République et canton de Genève

Grand Conseil

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Discours de M. François Lefort, président sortant

Le président. Mesdames et Messieurs les députés,

Madame la présidente du Conseil d'Etat,

Monsieur le conseiller d'Etat,

Vous m'avez élu l'année dernière président du Grand Conseil de la République et canton de Genève et je vous avais remerciés pour cette confiance et cet honneur. Je vous avais aussi promis d'être le président de toutes et tous, de présider les débats avec sérénité et bienveillance, promesse que j'ose croire avoir tenue, peut-être surtout grâce à vous, d'ailleurs.

Un journaliste m'interrogeait hier sur la difficulté à maîtriser les débats soi-disant véhéments de notre Grand Conseil. Je vous le confie, je ne les ai trouvés ni véhéments ni difficiles en quoi que ce soit. Nous avons eu certes des moments d'émotion, d'animation, mais le respect a principalement prévalu et, en nous respectant, c'est notre république que nous respectons.

Je vous avais dit que, si la pandémie n'était pas terminée, le pire était derrière nous. Je me suis trompé par excès d'optimisme. Le chemin a été plus long, la pandémie plus forte, et nous n'en sommes pas encore arrivés au terme, c'est-à-dire à la disparition totale de cette maladie. Nous avons collectivement résisté; continuons donc de nous protéger pour protéger les autres, simplement !

Cette pandémie nous a conduits à un exercice d'introspection. Les anciennes pandémies, les grandes épidémies de grippe depuis le XIXe siècle - on parle souvent de la grippe espagnole, mais il y a eu plusieurs autres pandémies de grippe auparavant - ont causé d'importants dommages. Celle que nous vivons n'est donc pas la pire, mais nous la vivons avec nos peurs et nos doutes. Certains d'entre nous l'ont vécue dans leur chair, comme du reste plus de 10% de la population genevoise. Cette pandémie a paradoxalement permis à notre planète et à ses écosystèmes de reprendre leur souffle. Sachons utiliser ce «coup de frein» exogène pour trouver un nouveau rythme compatible avec notre environnement !

Les conséquences de ce virus, encore largement méconnu après une année - même si nous avons beaucoup appris - sont tangibles, mais nous avons pu, nous, Grand Conseil et Conseil d'Etat, subsidiairement à la Confédération, mettre en place des sauvegardes urgentes pour les secteurs économiques les plus touchés. Et quand je parle des secteurs économiques les plus touchés, je pense vraiment aux personnes affectées par la fermeture totale de leurs domaines d'activité et aux conséquences sur leur vie - employeurs et employés.

Notre parlement ne s'est pas disputé pour mettre en oeuvre ces aides qui ont permis et permettront encore à des milliers de personnes de notre communauté genevoise de survivre dignement aux effets de la pandémie, puis de reprendre leurs activités. Le tourisme, la restauration, l'hôtellerie, la culture, l'agriculture et toutes les activités connexes à ces secteurs ont été considérés.

Nous avons fait au mieux et souvent dans l'urgence. Nous avons aidé à éviter le pire; c'est ce que nous faisons le mieux d'habitude, mais nous l'avons encore mieux fait cette année, et je vous en sais gré. La politicaillerie - terme dans lequel je vois le mot-valise hybride formé par la fusion de «politique» et «quincaillerie», plutôt que sa définition de politique basse et mesquine - a été rare cette année, quoiqu'il en subsiste toujours quelques traces.

Non seulement nous avons pu siéger depuis mai 2020 par dérogation du Conseil fédéral, mais nous avons eu aussi la chance de disposer de très belles salles pour nous réunir en plénière. Que soient ici remerciés le Centre international de conférences de Genève et l'Organisation météorologique mondiale de nous avoir offert l'hospitalité durant cette année particulière. Il vaut la peine de le relever, car cette situation privilégiée est rare dans les autres cantons. Il convient également de remercier le Conseil d'Etat et l'Université de Genève de nous avoir fourni des salles de réunion pour les commissions compatibles avec les prescriptions sanitaires.

Le parlement a toujours répondu présent au service de la population, aujourd'hui et demain. Si nous avons fait au mieux, nous avons continué de bâtir le futur pour celles et ceux qui nous succéderont: de nouvelles écoles, de meilleures conditions de travail pour le personnel, pour les étudiantes et étudiants de l'université et de la HES Genève, de nouveaux blocs opératoires et de meilleurs systèmes de gestion de l'information pour les HUG, de nouvelles pistes cyclables, près d'un milliard et demi de francs d'investissements dans l'entretien et l'acquisition d'équipements pour tous les départements de l'Etat. Ces quelques exemples parmi tant d'autres montrent que nous avons aussi pris en compte le long terme et pas seulement l'urgence.

