République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11335-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Stéphane Florey, Norbert Maendly, Christo Ivanov, Michel Baud, Christina Meissner, Michel Amaudruz, Thomas Bläsi, Bernhard Riedweg, Patrick Lussi, Marc Falquet, Eric Leyvraz, Daniel Sormanni, Francisco Valentin modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05) (Affectation de l'impôt sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 9 et 10 octobre 2014.
Rapport de majorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)
Rapport de première minorité de M. Pierre Weiss (PLR)
Rapport de deuxième minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Premier débat

Le président. Nous prenons le dernier point de notre ordre du jour pour aujourd'hui, le PL 11335-A. Nous sommes en catégorie II, avec trente minutes de débat. Je passe la parole à la rapporteure de majorité.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi avait donc pour objectif d'affecter aux routes l'entier de l'impôt cantonal sur les véhicules et leurs remorques. Cet impôt rapporte environ 100 millions de francs par année à l'Etat de Genève. Le Conseil d'Etat a d'emblée indiqué qu'il n'était pas favorable à ce projet de loi et il a été suivi par la majorité de la commission. Voici les raisons principales de ce refus. Tout d'abord, la LGAF, la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, qui est entrée en vigueur cette année, est très claire sur la non-affectation des impôts: l'article 4, alinéa 5, dit ainsi qu'il n'est pas autorisé d'affecter une part fixe des impôts pour couvrir directement des dépenses déterminées. Or, l'impôt dont nous parlons aujourd'hui est un impôt général et son affectation n'est donc pas autorisée actuellement au sens de la LGAF. Le Conseil d'Etat a également indiqué qu'il préférait conserver une certaine marge de manoeuvre pour le pilotage des finances publiques et il a été suivi par la majorité de la commission. La commission a ainsi estimé que ce projet de loi introduisait une rigidité inutile, ceci d'autant plus que le produit de cet impôt ne suffit pas à couvrir l'entier des dépenses de la route. La majorité de la commission fiscale vous invite donc à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, lequel est contraire à la LGAF, réduit la marge de manoeuvre de l'Etat et ne fera avancer plus rapidement aucun chantier en lien avec les routes dans le canton de Genève.

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Pierre Weiss (PLR), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que l'argument de ne rien faire si quelque chose est contraire à la LGAF comme il a été développé par Mme Forster Carbonnier est le meilleur parce qu'il est absolument dirimant. Nous ne sommes pas là pour violer les lois, nous qui les faisons. J'aurais pu en rester là, mais je relèverai au passage que le montant dépensé pour les routes est de 100 millions de francs. Les routes sont utilisées chaque jour par des centaines de milliers de personnes et j'aimerais rappeler la teneur de nos débats précédents quand elle veut que nous dépensions de l'argent par dizaines de millions de francs pour les pistes cyclables: il faut avoir le sens des proportions. Voilà un deuxième argument qui me semble plaider au contraire en faveur de ce projet de loi. Qui plus est, on peut rappeler que dans certains cantons, comme celui de Berne, il y a une utilisation qui n'est pas celle que nous impose la LGAF à Genève. On pourrait donc modifier la LGAF à Genève pour avoir une utilisation conforme à la volonté des auteurs de ce projet de loi, mais je vous sens peu partante pour ce genre d'innovation, car vous êtes parfois très conservatrice. Raison pour laquelle, en conclusion, je vous propose de refuser le projet de loi qui a été déposé ici par le groupe UDC, qui me semblait pourtant marqué au coin du bon sens... (Rires.) Mais j'ai dit ce que la loi genevoise prévoyait pour le moment et je serai aussi respectueux que vous de la loi genevoise - mais moins conservateur à long terme.

Présidence de M. Antoine Droin, président

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. En effet, le produit de la taxe, de l'impôt automobile, donc, est de 100,56 millions de francs en 2012. Il est ainsi en constante augmentation dans notre canton. Contrairement à l'esprit de la loi, le canton de Genève a choisi d'attribuer l'intégralité de sa part de la RPLP au fonds CEVA, alors que la plupart des cantons ont attribué les moyens reçus à leur fonds pour les routes ou à leur caisse générale. Comme l'a dit mon préopinant Pierre Weiss, le canton de Berne applique déjà cette loi avec bonheur, si j'ose dire. L'objectif de ce texte est donc d'affecter le produit de l'impôt sur les véhicules à moteur à la réalisation de nouvelles routes ou de nouvelles infrastructures. Je vous demande donc de soutenir ce projet de loi.

M. Stéphane Florey (UDC). Comme on l'a dit, ce projet de loi avait un seul objectif, celui d'attribuer l'entier de la taxation automobile aux routes. Nous avons estimé lors de ce dépôt qu'il était important de créer un fonds, puisque c'est dans l'air du temps, ne serait-ce qu'au niveau fédéral. Après l'adoption du FAIF, il a été déclaré, même par la conseillère fédérale en charge du domaine des transports, qu'on allait créer un fonds routier à l'usage exclusif des routes. Reste bien évidemment à trouver le financement, et ce que nous proposons nous, pour financer un fonds cantonal, logiquement, c'est l'attribution de l'entier de la taxe auto à cet effet. Cela a une importance qu'il ne faut pas sous-estimer, ne serait-ce que pour assurer l'ordonnance fédérale sur le bruit qui oblige le canton à assainir les routes avec du revêtement phono-absorbant, au plus tard pour 2018. Le Conseil d'Etat a déjà déclaré dans divers rapports, dont celui qui est mentionné dans le projet de loi, qu'il n'y arrivera pas, à cause d'un problème de financement, et, de ce fait, nous allons malheureusement perdre les subventions fédérales prévues à cet effet. Toutefois, l'obligation d'assainir nos routes reste; ce qui veut dire que l'assainissement obligatoire va nous coûter beaucoup plus cher que ce qu'il aurait pu nous coûter avec l'acceptation de ce projet de loi. C'est là la première chose.

