République et canton de Genève

Grand Conseil

Séance extraordinaire

Prestation de serment du Conseil d'Etat

La séance est ouverte à 17h en la cathédrale Saint-Pierre, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Prennent place sur le podium:

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, conseiller d'Etat chargé du département présidentiel;

M. Pierre Maudet, vice-président du Conseil d'Etat, conseiller d'Etat chargé du département de la sécurité et de l'économie;

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat chargée du département de l'instruction publique, de la culture et du sport;

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat chargé du département des finances;

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat chargé du département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé;

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat chargé du département de l'environnement, des transports et de l'agriculture;

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat chargé du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie;

Mme Anja Wyden Guelpa, chancelière d'Etat.

M. Antoine Droin, président du Grand Conseil;

M. Antoine Barde, premier vice-président du Grand Conseil;

M. Eric Stauffer, deuxième vice-président du Grand Conseil;

M. François Lefort, membre du Bureau;

M. Patrick Lussi, membre du Bureau;

Mme Salika Wenger, membre du Bureau;

Mme Béatrice Hirsch, membre du Bureau;

Mme Maria Anna Hutter, sautier du Grand Conseil (Mme Maria Anna Hutter porte la masse du sautier.)

M. Olivier Jornot, procureur général.

(Pendant l'entrée des autorités et jusqu'à ce que toutes les personnes prenant place sur le podium soient installées, M. François Delor, organiste de la cathédrale, interprète successivement le Largo alla Haendel de Otto Barblan ainsi que Chaconne en sol mineur de Louis Couperin.)

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées. Veuillez vous asseoir ! (L'assemblée s'assied.)

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Michel Amaudruz, Philippe Morel, Salima Moyard et Patrick Saudan, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et M. Geneviève Arnold, Nicole Valiquer Grecuccio et Georges Vuillod.

Appel nominal

Le président. Je prie M. François Lefort, membre du Bureau du Grand Conseil, de procéder à l'appel nominal.

Mmes et MM. Cyril Aellen (PLR), Murat Julian Alder (PLR), Geneviève Arnold (PDC), Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), François Baertschi (MCG), Antoine Barde (PLR), Gabriel Barrillier (PLR), Michel Baud (UDC), Olivier Baud (EAG), Jacques Béné (PLR), Thomas Bläsi (UDC), Isabelle Brunier (S), Irène Buche (S), Bertrand Buchs (PDC), Jean-Michel Bugnion (Ve), Mathias Buschbeck (Ve), Boris Calame (Ve), Beatriz de Candolle (PLR), Olivier Cerutti (PDC), Thierry Cerutti (MCG), Pierre Conne (PLR), Edouard Cuendet (PLR), Christian Dandrès (S), Roger Deneys (S), Antoine Droin (S), Michel Ducommun (EAG), Michel Ducret (PLR), Marie-Thérèse Engelberts (MCG), Marc Falquet (UDC), Jean-Louis Fazio (S), Emilie Flamand-Lew (Ve), Stéphane Florey (UDC), Christian Flury (MCG), Nathalie Fontanet (PLR), Jean-Luc Forni (PDC), Sophie Forster Carbonnier (Ve), Christian Frey (S), Renaud Gautier (PLR), Benoît Genecand (PLR), Jean-François Girardet (MCG), Sandra Golay (MCG), Christian Grobet (EAG), Jean-Marc Guinchard (PDC), Jocelyne Haller (EAG), Lionel Halpérin (PLR), Serge Hiltpold (PLR), Béatrice Hirsch (PDC), Frédéric Hohl (PLR), Christo Ivanov (UDC), Claude Jeanneret (MCG), Philippe Joye (MCG), Sarah Klopmann (Ve), François Lance (PDC), François Lefort (Ve), Eric Leyvraz (UDC), Patrick Lussi (UDC), Norbert Maendly (UDC), Danièle Magnin (MCG), Caroline Marti (S), Yves de Matteis (Ve), Lisa Mazzone (Ve), Carlos Medeiros (MCG), Christina Meissner (UDC), Guy Mettan (PDC), Cyril Mizrahi (S), Bénédicte Montant (PLR), Simone de Montmollin (PLR), Magali Orsini (EAG), Rémy Pagani (EAG), Frédérique Perler (Ve), Sandro Pistis (MCG), André Python (MCG), Henry Rappaz (MCG), Bernhard Riedweg (UDC), Jean-Charles Rielle (S), Jean Romain (PLR), Pierre Ronget (PLR), Martine Roset (PDC), Romain de Sainte Marie (S), Jean Sanchez (MCG), Lydia Schneider Hausser (S), Ivan Slatkine (PLR), Daniel Sormanni (MCG), Pascal Spuhler (MCG), Eric Stauffer (MCG), Francisco Valentin (MCG), Nicole Valiquer Grecuccio (S), Pierre Vanek (EAG), Alberto Velasco (S), Jean-Marie Voumard (MCG), Georges Vuillod (PLR), Pierre Weiss (PLR), Salika Wenger (EAG), Thomas Wenger (S), Raymond Wicky (PLR), Ronald Zacharias (MCG), Christian Zaugg (EAG) et Daniel Zaugg (PLR).

