République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12186-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Sandro Pistis, François Baertschi, Thierry Cerutti, Francisco Valentin, Florian Gander, Pascal Spuhler, Jean-Marie Voumard, Henry Rappaz, Daniel Sormanni, Christian Decorvet, André Python, Jean-François Girardet, Danièle Magnin, Patrick Dimier modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Une aide à domicile garantie pour tous)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 9 et 10 avril 2019.
Rapport de majorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de minorité de M. Pierre Conne (PLR)

Premier débat

Le président. Nous arrivons à notre dernière urgence, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi constitutionnelle propose simplement l'inscription dans notre constitution d'un article 174A construit de la même manière que la disposition relative aux HUG, à l'article 174, et celle relative à l'Hospice général, à l'article 214. Il consiste, de fait, à inscrire dans la constitution une garantie de couverture du déficit de l'IMAD.

Il ne s'agit pas là d'un privilège accordé à un organisme simplement pour le flatter ou lui faire plaisir; il n'est question que d'une garantie à un établissement public chargé d'une mission d'utilité publique afin qu'il puisse remplir son mandat sans risquer en cours d'année de ne plus pouvoir répondre aux besoins de la population à qui il s'adresse. Rappelons que l'IMAD est soumise à l'obligation d'admettre, qui plus est dans un contexte d'augmentation des besoins et de vieillissement de la population. Personne ici ne tolérerait que des réponses négatives soient opposées aux usagers dans le dernier quart de l'année, par exemple, sous prétexte que les budgets seraient épuisés; personne n'accepterait cela. Il faut donc une garantie de couverture du déficit de l'IMAD.

Durant les débats, deux éléments se sont invités, pas directement liés à l'objet, mais non dépourvus d'un certain rapport avec le thème, et ont occupé une grande partie des travaux de la commission: la décision du Tribunal fédéral relative à la planification sanitaire et la question du financement résiduel. Je les mentionne simplement parce qu'ils nous ont beaucoup occupés, mais je préférerais que nous ciblions notre discussion sur la question centrale de ce projet de loi, l'inscription dans la constitution de la garantie de couverture du déficit.

Au cours du débat, une majorité d'entre nous a convenu qu'il est nécessaire de donner cette garantie à l'IMAD. Le rapporteur de minorité, vous allez l'entendre, a estimé que ce n'était pas nécessaire; qui plus est, il a poussé le bouchon - je dirai cela pour ne pas dire autre chose - jusqu'à proposer par le biais d'un amendement général la suppression de la garantie de couverture du déficit existant aujourd'hui pour les HUG. La majorité de la commission vous invite à refuser cet amendement général et à accepter le projet de loi constitutionnelle. Je reprendrai la parole plus tard pour évoquer d'autres aspects.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, effectivement, la minorité de la commission vous propose de refuser cette nouvelle disposition qui prévoit d'inscrire dans la constitution la garantie de couverture du déficit d'exploitation de l'IMAD. Ce projet de loi part du principe que, puisque les HUG bénéficient de la garantie constitutionnelle, l'IMAD doit en bénéficier aussi: logiquement, il fallait se demander s'il était toujours pertinent actuellement que cette garantie constitutionnelle soit donnée aux HUG. Notre réponse est non. Je vais commencer par vous démontrer pourquoi il faut refuser ce projet de loi et ne pas accorder une garantie constitutionnelle de déficit à l'IMAD. Il faut d'abord se poser la question: est-ce souhaitable ? Je vous montrerai que non. Ensuite, est-ce utile ? Je vous montrerai que non. Enfin, est-ce équitable ? Je vous montrerai que non.

Pourquoi n'est-ce pas souhaitable ? Ici, la question n'est pas de savoir si nous allons continuer à financer l'IMAD ou pas. Bien sûr que nous allons continuer à la financer ! Or, actuellement, l'IMAD peut faire des demandes de crédits supplémentaires si besoin; lorsque ceux-ci sont mal formulés ou que l'argumentation ne convainc pas la commission des finances, l'institution est obligée de prendre des mesures structurelles ou fonctionnelles de manière à rentrer dans les clous par rapport au budget. Donner cette garantie constitutionnelle priverait notre parlement et, pour lui, la commission des finances, de sa surveillance sur le fonctionnement de l'IMAD, son organisation et le bien-fondé de l'augmentation de ces crédits supplémentaires. Ce n'est donc pas souhaitable.

