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M 2513-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, David Martin, Pierre Eckert, Marjorie de Chastonay, Isabelle Pasquier, Frédérique Perler, Jacques Blondin, Jocelyne Haller, Olivier Cerutti, Guy Mettan, Cyril Mizrahi, Jean-Charles Rielle, Amanda Gavilanes, Sylvain Thévoz, Diego Esteban, Nicole Valiquer Grecuccio, Salima Moyard, Grégoire Carasso pour soutenir la présence de l'information citoyenne, locale et régionale dans la presse écrite
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 29 et 30 avril 2021.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de première minorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de deuxième minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. C'est maintenant le tour de la M 2513-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole échoit au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à l'occasion de son audition et de la présentation de son texte, l'auteur de cette proposition de motion en a rappelé la genèse, notamment en lien avec un projet de loi et une motion socialistes antérieurs. Le projet de loi prévoyait la création d'une fondation de soutien aux médias, laquelle s'est rapidement révélée non réalisable. Cet objet-ci, plus réaliste même s'il date de plus de deux ans, gomme les obstacles rencontrés lors de l'examen des deux précédents textes et devrait permettre au Conseil d'Etat, de façon plus souple et moins contraignante, d'accorder des aides indirectes à la presse, qu'elle soit gratuite ou non, par le biais de contrats de prestations, ceci dans le but d'assurer une information objective et citoyenne.

Les auditions auxquelles la commission a procédé nous ont permis de nous faire une idée aussi exacte que possible d'un secteur, la presse, mis à mal par des difficultés à la fois conjoncturelles et structurelles; c'était déjà le cas bien avant l'apparition de la covid-19, mais il est clair que cette crise n'a pas arrangé une situation déjà précaire. Entendue pour le Conseil d'Etat, la chancelière nous a informés qu'un groupe de travail interdépartemental planchait depuis un certain temps déjà sur le problème ainsi que sur les mesures envisageables pour y remédier. A cet égard, elle a clairement indiqué que le texte recueillerait un avis favorable et pourrait être intégré aux travaux de cette commission afin que celle-ci explore l'angle des contrats de prestations sur un modèle donnant-donnant.

De nombreux commissaires ont été sensibles à la concurrence déloyale que pourraient provoquer des aides directes aux médias ainsi qu'aux inégalités susceptibles de s'ensuivre, sans parler des traitements différenciés entre presse payante et gratuite. Mais pour la majorité de la commission, certes ténue, la conclusion de contrats de prestations selon des modèles déjà pratiqués d'une part apporte une aide bienvenue à un domaine sinistré, d'autre part garantit une information de proximité, vérifiée, citoyenne et objective.

Plusieurs reproches ont été adressés aux représentants des médias, par exemple la façon très sporadique dont les journaux locaux relatent les débats citoyens ou ceux de nos législatifs, de même que les activités festives ou associatives qui ont lieu dans notre canton. A titre de comparaison, certains journaux valaisans ou fribourgeois ne connaissent pas les mêmes écueils, car ils sont proches des citoyens et de leurs attentes, ce qui leur assure une popularité indéniable; on est loin du déménagement de pans entiers d'équipes rédactionnelles dans un autre canton ! S'ajoute à cela la crainte de financer de grands groupes de presse bénéficiaires sur un plan global.

Les cautèles prévues dans la présente proposition de motion, qui sont transmises au Conseil d'Etat, devraient permettre de pallier ce défaut. Sur cette base, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ce texte. Je vous remercie.

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de première minorité. Cette proposition de motion a donné lieu à d'intenses travaux en commission et surtout à des auditions très intéressantes qui ont mis à jour certains points importants. Tout d'abord, le Parlement fédéral n'est pas insensible à cette question lancinante et essentielle pour la démocratie que constitue la liberté de la presse, puisque le 19 mars dernier, il a voté une enveloppe globale de 150 millions de francs pour aider les médias. Ainsi, à l'échelle fédérale - et c'est à ce niveau-là que le problème doit être résolu -, les Chambres ont écouté les besoins exprimés par ce secteur. Ensuite, comme mon préopinant l'a rappelé, le canton de Genève ne reste pas les bras ballants face à cette préoccupation: la chancelière nous a indiqué que le Conseil d'Etat avait entamé une réflexion transversale afin de trouver la manière la plus efficace possible de soutenir la presse sans en entraver la liberté rédactionnelle. C'est là que se situe tout l'enjeu.

