Séance du vendredi 13 mars 2015 à 17h05
1re législature - 2e année - 3e session - 17e séance

La séance est ouverte à 17h05, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, et Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jean-Louis Fazio, Emilie Flamand-Lew, Lionel Halpérin, Eric Leyvraz, Guy Mettan, Magali Orsini et Pierre Weiss, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Pierre Gauthier, Jean-Charles Lathion, Magali Origa et Marion Sobanek.

Annonces et dépôts

Néant.

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Citernes de Blandonnet : trois ans après, qu'a donc fait le Conseil d'Etat ? (QUE-309)

Question écrite urgente de M. Bertrand Buchs : Le canton va-t-il subventionner la reconstruction du Théâtre de Carouge et pour quel montant ? (QUE-310)

Question écrite urgente de M. Rémy Pagani : Taxation fiscale en Ville de Genève des transactions de M. Yves Bouvier, président de Natural Le Coultre SA, et de « la compagnie » (QUE-311)

Question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Discrimination anti-Suisses à l'office cantonal du logement : priorité aux requérants d'asile abuseurs de l'aide sociale ? (QUE-312)

Question écrite urgente de Mme Lydia Schneider Hausser : Est-il juste que l'Etat cautionne avec ses propres institutions la création d'une seconde association faîtière dans le secteur des EMS ? (QUE-313)

Question écrite urgente de M. François Baertschi : Combien de permis frontaliers (G) ont été demandés pour le grand Etat en 2014 ? (QUE-314)

Question écrite urgente de M. Boris Calame : Vers quelle protection, quel maintien et quel soutien au patrimoine culturel des peuples autochtones, archivé à Genève, l'Etat entend-il s'engager ? (QUE-315)

Question écrite urgente de M. François Lefort : Où en est le Conseil d'Etat dans la planification des bâtiments scolaires pour le cycle d'orientation et le postobligatoire ? (QUE-316)

QUE 309 QUE 310 QUE 311 QUE 312 QUE 313 QUE 314 QUE 315 QUE 316

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Questions écrites

Le président. Vous avez également trouvé sur vos places les questions écrites suivantes:

Question écrite de M. Raymond Wicky : Survol par des drones : quelle est la situation à Genève ? (Q-3752)

Question écrite de M. Boris Calame : En grève, toujours en grève ? Quel impact sur les finances publiques et les prestations à la population ? (Q-3753)

Q 3752 Q 3753

Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.

QUE 303-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Romain : Quelle économie va faire l'Université de Genève, et donc l'Etat, à la faveur de la fermeture en 2015-2016 de la première année de l'IUFE ?

Annonce: Séance du vendredi 20 février 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 303-A

QUE 304-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lisa Mazzone : Que fait le Conseil d'Etat pour appliquer la loi sur l'énergie et prescrire aux collectivités, aux fondations de droit public et aux caisses de pension différentes mesures de réduction de consommation énergétique ?

Annonce: Séance du vendredi 20 février 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 304-A

QUE 305-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lydia Schneider Hausser : Quelle transparence dans SCORE ?

Annonce: Séance du vendredi 20 février 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 305-A

QUE 306-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Roger Deneys : Informaticiens roumains payés 800 euros par mois chez Firmenich : que compte faire le Conseil d'Etat pour faire cesser dans les meilleurs délais des pratiques aussi scandaleuses et peu respectueuses des travailleurs et demandeurs d'emploi genevois ?

Annonce: Séance du vendredi 20 février 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 306-A

QUE 307-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Roger Deneys : Chantier du CEVA à Lancy-Pont-Rouge : pourquoi aucune mesure n'est-elle prise pour assurer la sécurité et la facilité des déplacements des piétons et cyclistes ?

Annonce: Séance du vendredi 20 février 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 307-A

QUE 308-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pierre Vanek : LPol : questions sur la boîte de Pandore des articles illégaux de la lex Maudet...

Annonce: Séance du vendredi 20 février 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 308-A

Q 3749-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Boris Calame : Etablissements autonomes de droit public et structures subventionnés : en sus des salaires, indemnités publiées, paiements ou remboursements de frais, quels sont les avantages, prestations et/ou facilités offerts et/ou à disposition de certaines personnes, à titre gracieux ou sans en couvrir les coûts réels ?
IN 153-C
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier l'Initiative populaire 153 : Initiative Cornavin "Pour une extension souterraine de la gare"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.
Rapport de M. Pascal Spuhler (MCG)

Débat

Le président. Nous abordons le premier point fixe de notre ordre du jour qui est l'IN 153-C. Je rappelle que nous sommes en catégorie II, soixante minutes. (Un instant s'écoule. Remarque.)

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur. Mais il ne m'a pas donné la parole !

Le président. Je vous passe la parole, Monsieur le rapporteur.

M. Pascal Spuhler. Merci, Monsieur le président, c'est gentil. J'attendais votre feu vert ! Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas sans fierté que je présente ce rapport aujourd'hui parce que c'est peut-être la première fois, et il faut le souligner, que s'exprime une unanimité aussi forte s'agissant d'une initiative, surtout dans le domaine des transports ! Vous savez tous à quel point des positions très tranchées opposent les partis ici présents. Or là, ô miracle, nous avons trouvé une harmonie autour de cette initiative déposée par le Collectif 500, qui se bat bec et ongles depuis quelques années pour défendre le quartier des Grottes et le principe d'une extension souterraine de la gare Cornavin. C'est en effet après une audition du Collectif 500 que l'entier de la commission a décidé de soutenir le principe d'inscrire dans la loi l'extension en souterrain de la gare Cornavin. Pourquoi en souterrain et pourquoi cette idée nous a-t-elle plu ? Tout simplement parce qu'en 2050 ou 2070, Mesdames et Messieurs, lorsqu'il faudra étendre la gare encore davantage, il y aura déjà de la place en souterrain et on pourra éventuellement imaginer une annexe en surface s'il n'y en a pas assez alors que si on commence aujourd'hui par un projet en surface, il faudra de toute façon passer à une version souterraine un jour ou l'autre; c'est donc déjà une question de logique.