Est-ce utile ? Sûrement pas. Pourquoi ? Les activités de l'IMAD - assurer les soins à domicile - sont planifiables, Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qui nous est raconté. Les périodes de transfert, soit les retours à domicile de personnes après un séjour hospitalier pour être prises en charge par l'IMAD, peuvent se planifier sans surcharges ponctuelles occasionnant des pics d'activité, pour autant qu'elles soient bien coulissées, bien coordonnées entre les professionnels des HUG et ceux de l'IMAD. Ce n'est donc pas utile.

Est-ce équitable ? Ce n'est sûrement pas équitable, Mesdames et Messieurs. Pourquoi ? Nous venons d'adopter la nouvelle loi sur l'organisation du réseau de soins en vue du maintien à domicile, qui donne la compétence de dispenser des soins à domicile à toutes les organisations privées et publiques, dont l'IMAD, qui remplissent différentes conditions fixées dans cette nouvelle loi pour avoir droit à un financement de l'Etat. Alors pourquoi donner cette garantie constitutionnelle à l'IMAD et pas aux autres organismes de soins à domicile ? Ce n'est pas du tout équitable.

Je rappellerai ensuite que selon cette nouvelle loi sur les soins à domicile, l'IMAD peut mettre fin aux soins si la situation dépasse ses capacités. Lui donner une garantie constitutionnelle alors que d'après la nouvelle loi que nous avons votée, elle a la possibilité de dire que la situation dépasse ses capacités et qu'elle ne peut pas l'accepter, c'est complètement illogique.

Concernant les HUG, je l'ai dit, ce projet de loi sur la garantie constitutionnelle de déficit pour l'IMAD s'y réfère en postulant que puisque les HUG en disposent, l'IMAD doit en disposer aussi. Or, depuis la réforme de la LAMal de 2012, qui met sur pied d'égalité les hôpitaux privés et publics sur le plan de la planification et des financements, il n'y a aucune raison que les HUG seuls bénéficient d'une garantie constitutionnelle de déficit, alors que d'autres établissements hospitaliers du canton remplissent les conditions d'octroi de mandats de prestations. L'IMAD devra être soumise aux mêmes règles et répondre aux mêmes exigences.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission vous invite premièrement à refuser le projet de loi qui prévoit d'inscrire dans la constitution la garantie de déficit d'exploitation de l'IMAD et deuxièmement d'accepter l'amendement général qui prévoit de retirer cette garantie constitutionnelle aux HUG. Je vous remercie de votre attention.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, dans un contexte de vieillissement de la population; dans un contexte de volonté de développer l'autonomie des personnes âgées en vue d'éviter au maximum les hospitalisations et les institutionnalisations; dans un contexte où les durées des séjours à l'hôpital sont raccourcies et où les besoins en soins aigus à domicile sont en augmentation; mais aussi dans un certain contexte budgétaire - je parle de celui de l'année passée, 2019, où nous avons dû voter des amendements afin d'aider l'IMAD avec des crédits supplémentaires à hauteur de 4 millions - les Vertes et les Verts accepteront ce projet de loi.

Ils l'accepteront parce que l'IMAD a une obligation d'admettre 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, 365 jours par an, une obligation imposée par l'Etat dans son contrat de prestations, et ceci en dépit des ressources budgétaires. Mais également parce que les heures de déplacement, soit 330 000 par an, ne sont pas remboursées par la LAMal - et il y a aussi des coûts particuliers.

Les Vertes et les Verts accepteront ce projet de loi en outre parce que l'IMAD subira inévitablement encore des augmentations de ses charges et qu'elles sont difficilement quantifiables, parce qu'elles fluctuent en fonction de l'évolution du réseau des soins et des besoins de la population, mais aussi parce que, comme ma préopinante, Mme Haller, l'a dit, tout comme les HUG ou l'Hospice général qui, eux, bénéficient déjà de la couverture de déficit, l'IMAD remplit une mission de prestations à la population qui est au coeur du système public de soins hospitaliers et de soins à domicile de notre canton. Par conséquent, avec cette garantie, tout comme les HUG et l'Hospice général, l'IMAD serait à l'abri des aléas budgétaires.