(A la fin de l'appel nominal, le groupe de musique cubaine Orisha Oko interprète La Luz Redentora / Elleggua.)

Discours du président du Grand Conseil

Le président. Monsieur le président du Conseil d'Etat,

Madame et Messieurs les conseillers d'Etat,

Monsieur le procureur général,

Monsieur le directeur général par intérim de l'office des Nations Unies à Genève,

Mesdames et Messieurs les directeurs et secrétaires généraux des organisations internationales,

Excellences,

Mesdames et Messieurs les membres des Conseils d'Etat des cantons de Fribourg, de Vaud et du Valais,

Messieurs les représentants des autorités de la France voisine,

Mesdames et Messieurs les députés genevois aux Chambres fédérales,

Madame et Monsieur les juges fédéraux,

Mesdames et Messieurs les membres du bureau du Grand Conseil,

Mesdames et Messieurs les présidents de juridiction,

Mesdames et Messieurs les consuls généraux,

Mesdames et Messieurs les députés,

Madame la chancelière d'Etat,

Madame le sautier,

Madame la maire de la Ville de Genève,

Madame et Messieurs les anciens magistrats,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,

Madame et Messieurs les magistrats de la Cour des comptes,

Mesdames et Messieurs les anciens présidents du Grand Conseil,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités communales,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités militaires, universitaires et ecclésiastiques,

Mesdames et Messieurs,

En préambule, je voudrais remercier les magistrats sortants, Mmes Isabel Rochat et Michèle Künzler ainsi que MM. Charles Beer, David Hiler et Pierre François Unger, pour leur engagement, leur dévouement sans relâche en faveur du bien public.

Depuis 1827, cet édifice entend les serments des conseillers et conseillères d'Etat. Bien que notre nouvelle constitution ne désigne plus ce lieu historique pour cette cérémonie, il est apparu important à notre Conseil de privilégier la continuité de cette tradition. Nous remercions l'Eglise protestante, le conseil de paroisse de Saint-Pierre Fusterie et la Fondation des Clefs de Saint-Pierre pour leur collaboration à cet événement de notre vie civique.

Cette cérémonie, placée sous le thème de l'ouverture, sera agrémentée par des prestations musicales d'horizons divers. Notre gratitude va au groupe de chanteuses cubaines Orisha Oko, à Madame Lingling Yu, virtuose de luth chinois, et au groupe sénégalais de Sankoum Cissokho, joueurs de Kora. Ces artistes sont honorés de jouer pour nous ce soir, et veulent marquer, par leur présence, leur gratitude à Genève, qui les a accueillis.