Maintenant, d'aucuns tiquent sur le coût. Soit, il y a une petite différence de coût s'agissant de ce qui nous est proposé, mais tout est relatif et aléatoire: pour rappel, Mesdames et Messieurs, on nous a vendu le CEVA pour 1 milliard alors qu'on approche largement les 2 milliards à l'heure actuelle ! On peut donc difficilement se baser sur un prix ou un budget de base lors de constructions aussi importantes. Mesdames et Messieurs, l'idée de cette initiative est d'inscrire dans la loi le principe de l'extension, et je voudrais encore une fois saluer l'initiative citoyenne du Collectif 500, qui n'est pas une bande de farfelus comme on aurait pu le croire au départ... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le rapporteur, juste un instant, s'il vous plaît !

M. Pascal Spuhler. Bien sûr, Monsieur le président.

Le président. Puis-je demander à l'assemblée de faire silence ? Merci. Poursuivez, Monsieur Spuhler.

M. Pascal Spuhler. Je disais donc, Monsieur le président, qu'il ne s'agit pas d'une bande de farfelus comme certains voulaient le laisser croire au départ, notamment le mastodonte que représentent les CFF. Il s'agit de citoyens qui, avec une grande volonté, ont démarché, déposé des pétitions - ils ont aussi été soutenus par une motion - et réussi à réunir une grande majorité de ce parlement à plusieurs reprises. Ils ont rendu visite aux partis pour leur présenter le projet et leur expliquer les pourquoi et les comment de cette solution souterraine. Cela a abouti à l'initiative 153 que l'entier de la commission a soutenue, et je demande à ce parlement de voter également à l'unanimité le soutien à cette initiative. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je salue à la tribune Mme Stéphanie Ruegsegger, ancienne collègue et députée PDC ! (Applaudissements.) La parole revient maintenant à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Notre infrastructure ferroviaire saturée doit être adaptée à l'évolution des besoins économiques de notre canton et de sa région. Nous sommes bien conscients que Genève a accumulé un retard de près de trente ans dans ses projets ferroviaires. Au début, les CFF avaient prévu un projet d'extension de la gare Cornavin en surface. Mais avec un coût de construction estimé entre 1,3 et 1,5 milliard, sans compter les frais de réaménagement du quartier - ces chiffres ont été confirmés par une étude neutre de l'EPFL et d'un bureau zurichois - et la destruction de 385 logements à loyer modéré qu'occupent 755 habitants ainsi que des commerces employant 26 collaborateurs, ce projet serait tributaire de nombreuses oppositions retardant le début des travaux.

Finalement, les CFF ont accepté d'étudier la variante d'un agrandissement souterrain de la gare Cornavin proposée par le Collectif 500 au travers d'une initiative populaire cantonale, dont le coût est estimé entre 1 et 1,2 milliard. Cette solution d'une gare souterraine à deux voies permet une cadence des trains plus élevée et évite la construction de deux sauts-de-loup... de deux sauts-de-mouton, pardon ! (Exclamations.) ...très onéreux... (Commentaires.) Deux sauts-de-mouton très onéreux auraient dû être construits si le projet d'extension de la gare en surface avait été retenu. En outre, la variante de la gare souterraine préserve tout un quartier de la démolition et du relogement, engendre peu de nuisances et prévoit la possibilité d'une extension future à l'horizon 2050. Selon le Collectif 500, cette option a le soutien de l'Office fédéral des transports, des CFF, de la Ville de Genève et du Conseil d'Etat. La Confédération est disposée à prendre 1 milliard à sa charge; le solde de cet investissement, soit le préfinancement de 200 millions environ, doit être du ressort de la Ville et du canton. Le projet d'une gare en souterrain a été estimé meilleur marché pour nos collectivités publiques, mais de nouveaux devis plus précis sont en cours d'élaboration.

Faut-il rappeler que le 9 février 2014, les citoyens et citoyennes du canton ont voté à 76% en faveur du projet de financement et d'aménagement de l'infrastructure ferroviaire au niveau suisse ? Le Grand Conseil doit soutenir cette initiative consistant en un agrandissement souterrain de la gare Cornavin, ce qui permettra de conserver les quartiers de Sécheron, des Grottes, de la Servette et de Saint-Jean. Cette initiative permet aux citoyens de prendre part à ce débat important pour Genève et de s'assurer ainsi la gestion de leurs moyens de transport. Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC vous demande d'accepter avec enthousiasme l'IN 153, comme cela a été le cas en commission. Il ne s'agit pas de voter un projet technique mais d'adopter un principe. Merci, Monsieur le président.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde se félicite de cette initiative aujourd'hui et j'imagine que l'unanimité va être atteinte dans ce parlement, mais quel combat n'a-t-il pas fallu mener pour en arriver là ! Il s'est d'abord agi de faire prendre conscience aux gens que les CFF ne sont pas les maîtres à Genève en ce qui concerne le transport ferroviaire et que c'est au canton de prendre son avenir en main. On s'est d'ailleurs aperçu que le CEVA, qui est en train d'être construit, ne pourrait pas être cadencé aux quinze minutes. Voilà qui est tout de même incroyable quand on pense à tout l'argent qu'on y met aujourd'hui et qu'on y mettra encore pendant quelques années; personne n'a pensé à donner la possibilité de cadencer aux quinze minutes cette liaison ferroviaire qui nous aura coûté aussi cher ! De plus, si l'Etat avait réellement pris le leadership en ce qui concerne cette infrastructure, colonne vertébrale de notre canton, de notre région, de notre agglomération, nous n'en serions peut-être pas là. C'est le passé, soit.

Je tiens à relever par ailleurs les prises de position d'autres conseillers d'Etat précédant M. Barthassat, qui me traitaient non seulement de «Nein-Sager», mais aussi de mauvaise herbe. J'ai même dû me lever et partir en plein milieu d'une séance pour protester contre ce genre d'attitude lamentable de la part du Conseil d'Etat. Toujours est-il que je me félicite comme vous d'avoir enfin des résultats concrets aujourd'hui, notamment la mise à disposition de fonctionnaires compétents sur ces problématiques ferroviaires, en particulier sur celle de la gare souterraine à Cornavin. Je vous rappelle qu'il était question de raser purement et simplement 380 logements bon marché ! Il n'en est plus question maintenant, et je m'en félicite. Non seulement il n'en est plus question, mais on s'est aperçu au fil des discussions... Je tiens d'ailleurs à remercier vivement le Collectif 500 et ses représentants présents aujourd'hui à la tribune pour les efforts qu'ils ont fournis... (Applaudissements de M. Pierre Vanek.)