Avant tout, il s'agissait de définir le cercle des médias concernés ainsi que la notion d'information citoyenne. Les débats ont révélé qu'il est extrêmement difficile, voire impossible, de déterminer cette cible. Pour la gauche, c'est assez clair: comme d'habitude, seul «Le Courrier» remplit les exigences requises. Mais au fond, les choses ne sont pas si simples. De nombreux commissaires ont relevé que les journaux gratuits, à l'égard desquels la gauche affiche son plus profond mépris, proposent régulièrement des articles sur la vie politique genevoise; on peut citer «20 minutes», «GHI» ou «Tout l'immobilier» qui contiennent des informations citoyennes. Il en va de même des quotidiens «Tribune de Genève» et «Le Temps».

Cela dit, les médias électroniques, eux aussi, remplissent cette fonction. Nous avons procédé à l'audition de M. Serge Michel, cofondateur de «Heidi.news», qui s'est lui-même interrogé, en tant que professionnel, quant à la définition d'une information citoyenne. Pour lui - je partage largement son avis et tout le monde ici devrait en faire autant -, le traitement de la pandémie revêt un intérêt public majeur et, partant, doit être considéré comme de l'information citoyenne. A combien d'heures de débat nous sommes-nous livrés ici sur la question ? Voilà qui est beaucoup plus intéressant que nos états d'âme sur divers thèmes périphériques. «Heidi.news» propose par exemple des interviews de restaurateurs qui s'expriment sur leurs préoccupations, ce qui, là encore, est d'intérêt public et relève de l'information citoyenne. M. Michel estime que tous les médias abordant des sujets d'intérêt public pratiquent un journalisme citoyen.

Et il y a encore les jeunes qui, n'en déplaise à la gauche, ne lisent pas tous «Le Courrier» ! Ils s'informent différemment, sur les réseaux sociaux, via les médias électroniques, et à ce titre, la proposition de motion 2513 rate complètement sa cible.

Mais là où le bât blesse le plus, c'est sur la question des contrats de prestations et des partenariats... (Commentaires.) Est-ce que M. Baertschi, ancien journaliste, pourrait se taire ? Merci. (Rires.) Il est soumis à l'article 24 ! Le problème des contrats de prestations et des partenariats, c'est qu'ils peuvent porter un coup fatal à l'indépendance journalistique, qui est pourtant indispensable. La chancelière d'Etat, Mme Righetti, a attiré notre attention sur les risques d'une telle démarche, relevant que la meilleure solution consistait à commander auprès des journaux des prestations ponctuelles telles qu'annonces ou autres messages liés à l'action publique - on a vu cela pendant la pandémie; elle a expliqué que les outils liés à l'éducation civique ou à la formation des jeunes étaient beaucoup plus compliqués, parce qu'on entre tout de suite dans des luttes partisanes et qu'il est extrêmement difficile de rester objectif. De la même manière, M. Michel a exprimé sa perplexité en ce qui concerne l'idée de contrats de prestations; il pense à juste titre que des partenariats thématiques sont beaucoup plus porteurs.

Le dernier problème qui se pose, et nous en avons eu un exemple frappant que vous trouvez dans le dossier, c'est ce que «Le Courrier» appelle pudiquement des «partenariats rédactionnels», qu'il conclut avec Syndicom, le syndicat des médias et de la communication. En réalité, on parle d'encarts de plusieurs pages qui sont insérés dans le corps du journal. L'exemplaire joint en annexe à mon rapport est l'édition du 19 février 2021, qui contient un tel cahier... Que dis-je, un cahier, c'est un pamphlet ! Il ne s'agit absolument pas d'une information citoyenne ni d'un contenu éditorial, mais d'un mot d'ordre pour les votations du 7 mars 2021. Ce n'est pas de l'information citoyenne, mais de la propagande ! Est-ce vraiment cela que veulent la gauche et le PDC ? Venant de ce dernier parti, cela m'étonne. Bon, il est vrai qu'à une époque, «Le Courrier» était plutôt proche du PDC, mais enfin, c'est un passé lointain.