En conclusion, en l'état actuel, où il n'y a pas encore de nouvelle planification sanitaire, pour nous, les Vertes et les Verts, il serait incohérent de continuer à imposer une tâche à l'IMAD sans lui donner les moyens de l'accomplir. Pour nous, il s'agit d'une manière de garantir des soins de qualité à la population sans passer par la case restrictions. Cela permettrait aussi à l'IMAD d'exercer son mandat de façon plus sereine, en attendant la mise en vigueur des autres lois. C'est pourquoi les Vertes et les Verts soutiendront ce projet de loi qui donnera une base constitutionnelle pour compenser les déficits: ainsi, il sera garanti à l'IMAD une couverture de déficit. Nous refuserons bien évidemment l'amendement général PLR concernant les HUG. Merci.

M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, vous ne serez pas surpris, les socialistes sont favorables à ce projet de loi qui demande une aide à domicile garantie pour toutes et tous. L'IMAD est le seul établissement de droit public en matière de soins à domicile. La LAMal prévoit que ce financement constitue pour l'Etat de Genève une dépense obligatoire, prescrite par une loi fédérale. Ajoutons l'obligation d'admettre, le vieillissement de la population, l'augmentation des maladies chroniques et la complexification des prises en charge. L'IMAD est donc une institution pivot qui ne peut ni réduire ses activités ni augmenter ses revenus. Elle ne peut que compter sur l'Etat. Les garde-fous sont en place, les prestations auxquelles cette garantie est accordée restant fixées dans le contrat de prestations. Voter ce projet de loi représente un engagement en faveur de prestations à domicile de qualité, qui permettra de ne pas devoir faire des choix douloureux notamment dans la réduction des prestations liée à des budgets peu évolutifs. Le groupe socialiste vous invite à ce que nous prenions nos responsabilités et donc à voter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien ne votera pas ce projet de loi. Pourquoi ? Ne pas le voter, ce n'est pas être contre l'IMAD. Il faut se poser les bonnes questions: pourquoi l'IMAD a-t-elle épuisé ses fonds propres et se retrouve-t-elle dans une situation où elle va manquer d'argent ? Réagir en se disant que puisqu'elle manque d'argent, on va lui donner une garantie financière, sans se demander pourquoi elle manque d'argent, ça ne constitue pas la bonne réponse. Si cette institution en manque, c'est qu'elle a commencé à assumer des tâches qu'elle n'aurait jamais dû assumer: s'occuper des immeubles pour personnes âgées - ce n'est pas sa fonction; s'occuper de la distribution des repas - ce n'est pas sa fonction; s'occuper des enfants diabétiques dans les écoles à midi - ce n'est pas sa fonction. Si l'IMAD se recentrait sur la fonction des soins à domicile, si on l'allégeait de ces nouvelles tâches, elle pourrait faire des économies d'échelle et ne pas demander d'argent supplémentaire à l'Etat. Il faut d'abord comprendre pourquoi l'IMAD va mal - c'est probablement parce qu'elle fait trop de choses qui ne sont pas dans son «core business». Elle le reconnaît d'ailleurs elle-même. Quand j'ai refusé son rapport de gestion, j'avais tenu le même propos. Maintenant, l'IMAD réfléchit à se décharger de certaines de ses tâches courantes. Il faut commencer par là: savoir quel est son rôle, et ensuite, on pourra discuter pour savoir si elle a besoin d'une garantie de déficit ou pas.

Deuxièmement, on a raté quelque chose dans la planification: l'IMAD reprend en partie un travail effectué auparavant par l'Hôpital cantonal, puisqu'on est moins hospitalisé aujourd'hui et davantage pris en charge à domicile. Il faut donc des transferts de charge entre l'Hôpital cantonal et le service des soins à domicile. C'est ça qu'il faut ! On a deux budgets complètement séparés alors qu'on doit intégrer ces deux budgets. L'IMAD fait une partie de ce que faisait l'hôpital il y a vingt ou trente ans: elle doit donc peut-être recevoir une partie du budget de l'Hôpital cantonal pour pouvoir fonctionner. C'est à ça qu'il faut d'abord réfléchir avant de voter la tête dans le sac une garantie de déficit qui permet de n'avoir aucune réflexion, puisque, comme l'a très bien dit le rapporteur de minorité, il n'y aura plus de débats sur les demandes de crédits supplémentaires, il n'y aura pas besoin de débat du Grand Conseil étant donné que de toute façon l'argent sera garanti pour l'IMAD.

