République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2219
Proposition de motion de Mmes et MM. Caroline Marti, Jocelyne Haller, Frédérique Perler, Christian Frey, Emilie Flamand-Lew, Vincent Maitre, Romain de Sainte Marie, Jean-Charles Rielle, Irène Buche, Thomas Wenger, Salima Moyard, Magali Orsini, Cyril Mizrahi, Roger Deneys, Lydia Schneider Hausser, Lisa Mazzone, Boris Calame, François Lefort, Bertrand Buchs, Jean-Marc Guinchard, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Luc Forni, Béatrice Hirsch, Olivier Cerutti, Sophie Forster Carbonnier, Philippe Morel : Ne piochons pas dans la poche des plus précarisés : non à la coupe de 50% dans le supplément d'intégration de l'aide sociale
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 18 et 19 septembre 2014.
M 2217
Proposition de motion de Mmes et MM. Daniel Sormanni, Sandra Golay, Francisco Valentin, Marie-Thérèse Engelberts, Jean Sanchez, Sandro Pistis, Jean-François Girardet, Thierry Cerutti : Pas de modification du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle (RIASI)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 18 et 19 septembre 2014.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, à la suite de nos urgences, nous traitons la M 2219 et la M 2217. (Brouhaha.) Je passe la parole à Mme Caroline Marti pour la présentation de la première motion. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Vous avez la parole, Madame la députée.

Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Le dépôt de cette motion par le parti socialiste, soutenu par différents partis de ce parlement, fait suite à la décision du Conseil d'Etat de diminuer le supplément d'intégration de l'aide sociale de 300 F à 150 F par mois. L'argument avancé par le Conseil d'Etat est que cela permet de faire des économies. Or, nous trouvons relativement sordide de décider de faire des économies sur le dos des personnes les plus précarisées de notre canton.

Nous souhaitons rappeler que ce supplément d'intégration, comme son nom l'indique, a pour vocation de favoriser et de permettre l'intégration des personnes touchant l'aide sociale. La diminution de ce supplément d'intégration de l'aide sociale en dit long sur les ambitions - ou, serais-je tentée de dire, sur le manque d'ambition - du Conseil d'Etat en matière d'intégration des personnes les plus précarisées. Effectivement, comment réussir à s'intégrer socialement ou professionnellement lorsqu'on n'a pas les moyens de payer notamment ses frais de transport ou de déplacement, lorsqu'on n'a pas les moyens d'avoir accès à l'information, notamment à internet ou aux journaux, ou lorsqu'on doit renoncer, par manque de moyens, à sortir, à rencontrer de nouvelles personnes, à voir ses amis ou sa famille ?

La suppression de ce supplément d'intégration comporte également un risque accru de voir les personnes bénéficiaires de l'aide sociale plonger dans la spirale de la précarité. En effet, dans le contexte de crise du logement extrêmement rude que nous connaissons aujourd'hui, avec des loyers élevés et un manque cruel de logements sociaux, certains bénéficiaires de l'aide sociale sont obligés d'utiliser une partie de ces 300 F pour payer la part de leur loyer qui dépasse les prestations de l'aide sociale en matière de logement. Ne pouvant plus payer la totalité de leur loyer, ces personnes risquent d'accumuler des arriérés, ce qui pourra entraîner leur expulsion. Cela me paraît revenir à enfoncer une porte ouverte que de vous indiquer les drames sociaux et humains que ces expulsions peuvent entraîner. L'intégration sociale et professionnelle serait elle aussi complètement prétéritée par ces situations d'expulsion.