Pour résumer, il est extrêmement périlleux de conclure de tels partenariats et il faut prendre en compte l'ensemble des journaux et des médias. Cette proposition de motion est beaucoup trop réductrice, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle nous vous invitons à la rejeter. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne contestons ni l'utilité ni l'importance des médias pour une démocratie et surtout pour la libre formation de l'opinion. Par contre, il faut éviter de délivrer des aides mal ciblées qui provoqueraient une distorsion de concurrence et mettraient en danger la liberté de la presse, réduisant nos journaux à de simples agences de communication. En Suisse, radio et télévision appartiennent au service public; la presse écrite, quant à elle, est dans une très large mesure privée. Cet équilibre garantit la diversité et l'indépendance des médias.

Les contrats de prestations existent déjà, notamment pour des campagnes d'information comme celles que nous avons vues durant le covid ou pour diverses publicités - l'Etat, les communes et les collectivités publiques en font beaucoup. D'autres collaborations, telles que celle entre «Le Courrier» et Syndicom, relèvent carrément de l'action militante et contiennent des mots d'ordre pour les votations. De manière générale, tout contrat de prestations qui ne serait pas ponctuel et limité dans le temps, toute assistance subsidiaire crée inévitablement une distorsion de l'indépendance et de la neutralité de la presse.

Par ailleurs, les journaux ne possèdent pas tous la même structure: certains sont tributaires des abonnements, d'autres sont gratuits et vivent exclusivement grâce à la publicité. Dans le cas présent, les premiers seraient évidemment les grands gagnants. Pourtant, certains périodiques gratuits publient aussi de l'information citoyenne et, il faut le relever, atteignent parfois des tirages six à huit fois supérieurs à ceux des journaux fonctionnant avec des abonnements.

La Confédération apporte une aide indirecte à la presse écrite en réduisant les frais postaux et la TVA. En mars de cette année, les fonds alloués ont été augmentés, passant de 50 à 150 millions; il s'agissait notamment de soutenir la distribution, la presse associative, les médias numériques et la formation des journalistes. Vu la grande diversité des médias écrits ainsi que les différents modèles économiques et de fonctionnement des journaux, les assistances indirectes sont certainement les plus judicieuses. Pour ces raisons, le groupe UDC vous recommande de refuser cette proposition de motion. Merci de votre attention.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cet objet n'a pas la prétention d'apporter une réponse universelle aux défis que doivent affronter, depuis plusieurs années, tous les acteurs de la presse écrite et les médias en général. Il s'agit d'une modeste proposition de motion interpartis visant à soutenir le secteur afin de sécuriser la présence d'une information citoyenne, locale et régionale; elle invite le Conseil d'Etat à garantir celle-ci ainsi que le maintien des emplois en finançant la production de contenus par des contrats de prestations.

L'objectif peut sembler mineur, mais il faut bien attraper par un bout cet incommensurable problème que constitue la survie de la presse, qui est indispensable. Une presse, rappelons-le, dont l'existence, la diversité et la liberté représentent des instruments centraux pour la démocratie et la formation de la libre opinion. L'apparition des GAFA de même que les choix économiques et les stratégies commerciales pour lesquels ont opté les grands groupes de presse ont mis en péril non seulement l'information, mais également l'ensemble des structures et des métiers qui lui sont liés. Les affrontements entre groupes de presse et GAFA se font sur le dos des professionnels des médias et des usagers; ils représentent un danger pour la liberté et la diversité médiatiques.

Selon les professionnels de la branche auditionnés, en dépit de son ancienneté, ce texte demeure pertinent en raison de la crise actuelle et des divers plans d'économie annoncés. Diverses pistes seraient envisageables; ils en ont énuméré quelques-unes qui méritent d'être étudiées, telles que le financement d'annonces officielles ou une couverture partielle des pertes publicitaires par l'Etat. Il va sans dire que ces mesures ne doivent pas se développer au bénéfice des éditeurs, mais servir avant tout à la production de contenus journalistiques. D'autres cantons comme Vaud et Fribourg se sont dotés de moyens pour aider la presse; nous devrions, nous pourrions en faire autant.

Bien sûr, dès que l'on évoque la question des subventions aux médias, certains ne manquent pas de pousser des cris d'orfraie, esquissant les pires scénarios de presse étatique ou de manipulation de l'information, comme si le modèle actuel de concentration des médias en des mains privées garantissait l'indépendance et l'objectivité de ceux-ci. Non, Mesdames et Messieurs les députés, soyons sérieux: quel que soit le mode de financement des médias, nous ne devrions jamais admettre ou nous résigner au fait que les règles déontologiques et la vocation des journalistes soient contournées, voire trahies. A cet égard, un financement public pourrait même se révéler beaucoup plus exigeant que bien d'autres.