Je demande qu'on ait une réflexion beaucoup plus profonde sur la suite des soins à Genève. Ça passe par une discussion sur la planification hospitalière - bien qu'on nous ait dit que le parlement n'avait rien à dire et ne sera pas saisi de cette planification - ça passe par une discussion sur la planification sanitaire, et ensuite, on pourra discuter de ce qui est nécessaire ou pas pour l'IMAD et l'Hôpital cantonal. Nous ne voterons pas cette loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nul ne conteste l'importance de l'IMAD dans notre dispositif de soins à domicile. Nous allons avoir une augmentation importante des besoins de la population, il faudra y répondre. Néanmoins, ce projet de loi ne pose pas la question de l'utilité de l'IMAD ni des moyens qui lui sont donnés. Il traite d'un problème de gouvernance. Il s'agit de savoir si le parlement, si vous êtes disposés à abandonner votre responsabilité quant à la supervision de la gestion financière de cette institution. Nous étions extrêmement surpris de voir qu'une majorité de la commission ne désire pas assumer cette responsabilité. En approuvant ce texte, vous donnez un blanc-seing à l'institution et vous acceptez de transformer sa gouvernance. Nous estimons que cette perte de maîtrise du parlement n'est pas acceptable. Ce dispositif légal est une incitation à ne pas respecter les règles de bonne et saine gestion. Nous vous invitons donc à refuser ce projet de loi 12186.

En outre, notre amendement demande de corriger la situation des HUG: nous vous recommandons de l'accepter pour garantir une bonne et saine gestion dans ce domaine également. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Alberto Velasco (S). Je trouve vraiment scandaleux le discours de la droite à ce propos. En réalité, vous avez créé une école de privatisation de la santé. C'est exactement cela ! Vous voulez déjà réduire le budget de l'Hôpital cantonal, qui est limite, en en transférant une partie à l'IMAD. Depuis trois ans, Mesdames et Messieurs, l'IMAD est en déficit ! Non seulement elle est en déficit, mais elle a épuisé ses fonds propres. Elle n'a plus de fonds propres ! Mais, dit-on, il y a le privé qui vient sur le terrain de l'IMAD; vous savez, Mesdames et Messieurs, que des entités privées ont trouvé intéressant que le secteur public subventionne leurs activités. Et donc, même des entreprises internationales viennent s'établir à Genève. Evidemment, là-dessus, la droite dit: «Mais on n'a plus besoin de l'IMAD, puisque le privé est là !» Comme les cliniques privées, vous savez: l'hôpital n'a plus besoin d'assurer certains services, puisque des cliniques privées les remplissent.

C'est très grave, Mesdames et Messieurs ! L'IMAD a été créée grâce à un centime additionnel prélevé auprès de la population. Elle a été créée par la population genevoise pour satisfaire les problèmes des personnes à domicile. Aujourd'hui, on nous demande que si l'IMAD ne peut plus s'occuper des personnes à domicile, on le dise et on dise qu'elle doit fermer. On nous a dit: qu'elle ferme, on lui donne l'autorisation de fermer ! Si elle ferme, il n'y aura pas de problème: il y aura les infirmières privées, les entités privées qui vont s'occuper des gens. C'est totalement scandaleux, Mesdames et Messieurs ! L'IMAD est un service public, une entité publique qui a été créée par la population genevoise qui l'a votée en majorité. Je trouve inadmissible le discours qui consiste à vouloir que l'IMAD se décompose financièrement.

