République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 871
Proposition de résolution de Mmes et MM. Thomas Bläsi, Christo Ivanov, Stéphane Florey, André Pfeffer, Marc Falquet, Pierre Conne, Marjorie de Chastonay, François Lefort, Pierre Eckert, Alessandra Oriolo, Yvan Rochat, Nicole Valiquer Grecuccio, Salima Moyard, Jean-Charles Rielle, Marion Sobanek, Amanda Gavilanes, Grégoire Carasso, Delphine Bachmann, Patricia Bidaux, Jean-Luc Forni, Bertrand Buchs, Frédérique Perler, Serge Hiltpold, Claude Bocquet du Grand Conseil genevois au Département fédéral de l'intérieur (DFI) demandant d'intégrer à l'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS) l'obligation de prendre en charge le sein non traité médicalement pour résoudre l'asymétrie lorsque la réduction mammaire ne donne pas de résultats propres à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 13 et 14 décembre 2018.

Débat

Le président. Nous sommes présentement à la R 871 que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je passe tout de suite la parole à son premier signataire, M. Thomas Bläsi.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je tiens à remercier l'assemblée d'avoir voté l'urgence à l'unanimité. La présentation de ce texte sera brève: je veux juste rappeler quelques points de l'historique parlementaire. Il est important de souligner qu'à l'origine, en 2014, la motion 14.3352 a été déposée au niveau fédéral par l'Alternative et a par ailleurs été combattue par l'UDC. A cette époque, le compromis trouvé a été d'inscrire la prise en charge de la réduction mammaire pour le sein non médicalement traité. Malheureusement, la pratique et le retour des patientes montrent que c'est très largement insuffisant, car cette mesure ne règle pas le problème de l'asymétrie mammaire. Il est essentiel d'inscrire dans le catalogue de l'OPAS la prise en charge complète du sein non traité médicalement, et particulièrement la prise en charge des implants nécessaires. Le coût de cette mesure est relativement modeste: elle représenterait environ 3,6 millions par année sur les 77 milliards dépensés pour la santé. Je tiens à préciser que la R 871 est le texte des patientes: ce sont elles qui sont venues et qui ont expliqué quelles étaient leurs difficultés ! Je ne vais pas mettre ici ces difficultés en avant car je pense qu'elles sont assez clairement présentées dans l'exposé des motifs.

Pour conclure, je vous demanderai de bien vouloir accepter cette résolution ainsi que l'amendement du PDC que Mme Bachmann vous présentera. Je profite de l'occasion pour remercier Mme Bachmann et M. Conne d'avoir attiré mon attention sur le fait que la R 871, sans l'amendement mentionné, ne proposerait pas une prise en charge complète du cancer du sein. La nécessité d'adopter cet amendement est indéniable: cela nous permettra d'arriver à cette prise en charge complète. Je laisserai l'auteure de l'amendement vous le présenter par la suite. Je vous demande votre soutien et vous remercie, Messieurs les députés !

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comment ne pas soutenir une telle résolution ? Les Verts soutiendront donc la résolution et l'amendement, parce que le cancer du sein, comme l'a dit mon préopinant, touche 5500 femmes en Suisse chaque année. Parmi ces 5500 femmes, un millier d'entre elles sont contraintes de recourir à une chirurgie correctrice du deuxième sein. En matière d'asymétrie mammaire, il subsiste une inégalité de traitement qui doit disparaître. Il n'est en effet pas juste de faire payer aux femmes la reconstruction mammaire du sein intact. Cette reconstruction est à la charge de la patiente - enfin, de celle qui en a les moyens - puisqu'elle n'est pas remboursée par l'assurance-maladie; seule la réduction mammaire l'est. Or les résultats sont peu probants: les éléments inclus actuellement dans la prise en charge ne permettent pas à la personne de se reconstruire physiquement et psychiquement. S'agissant des soins et de la reconstruction, la priorité doit être d'améliorer la guérison, la rémission, la convalescence ou tout simplement le bien-être de la personne. C'est pourquoi les Verts soutiendront cette proposition et l'amendement afin que la qualité de vie de ces femmes, déjà éprouvées par la maladie, les traitements, les séquelles, soit enfin améliorée et qu'elles puissent en définitive recouvrer une vie sociale et professionnelle. Merci. (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, il y aura peut-être des répétitions mais il est bon, par les temps qui courent, de se répéter sur une proposition de résolution interpartis adressée à Berne, lancée par notre collègue Thomas Bläsi, que je remercie. Les caisses maladie ne remboursent actuellement que la réduction mammaire sur la base de la motion qui avait été proposée par les socialistes. Les femmes atteintes de cancer pourront enfin se faire rembourser les opérations esthétiques de leur reconstruction mammaire puisque à l'heure actuelle, seul le sein traité est pris en charge par l'assurance-maladie.