Bien entendu, nous ne saurions oublier M. François Delor, qui embellit fidèlement la cérémonie des harmonies des grandes orgues de la cathédrale.

En ce jour, j'aimerais vous adresser un message d'espoir.

Genève a toujours su s'ouvrir aux idées novatrices, marcher avec son temps, regarder autour d'elle et être actrice de son destin. Son histoire et son héritage sont marqués par de nombreuses luttes, tant politiques pour acquérir son indépendance, que religieuses quant à l'expression de la foi chrétienne. Ainsi nous a été légué un précieux climat de liberté et de responsabilités.

Genève est un carrefour de cultures, autant par les migrations que par la présence des représentations diplomatiques et des organisations internationales. Etre ville de paix est sa vocation universelle, et cela s'impose comme une évidence. Elle abrite les organisations qui oeuvrent en matière de formation et d'éducation, de commerce, d'environnement et de développement durable, de maintien de la paix et de la sécurité, de météorologie, de propriété intellectuelle, de santé, de télécommunication et de travail.

Elle est le berceau des droits humains, abritant en son sein le Haut Commissariat sis à la Maison de la Paix, plateforme importante des efforts des Nations Unies à travers le monde. Le siège européen de l'ONU ne se situe-t-il pas à l'avenue de la Paix ? Comment ne pas y voir un symbole parlant ?

Notre canton profite depuis de nombreuses générations de sa situation, de son expérience, de son intérêt pour l'environnement politico-économique de notre planète, permettant le partage, la régulation, l'interpellation, la dénonciation, le témoignage, sans oublier naturellement ses bons offices pour être au service des nations et des peuples. Une illustration en est l'oeuvre d'Henri Dunant, premier récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1901 pour le fondement de l'action humanitaire du CICR, dont l'acte initial fut signé le 22 août 1864 dans la salle de l'Alabama, au sein même de notre Hôtel de Ville, au coeur du pouvoir politique. Cet autre symbole ne trompe pas !

Depuis peu, notre ville s'enorgueillit d'un nouveau pôle de neuroscience: le projet piloté par l'EPFL du «Human Brain Project», partenariat européen et mondial entre universités, hôpitaux et instituts, avec l'appui de nombreuses entreprises internationales. Il pousse aussi à la collaboration entre cantons. Ce projet de «la métropole lémanique» permettra de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau.

La région «franco-genevoise» est également la vitrine des prouesses du CERN, à cheval sur la frontière. La découverte du boson de Higgs et l'attribution du prix Nobel de physique à ses chercheurs nous honorent. Cet événement contribue à la compréhension des actions des particules les plus élémentaires, et ouvre des horizons à la connaissance de l'univers. Par ces deux pôles de recherche au coeur des sciences, voici que la Genève, même microscopique, renforce son rayonnement dans le monde.

J'ose cependant croire que l'on peut, sans arrogance, prétendre rester, pour celles et ceux qui y vivent, une petite cité à visage humain, ce que Genève a toujours été: un lieu de rassemblement, une patrie de femmes et d'hommes libres, un berceau du savoir, du savoir-faire et du savoir-être.

En ce jour, je garde donc espoir.

Je garde espoir car la nouvelle constitution, acceptée par une majorité modérée de votants, est entrée en vigueur le 1er juin dernier. Elle s'est nourrie des forces de notre passé et mise désormais sur nos capacités à envisager notre avenir. Acceptée par certains ou rejetée par d'autres, elle est malgré tout devenue le ciment qui lie les citoyens et citoyennes de notre république. Elle nous rappelle, dans ses cinq préambules, que le peuple de Genève est reconnaissant de son héritage, convaincu des possibilités inventives et créatives de ses membres, résolu à renouveler son contrat social, attaché à son ouverture au monde et déterminé à renforcer la république par les richesses humaines conjuguées de ses majorités et de ses minorités.

Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 : «toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.»

En six mois, Genève aura renouvelé ses trois pouvoirs : le premier, le législatif, le second, l'exécutif, et le troisième, le judiciaire. Aujourd'hui, les regards se tournent vers nous, ici rassemblés en séance extraordinaire. Notre république, dotée d'un nouveau parlement, a élu un nouveau Conseil d'Etat. Il va prêter serment dans quelques instants. Le troisième pouvoir suivra, au printemps prochain, avec l'élection de ses membres suite à un vote populaire.

Pourtant, la légitimité de notre présence ici n'est pas sans soulever des questions. Que penser des seuls quarante et quelques pourcents de votants qui s'acquittent de leurs droits et devoirs civiques ? A contrario, que dire des soixante autres pourcents, non votants ? Boudent-t-ils nos institutions ou sont-ils trop satisfaits ? Serait-ce dire que, depuis largement plus d'une décennie, Genève a mal à ses responsables politiques ?

Ce repli, ce désintérêt, ne tiennent-ils pas en partie à nos individualismes, à nos égoïsmes collectifs et personnels, à nos modes de vies ? Le désintérêt du bien commun existe. Il est le reflet d'une époque ambiguë, d'une période où parfois les communautés s'ignorent alors même qu'elles se sentent bien ici, s'excluant de la construction nécessaire, voire inéluctable, d'une région dont nous avons tous besoin, croyant que désigner des boucs émissaires sans rien proposer est suffisant à résoudre les questions.

Pourtant, j'ose croire !

Fidèle malgré tout à nos traditions, aux principes fondamentaux de notre nouvelle constitution, le rassemblement de ce jour, tout comme les délibérations en leur temps, ont à forger les liens de notre vie citoyenne et renforcer notre respect des institutions. Cette vie commune nous pousse immanquablement à nous accepter les uns et les autres et à trouver, ensemble, les moyens de bâtir le Grand Genève, la métropole lémanique ouverte sur l'Europe et plus largement sur le monde. Sans quoi nous nous appauvrirons tout aussi immanquablement.

Alors en ce jour, je garde espoir.

La cathédrale Saint-Pierre est un lieu de culte. Elle est aussi un lieu laïc de rassemblement, proche du parlement. Elle s'est prêtée aux discours et aux échanges du Conseil Général et aux grandes heures de notre vie politique. Comme pour les anciennes prestations de serment du Conseil d'Etat, elle contribue aujourd'hui à nous faire vivre un moment d'exception.

Au coeur du pays genevois, la cathédrale trône sur ses hauteurs, accessible aux regards d'où que vous veniez. Elle est le visage de notre ville-canton ou de notre canton-ville, un lieu de convergence, le reflet d'une contrée ouverte au monde et aux préoccupations des temps actuels. Mais bien entendu aussi aux préoccupations des temps futurs, car nos modes de vie nous poussent toujours plus vers des enjeux colossaux en matière d'équilibres sociaux, de gestion environnementale, de défis économiques mondialisés. L'avenir des générations futures en dépend, et nous avons donc une responsabilité à l'égard de l'héritage que nous leur laissons.

Mesdames et Messieurs,

aujourd'hui, j'ose espérer !

J'ose espérer qu'après la déstabilisation vécue par nos institutions fragilisées dans leur fonctionnement, la compréhension des rôles et des fonctions des deux premiers pouvoirs, nous pourrons donner, redonner, une image respectable et respectée par nos actes et engagements. Nous avons à apporter notre sagesse; nous avons à donner et redonner la confiance nécessaire au développement du bien commun de notre république et de notre région franco-valdo-genevoise.

Pour ce faire, il est nécessaire, indispensable, que l'union des forces, nouvelles et anciennes, la convergence des idées, la compréhension et le respect des objectifs communément établis prédominent.