Au même titre que l'Hospice général, qui a effectivement une garantie de déficit, l'IMAD en a aussi besoin, comme l'hôpital en a besoin. Ce sont des entités extrêmement nécessaires à la population - et de plus, dans une situation où celle-ci augmente. C'est une vérité ! J'ai dit l'autre jour ce qui s'est passé avec les logements d'urgence: on peut parler de manière similaire sur tout le reste, sur la santé, les enfants, les logements. Dans une telle situation, vous demandez qu'on limite les moyens de l'IMAD ? C'est un scandale ! Le plus grand scandale que j'aie entendu. Mesdames et Messieurs, je vous enjoins de voter ce projet de loi qui est fondamental. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). «Tempus fugit»: la droite que nous venons d'entendre, dite du centre, oublie, parce qu'elle a la mémoire courte, que le père fondateur, celui qui a permis que l'IMAD existe aujourd'hui, celui qui a pensé et créé les soins à domicile à Genève, est un radical - fazyste, j'admets, M. Segond. Ce qui fait que les premiers de classe d'aujourd'hui cherchent à le faire passer pour second, alors qu'il est premier. (Exclamations. Remarque. Rires.)

L'Institution genevoise de maintien à domicile est le seul établissement de droit public du canton en matière de soins à domicile. C'est oublier ce fondement, c'est oublier que ceux qui aujourd'hui ont le plus besoin de nous ne veulent plus se voir hospitalisés, mais aussi que les assureurs-maladie, qu'on peut penser parfois être des prédateurs, souhaitent qu'ils soient maintenus à la maison. Il faut donc bien que quelqu'un s'en occupe ! L'IMAD assure actuellement l'essentiel des prestations d'aide et de soins favorisant le maintien à domicile dans notre canton. On entend les mêmes qui attaquent l'IMAD attaquer les budgets des EMS cantonaux parce qu'ils coûtent trop cher. On a deux solutions: soit on augmente l'hébergement sous les ponts, soit on mène une véritable politique sociale centriste.

Concrètement, il est proposé d'inscrire dans la constitution - et Dieu sait si elle m'est chère - cet article qui, en réalité, fait écho à la garantie constitutionnelle donnée à l'accès aux prestations hospitalières. Les prestations auxquelles cette garantie est accordée seront par ailleurs fixées dans le contrat de prestations prévu par le cadre légal. Le contrat de prestations reste l'outil de pilotage et de planification entre l'Etat et l'IMAD, comme avec d'autres, les TPG, toutes les entités publiques, parce que c'est comme ça qu'on gère des entreprises auxquelles on a délégué des actions de l'Etat. On peut parler à perte de vue de l'Hospice général, et je le ferais volontiers: n'oublions surtout pas que cet hospice est né de la volonté des plus riches de cette ville d'aider les plus pauvres. Il me semble que du côté des libéraux, on a perdu cette mémoire, et c'est regrettable. Nous vous remercions de soutenir ce texte. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). On est à nouveau dans la caricature: c'est ou tout blanc ou tout noir; il n'y a pas de juste milieu. Pour ma part, je demande simplement de réfléchir avant de voter la tête dans le sac des crédits. Dès qu'on manque d'argent, on vote des crédits, mais on ne se pose pas la question de savoir si c'est nécessaire ou pas; on ne se demande pas s'il y a un problème de gouvernance dans certaines entités. Une chose est très claire à Genève: dès qu'on ose formuler une critique contre l'IMAD ou l'Hôpital cantonal, on est d'affreuses gens de droite qui veulent détruire l'accès à la santé. Non ! Nous prenons nos responsabilités pour vérifier que l'argent public soit bien utilisé. C'est la différence entre la gauche et la droite. (Commentaires.) Je vous remercie.

M. Pierre Nicollier (PLR). Je voulais réagir à certains propos de mes préopinants. Nous parlons réellement d'une question de gouvernance. On peut imaginer que le contrat de prestations ne soit pas du tout respecté et que l'IMAD, comme les HUG, décide de dépenser bien plus que ce qui avait été prévu: notre constitution nous obligerait alors à payer quoi qu'il arrive. Ça crée un réel problème de gouvernance pour nous, pour ce parlement. Ce serait une grande erreur que d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. M. Buchs disait: «L'IMAD a voulu s'occuper des personnes âgées, l'IMAD a voulu faire ceci de plus, l'IMAD a voulu faire cela de plus.» M. Buchs y était, j'y étais également, il se souviendra que ce n'est pas l'IMAD qui l'a voulu, mais l'Etat, et c'est ce Grand Conseil qui a cautionné ce mouvement de recentrement des activités de l'Hospice général notamment, qui s'est défaussé d'une série de ses activités sur cette institution. Je le rappelle afin que les choses soient claires !