Le président. Merci, Monsieur Vanek.

M. Rémy Pagani. Grâce à eux, ce projet de gare souterraine est efficace et nous permettra non seulement d'économiser deux sauts-de-mouton mais aussi de cadencer le CEVA aux quinze minutes - on fera d'une pierre deux coups. En 2050, les gens qui seront chargés d'agrandir encore la gare souterraine se diront que les députés de 2015 et le Collectif 500 avaient compris qu'il était essentiel de construire une gare souterraine et de mettre en place les conditions pour qu'elle soit agrandie, ce qui sera le cas. Reste encore en suspens la question de la facture finale; le canton, la Confédération - je parle de l'Office fédéral des transports - la Ville de Genève ainsi que le conseiller d'Etat en charge des transports s'activent pour que cette facture soit la moins élevée possible. Je pense qu'il est tout à fait envisageable de réaliser une gare souterraine dans des conditions qui permettront une extension. Je me félicite comme vous du résultat de ce soir et souhaite encore bon vent - symboliquement, parce qu'il n'y en aura pas beaucoup - à cette gare souterraine. Merci de votre attention.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, au sein de ce parlement, beaucoup d'entre vous connaissent tous les éléments techniques de ce dossier; ils ont déjà été mentionnés tout à l'heure, je ne vais pas les répéter. Un peu de lumière en revanche sur le parcours de cette initiative, véritable aventure citoyenne: à Genève, on ne touche pas au jet d'eau, on ne touche pas à la Vieille Ville et on ne touche pas aux Grottes ! Ça, les CFF ne le savaient peut-être pas. Plus sérieusement, ce qui a tout d'abord motivé une grande partie de ce mouvement, hormis les logements qui allaient être rasés - c'était déjà là un bon élément moteur - c'est le manque de considération des CFF vis-à-vis de Genève avec leur projet en surface. Un projet de fin de ligne, un projet qui ne respectait pas la place que Genève doit occuper dans le dispositif ferroviaire. En tant qu'habitants mais également en tant qu'élus, il était difficile d'accepter la réponse des CFF à la question de savoir pourquoi leur solution était la meilleure: «Parce que !» C'était à peu près ça, leur réponse. Pour nous, ce n'était pas une bonne solution, et cela a en tout cas mobilisé les gens décidés à agir pour quelque chose de mieux.

Deuxièmement, le Collectif 500, qui est né en octobre 2011, n'est pas constitué de «Nein-Sager». Après avoir pris position et déclaré qu'il n'était pas possible d'accepter un projet en surface tel que celui-là, le collectif a dû se mettre au travail. Une kyrielle de propositions ont été lancées quant à l'emplacement potentiel d'une extension de la gare: à la Praille, à l'aéroport, dans les airs, sur et sous la place de Cornavin... Partout, partout, partout ! Il y a eu énormément de propositions, mais quand est arrivée l'idée de M. Graf d'une gare en souterrain, c'était évident pour tout le monde qu'il s'agissait du bon projet. C'est pour ça que le collectif mais aussi les techniciens mandatés par les CFF ont très vite pensé: «Oui, ce projet-là portera quelque chose de plus que celui présenté par les CFF.» Ensuite, en mars 2013, le Collectif 500 était partagé. C'était un moment de crise autour de la question: faut-il ou ne faut-il pas lancer une initiative ? Tout parlait en faveur d'une initiative. Mais les politiques et notamment nos représentants à Berne disaient que ce n'était pas le moment: «Une initiative, oui, mais attention !» Il y avait le FAIF, la peur. A ce moment-là, le Collectif 500 s'est octroyé quinze jours de réflexion. Ont eu lieu des discussions, des rencontres, des arguments pour et contre. Tout ceci pour déboucher, le 8 avril, sur le vote à l'unanimité du lancement de l'initiative.

Dernier point: l'initiative lancée, le Collectif 500 a été rattrapé par son succès parce que ce projet est devenu celui des Genevois. Preuve en serait, si elle était là aujourd'hui, la factrice du quartier, qui a dû organiser la façon dont le Collectif 500 allait réceptionner les multiples signatures qui arrivaient chaque jour. Passé 16 000 signatures en deux mois ! Je crois que ce qui doit nous motiver aujourd'hui, c'est l'élan qu'il y a eu à Genève, sans doute pour sauver les Grottes mais surtout pour trouver un bon projet ferroviaire, pour trouver la meilleure solution pour le futur. Acceptons cette initiative pour que Genève ait une gare du futur en souterrain ! Merci beaucoup.

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec un enthousiasme intarissable que les Verts apportent aujourd'hui leur soutien à cette initiative, qui présente une véritable vision de Genève: une Genève populaire, vivante, tournée vers la mobilité durable. Nous souhaitons en premier lieu relever l'engouement du Collectif 500 qui a brillamment mené cette démarche citoyenne et créé une belle dynamique de proximité en réunissant habitantes et habitants mais aussi l'ensemble de la population genevoise autour d'un projet de développement souterrain d'une gare et de préservation d'un quartier.

Il y a en effet deux aspects dans cette initiative: d'une part, la nécessité de développer le rail pour permettre d'apporter une vraie offre en transports collectifs de façon durable et extrêmement efficace. Cette initiative appuie cet aspect, et nous tenons à noter le plébiscite populaire en faveur du fonds d'infrastructure ferroviaire en février de l'année dernière, qui va totalement dans le même sens. D'autre part, la préservation d'un quartier populaire emblématique de Genève, qui constitue à la fois notre histoire et notre avenir et qui a vu naître tant d'initiatives citoyennes et associatives. Il va de soi qu'on ne détruit pas des habitations quand il y a d'autres solutions, en tout cas pour nous, à moins qu'on ne tente de faire de la spéculation immobilière - mais je ne me permettrais pas de prêter ce genre d'intentions à l'irréductible PLR qui prendra la parole après moi ! (Rires. Commentaires.) D'accord, il y a le PDC avant, mais il y aura un PLR, je vous le promets. Il viendra, son heure viendra !