Il est indispensable d'agir contre l'érosion de la presse en oeuvre depuis des décennies: il faut préserver la proximité des médias, il faut maintenir et développer à tout prix le journalisme d'investigation, il faut assurer la fiabilité de l'information. Cette proposition de motion y contribue modestement, et c'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite à l'accepter et à la renvoyer au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). A travers cet objet, nous invitons le Conseil d'Etat à proposer un financement par contrats de prestations de l'information citoyenne, locale et régionale dans la presse écrite diffusée dans le canton de Genève, c'est l'un des critères. Parler de presse écrite ne préjuge pas du support: tout support de l'écrit est éligible. Ces deux précisions liminaires étaient utiles pour corriger les interprétations fallacieuses de M. Cuendet - j'en rectifie deux, mais son discours en était truffé.

Ce qui nous importe, c'est la qualité de cette information citoyenne dont nous voulons soutenir la production. Il peut s'agir des affaires des autorités exécutives du canton et des communes, des activités parlementaires du Grand Conseil et des Conseils municipaux, des débats politiques dans le cadre des votations, mais aussi de comptes rendus culturels et sportifs qui sont essentiels à la vie des diverses manifestations: voilà ce que nous appelons l'information citoyenne, dont nous observons l'érosion continue dans la presse écrite à Genève. Quelles en sont les raisons ? Eh bien il y a la délocalisation des rédactions, la concentration des médias et, partant, la réduction des effectifs de professionnels officiant sur notre territoire. Et qui dit moins de journalistes dit moins de sujets locaux. Or la disparition de l'information constitue un véritable danger pour le fonctionnement de notre démocratie et surtout pour la cohésion de notre communauté de destin.

Les contrats de prestations existent déjà pour des besoins ciblés, cela a été mentionné. L'Etat en conclut, certaines communes également, mais uniquement pour leur propre communication ponctuelle, sinon pour leur gloire. Les médias audiovisuels peuvent recevoir des financements fédéraux à travers l'OFCOM, lesquels sont complétés par des subventions. Je citerai un exemple bien connu, celui de Léman Bleu qui bénéficie de deux subventions - l'une du Grand Conseil, l'autre du Conseil municipal de la Ville de Genève -, mais qui pratique aussi les contrats de prestations avec des communes.

La presse écrite ne perçoit aucune aide. Les contrats de prestations sont donc nécessaires pour que les contenus citoyens soient rédigés par des journalistes locaux. C'est l'effet attendu de cette modeste proposition de motion, puisque tel est le qualificatif qui lui sied: un texte modeste dont nous espérons beaucoup. Je le répète, l'information citoyenne doit continuer à exister et à être produite ici, faute de quoi elle sera produite ailleurs, et ailleurs, on ne parle pas de Genève, on ne parle pas des affaires genevoises. Merci. (Applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour tuer tout suspense, le parti socialiste soutiendra cette proposition de motion; d'ailleurs, une partie du groupe l'avait signée lors de son dépôt. Comme cela a été dit, le texte vise à venir en aide à la presse écrite régionale. Alors nous avons déjà mené ce débat il n'y a pas très longtemps dans cette enceinte, mais aujourd'hui, on le sait, le secteur des médias est en crise. Ces dernières années, un certain nombre de titres ont disparu: citons par exemple «La Suisse» - on débute toujours par là, même si ça commence à dater -, «L'Hebdo», la version quotidienne du «Matin» ainsi que le furtif «Matin bleu», «dimanche.ch»... Il y en a d'autres et dans d'autres cantons romands.

Pourquoi perdons-nous tous ces journaux ? Parce qu'ils sont rachetés par de grands groupes de presse qui procèdent ensuite à des coupes, à des licenciements - ces charrettes dont on entend parler régulièrement - et à des fusions. Si les choses continuent comme ça, Monsieur le président, on n'aura bientôt plus qu'un seul titre romand qui s'appellera la «Tribune de 24 heures en 20 minutes» ! Ce sera notre dernier journal et cela posera de nombreuses difficultés quant à la pluralité de l'information.

L'un des problèmes, c'est la concurrence des réseaux sociaux, Facebook, Twitter, TikTok et compagnie, qui captent une part croissante du marché de la publicité, ce qui signifie qu'il y a moins de financements pour les médias traditionnels, donc moins de journalistes, donc une information de moins bonne qualité. Cela conduit à un certain nombre d'écueils, comme les fausses informations, les fameuses «fake news». A l'heure actuelle, sur les réseaux sociaux, il est vraiment difficile de distinguer le vrai du faux, les «fake news» y pullulent.