Nous retrouverons bientôt aussi, je l'espère, un fonctionnement normal et arpenterons à la fin de l'année les rues de la Vieille-Ville, où nous attend notre nouvelle salle du Grand Conseil rénovée qui, je le sais, sera la salle emblématique de la république, tant pour notre Grand Conseil que pour le Conseil municipal de la Ville de Genève, voire pour d'autres événements publics au service de la population.

A cet aimable journaliste qui me taquinait hier sur cette présidence particulière, d'une année particulière, et sur ces représentations publiques qui m'auraient manqué, je dirais que je n'ai pas manqué d'événements spéciaux, rares et précieux du fait de leur rareté. Je me souviens notamment avoir participé à la première conférence virtuelle de toutes les présidences des parlements suisses, des parlements cantonaux, du Conseil national et du Conseil des Etats pour évaluer comment la Suisse avait résisté à la pandémie, où Genève avait d'ailleurs été particulièrement mis en valeur. Nous avons aussi eu l'honneur d'accueillir fin juillet les présidences des Chambres fédérales, curieuses de s'instruire sur la façon dont Genève avait fait face à la pandémie. Quand je dis «nous», en fait je parle de vous, parce que c'était en votre nom.

Quand je dis «nous», je pense aussi au secrétariat général du Grand Conseil, particulièrement à M. le sautier Laurent Koelliker et à Mme la secrétaire générale adjointe Irène Renfer, les gardiens de la loi portant règlement du Grand Conseil - non, Monsieur Vanek, ce n'est pas vous le gardien, ce sont M. le sautier et Mme la secrétaire générale adjointe ! Ils m'ont accompagné cette année, m'ont conseillé, m'ont parfois - mais rarement - freiné, comme ils le font d'ailleurs avec tous les présidents, car tel est leur sacerdoce.

Monsieur le sautier, Madame la secrétaire générale adjointe, je vous remercie infiniment pour votre service exemplaire, à notre service, mais également pour votre amitié. Je remercie aussi sincèrement l'ensemble de votre secrétariat, discret mais tellement essentiel à nos travaux.

A ce journaliste taquin, je dirais enfin que je n'ai manqué de rien, tant notre vie parlementaire a été riche, mais surtout utile cette année plus encore. J'ai remonté ces avenues du quartier des Nations, puis de Sécheron, avec émotion parce que je savais que je venais retrouver les élus de la république, animés de la même flamme au service de la population, pour construire le futur, dans la diversité de nos opinions, mais à la fin toujours avec une majorité créatrice.

Malgré la pandémie, nous avons fait vivre la république au service des citoyennes et citoyens de ce canton et, soyez-en assurés, nous continuerons. Vive la république ! Vive Genève ! (Longs applaudissements. M. Diego Esteban remet un bouquet de fleurs à M. François Lefort.)

La parole est demandée par M. le député Yvan Zweifel. C'est bien juste ?

M. Yvan Zweifel (PLR). Je l'avais demandée au point 9 «Annonces et dépôts», mais comme nous n'y sommes plus... En tout cas félicitations pour cette année ! (Rires.)

Le président. C'est un peu court ! Un peu court ! La parole va maintenant à M. le député Boris Calame.

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président du Grand Conseil, mon cher François, ta personne ne doit pas être confondue avec François Jacques Lefort, né à Genève le 2 janvier 1656. Celui-ci a été général et amiral du tsarat de Russie sous Pierre le Grand, et bienfaiteur de Genève en faisant parvenir à sa ville natale une grande quantité de blé lors de la famine de 1694. C'est aussi pour cela qu'une rue à Genève porte son nom et non le tien. Son père, Jacques Lefort, était marchand et calviniste affirmé, bien loin de toi qui es un fervent défenseur de la laïcité de l'Etat. Il semblerait qu'il était membre du Conseil des Deux-Cents de Genève, aussi communément nommé le «Magnifique Conseil». Toi qui aimes particulièrement défendre et protéger les institutions, j'ose imaginer que tu aurais eu du plaisir à siéger au sein du «Magnifique Conseil». L'histoire n'a pas tout à fait voulu cela pour toi et ta modestie légendaire t'a retenu de vouloir renommer ainsi notre Grand Conseil le temps de ta présidence.