Par conséquent, nous tenons à soutenir cette initiative en faveur du maintien d'un quartier et de ses habitations de même qu'à privilégier une solution d'avenir puisqu'on sait que même avec l'ajout de deux voies, la gare sera de toute façon saturée d'ici 2050 et qu'il s'agira de trouver de nouvelles solutions à ce moment-là. Autant dire qu'en surface, ce ne sera pas possible. Opter pour la gare souterraine, c'est donc aussi voir plus loin et c'est, je l'espère, ce que souhaite l'ensemble de notre parlement. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Il est clair que le parti démocrate-chrétien va voter pour cette initiative, comme tous les groupes présents dans cet hémicycle, je pense. C'est quand même une belle histoire parce que quand on a entendu le premier projet défendu par les CFF et qu'on a évoqué la possibilité de construire la gare en souterrain, la réponse des CFF était très claire: «Impossible, inimaginable, complètement idiot !» Le fait que des gens se soient battus pour prouver qu'ils avaient raison est un grand message politique pour nous tous et montre que des solutions peuvent être portées par l'entier des partis politiques et de la société civile. Arrêtons de nous battre sur la mobilité, on peut trouver des projets qui conviennent à tout le monde. On a en partie trouvé un consensus avec le CEVA, on en trouve un aujourd'hui avec la gare Cornavin. D'autres projets peuvent être soutenus, et il faut pour cela écouter la société civile, prendre en compte ce qu'elle dit. En l'occurrence, cela a démontré que le système politique suisse peut bien fonctionner puisqu'il est possible de déposer des initiatives qui font changer d'avis tous les partis politiques. La proposition de gare souterraine était bien défendue, le projet tenait la route et les CFF ont été obligés de l'étudier et de reconnaître que c'était un excellent projet. C'est vraiment une belle histoire et je vous remercie de voter pour cette initiative.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ouf ! Genève ne sera plus la seule gare de Suisse ou en tout cas d'importance à ne pas être souterraine. On ne peut que remercier le Collectif 500 d'avoir activé les choses grâce à son initiative, qui a finalement permis de fédérer l'entier de ce Grand Conseil, et cela mérite d'être relevé. Avec cette solution, on épargne aussi près de quatre cents logements à loyer modéré du côté du quartier des Grottes. C'eût été une erreur de devoir les démolir, et je pense que nous allons vers une bonne solution avec cette gare souterraine.

Mesdames et Messieurs, peut-être avons-nous manqué le coche, mais pour développer les transports publics si chers à nos adversaires de l'Alternative, à la place de les mettre en surface, n'aurait-il pas fallu penser à les mettre en sous-sol ? A Lausanne, on a construit un métro; sommes-nous incapables d'en faire autant à Genève ? Je pense que c'est une erreur et que la stratégie consistant à remplir les voies de circulation de transports publics pour empêcher les voitures de passer n'aboutit qu'à la guerre des transports que nous vivons aujourd'hui à Genève et finalement au blocage de la circulation, et c'est une erreur. Réfléchissez à faire davantage de choses en souterrain, c'est possible ! Là, c'est déjà une première étape et j'espère qu'il y en aura d'autres. C'est notamment la raison pour laquelle nous soutiendrons cette initiative.

Une voix. C'est bien !

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, vous connaissez mon scepticisme quant à tout cet exercice; le concert de louanges et le fait que certains d'entre nous sont déjà en train de couper le ruban avant même d'avoir sinon lancé le premier coup de pioche, du moins gagné le premier franc nécessaire au paiement de cette gare, ne fait que le renforcer. Je suis pour la gare souterraine, le PLR est pour la gare souterraine, le Collectif 500 est pour la gare souterraine. Il n'y en a qu'un seul qui, à mon avis, ne fait pas son travail pour l'instant, c'est ce parlement. S'il était sérieux dans sa volonté de construire une gare souterraine, il aurait dû prendre le temps d'étudier la question de manière approfondie. Or que fait-il ? Il précipite les travaux de commission, ne fait aucune audition et revient en plénière à la hâte parce qu'on est en pleine période électorale et qu'il serait évidemment dommage de passer à côté de l'occasion de se féliciter avec 16 000 signataires !

Il revient donc en plénière mais qu'a-t-il eu dans l'intervalle ? Aucune information supplémentaire. L'année passée déjà, on savait que ce serait plus ou moins 1,2 milliard à 50%, mais on ne sait toujours pas aujourd'hui combien ce sera exactement. Un rapport aurait dû être rendu à la fin de l'année, mais on l'attend encore. Je pense que certains dans cette salle ont déjà vu les projets de rapport, et j'attends d'ailleurs avec impatience que M. Barthassat nous donne des détails sur ce qui se passe. Ma conviction, c'est que ce ne sera pas 1,2 milliard mais beaucoup plus. Ce n'est peut-être pas un problème. Mais je demande quand même ce qu'un parlement comme le nôtre est en train de faire: on n'est pas en train de voter le budget alors qu'il faudrait tout de même en voter un pour construire cette gare. On est en train de dire aux gens qui ont lancé le travail citoyen qu'on va faire tout ce qui est en notre pouvoir pour réaliser ce projet. Or qu'est-ce qu'on commence par faire ? On n'attend même pas les informations pour se prononcer ! Notre oui n'aurait-il pas davantage de poids si on avait attendu un rapport, lequel nous informerait peut-être qu'il ne s'agit plus de 50% mais de 20% ou de 30% ? Et s'il s'agit au final de 1,6 milliard à 30% et qu'on dit à ce moment-là qu'on va faire tout ce qu'on peut, ça a plus de poids que de le dire la tête dans le sac, Mesdames et Messieurs !