En ce jour de prestation de serment et d'engagement du Conseil d'Etat pour la législature, il nous revient implicitement, à vous et moi, Mesdames et Messieurs les députés, et vous, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, de sceller à nouveau un pacte républicain entre le législatif et l'exécutif pour défendre et renforcer l'Etat de droit et le service au public, en assurant notre «contrat social» et le respect des droits fondamentaux de notre constitution. C'est là que réside la force d'un Etat égal pour toutes et tous, chargé de redistribuer justement ses biens matériels et immatériels, de s'ouvrir aux autres.

Pour ce faire, nul doute que le nouvel engagement du Conseil d'Etat - que nous allons découvrir - fera état des enjeux de notre canton et de la définition des repères nécessaires à guider l'action publique pour les cinq années à venir. La redéfinition de l'organisation de l'Etat, les nouveaux paradigmes définis par la constitution, les nouvelles répartitions des forces législatives et exécutives et le cadre fixé par le Grand Conseil devront inspirer vos élans de créativité, en matière notamment d'aménagement du territoire, de mobilité, de logement, d'énergie, de sécurité et d'emploi, thèmes principaux de préoccupation des citoyennes et citoyens de notre canton.

Aujourd'hui, marqué par l'image de Nelson Mandela, personnalité d'exception, homme de paix qui a lutté contre la haine et pour l'unité, je veux être positif et ne peux terminer ce message qu'en restant, tout comme lui l'a été, optimiste. C'est pourquoi je me permets de transformer le «je» en un «nous» et d'affirmer, pour nos deux premiers pouvoirs: osons croire, osons espérer, restons confiants, mais aussi soyons lucides et construisons l'avenir. Et pourquoi pas: osons être utopistes.

Que vivent Genève et la Suisse, pour toutes et tous. (Applaudissements.)

(Mme Lingling Yu, luthiste d'origine chinoise, interprète Clair de lune et Rivière au printemps.)

E 2135
Prestation de serment du Conseil d'Etat

Le président. Nous allons procéder à la prestation de serment du Conseil d'Etat. Je prie l'assistance de bien vouloir se lever. Madame la conseillère d'Etat, Messieurs les conseillers d'Etat, je vais vous donner lecture de la formule de serment. Pendant cette lecture, vous tiendrez la main droite levée. Une fois cette lecture terminée, vous baisserez la main. Puis, à l'appel de votre nom, vous vous approcherez des Saintes Ecritures, vous lèverez à nouveau la main droite et vous prononcerez les mots soit: «Je le jure», soit: «Je le promets».

Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

d'être fidèle à la République et canton de Genève, d'observer et de faire observer scrupuleusement la constitution et les lois, sans jamais perdre de vue que mes fonctions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;

de maintenir l'indépendance et l'honneur de la République, de même que la sûreté et la liberté de tous les citoyens;

d'être assidu aux séances du Conseil et d'y donner mon avis impartialement et sans aucune acception de personnes;

d'observer tous les devoirs que nous impose notre union à la Confédération suisse et d'en maintenir, de tout mon pouvoir, l'honneur, l'indépendance et la prospérité.»

Veuillez baisser la main.

(A l'appel de leur nom, Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, vice-président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, s'approchent des Saintes Ecritures et, la main droite levée, prononcent les mots «Je le jure» ou «Je le promets».)

Le président. Madame la conseillère d'Etat, Messieurs les conseillers d'Etat, le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès pour cette première législature. (Applaudissements.)

Je vous invite à rester debout pour chanter le «Cé qu'è lainô», accompagnés à l'orgue par M. François Delor.

(L'assemblée chante le «Cé qu'è lainô».)

Le président. Veuillez vous asseoir. La parole est à M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat.