En ce qui concerne la «saine gestion» de l'IMAD, je rappelle qu'aujourd'hui, ce n'est pas ce qui est en question. Je reprendrai une des déclarations du président du conseil d'administration de l'IMAD, qui nous indiquait que «le Grand Conseil a voté pour l'IMAD un contrat de prestations déficitaire pour la période 2015-2019»: lorsqu'on fixe des conditions pareilles, on ne doit pas s'étonner qu'ensuite il y ait des problèmes de financement. C'est un premier élément.

Le second élément est ce que relevait M. Conne à propos de la confiance et de la possibilité de passer par la commission des finances, voire de procéder à des mesures structurelles. En fait, ce type de procédé est une manière de resserrer la corde autour du cou de l'IMAD pour l'obliger soit à se réorganiser et à procéder à des mesures structurelles, soit à renoncer à certaines prestations. Ça n'est pas acceptable. Je vous rappelle qu'une garantie de couverture du déficit n'est pas un blanc-seing pour dépenser sans juste motif, c'est simplement la garantie pour une institution de pouvoir assurer sur douze mois l'exercice de la mission qui lui est confiée.

Quant à la question des planifications, oui, les sorties de l'hôpital sont planifiables: on sait que les gens y sont; en revanche, on ne sait pas combien de gens vont entrer à l'hôpital - ça, ce n'est pas planifiable, pas plus que ne le sont les autres demandes qui viennent d'autres sources que les HUG. Soyons clairs à cet égard.

Quant à l'équité - excusez-moi, c'est un beau mot que nous aimons, mais pas quand il est utilisé à mauvais escient et pour masquer d'autres intentions. Je rejoins M. Velasco quand il dit que ce qui est en question, c'est l'ouverture du marché de la santé au privé, très clairement ! M. Conne l'a dit en se référant aux travaux relatifs au projet de loi sur le réseau de soins en vue du maintien à domicile: pour lui, très clairement, il faut une ouverture au privé. Oui ! C'est ce que défendent peut-être certains; nous, nous sommes profondément attachés à un service public tel que celui de l'IMAD. Il ne s'agit pas de faire une déclaration d'hostilité aux infirmières indépendantes ou aux organismes privés qui interviendront dans ce domaine, mais il n'est en aucun cas question de désavantager l'IMAD pour pouvoir favoriser les organismes privés qui voudraient profiter de la manne que représente l'augmentation du volume de travail de cette institution. Pour nous, c'est inacceptable, car ce qui est véritablement au centre du débat, c'est la notion de service public - il faudrait qu'on appelle les choses par leur nom.

Je le répète, une garantie de couverture du déficit n'est absolument pas une autorisation de dépenser n'importe comment. D'ailleurs, regardez les organismes qui bénéficient déjà de cette garantie: pouvez-vous dire qu'ils ont commis des fautes en matière de gestion ? Qu'ils ont outrepassé les possibilités financières dont ils disposent ? Non, ils ont simplement assuré une réponse à la population, et on peut même regretter, à certains égards, qu'ils se soient retenus et qu'aujourd'hui il y ait déjà une perte de qualité dans les prestations à la population, que ce soit aux HUG ou à l'Hospice général.