Pourquoi est-ce que je dirais non ? Pas parce que je suis contre la gare souterraine, certainement pas; pas non plus parce que je m'oppose à ce que des citoyens fassent valoir leurs droits, mais tout simplement parce que je pense que nous faisons un travail superficiel, et c'est le cas de le dire: en l'occurrence, ce n'est pas un travail approfondi et cette gare, qui est le projet de la décennie voire du siècle, mérite beaucoup mieux de la part de notre parlement.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je suis assez rassuré d'entendre notre collègue Benoît Genecand parler du projet du siècle; on peut ainsi espérer que la traversée autoroutière du lac ne sera pas construite durant ce siècle, ce qui me paraît déjà une bonne nouvelle ! J'aimerais aussi rappeler, c'est vraiment à souligner, qu'il y a eu une unanimité à la commission des transports, et on félicite encore une fois le Collectif 500 d'avoir réussi à instituer cette unanimité à force de combats, comme l'a rappelé M. Pagani. Cette unanimité est belle parce que l'initiative parle d'un principe, celui d'une gare en souterrain. Nous allons bientôt recevoir le projet de loi du Conseil d'Etat sur le crédit que représentera la part genevoise. Je vous rappelle encore que le 9 février 2014, la population a accepté à 76% le projet de financement et d'aménagement de l'infrastructure ferroviaire - le FAIF - qui permettra d'injecter 790 millions de francs dans l'extension en souterrain de la gare Cornavin. Maintenant, Genève doit aussi apporter sa contribution et j'espère qu'il y aura encore une belle unanimité pour voter les crédits sur cette extension. D'ailleurs, s'agissant de crédits, je remarquerai pour finir, parce que je crois qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, que certains PLR, notamment M. Genecand - vous transmettrez, Monsieur le président - prennent beaucoup moins de précautions quand il s'agit des 4 milliards que va nous coûter la fameuse traversée autoroutière du lac ! Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Au nom de mon groupe, j'apporte un petit complément à l'intervention de Benoît Genecand. Nous sommes tous conscients que le CEVA sera la colonne vertébrale des transports ferroviaires à Genève; c'est la même chose pour la gare. Le parlement doit maintenant se poser les bonnes questions et tirer des leçons de son expérience dans le dossier du CEVA, notamment en posant un regard critique sur les coûts. Je partage complètement l'analyse de Benoît Genecand et le regard critique qu'il nous demande d'avoir, surtout dans le cadre de la mise au concours des soumissions, des appels d'offres et du cahier des charges. Il faut donner la possibilité aux entreprises locales, régionales et suisses de travailler sur ces marchés. C'est le rôle de ce parlement de faire en sorte que la manne des grosses infrastructures revienne à la région.

Ce que je suggérerais, c'est d'aller dès le départ dans la direction de ce qui a été fait avec le CEVA, à savoir de constituer directement un comité de pilotage sur ce dossier. En effet, on a vu que ce comité de pilotage avait fait un travail intéressant, et je suis également rassuré de savoir que l'ingénieur cantonal a rejoint les CFF, je pense qu'il a l'expérience requise pour pouvoir mener ces dossiers depuis cette régie fédérale. Ce que je demande avant tout au parlement, c'est d'avoir un regard attentif et pas naïf dans ce dossier. Nous sommes évidemment pour cette gare, mais notre travail consistera à contrôler la mise en soumission et le cahier des charges. On peut imaginer toutes les possibilités qu'on veut, si le cahier des charges n'est pas correct au départ, il y aura forcément des dépassements de crédit et nous serons bien mal de devoir les voter.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Danièle Magnin... qui n'est pas là. Je la passe donc à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Juste une remarque: on vient d'entendre que la commission des travaux avait traité ce projet avec précipitation...

Une voix. Des transports !

M. Bertrand Buchs. Pardon, la commission des transports ! Honnêtement, ce n'est pas vrai. S'il a été procédé à peu d'auditions sur cette initiative, c'est parce qu'on avait déjà auditionné tout le monde avant sur une motion et une pétition: on avait entendu les CFF, le département, le Collectif 500, la Ville de Genève, etc. Tout le monde avait donc déjà été entendu, et la commission a simplement décidé de ne pas procéder une nouvelle fois à des auditions qui avaient déjà été menées, sachant que les gens allaient répéter les mêmes choses. C'est du simple bon sens !

Ce soir, on vote un principe, le principe d'avoir une gare en souterrain. Après, il est clair qu'on va devoir se décider sur des crédits, on va devoir les étudier et en discuter. Des commissions vont sans doute encore se réunir et on abordera ces crédits avec sérieux. On est obligé de partir du début et de se demander ce qu'on veut. On veut une gare; on est obligé d'agrandir la gare Cornavin, on n'a pas le choix. Alors qu'est-ce qu'on veut ? Comme l'a très bien relevé M. Spuhler, on doit agrandir cette gare parce qu'il faut que les trains du CEVA puissent circuler, tout comme d'autres trains. Il y aura un développement différent des lignes ferroviaires à Genève, des liaisons vont probablement être établies différemment entre la gare et l'aéroport, peut-être même qu'une voie partira de l'aéroport pour aller directement à Versoix. Tout le trafic ferroviaire va changer à Genève ! Il va donc falloir développer une gare en souterrain et pas à la surface, c'est ce qu'on vote ce soir. Je ne pense pas que nous soyons en train de prendre des décisions rapides, sans réfléchir. Je vous rappelle qu'on vient de voter aux extraits 506 millions pour les EMS, et personne n'a pris la parole. Je vous remercie.

M. Thomas Bläsi (UDC). Messieurs les députés, je voudrais réagir aux propos de M. Wenger. Je siège avec M. Genecand depuis bientôt sept ans; vous n'êtes que très peu qualifié, Monsieur, pour juger de sa prudence. Nous avons besoin de son type de profil et justement de sa prudence pour pouvoir aborder ce genre de dossier. Merci, Monsieur le président.