Discours de Saint-Pierre

Discours du président du Conseil d'Etat

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, il y a 200 ans, Genève a choisi la Suisse. Choisir la Suisse, c'est défendre l'idée que l'Etat est au service du citoyen et non le contraire. Choisir la Suisse, c'est prendre le temps de négocier avant de décider, et tenir, pour un gouvernement élu, les engagements pris par celui qui l'a précédé. Choisir la Suisse, c'est avoir le respect des minorités, rechercher le consensus et gouverner dans la collégialité. Ces vertus, notre gouvernement entend les pratiquer.

Genève a choisi la Suisse. Mais Genève n'a pas choisi sa frontière. La vraie frontière de Genève, celle que la nature avait dessinée avant que la politique ne se mêle de géographie, c'est le Salève et le Jura.

Un territoire en partage

Aujourd'hui, notre frontière politique cristallise les difficultés. Nous devons les résoudre, afin que les habitants de notre région puissent travailler, se loger, se déplacer. Notre gouvernement, fidèle aux valeurs suisses mais respectueux aussi de celles de nos voisins, poursuivra donc le dialogue avec les autorités vaudoises et françaises pour aménager ce territoire précieux que nous avons en partage. Nos ambitions sont, au regard de l'histoire, somme toute assez modestes, puisqu'il s'agit de faire aussi bien qu'il y a un siècle, quand Genève avait construit une ligne ferroviaire pour Lyon puis Lausanne, et des trams jusqu'à Saint-Julien, Douvaine, Gex ou Annemasse. Ou quand, plus tard, elle a négocié un échange de terrains avec la France pour construire notre aéroport commun. C'est à cela que doit servir le Grand Genève: apporter des solutions concrètes.

Notre nouvelle constitution légitime ce dialogue. C'est même la première mission dont elle charge le président du Conseil d'Etat. Pour le constituant, Genève dépend de la qualité de ses relations avec ses voisins. Les cantons suisses, d'abord. La France voisine, ensuite. Le reste du monde, enfin.

Notre Conseil d'Etat n'oublie pas qu'il n'est, certes, qu'un gouvernement cantonal parmi vingt-six. Mais ce canton est Genève, et Genève n'est pas rien. En ce jour de 65e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, souvenons-nous que dans tous les pays en guerre ou en crise humanitaire, lorsque tout espoir semble disparu, les secours parviennent encore par des véhicules où l'on peut lire, en français: «Comité international, Genève». Quand le monde tremble devant la menace d'une crise nucléaire en Iran, c'est à Genève que les grandes puissances renouent le dialogue. Quand le peuple syrien pleure ses morts, c'est encore vers Genève que se portent tous les espoirs.

Cette position unique implique aussi des devoirs. D'abord, s'engager pour que les organisations internationales puissent bénéficier, demain encore, du cadre nécessaire à leurs activités. Aux côtés de la Confédération, nous soutiendrons la rénovation de leurs sièges, en particulier celui des Nations Unies. Cela permettra à notre canton de rester le lieu mondial de la négociation humanitaire, diplomatique, sanitaire, climatique, du travail ou du commerce. Nous nous y attellerons collectivement, en veillant à renforcer nos atouts: une desserte aérienne d'exception, une densité unique de représentations diplomatiques et consulaires, des hautes écoles de qualité, la sécurité et la paix confessionnelle dans un monde en proie aux déchirements religieux.

Une place pour chacun

Outre ces missions que nous assigne la nouvelle constitution, nous n'oublions pas que la responsabilité première de toute communauté humaine, c'est de s'assurer que chacun de ses membres y trouve sa place.

Une place pour chacun, c'est renforcer l'école publique, gratuite et laïque, seule garante de l'égalité de chances. Elle doit aussi être une école de qualité, où l'on travaille plus et mieux. Il nous reviendra la mission d'étendre l'école primaire le mercredi matin. Nous réduirons les structures bureaucratiques afin de redonner de l'espace aux enseignants de terrain. Nous lutterons de manière précoce contre les situations d'échec, qui engendrent souffrances et gaspillages, en orientant mieux les élèves et en revalorisant les filières professionnelles, afin que chaque jeune puisse atteindre une certification à la hauteur de son potentiel et de ses mérites.

