-bas, on leur indique qu'elles sont en sécurité dans ce pays, qu'on ne peut pas les accueillir, parce qu'elles ne répondent pas aux conditions. Dans ce contexte-là, il est évident que le regroupement familial doit être facilité et moins bureaucratique.

Enfin, par rapport à l'amendement du parti socialiste, nous avons accueilli depuis 2015 beaucoup de mineurs non accompagnés, certains étant devenus majeurs. Certains d'entre eux ont été déboutés. Ils n'ont pas accès à la formation, il y a donc une question très simple: est-ce qu'on veut qu'ils errent dans les rues, sans espoir, sans travail, sans formation, ou est-ce qu'on veut simplement leur offrir la possibilité de s'intégrer ? Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Dimier (MCG). Contrairement à ce qu'ont soutenu certains, je ne pense pas qu'il s'agisse de récupération politique et je trouve qu'il est indigne de tenir ce genre de propos dans notre parlement. On se trouve face à une situation absolument dramatique, qui doit tous nous interpeller. De là à dire qu'on doit accueillir tout le monde, il y a une limite ! La limite, pour les bancs de gauche et pour les bancs féministes, repose sur deux chiffres, basés sur les renseignements pris le plus récemment possible, non pas par des forces armées, mais par des organisations humanitaires. Ces deux chiffres ont provoqué notre amendement. Le premier chiffre, c'est la proportion des Afghans qui soutiennent la charia. Elle est de 90%. 90% de la population afghane est d'accord avec l'application de la charia ! (Commentaires.) Par ailleurs, 80% de cette même population est d'accord avec la lapidation de la femme adultère. Voilà ce qui a mené à notre amendement: bien entendu que nous devons faire preuve d'humanisme ! Bien entendu que nous devons accueillir les personnes en réel danger ! Mais avoir des gens qui viennent chez nous et qui soutiennent ce que nous combattons tous... Il y a là une incohérence, que même BHL - vous savez, ce philosophe qui est à la philosophie ce que le BHV est à l'artisanat... (Rires.) Il y a des limites ! Des limites que la décence nous empêche de franchir. Et bien entendu que lorsque nous proposons d'accueillir prioritairement des femmes, ce n'est pas un hasard ! C'est parce que ce sont elles les premières victimes, les meilleures cibles de ces cinglés d'Allah ! Et si nous proposons effectivement d'accueillir des chrétiens, j'entends volontiers la remarque de notre collègue de Matteis: oui, on a peut-être été trop restrictifs en ne visant ou en ne nommant que les chrétiens; il y a d'autres communautés, dans ce pays, qui sont en danger, et, chères collègues, chers collègues, j'accepte volontiers votre remarque... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et si vous voulez étendre l'amendement à d'autres communautés religieuses qui sont en danger, j'accueillerai avec plaisir cette remarque et ce sous-amendement. Mais pour le moment, nous vous recommandons tous...

Le président. Merci.

M. Patrick Dimier. ...de précisément ne pas faire de la récupération politique de deuxième zone, mais de vraiment, vraiment...

Le président. Merci.

M. Patrick Dimier. ...faire preuve d'humanisme pour les gens qui sont réellement en danger. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Bachmann, le PDC n'a plus de temps. Monsieur le conseiller d'Etat Mauro Poggia, vous avez la parole.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est évident que l'inaction des uns ne saurait pas justifier l'attentisme des autres, et personne n'est insensible à ce qu'il se passe dans ce pays aujourd'hui. Nous sommes tous choqués par les images qui ont été retransmises d'une population qui semble fuir un avenir sombre et par l'incapacité dont ont fait preuve les forces de la coalition à organiser un départ dans des conditions dignes et surtout à négocier avec les futurs dirigeants du pays le respect de règles minimales pour la population. Rien n'a été fait. C'est une fuite. Que font les forces de la coalition aujourd'hui pour essayer d'atténuer quelque peu le dégât humanitaire qui va être causé par cette décision ? Pas grand-chose. J'ai vu récemment que le Royaume-Uni avait rapatrié deux cents chiens et chats d'un refuge à Kaboul. Quand on sait que des personnes sur place risquent leur vie, on s'interroge. Est-ce que cela doit justifier de ne rien faire ? Certainement pas. Vous connaissez la parabole du colibri. Nous sommes certainement un colibri dans le panorama international et nous devons faire notre part. Nous devons même faire plus que notre part et nous l'avons toujours fait. Je vous rappelle qu'en 2014, lorsque est survenue cette dernière vague migratoire, qui n'était pas en provenance d'un seul pays, Genève a fait sa part, avec discrétion - et je le sais, puisque j'étais à la tête de la politique publique des affaires sociales à l'époque -, en acceptant avec quelques autres cantons de recevoir davantage de réfugiés, des réfugiés qui demandaient davantage de prise en charge encore. Parce que Genève n'est évidemment pas n'importe quelle ville du monde: elle a aussi un passé humanitaire, et ce n'est pas simplement notre image qu'il s'agit de sauvegarder, c'est bien entendu avant tout la vie d'hommes et de femmes - surtout de femmes - qui sont en danger là-bas.