M. Michel Amaudruz (UDC). Tout a été dit, mais je voudrais juste ajouter quelque chose en prolongement de ce qu'a souligné M. Hiltpold quant à la préparation de ce dossier. Chacun est acquis à l'idée de la gare souterraine, l'historique a été fait, on ne va pas y revenir. Il faut regarder un peu vers l'avant. Mme Doris Leuthard s'amusait beaucoup - comme vous le savez, elle aime bien Genève et il lui plaît de se rendre au Salon de l'auto - des disputes genevoises au sujet de cette gare, ce qui lui permettait d'allouer ses crédits ailleurs. Or dans le cadre de l'étude de ce dossier, il serait important voire primordial de mettre en place une coordination entre notre parlement et les forces politiques genevoises à Berne pour que celles-ci soient toutes présentes le jour des votes et fassent entendre notre point de vue. N'oublions pas que la Confédération intervient malgré tout pour un large montant dans la réalisation de cet ouvrage. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys pour quarante secondes.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez aux préopinants PLR et UDC que si cette question semble traitée rapidement par ce Grand Conseil, il faut quand même bien réaliser qu'on se trouvait face à un projet déjà commencé du côté des CFF et qu'il a fallu agir très vite. Rien que pour cette raison, la décision rapide, la plus rapide possible, de ce Grand Conseil est nécessaire, et tant mieux si elle est unanime. Je relèverai simplement, dans la suite des propos de M. Amaudruz, que la première réaction des élus genevois à Berne était de déclarer qu'on voulait une nouvelle gare à Cornavin, mais sans préciser qu'on voulait une gare souterraine !

Le président. Il vous faut conclure.

M. Roger Deneys. C'est aussi ça, le problème, Mesdames et Messieurs les députés: nous n'avons pas été cohérents pour défendre une gare souterraine tout de suite !

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, par rapport à ce qui a été dit précédemment, je tiens à relever que, pour une fois, nous avons une vision ainsi qu'un projet, et non un seul porte-monnaie à gérer. On nous brandit toujours la menace budgétaire mais, comme vous l'aurez remarqué, c'est une préoccupation à géométrie extrêmement variable. Quand il s'agit de dépenser ou de projeter des milliards - on parle de 5 voire 9 milliards pour la traversée du lac - on n'est pas très regardant sur les finances; par contre, quand il s'agit de mettre en oeuvre un projet ambitieux pour Genève, une nouvelle vision du développement du rail, la préservation d'un quartier et de l'histoire de Genève, on se retrouve soudain à compter nos derniers kopecks. Je vous invite donc à poursuivre cette vision, à être conséquents et à concrétiser cet enthousiasme, dont je me réjouis beaucoup, par un vote des crédits ad hoc afin de réaliser cette gare en souterrain.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris: il y a unanimité. On nous a fait un petit discours sur la partie technique et même historique. D'aucuns montrent maintenant une certaine prudence quant à ce projet. Mais, Mesdames et Messieurs, M. Buchs m'a ôté les mots de la bouche: ce n'est pas le projet que nous votons ce soir, mais le principe législatif de réaliser une extension souterraine. Je vous rassure, Messieurs du PLR, nous serons aussi là pour étudier attentivement le projet des points de vue financier et technique une fois qu'il sera présenté. Aujourd'hui, nous votons sur un principe qui a été porté par le Collectif 500 et a plu à tous les députés ici présents de même qu'à tous les partis de Genève, et je vous demande ce soir de ne pas toucher à mes Grottes et de voter cette initiative 153.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative me rappelle quelques souvenirs car j'avais été invité il y a quelques années déjà à rencontrer le Collectif 500 et les pétitionnaires pour discuter de ce même sujet. Je crois qu'il faut oser dire les choses: à l'époque, dans les rangs de ce Grand Conseil et même au sein du gouvernement, on n'a pas beaucoup écouté ces gens. J'avais eu la chance - je dis bien la chance ! - de rencontrer M. Graf, qui m'avait expliqué sa vision d'une gare en souterrain, et avais donc porté le sujet lors de l'une des séances du Conseil d'Etat avant les sessions de Berne. Déjà bien avant de déposer cette initiative, le souhait du Collectif 500 était de pouvoir rencontrer la Ville, le canton et les CFF en même temps afin de leur exposer cette vision des choses, que certains avaient déjà pu voir au coin d'une table ou sur un bout de papier.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, la Ville, le Grand Conseil - du moins je l'espère, mais cela a l'air bien parti puisqu'il y avait unanimité en commission - et bien sûr le Conseil d'Etat soutiennent la version en souterrain. A Berne, tous les conseillers nationaux et aux Etats genevois, de pair avec nos voisins et amis vaudois, s'étaient ralliés autour du projet FAIF afin que la gare de Genève en fasse partie, ce qui avait bien entendu des répercussions sur les gares suisses de Lausanne à Saint-Gall. Par manque d'ouverture d'esprit des uns et des autres, le Collectif 500 avait lancé son initiative, ce qui avait suscité quelques craintes au sein de la députation genevoise à Berne: comme Mme Doris Leuthard allait de toute façon dans le sens d'octroyer ces fameux 800 millions pour la gare de Genève, les parlementaires avaient eu peur qu'on ne crée une genevoiserie de plus. Heureusement, Mesdames et Messieurs, tout le monde a pu s'entendre et se rassembler en commission, comme j'espère que ce sera le cas ici ce soir.

S'agissant de certaines réactions sur l'après de l'acceptation de cette initiative, on nous a demandé d'y porter un regard attentif et non pas naïf. Il est vrai, Monsieur Genecand, Monsieur Hiltpold, que nous devions présenter un rapport lors de la dernière session du mois de décembre de l'année passée; si cela n'a pas été fait, c'est justement parce que les services de la Ville de Genève, notamment ceux de M. Pagani, et les miens, ont le souci de porter un regard attentif sur tout ce qui se passe entre la Ville et le canton, qui - une fois n'est pas coutume, et j'espère qu'on pourra réitérer cette expérience - se sont alliés de manière très forte. Pas plus tard que la semaine passée, nous avons travaillé lors de séances soutenues avec l'OFT et les CFF pour pouvoir vous présenter ce rapport dans le courant de l'été - nous avions parlé du premier semestre. Même si cela devait prendre davantage de temps, nous serions toujours dans les temps pour 2025. Oui, nous sommes toujours dans les temps pour 2025, pour faire démarrer les travaux à temps. Voilà pourquoi je rappelle encore une fois ceci: unis avec M. Pagani, l'OFT et les CFF, nous sommes très attentifs quant à la poigne que nous donnons à ce dossier afin de ne pas nous faire avoir et devoir dépenser de l'argent de manière démesurée.