Pour la deuxième chose, on peut prendre des exemples tout simples, avec la route de contournement de Chancy, le contournement de Jussy, celui de Perly, et il y en aurait deux autres qu'on pourrait encore citer: rien qu'en affectant 100 millions de francs à ces cinq projets, nous arrivons en une année à financer ces cinq routes de contournement. C'est juste pour vous donner une idée de ce que nous allons perdre en refusant ce projet de loi.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Stéphane Florey. C'est pour cela que je vous inciterai quand même à l'accepter et à créer un fonds routier cantonal.

M. Thomas Wenger (S). Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cela a été dit, on le répète quand même: ce projet de loi va contre la LGAF, la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, qui stipule à son article 4, je le lis, que «l'affectation d'une part fixe des impôts généraux pour couvrir directement le financement de dépenses déterminées n'est pas autorisée». C'est là l'argument lié à la LGAF. Il a été intéressant d'entendre encore un autre argument lorsque nous avons auditionné le département à la commission fiscale: nous avons entendu M. Barthassat et l'ingénieur cantonal qui nous ont expliqué que, selon les années, 100 millions de francs ne suffiraient pas pour la réalisation ou l'entretien de certaines routes. Il évoquait par exemple le projet de la route des Nations, qui va coûter ou devrait coûter environ 170 millions, plus les dépassements prévus, comme pour la tranchée couverte de Vésenaz - mais je ne veux pas polémiquer. Il y a encore la liaison Genève-Sud qui coûterait 60 millions, plus les dépassements, mais, là encore, je ne veux pas polémiquer.

Vous me connaissez, ce n'est bien entendu pas par amour des routes que les socialistes ne vont pas accepter ce projet de loi, mais c'est parce que ne pas affecter cet impôt permet au budget de l'Etat de garder une certaine flexibilité. Certaines années, peut-être pour votre plus grand bonheur, cela permettra la réalisation de nouvelles routes, l'entretien de nouvelles routes, etc. Peut-être que d'autres années, on aura plutôt besoin de cet argent pour le développement des transports publics ou pour réaliser enfin les pistes cyclables et les aménagements piétons voulus par le peuple qui a voté en majorité l'IN 144. Je ne ferai pas plus long, vous l'avez compris, ce projet de loi, de nouveau, fait fausse route ! (Applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve). Tout a été dit, notamment par la rapporteuse de majorité. Je voudrais revenir sur deux points, c'est qu'au-delà de la LIAF et du non-respect de la LIAF, ce projet de loi est contraire à l'esprit même de l'impôt et de sa fonction redistributrice, pour la solidarité sociale, mais aussi environnementale dans ce cas-là. Et puis, il y a un deuxième élément... (L'orateur s'interrompt.) Excusez-moi ! (Commentaires.) C'est que mon ordinateur s'est éteint. (Rires.) Oui, si on veut intégrer les bénéfices générés par la route, je pense qu'il est indispensable également de couvrir ses coûts, notamment les coûts externes. Chaque année en Suisse, ce sont 7,7 milliards de coûts externes, notamment sociaux et environnementaux, qui sont causés par la route, que ce soit à cause de la pollution, des accidents, du bruit, et ces coûts ne sont aujourd'hui absolument pas couverts par les revenus de la route. Pour être cohérent, ce projet de loi devrait donc aussi internaliser les coûts externes, ce qui n'est malheureusement pas le cas !

M. Pascal Spuhler (MCG). Je ne vais pas en ajouter beaucoup à cette heure. Simplement, le MCG va suivre le projet de loi. Nous pensons effectivement qu'il est intéressant d'affecter l'impôt sur les véhicules à moteur, justement, à l'entretien, à la réfection et à la création du réseau routier. Nous voterons donc ce projet de loi.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, l'affectation de la totalité de l'impôt sur les véhicules à un fonds permettant la réalisation d'infrastructures dévolues au transport individuel ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre, dans le pilotage des finances publiques, et est contraire à la loi de gestion et d'administration des finances de l'Etat, la LGAF. Plus précisément, l'article 4, alinéa 5, dit que «l'affectation d'une part fixe des impôts généraux pour couvrir directement le financement de dépenses déterminées n'est pas autorisée».

Mesdames et Messieurs, il a été dit qu'au fond, c'était une fausse bonne idée, parce qu'il y a justement des années où on aurait suffisamment d'argent - peut-être même trop - et d'autres années où on n'en aurait pas du tout assez. Aujourd'hui, on doit garder cet équilibre des comptes; Dieu sait si je me suis battu à Berne pour qu'on ait deux fonds, un pour le rail, un pour la route, mais on est obligé aussi de faire attention à l'équilibre de ces finances, pour que les choses soient bien redistribuées au bon moment, ce qui est quand même le cas pour le canton de Genève, même si nous sommes d'accord qu'on devrait avoir bien plus d'argent, déjà pour respecter certaines choses et réaliser certaines infrastructures. Pour l'Etat, ce serait une perte de flexibilité dans l'utilisation de ses recettes; c'est pour cela que je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons donc au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11335 est rejeté en premier débat par 60 non contre 25 oui.