Ce qui est important pour nous, socialistes, et cela devrait être le cas pour la majorité de ce Grand Conseil, c'est de disposer d'une information qui soit de qualité, sourcée, indépendante et pluraliste. Le journalisme d'aujourd'hui consiste de plus en plus à reprendre tels quels les communiqués de presse envoyés par les partis ou les organismes sans prendre le temps de réaliser un travail d'approfondissement de l'information. C'est la raison pour laquelle le PS avait récemment proposé de créer une fondation pour soutenir la presse écrite et audiovisuelle, mais la majorité de ce parlement avait refusé ce projet. Dès lors, nous accepterons la proposition de motion de notre collègue François Lefort qui vise à financer la presse via des contrats de prestations. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Baertschi pour deux minutes quarante-trois.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ainsi que l'a très justement souligné un préopinant, l'information est essentielle à la démocratie. Tout comme lui et d'autres intervenants, nous déplorons la dégradation des médias genevois locaux; le secteur se ratatine, se réduit, et nous le regrettons.

Le MCG a décidé de soutenir le principe des contrats de prestations. Toutefois, si la proposition de motion est acceptée, nous imposerons des règles très strictes quant à leur application et veillerons à ce que leurs conditions soient parfaitement respectées. A notre sens, un tel dispositif doit concerner l'information judiciaire, c'est-à-dire des tribunaux, l'information parlementaire, l'information sportive et d'autres thèmes qui constituent le centre de notre vie locale. Il faudra édicter des règles précises, élaborer un cahier des charges quant au travail informatif et au pluralisme, vérifier qu'il n'y ait pas de dérives à l'image de celles que l'on constate usuellement. Qui dit financement public dit obligation d'offrir un service public, l'idée n'est pas de s'arroger un pouvoir excessif comme c'est parfois l'usage dans les médias.

Nous serons attentifs à ce que l'on finance des journaux genevois, et pas des multinationales aux noms exotiques qui nous viennent d'on ne sait où et qui installent leurs rédactions à Lausanne ou Pétaouchnock; nous veillerons à ce qu'il y ait des employés locaux et qu'on ne se retrouve pas avec des services truffés de frontaliers, comme c'est souvent le cas dans les entreprises du canton, malheureusement, puisque les milieux politiques laissent faire. Nous nous assurerons que tout cela soit respecté, mais nous irons dans cette direction. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Il ne reste plus que vingt secondes au groupe MCG, Monsieur Cerutti.

M. Thierry Cerutti (MCG). Très bien, ça suffira pour confirmer les propos de mon collègue François Baertschi. En effet, le Mouvement Citoyens Genevois a voté cette proposition de motion à la commission de l'économie, mais attention: si nous sommes d'accord d'apporter un appui à la presse genevoise - c'est tout à fait normal et acceptable -, celle-ci doit jouer le jeu et informer le public de manière équitable sur les activités de tout le monde, et surtout pas verser dans le clientélisme.

Le président. Merci bien. La parole va maintenant à M. Jacques Blondin pour deux minutes quarante et une.

M. Jacques Blondin (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter tout ce qui vient d'être dit, je voudrais juste reprendre le qualificatif employé par M. Cuendet - vous lui demanderez la permission de ma part, Monsieur le président -, à savoir «périlleux». Ce qui est périlleux, c'est la disparition de la régionalité, de la pluralité de la presse écrite et, avec elles, d'une information citoyenne étayée.

Comme on l'a entendu, de nombreux textes ont été discutés à la commission de l'économie, mais la plupart ont été refusés, parce que personne ne voulait d'une usine à gaz. Au final, et cela a été souligné par d'autres, la solution idéale n'existe pas. C'est la raison pour laquelle, faute de mieux - et nous nous en excusons auprès des médias -, le PDC s'est rallié à cette proposition de motion, car chacun est conscient qu'il est nécessaire d'agir d'une manière ou d'une autre.

Evidemment, il faudra établir des cautèles pour qu'on respecte la démocratie et la pluralité, imposer des règles, ne pas tomber dans des puits sans fond, mais ce que nous souhaitons avant tout, c'est éviter la disparition de la presse écrite, qu'elle soit payante ou gratuite, c'est ne pas devenir dépendants des réseaux sociaux où rien n'est contrôlable, ce qui signifierait une hégémonie complète des GAFA. Aussi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir cet objet. Merci.