Pour ma part, Mesdames et Messieurs, je retiens ce soir cette belle unanimité et j'espère qu'elle se poursuivra lors de votre vote. Avec M. Pagani, puisqu'il siège ici aussi comme député, nous ne manquerons pas de revenir vers vous le plus vite possible - il ne faut pas perdre trop de temps - pour vous présenter un rapport et, à ce moment-là, nous aurons les chiffres en notre possession et pourrons vous expliquer tout le processus. A l'heure actuelle, même si je le voulais, je ne pourrais pas vous parler de ces chiffres, tout simplement parce que nous ne les connaissons pas encore. Les discussions sont en cours, les enquêtes que nous avons demandées et les études aussi; le budget sera examiné au plus près de sorte qu'il ne soit pas trop conséquent pour notre canton. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention et souhaite que vous votiez cette initiative à l'unanimité afin de continuer à montrer une belle image de notre canton.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et ouvre le scrutin.

Mise aux voix, l'initiative 153 est approuvée par 83 oui contre 3 non et 6 abstentions. (Applaudissements.)

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 153-C.

IN 151-C
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier l'initiative populaire 151 "Pour un renforcement du contrôle des entreprises. Contre la sous-enchère salariale"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 12, 13 et 19 mars 2015.
Rapport de M. Jacques Béné (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à l'objet suivant, soit l'IN 151-C. Le rapport est de M. Jacques Béné, à qui je donne la parole.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, en ce premier jour de printemps annoncé par Mme le sautier, j'espère que nous allons aussi pouvoir fêter un grand pas pour le partenariat social genevois en montrant - à l'unanimité, je le souhaite - notre volonté de fonder une inspection des entreprises sur la base d'un accord tripartite entre les syndicats patronaux, ceux des travailleurs et l'Etat. Juste un petit rappel: cette initiative avait été validée par le Grand Conseil en novembre 2012 par 53 oui contre 40 non; ça ne signifie pas que le parlement avait accepté le texte de l'initiative, mais qu'il l'avait validé. Une minorité de ce Grand Conseil avait estimé qu'il y avait un problème de conformité avec le droit supérieur; certains citoyens de ce canton ont fait recours contre la validation de cette initiative par le Grand Conseil et le Tribunal fédéral leur a donné raison en mai de l'année passée, confirmant ainsi les doutes d'une partie de ce parlement quant à la conformité du texte au droit supérieur.

Après les premières auditions en commission, on a tout de suite senti qu'il y avait peut-être une piste pour que la CGAS et l'UAPG s'entendent sur un accord à tout le moins bipartite. Le Tribunal fédéral a ensuite invalidé une partie de l'initiative, estimant que l'inspection des entreprises ne pouvait être composée exclusivement de représentants des travailleurs nommés sur proposition de la faîtière des organisations syndicales des travailleurs, à savoir la CGAS. Vous conviendrez que cette invalidation a permis de sauver le partenariat social à Genève parce que si cette initiative avait dû être soumise au peuple et acceptée, je pense que nous aurions eu de gros problèmes. Nous avons donc admis en commission qu'il fallait laisser un peu de temps aux partenaires sociaux, que nous saluons d'ailleurs à la tribune; ils sont tous unis, et ça fait très plaisir à voir. Nous leur avons donné un peu de temps et ils sont revenus en commission le 2 février 2015 avec une proposition de contreprojet. Bien sûr, il s'agit d'une ébauche qui mérite d'être encore travaillée et affinée, elle n'a pas été étudiée par la commission; elle mérite surtout d'être soumise au département et discutée dans le but d'instaurer un accord tripartite qui rendra à nouveau Genève avant-gardiste en matière de partenariat social.

Je souhaite encore remercier Mme Stoll, directrice de l'OCIRT, non seulement pour le travail remarquable effectué par cet organe mais également pour la clarté des explications qu'elle nous a livrées en commission, je tiens à le souligner. Il est vrai qu'on critique souvent certains services de l'Etat mais, en l'occurrence, je crois qu'on peut saluer le travail réalisé par l'OCIRT. La commission n'a donc pas voulu tuer dans l'oeuf cet élan bénéfique pour le marché du travail. Les objectifs des partenaires sociaux, si je reprends le courrier qui nous a été transmis, sont les suivants: «reconnaissance de la légitimité à Genève d'un renforcement quantitatif et qualitatif des contrôles des entreprises afin de lutter contre la sous-enchère; rôle accru des partenaires sociaux dans le contrôle des entreprises par la création d'une inspection paritaire; pilotage et fonctionnement paritaire sous la responsabilité des faîtières de cette inspection, garantissant à la fois souplesse du dispositif, indépendance et impartialité des contrôles; augmentation du nombre global des contrôles par la création de l'inspection paritaire et par l'augmentation du nombre d'inspecteurs de l'OCIRT».

Nous espérons que le département pourra se lier aux syndicats patronaux et de travailleurs afin de trouver un accord convenant à tous, accord que nous espérons aussi pouvoir valider en commission. C'est dans ce sens, Mesdames et Messieurs, que je vous invite à refuser l'entrée en matière sur l'IN 151 et à accepter, comme la commission l'a fait à l'unanimité moins deux abstentions, le principe d'un contreprojet, lequel méritera encore quelques heures de travail en commission. Mais avec le soutien des partenaires sociaux, j'imagine que nous arriverons à trouver une solution bénéfique pour tous. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, que vous dire de cette séance du 2 février dernier, où les partenaires sociaux, représentés par l'UAPG et la CGAS, se sont présentés avec le sourire devant la commission de l'économie de notre Grand Conseil ? Nous avons l'habitude de les convier très régulièrement, mais toujours séparément. Cette audition-là avait pour but de nous présenter l'accord qu'ils avaient négocié ensemble et avec brio pour l'élaboration d'un contreprojet à l'IN 151 intitulée «Pour un renforcement du contrôle des entreprises. Contre la sous-enchère salariale», cette même initiative qui, rappelez-vous, avait été tant décriée par les milieux économiques, dénoncée devant les tribunaux et partiellement invalidée par le Tribunal fédéral.