Cette résolution, comme il a été dit, demande au Département fédéral de l'intérieur d'intégrer l'obligation de prendre en charge le sein non traité médicalement à l'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins. Le but: résoudre l'asymétrie lorsque la réduction mammaire ne donne pas de résultats propres à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente. On l'a dit, 5500 femmes se voient chaque année diagnostiquer un cancer du sein et 1000 d'entre elles doivent recourir à une chirurgie correctrice du deuxième sein. Les médecins estiment qu'une différence sensible dans la forme de la poitrine après une reconstruction mammaire unilatérale ne respecte pas le principe selon lequel on doit s'efforcer de rétablir l'intégrité corporelle.

Seule la reconstruction mammaire pour rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une ablation totale ou partielle du sein médicalement indiquée est à la charge de l'assurance obligatoire. Parfois, la réduction mammaire ne donne pas de résultats propres à rétablir cette intégrité physique et psychique de la patiente, et il est nécessaire de prendre en charge le sein non traité médicalement pour résoudre l'asymétrie. Cette réduction mammaire du sein intact n'est pas prise en charge par l'assurance-maladie, on l'a dit, et elle est cause d'inégalité de traitement entre les femmes qui peuvent se payer cette reconstruction mammaire et celles qui n'en ont pas les moyens.

Il sied de garder à l'esprit que le cancer, en l'occurrence celui du sein, est à l'origine d'une paupérisation des malades et de leurs proches, notamment à cause des dépenses supplémentaires qu'entraîne la maladie. Le cancer du sein peut avoir de fortes répercussions sur la vie sociale et professionnelle des femmes atteintes, avec des séquelles pouvant être ressenties plusieurs années après le diagnostic. La prise en charge du cancer du sein par l'assurance obligatoire des soins devrait être intégrale et couvrir l'ensemble des prestations essentielles pour les femmes.

Pour terminer, cette mesure pourrait coûter chaque année 1,6 million de francs sur les 80 milliards qu'engendrent les frais de la santé en Suisse; son impact sur ces frais serait donc quasi nul. Le groupe socialiste vous remercie d'accepter cette résolution et aussi, même s'il n'a pas encore été formellement présenté, l'amendement qui la complétera utilement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Delphine Bachmann pour la présentation de cet amendement.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Mon intervention sera d'ordre général avant de vous présenter l'amendement. Le sujet que nous abordons aujourd'hui me tient particulièrement à coeur car j'ai rencontré et suivi des dizaines de femmes touchées par un cancer du sein. Dans notre canton, 450 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Parmi ces nouveaux cas, une majorité de femmes subira une intervention pour enlever la tumeur, et environ un tiers de ces interventions sera ce qu'on appelle une mastectomie, c'est-à-dire une ablation complète du sein. La plupart d'entre vous a probablement la chance de ne pas connaître les conséquences de cette intervention dans les moindres détails, et je m'en réjouis. Mais j'aimerais vous donner quelques informations nécessaires sur le sujet, et j'espère que Berne entendra mes arguments.