Aujourd'hui, après neuf années au Bureau, trois vice-présidences et une brillante présidence de notre Grand Conseil, tu quittes le perchoir pour rejoindre la basse-cour ou le bac à sable, c'est selon. Neuf ans, ce n'est pas rien: tu as fait bien plus que les deux années de purgatoire qui sont désormais nécessaires pour accéder à la présidence. Et au lieu d'accéder au paradis des apéros dînatoires, discours et cérémonies de couper de ruban, tu as dû faire avec le covid qui a joué les prolongations.

Tu as su accompagner et contenir nos débats masqués avec brio, malgré les contraintes imposées. Tu aurais dû être mieux fêté lors de ton accession à la présidence et ce soir lors de ton retour dans l'arène; la situation nous l'interdit, mais nous saurons nous rattraper ultérieurement.

Tu as assuré ton mandat en t'interdisant de participer directement aux débats; ainsi, tu as toujours eu une position non partisane dans le cadre de ta fonction, ce qui doit être salué. Pour ma part, je me réjouis que tu viennes enfin occuper cette place qui est vide, ici à côté de moi, depuis bien trop longtemps.

On te connaît gourmet, grand connaisseur de notre terroir et inconditionnel défenseur de nos productrices et producteurs locaux. J'en veux pour preuve que tu as déposé dernièrement un projet de loi qui entendait soutenir les producteurs de boissons fermentées du canton - plus simplement dit, la multitude de brasseurs de Genève. Comme tu sais être particulièrement convaincant, ton projet de loi a été intégralement traité et voté - à l'unanimité de notre Grand Conseil, je crois - en seulement trente-huit jours, ce qui est pour le moins exceptionnel.

Ton parcours politique s'est nourri notamment de tes expériences d'enfance dans l'Allier, non loin de Vichy et donc de ses eaux minérales, ce qui pourrait sembler cocasse pour un Vert, si ce n'est que tu es un fervent défenseur de l'eau... des Eaux-Vives ou, plus justement, de la plage du même nom, pour laquelle tu as intensément oeuvré au sein de notre parlement afin d'y assurer la réalisation d'une bonne moitié des commodités.

Tu es professeur ordinaire à l'HEPIA depuis bientôt vingt ans, docteur en biologie depuis trente ans et membre des Verts depuis plus longtemps encore. Certains aiment d'ailleurs t'appeler «professeur Géranium», à ne surtout pas confondre avec le professeur Tournesol, mais - promis - cela reste entre nous !

J'aurais envie de reprendre à mon compte les propos de Marc Bretton, journaliste à «La Julie», qui écrivait à la fin de son article du 14 mai 2020: «On l'aura compris, François Lefort est un scientifique, un parcours qui vaccine un peu contre les bobards. Une protection bien utile par les temps qui courent.» Dans le même article, un de tes amis dit de toi: «C'est un homme adorable, généreux, un gros bosseur, mais qui parle beaucoup trop vite.» J'ajouterai: «Et trop doucement» ! Que dire encore du flegme que tu peux parfois dégager et de ton côté pince-sans-rire ? On ne se refait pas, et ta parole, ton amitié et ton expérience nous sont précieuses. Mon cher François, au nom du groupe des Verts je te souhaite un bon retour parmi nous.

Je me dois de conclure par un propos que je t'adresse pour le compte du secrétariat général du Grand Conseil. S'il y a un endroit qui reste méconnu de tout un chacun, c'est bien le lieu de villégiature des stylos de François Lefort. Essayez seulement de lui en laisser un, cela n'y changera rien, il n'en aura jamais avec lui ! Dans une dernière tentative, mais sans beaucoup d'espoir, le secrétariat général est heureux de lui offrir, par mon intermédiaire, une pleine boîte de stylos. (Rires. Applaudissements. M. Boris Calame remet à M. François Lefort une boîte de stylos et une bouteille de vin.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, pour ces paroles fort aimables... (Remarque.) Je disais que je le remerciais pour ses paroles fort aimables, mais je lui rappelle que nous siégeons aussi au «Magnifique Conseil» ! Je cède à présent le micro à Mme la députée Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. C'est pour l'élection de votre successeur. Elle a déjà été annoncée, n'est-ce pas ?

Le président. Nous y venons maintenant !