Une fois encore, je vous invite à refuser cet amendement général qui non seulement empêche de donner cette assurance à l'IMAD, mais veut en plus fragiliser la position des HUG. C'est inacceptable et, je vous l'assure, c'est déloyal. Je vous remercie de votre attention, et je vous remercie surtout de soutenir ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, j'aimerais revenir au rappel historique que nous a présenté notre collègue, M. Dimier. Lorsque nous avons voté le financement des soins à domicile avec le centime additionnel, nous n'avons pas voté le subventionnement de l'IMAD: nous avons voté le financement de soins à domicile qui étaient entre les mains d'un certain nombre de fondations et associations, privées et publiques, la Croix-Rouge par exemple, avec une coordination très proche des réalités du terrain, très proche des communes. Probablement que c'est ce modèle-là qui est prévu par la nouvelle loi sur le réseau de soins à domicile. C'est la raison pour laquelle ce que nous voulons, c'est donner la garantie que nous pourrons financer les soins à domicile de façon contrôlée et équitable, mais surtout, éviter de subventionner une seule institution sans contrôle qui est l'IMAD. Je vous invite fermement à refuser ce projet de loi, merci.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'ayant pas officiellement pris position sur ce projet de loi, je ne le ferai pas, mais je vous donnerai quelques éléments objectifs, car je ne peux pas laisser dire n'importe quoi dans cette salle sous le prétexte de la liberté de parole.

D'abord, on prétend - je cite - que le fait d'accepter cette garantie constitutionnelle pour l'IMAD serait une perte de maîtrise pour le parlement. Sous-entendu: garantir le déficit, c'est signer un chèque en blanc et laisser l'IMAD le dépenser comme elle le souhaite, pour venir ensuite demander des fonds afin de compléter ceux qui par essence auraient été mal gérés. C'est absurde ! Je vous pose une question: savez-vous depuis quand les Hôpitaux universitaires de Genève existent en tant qu'établissement autonome, indépendant ? Depuis 1995, avec une garantie de déficit. Je vous le demande, est-ce que les Hôpitaux universitaires de Genève ont géré l'argent public n'importe comment, en venant à chaque fin d'année frapper à la porte pour demander des rallonges ? Si j'en juge par le nombre de séances, de questions urgentes, de motions, de projets de lois que vous avez déposés pour obtenir des comptes des Hôpitaux universitaires de Genève, j'en déduis que vous n'avez perdu aucune maîtrise ! Et qu'au contraire, le fait d'avoir ce pouvoir de contrôle sur les HUG est encore renforcé par cette obligation de garantie du déficit. Alors ne venez pas dire, s'il vous plaît, qu'accepter le texte de loi qui vous est soumis reviendrait à vous faire perdre le contrôle et à donner un blanc-seing à l'IMAD: vous n'en avez pas donné un aux HUG.

Deuxième argument entendu, l'IMAD demande de l'argent parce qu'elle n'en a plus, parce qu'elle a fait beaucoup de choses qu'elle n'aurait pas dû faire. C'est merveilleux ! L'IMAD n'aurait pas à s'occuper des immeubles avec encadrement pour personnes âgées: bien sûr, on se presse au portillon pour le faire à sa place. Je ne vois pas beaucoup d'institutions privées qui viennent demander à l'Etat de pouvoir s'en occuper ! Quand j'entends ce genre de discours, je crois rêver ! Certaines personnes dans cette salle vivent dans un autre monde ! Savez-vous que l'IMAD est le partenaire privilégié pour des projets nouveaux que nous avons mis en place, comme la relève pour les enfants gravement malades ? Y a-t-il des institutions privées qui sont prêtes à s'engager dans ce genre de prestations nouvelles ? Non, Mesdames et Messieurs, c'est parce que nous avons des partenaires privilégiés comme l'IMAD pour les soins à domicile, comme les HUG pour les soins aigus, que nous pouvons avoir et exiger des missions d'intérêt général au service de la population.

Alors votez ce que votre coeur vous dira, Mesdames et Messieurs, mais si vous avez à coeur des prestations publiques de qualité, si vous considérez que l'IMAD tout comme les HUG sont et doivent rester des partenaires privilégiés de l'Etat de Genève, alors bien sûr, il s'agit de mettre ces deux établissements sur un pied d'égalité, c'est-à-dire d'accorder à l'IMAD ce que les HUG ont depuis si longtemps et qu'ils ont su si bien gérer. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12186 est adopté en premier débat par 51 oui contre 42 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Le président. Nous sommes saisis par M. Conne de l'amendement général que voici:

«Projet de loi constitutionnelle

modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit:

Article unique (souligné) Modification

La constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est modifiée comme suit:

Art. 174, al. 2 (abrogé)»

Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 51 non contre 44 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 174A (nouveau).

Mis aux voix, l'art. unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12186 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 43 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12186