La symétrisation est prise en charge, sauf si l'écart est trop important et qu'une prothèse est nécessaire de l'autre côté. Nous ne parlons pas de chirurgie esthétique ! Nous parlons de chirurgie reconstructrice. Subir une mastectomie, c'est une perte de sensibilité complète ! C'est un sein reconstruit avec une esthétique variable. C'est une intervention lourde qui implique un changement de prothèse régulier. Une mastectomie n'est jamais un choix de confort ! L'impact de la maladie est déjà suffisamment lourd: chimiothérapie, hormonothérapie, radiothérapie signifient parfois perte de cheveux, prise de poids, bouffées de chaleur quotidiennes, insomnies, douleurs articulaires, nausée, fatigue - la liste est longue. Les traitements sont assez pénibles et engendrent suffisamment d'effets secondaires pour ne pas alourdir encore les difficultés psychologiques en lien avec l'image de soi. Le parcours de ces femmes est héroïque ! Le choix doit être laissé aux femmes et à leur médecin. Oui, parfois, les coûts de la santé augmentent ! Mais certains soins doivent être mieux couverts pour assurer une image de soi adéquate et éviter d'autres conséquences plus coûteuses à terme; il n'y a pas à faire des économies là-dessus. Je remercie l'auteur de ce texte, avec qui j'ai collaboré, et vous invite vivement à soutenir la résolution.

Le parti démocrate-chrétien déposera cependant un amendement, affiché à l'écran, qui demande «l'obligation de prendre en charge le tatouage du mamelon du sein traité visant à obtenir un résultat propre à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une ablation totale ou partielle du sein médicalement indiqué». En bref, pour la plupart des femmes, on ne peut pas conserver le mamelon lorsqu'on reconstruit le sein, et ce pour différentes raisons. Aujourd'hui, il existe deux options. On peut soit faire un tatouage, soit recourir à la chirurgie. La chirurgie est prise en charge, mais elle est lourde et nécessite parfois plusieurs interventions. La prise en charge du tatouage s'élèverait à 400 F environ et permettrait à ces femmes de faire un choix qui ne soit pas basé sur ce qui est remboursé, mais sur ce qui est le plus adapté à leur situation personnelle. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, le PLR se joint aux propos de mes préopinants et soutiendra cette résolution ainsi que l'amendement. Il le fait d'autant plus volontiers qu'il est convaincu que la problématique est non seulement réelle mais révèle une disparité qu'il s'agit de corriger. En Suisse, le cancer du sein touche 17 femmes par jour, soit 6000 par année ! 90 000 en sont atteintes, et 900 000 personnes parmi les proches de ces femmes, qui doivent aussi les accompagner et les soutenir, sont impliquées dans le processus de guérison.

Parmi les 6000 femmes mentionnées, 7% sont des jeunes femmes de moins de 40 ans qui devront probablement subir des interventions chirurgicales en plus de tous les traitements évoqués par ma préopinante. Pour ces femmes diagnostiquées chaque année, la perspective de pouvoir profiter de toutes les mesures à disposition pour retrouver leur intégrité, pour retrouver leur dignité, pour permettre l'après, est indispensable. Il n'est donc pas acceptable que la barrière du coût soit aujourd'hui rédhibitoire pour certaines, tant et si bien qu'on observe malheureusement, dans les rémissions du cancer, une surmortalité des patientes ayant un faible statut socio-économique - c'est démontré. Il est par conséquent nécessaire de rétablir l'équité et de permettre la généralisation de ces traitements sans coûts supplémentaires, coûts qui seraient vraiment vécus comme une punition de plus. C'est pourquoi nous vous encourageons à soutenir cette résolution ainsi que l'amendement du PDC. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Puisque quasiment tout a été dit, je vais simplement vous confirmer que le MCG soutiendra cette résolution. Il est très important d'avoir une bonne image de soi-même, parce que ça contribue à la guérison. Je me réfère à un livre du Dr Bernie Siegel qui s'appelle «L'amour, la médecine et les miracles», dans lequel il précise justement toute l'importance que le psychisme a dans une guérison. (L'oratrice s'exprime d'une voix émue.) Je suis désolée, ça m'émeut de le dire, mais c'est très important que les gens se sentent bien et puissent guérir aussi dans leur tête: ça aide ensuite à la somatisation positive. Merci. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Nous passons au vote sur l'amendement de Mme Bachmann, qui vise à introduire cette nouvelle invite:

«d'intégrer dans l'OPAS l'obligation de prendre en charge le tatouage du mamelon du sein traité visant à obtenir un résultat propre à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une ablation totale ou partielle du sein médicalement indiqué.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 91 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, la résolution 871 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Département fédéral de l'intérieur par 91 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 871