Le président. Je vous remercie. Monsieur André Pfeffer, vous avez à nouveau la parole pour deux minutes quarante-sept.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci. Je répète que notre groupe ne soutiendra pas cette proposition de motion. L'intention est certes louable, mais cet objet que je qualifierais de «prétexte» n'améliorera en rien la situation: il confond information citoyenne et intérêt du public, crée une distorsion de concurrence entre les journaux gratuits et ceux à abonnements et favorise indiscutablement l'ingérence de l'Etat, puisque celui-ci financerait une partie des informations.

Je rappelle que l'équilibre actuel en Suisse est fondé sur le fait que la presse écrite est principalement privée tandis que les médias audiovisuels - radio et télévision - bénéficient d'une subvention publique. Le second principe qui fonctionne bien dans ce pays, c'est que l'Etat diminue les frais de distribution pour les journaux. Pour ces raisons, le groupe UDC ne votera pas ce texte. Merci.

Le président. Merci à vous. Monsieur Lefort, je vous cède la parole pour vingt et une secondes.

M. François Lefort (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Cuendet que dans le roman prophétique «1984», l'information du parti est diffusée par des «télécrans». J'ai cru comprendre que M. Cuendet préconisait ces «télécrans». Le danger, c'est toutefois qu'un jour, il ne reste plus qu'un seul «télécran», un seul émetteur, un seul GAFA, et je ne peux pas concevoir que ce soit là le souhait de M. Cuendet: un libéral ne peut pas vouloir un acteur unique sur un marché. Pourtant, à observer l'érosion actuelle de la presse, c'est bien ce qui risque de se passer. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelques semaines, dans cette même enceinte, nous avions déjà mené un long débat sur le soutien à la presse, je ne reprendrai donc pas l'entier des arguments du Conseil d'Etat. Je tiens simplement à vous dire combien il est important pour nous de disposer d'une presse de qualité, diversifiée et plurielle, qui soit le reflet de la multitude des opinions au sein de la population.

Je vous répète ce que je vous avais indiqué lors de la dernière discussion - il me semble que cela figure dans le rapport -, à savoir que le Conseil d'Etat a entamé une réflexion par le biais d'un groupe de travail interdépartemental: des représentants de différents départements sont en train de plancher sur de potentielles mesures d'aide aux médias. Le concept des contrats de prestations fait partie des dispositifs examinés. Par conséquent, un renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat conforterait la réflexion en cours et encouragerait les membres du groupe de travail à approfondir cette piste.

Cela étant, le Conseil d'Etat estime également qu'une bonne part des financements doivent provenir de Berne; c'est d'ailleurs ce qui a été discuté et accepté récemment par le Parlement fédéral. De plus, le soutien ne se limite pas à la presse écrite. Quand bien même les médias audiovisuels publics bénéficient de la redevance, il se trouve que seule une toute petite partie de celle-ci est reversée à ceux actifs sur le plan local. Il existe d'autres manières de secourir le secteur, par exemple l'achat de prestations, ceci en garantissant naturellement la liberté journalistique. C'est ce que fait le Conseil d'Etat aujourd'hui, il noue des partenariats avec des radios, avec Léman Bleu, avec la presse écrite; nous commandons tout simplement une prestation, et le journaliste dispose d'une totale indépendance pour la réaliser.

Je vous donne un exemple: en matière de formation professionnelle, nous avons conclu un partenariat avec Léman Bleu, qui présente des métiers dans le but d'encourager l'apprentissage. Le média dispose d'une entière liberté rédactionnelle, simplement cette prestation fait partie de la mission d'information que l'Etat déploie auprès des familles, auprès des jeunes quand ceux-ci sont confrontés au choix d'un emploi.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs, nous vous encourageons à accepter cette proposition de motion, sans toutefois pouvoir vous garantir que c'est exactement le dispositif qui sera retenu au final. Nous l'envisageons comme une manière de soutenir le Conseil d'Etat dans la démarche qu'il a entreprise et qui lui permettra de vous proposer, d'ici quelques semaines ou mois, un mécanisme complet d'aide aux médias locaux. Merci.

Le président. Je vous remercie, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.

Mise aux voix, la motion 2513 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 32 non.

Motion 2513