Il est également à noter que les personnes expulsées de leur logement constituent des coûts accrus pour la société, notamment des coûts sociaux mais également des coûts économiques puisque nombre d'entre elles sont relogées dans des chambres d'hôtel payées par l'Hospice général. Cette politique menée par le Conseil d'Etat est donc une politique borgne, une politique incapable d'anticiper les conséquences sur le long terme. Le parti socialiste refuse catégoriquement la politique antisociale que s'acharne à mener le Conseil d'Etat. Il refuse également un canton où l'on devra bientôt dire aux bénéficiaires de l'aide sociale: «Pas de bol, vous avez subi des accidents de la vie, vous avez peut-être perdu votre emploi, vous avez plus de 50 ans, vous n'arrivez plus à retrouver un emploi, votre loyer vous coûte un bras, tout cela accumulé vous met dans une situation de grande précarité mais effectivement, pas de bol ! Bon, il faut nous comprendre, on a baissé les impôts en 2009, ça nous coûte maintenant 480 millions par année, on a ajouté un quatorzième salaire pour les hauts cadres de l'Etat, parce que leur salaire de haut cadre, justement, ne leur suffisait pas, on a aussi voté un crédit pour construire une prison qui comprendra des places de détention administrative, alors oui, vous voyez, on compatit mais malheureusement on n'a plus les moyens pour vous !» Non, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas comme ça que ça marche, ces personnes n'ont pas besoin de compassion, ces personnes ont besoin d'aide; elles ont besoin d'aide pour subvenir à leurs besoins vitaux, elles ont besoin d'aide pour permettre leur intégration et, de ce fait, une possible réinsertion sociale et professionnelle. Le parti socialiste condamne donc très fermement cette politique du Conseil d'Etat, cette politique d'austérité, cette politique antisociale dont il a fait preuve notamment hier, dans la présentation de son projet de budget 2015; une politique qui consiste à prendre dans la poche des plus pauvres pour préserver les privilèges des personnes les plus riches, une politique parfaitement indécente et irresponsable aux yeux des socialistes. Au vu de ces considérations, je vous invite à voter le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG a aussi été surpris de cette annonce du Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle nous avons également déposé une proposition de motion. Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, depuis quelques mois il y a un nouveau conseiller d'Etat, et un certain nombre de réformes sont en route à l'office cantonal de l'emploi et à l'Hospice général. Nous avons donc pensé que c'était en tout cas prématuré...

Des voix. Plus fort !

M. Daniel Sormanni. Je vais parler plus fort ! Nous avons pensé que c'était prématuré d'enlever à toutes et tous 150 F sur cette somme d'intégration, prétendument en raison du fait que c'est une moyenne nationale. Mais une moyenne nationale basée sur quoi ? On ne sait pas trop. Cela dit, à Zurich, le montant pour l'intégration est de plus de 300 F. Nous estimons donc qu'il faut étudier cette question, nous ne pensons pas qu'il faut renvoyer ces motions directement au Conseil d'Etat mais en commission, parce qu'il y a un certain nombre de choses à voir. Les personnes qui sont au minimum social, celles qui touchent 977 F par mois, touchent déjà 150 F de moins depuis fin août car c'est à ce moment que les diminutions sont entrées en vigueur; ça va être le cas au 1er février pour ceux qui sont encore au RMCAS, qui touchent un peu plus, quand la LIASI entrera en vigueur pour eux. Evidemment, le loyer et l'assurance-maladie sont payés, le loyer jusqu'à un certain point: pour le RMCAS c'est au maximum 1300 F, à l'Hospice général c'est 1100 F.

Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, il y a certainement des problèmes; il y a certainement des personnes qui touchent ce minimum d'intégration alors qu'elles ne sont pas intégrables ou alors qu'elles ne font pas l'effort d'essayer de s'intégrer et d'avoir un nouvel emploi. Mais supprimer cette somme pour tout le monde est une fausse bonne idée. Par conséquent, nous pensons qu'il faut renvoyer ces deux motions à la commission sociale pour les étudier. Parce qu'autant il n'est pas juste de baisser ce montant d'intégration sociale pour les gens qui le méritent, autant il y a probablement des choses qui ne jouent pas, avec un certain nombre d'abus, des gens qui ne veulent pas faire d'effort ou qui ne sont pas intégrables. Il y a donc peut-être d'autres mesures compensatoires à prendre dans ces cas-là. Tout cela a besoin d'être étudié en commission, où le magistrat viendra, avec l'Hospice général, nous expliquer comment ils voient les choses et comment ils entendent remédier à cette situation. Je pense que tout cela va passer par des contrôles supplémentaires, et autant il peut être désolant de voir que les gens qui sont en difficulté, qui touchent 977 F - enfin, ce n'est déjà plus 977 F puisqu'il y a 150 F de moins - ont des problèmes, autant d'autres, qui ne font pas forcément d'effort, devraient voir ce supplément diminué, peut-être même supprimé totalement. Mais tout cela ne se fait pas d'un trait de plume; on ne doit pas appliquer ces mesures de manière générale, on doit le faire d'une manière sélective, et vraiment étudier comment procéder. C'est la raison pour laquelle nous n'acceptons pas le renvoi direct au Conseil d'Etat, mais nous voulons que tout cela soit analysé de manière approfondie à la commission sociale. C'est ce que je vous invite à faire, et je vous en remercie.

M. Michel Baud (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ces deux motions demandent la remise en état de cette prime de 300 F pour l'intégration - qu'elle soit professionnelle ou sociale - qui s'appelle le CASI. Et je dois vous dire qu'un CASI, moi, j'en ai un. Car effectivement, peu de gens le savent, mais je suis à l'Hospice. Je n'y travaille pas, je suis à l'Hospice. Donc je dépends d'un CASI. Le CASI, c'est quoi ? Cela tient en deux mots: le bâton et la carotte. On vous fixe des objectifs, ou vous fixez des objectifs avec votre assistant social, et si vous atteignez ces objectifs, vous avez une prime de 300 F par mois; si vous n'atteignez pas ces objectifs, cette prime est supprimée. J'ai cru comprendre qu'au départ le CASI n'existait pas, les gens bénéficiaient de toute façon de cette somme, qui était dans le traitement de base. Actuellement, on se rend compte que le CASI ne fonctionne pas. La plupart des objectifs fixés par les gens qui sont en situation de précarité sont souvent plus ou moins bidon et visent justement à pouvoir toucher cette somme, qui était de 300 F à l'époque et est maintenant réduite à 150 F. Ce CASI est un faire-valoir pour se donner bonne conscience, alors je propose simplement qu'on le supprime, et que tout l'argent ainsi économisé... Parce que ça fait des centaines de tonnes de papier qui sont gaspillées, comme ça, chaque année; c'est un travail phénoménal pour les assistants sociaux, qui n'en demandent pas tant parce qu'ils font déjà un travail gigantesque, ils ont énormément de choses à faire. Donc ajouter ce CASI, à mon avis, est inutile; on ferait mieux d'économiser de l'argent sur la paperasse et sur le temps, parce qu'honnêtement, le CASI est xylophage et chronophage. Je demande donc qu'on renvoie ces deux motions à la commission sociale, afin d'étudier... (Remarque.) Oui, je voulais quand même vous citer un exemple. J'ai eu bien entendu l'occasion de discuter avec pas mal de mes co-assistés, et il est vrai qu'il existe même des concours de celui qui trouvera le défi le plus bidon pour toucher cette somme. Par exemple, j'ai un collègue qui m'avait annoncé que sur son CASI, on lui demandait de se laver les dents plus souvent ! C'est très à la mode en ce moment. Il était hilare, parce que justement, il n'avait pas de dents ! Donc ça donne une idée du potentiel de ce CASI... (Commentaires.) ...et de son inutilité. Le fait de l'abroger et de remettre la somme dans le traitement de base serait peut-être une meilleure idée ! (Applaudissements.)

Deuxième partie du débat: Session 11 (septembre 2014) - Séance 74 du 19.09.2014