Est-ce pour autant qu'il faut suivre ces textes qui partent bien sûr d'un bon sentiment ? Vous le savez, le Conseil d'Etat est déjà intervenu, après la Ville de Genève qui est bien sûr toujours prompte à prendre en premier toutes les décisions dans ces domaines. Toujours est-il qu'immédiatement, lorsque nous avons pu nous réunir, le Conseil d'Etat a écrit à Berne, en disant: «Nous devons faire davantage.» Qu'est-ce que signifie «davantage» ? Cela signifie assumer nos responsabilités, parce que nous avons, sur place, avec des ONG dont le siège se trouve ici à Genève, essayé de préparer autre chose, un autre Afghanistan, plus respectueux des droits de la femme, avec l'éducation, l'accès à la culture, et ces personnes, résidentes afghanes, qui se sont engagées aux côtés de nos ONG, seront bien sûr les premières cibles de ce nouveau gouvernement, parce qu'on peut douter sérieusement du fait qu'il y ait des talibans 2.0: je pense que ce que nous avons vu jusqu'ici risque fort de se répéter. Là, nous devons le faire. Nous devons le faire aussi avec des familles élargies, qui ont des liens ici en Suisse, parce qu'il y a une souffrance là-bas. Bien sûr, il y a la terreur, mais il y a aussi une terrible inquiétude des familles afghanes qui ont des proches sur place et qui aimeraient absolument faire quelque chose, qui sont même prêtes à s'engager financièrement, si le problème était financier, pour que leurs proches puissent venir ici et être pris en charge. Tout cela, Mesdames et Messieurs, mérite un travail de table de mixage; on ne se trouve pas devant un interrupteur «on - off»: ils viennent, ils ne viennent pas. Non ! Il faut voir qui on fait venir, dans quelles conditions, et il faut le faire vite. Ce n'est pas parce qu'il faut procéder avec réflexion que la lenteur doit s'installer. Le travail est en cours avec le Secrétariat d'Etat aux migrations et le Conseil fédéral.

Est-ce que cette motion va nuire ou aider ? Personnellement, je ne pense pas qu'elle aidera en quoi que ce soit, parce que les critères, vous l'avez bien compris, seront fixés à d'autres niveaux - également au niveau fédéral. Va-t-elle nuire ? Malheureusement, la Berne fédérale a l'habitude de recevoir en provenance de Genève des textes sur tous les événements qui se produisent dans le monde... (Commentaires.) ...parfois à raison, parfois à tort, et j'ai peur que, lorsque nous avons raison, comme dans l'histoire de «L'enfant qui criait au loup», on considère que cela fait partie des actions qui ont été menées à tort. Donc, personnellement, je suggérerais que vous vous absteniez, sachant que le Conseil d'Etat est acquis à la démarche que vous lui demandez d'entreprendre et qu'il fera le travail dans le sens que vous lui demandez. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous avons été saisis de plusieurs amendements. Nous allons commencer par le plus éloigné de la proposition initiale, à savoir la demande d'amendement général du MCG. Je précise que, en tant que proposition d'amendement général, ce texte écrase tout le reste - il remplacerait le texte de la proposition de motion et rendrait sans objet les autres amendements. Le voici:

«invite le Conseil d'Etat

- à demander au Conseil fédéral d'accueillir un contingent de réfugiées afghanes en âge d'étude;

- à demander au Conseil fédéral de recevoir les familles chrétiennes d'Afghanistan particulièrement exposées en raison de la nature même du régime qui a pris le pouvoir dans ce pays;

- à proposer que Genève participe à cet accueil dans la mesure de ses moyens, d'hébergement notamment.»

Je soumets à vos votes cet amendement, en reprécisant que s'il est accepté, il remplace tout le reste, et nous ne votons pas sur les autres amendements.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 72 non contre 18 oui et 4 abstentions.

Le président. Nous passons aux trois propositions d'amendements de M. Jean Burgermeister. Le premier modifie la teneur de la deuxième invite de la manière suivante:

«- à permettre un regroupement familial facilité et élargi à tous les proches de ressortissantes afghanes et de ressortissants afghans vivant en Suisse, sans entrave bureaucratique;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 46 non et 1 abstention.

Le président. Je vous invite à vous prononcer sur le deuxième amendement d'Ensemble à Gauche, qui modifie ainsi la teneur de la troisième invite:

«- à annoncer que le canton de Genève est disposé à accueillir au moins 1000 réfugiés afghans;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 40 oui et 2 abstentions.

Le président. Le dernier amendement d'Ensemble à Gauche ajoute une quatrième invite qui se présente comme suit:

«- à demander au Conseil fédéral que la Suisse participe à un effort international en vue de réinstaller des Afghanes et des Afghans ayant fui vers des pays voisins et d'établir des voies sûres et légales permettant aux Afghanes et aux Afghans de quitter le territoire avec ou sans visa, avant une répartition entre les différents Etats disposés à les accueillir.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 40 oui et 3 abstentions.

Le président. Nous passons au dernier amendement, présenté par Mme Léna Strasser et cosignataires, qui ajoute une quatrième invite que voici:

«- à faciliter et soutenir rapidement auprès des autorités fédérales la régularisation des requérants et requérantes d'asile afghanes déboutées vivant dans notre canton.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 43 non et 2 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2778 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 44 non et 1 abstention.  (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2778