Une place pour chacun, c'est construire pour loger nos enfants. Notre canton compte aujourd'hui 100 000 habitants de moins de 20 ans que nous devrons loger dans les deux décennies à venir, et non les contraindre à s'expatrier. Cela suppose que nous redonnions l'envie de construire, en encourageant mieux les communes, en simplifiant notre réglementation et en rendant la liberté à nos architectes. Une place pour chacun, c'est aussi construire des quartiers durables et des quartiers pour tous, dans le souci de la mixité: des logements d'utilité publique pour les plus modestes, mais aussi des coopératives et, pour ceux qui le peuvent, l'accession à la propriété du logement, à condition d'y habiter. Le plan directeur cantonal 2015-2030 donne les pistes pour y parvenir.

Les accords bilatéraux, pour l'emploi

Une place pour chacun, c'est créer des emplois pour tous les niveaux de qualification. Ce qui fait la force de notre pays, c'est le partenariat social. Seul le dialogue permanent entre syndicats et patronat est à même d'offrir la sécurité et la flexibilité. Nous soutiendrons également les accords bilatéraux, qui ont rendu la prospérité à notre canton, permettant à nos entreprises de créer ici les emplois qu'elles auraient, sinon, dû délocaliser. Nous devons nous montrer plus rigoureux encore dans l'application des mesures d'accompagnement, pour que les métiers les plus exposés soient mieux protégés. La préservation de la paix sociale passe notamment par le développement des conventions collectives. Nous devons mieux orienter et placer ceux qui sont à la recherche d'un emploi. Les emplois de solidarité sont salutaires pour les situations les plus difficiles et il conviendra de les adapter.

Enfin, mieux encore qu'il ne le fait aujourd'hui, l'Etat veillera à ce que les emplois qu'il pourvoit ou qu'il subventionne soient proposés aux demandeurs d'emplois locaux, lorsqu'ils disposent des compétences adéquates.

Une place pour chacun, c'est aussi protéger notre territoire. Pour permettre à nos agriculteurs de nous nourrir, pour protéger notre patrimoine historique et nos sites naturels, les terrains appelés à être urbanisés doivent l'être densément, comme nos ancêtres ont si bien su le faire à leur époque.

Une place pour chacun, c'est faciliter les transports. Nous poursuivrons le chantier du CEVA, car il répond à nos besoins avérés. Nous préparerons, avec le soutien déjà acquis de la Confédération, l'élargissement de l'autoroute de contournement, une nouvelle gare souterraine à Cornavin et la réalisation de plusieurs lignes de trams. Il s'agira aussi d'étudier si un péage ou un partenariat privé nous permettra de réaliser une traversée du lac, sachant que son financement exclusif par le seul canton est irréaliste dans les conditions budgétaires et d'endettement actuelles.

Intégrer et innover

Une place pour chacun, c'est garantir l'accès à des soins de qualité pour tous. C'est proposer aux aînés, mais aussi aux personnes handicapées, des prises en charge adaptées, par l'accompagnement à domicile ou, ensuite, par des structures d'hébergement adéquates.

Une place pour chacun, c'est garantir la sécurité des personnes et des biens, gage ultime de la sauvegarde de nos libertés publiques et privées. Nous poursuivrons la politique déterminée de lutte contre la criminalité, dont les priorités ont été définies dans l'accord passé avec le Ministère public. La présence des forces de sécurité sera renforcée et trois nouveaux établissements pénitentiaires mis en service. Notre corps de police sera réformé dans le respect de sa mission régalienne et dans le souci de revivifier la valeur de l'autorité.

Une place pour chacun, c'est aussi favoriser le vivre ensemble. Nous devons mieux intégrer les migrants de tout statut social et de toute origine, en engageant davantage la responsabilité réciproque de l'individu et de l'Etat.

Une place pour chacun, c'est enfin favoriser l'innovation. Nous n'avons pas oublié la perte, en 2012, de 1 300 emplois au siège genevois d'une multinationale. Cette nouvelle nous a rappelé que notre richesse n'est pas éternelle. Demain, c'est dans le même bâtiment que Genève accueillera le «Human Brain Project». Financé par l'Union européenne pour un milliard d'euros, il fera de Genève, et de son voisin vaudois, la capitale mondiale de la recherche sur le cerveau - tout comme Genève est déjà, aussi grâce à l'Europe, la capitale de la recherche en physique nucléaire. C'est ainsi sur nos terres que s'explorent les dernières véritables terrae incognitae.

Les missions que l'on attend de la fonction publique sont donc ambitieuses. Elles supposent que nous modernisions en profondeur les rapports de travail afin qu'ici aussi, chacun trouve sa place et que les efforts soient mieux valorisés.

Des conditions essentielles

Soyons clairs: tous ces objectifs ne pourront être poursuivis qu'à la condition que notre canton continue de créer des richesses, maîtrise sa dette et gère ses prestations publiques avec plus d'efficience.

La prospérité de Genève est liée à la présence d'entreprises actives dans le monde entier. Ce sont elles qui permettent à notre économie locale de prospérer également. Ce sont des dizaines de milliers d'emplois sans lesquels Genève deviendrait rapidement une ville de second plan, avec une augmentation massive du chômage et des baisses de prestations publiques.

Notre gouvernement est ainsi convaincu de la nécessité de réformer la fiscalité. Nous devons supprimer la discrimination entre entreprises locales et entreprises multinationales, afin de soutenir les premières et conserver les secondes. En lien avec la Confédération, nous défendrons l'objectif d'un taux d'imposition unique à 13%, seul susceptible de maintenir 40 000 emplois directs et de répondre aux standards fiscaux internationaux. Il n'y a pas d'autre issue pour des entreprises qui réalisent l'essentiel de leurs profits à l'exportation ou à l'étranger.

La prospérité de Genève, c'est aussi garantir une architecture institutionnelle efficace. Nous sommes le canton où les habitants paient le plus d'impôts en regard des prestations offertes, sans pour autant être en mesure de réduire notre dette. C'est donc tous les liens entre le canton et les communes genevoises qui doivent être revus. La fiscalité doit être perçue au lieu de domicile car l'essentiel des charges est lié à la présence d'habitants. Les doublons doivent être supprimés et les compétences réparties de manière claire. Cela touchera toutes les politiques et concernera aussi nos participations dans nos régies publiques. Tout cela doit nous permettre de servir mieux nos concitoyens, à moindre coût pour le contribuable.

Mesdames et Messieurs, cela fait exactement 704 ans que le gouvernement de Genève prête serment ici même, sous la tutelle protectrice des mêmes pierres, sous les élans des mêmes voûtes. La sacralité du lieu nous rappelle que l'exercice du pouvoir est un acte grave. Sa grandeur et sa permanence nous invitent à l'humilité, car le pouvoir ne nous appartient pas, mais nous est délégué l'espace d'un temps, comme un patrimoine que nous devons enrichir pour le bien de tous. Au-delà de ce qui nous distingue, nous le ferons dans la conscience de nos responsabilités.

Vive Genève ! Vive la République ! Vive la Suisse ! (Applaudissements.)

(A l'issue du discours du président du Conseil d'Etat, le groupe Kora Trio interprète le morceau La Paix.)

Le président. Je remercie le groupe Kora Trio qui nous a interprété le morceau intitulé «La Paix».

Je déclare la cérémonie de prestation de serment du Conseil d'Etat close.

(Pendant que les officiels quittent la cathédrale en cortège, M. François Delor, aux orgues, interprète le Prélude en do majeur BWV 547 552 de Jean-Sébastien Bach.)

La séance est levée à 18h05.