Il faut bien reconnaître que cette initiative a un mérite particulier: elle a sans doute permis une prise de conscience des milieux patronaux, confrontés eux aussi à la problématique de la sous-enchère salariale car ceux qui respectent les règles de droit, notamment au niveau des conditions sociales et salariales proposées à leurs collaboratrices et collaborateurs, se retrouvent directement face à la réalité d'une véritable concurrence déloyale. Pour une entreprise, le fait de ne pas obtenir un marché peut parfois être dû aux conditions économiques de l'offre mais aussi, d'autres fois, à une manipulation du marché par des entrepreneurs voyous qui s'activent sur le dos de leurs employés et au détriment de la paix sociale et d'une juste concurrence, et cela n'est pas acceptable.

Le groupe des Verts soutiendra l'élaboration d'un contreprojet qui offrira enfin à Genève une nouvelle structure d'inspection paritaire des entreprises. Cette structure permettra aussi de contrôler des secteurs qui dysfonctionnent complètement, à l'exemple de l'ingénierie, où il ne se passe rien: pas de contrôles ni de sanctions, ceci depuis de nombreuses années. Que le Conseil d'Etat soit contrarié par cette proposition de contreprojet issu du partenariat social ne nous semble pas un problème. Le cas échéant, il peut toujours s'appliquer à formuler une autre proposition qui devra être acceptée en premier lieu par les partenaires sociaux, puis par notre Grand Conseil. Je vous remercie de votre attention.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, à Genève, le contrôle des conditions de travail s'effectue non seulement par l'OCIRT, on l'a rappelé, mais également par les commissions paritaires locales ou nationales suivant les secteurs d'activité concernés, avec des succès d'ailleurs relativement mitigés pour la seconde catégorie. L'initiative 151 a été invalidée à juste titre par le Tribunal fédéral en raison d'une disposition qui ne confiait le contrôle des entreprises qu'à des délégations de travailleurs, ce qui pouvait nier le partenariat social et le bipartisme.

Je tiens à saluer ici le travail réalisé par l'OCIRT mais également la présence d'esprit et l'attitude extrêmement positive des partenaires sociaux qui, à deux, sont venus nous présenter les ébauches d'un contreprojet intelligent, bien ficelé et qui peut amener une solution dans ce secteur. A ce moment-là, il s'est agi de mettre en exergue un partenariat social harmonieux, efficace, tel que Genève le connaît depuis très longtemps puisque c'est la force de notre tradition dans le domaine du droit du travail. Dès lors, le groupe démocrate-chrétien vous incite à vous rallier aux conclusions de la commission, à rejeter l'initiative et à accepter le principe d'un contreprojet. Encourageons aussi le chef du département à faire en sorte que cette première tentative de partenariat social soit bien coordonnée et soutenue par l'Etat afin d'arriver à un réel tripartisme. Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne dirais pas que nous revenons de loin, mais nous étions tout de même très mal partis ! Au passage, je tiens à remercier le rapporteur pour sa diligence dans la rédaction de son rapport: après cette fameuse séance de commission du mois de février où les partenaires sociaux sont venus nous réjouir - je peux le dire puisque j'en étais le président - il a dû, au vu des délais, rédiger rapidement ce rapport qui a le mérite de montrer l'imbroglio et les différentes étapes qui nous ont menés à cette situation, notamment suite aux décisions du Tribunal fédéral.

Il est vrai que, dès le début, l'Union démocratique du centre n'était pas favorable à cette initiative 151. D'ailleurs, comme la majorité de la commission le demande, nous vous suggérons aussi d'y renoncer. Les partenaires sociaux, syndicaux comme patronaux, ont trouvé le moyen ou du moins possèdent la clef qui nous mènera sur le chemin de la solution. Comme cela a été souligné, le dumping salarial est un fléau qu'il faut réguler. Peut-être les premières esquisses de l'initiative - je dis esquisses puisque certaines d'entre elles ont été corrigées - n'étaient au début pas adéquates. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons voter unanimement ce soir pour demander le contreprojet, mais nous n'en sommes qu'au début. Nous ne sommes qu'au début du travail, comme l'un de mes préopinants l'a mentionné, et il reste encore à voir avec le département ce qui va se passer, ce qui va en sortir. Mais je crois qu'un signal positif est donné ce soir, et l'UDC entend y participer. C'est la raison pour laquelle je me répète peut-être, mais nous vous recommandons de renoncer à l'initiative et d'accepter le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce consensus est touchant. Mais je me permets quand même quelques observations: j'ai entendu le rapporteur dire que si le peuple avait été amené à se prononcer sur cette initiative et avait dit oui, ça aurait fusillé le partenariat social. (Remarque.) Vous avez dit ça à l'instant !

M. Jacques Béné. J'ai dit: si elle n'avait pas été invalidée !

M. Pierre Vanek. L'initiative n'a pas été invalidée, Mesdames et Messieurs; pour l'essentiel, et chacun le sait bien, elle a été confirmée par le Tribunal fédéral. Le consensus qu'on nous vend ici avec des paroles touchantes provient d'un fait connu de tous, et il vaut d'ailleurs peut-être la peine d'en rappeler quelques-uns dans cette assemblée, et pas seulement des bons sentiments: le fait, c'est que le dispositif de contrôle contre la sous-enchère salariale est complètement insuffisant. De plus, cette initiative lancée en 2011 a fait l'objet de manoeuvres dilatoires pendant des années alors qu'il était impératif d'agir contre la sous-enchère salariale, c'est un fait aussi. Et un fait évident est que cette initiative - mais vous le reconnaissez, au fond... enfin, le rapporteur de majorité le reconnaît, Monsieur le président, dans son intervention...

Une voix. Le rapporteur !

M. Pierre Vanek. Le rapporteur le reconnaît dans son intervention: évidemment que si cette initiative lui était soumise, le peuple l'accepterait parce qu'elle répond à la réalité du dumping salarial, qu'elle propose des mesures concrètes et qu'elle s'inscrit dans une volonté de lutter contre ce fléau qui n'a rien à voir avec l'agitation qu'on crée autour de la question de la préférence nationale, des frontaliers, de ceci ou de cela. C'est une voie différente proposée par les organisations syndicales, qui se fonde sur l'action et l'unité des travailleurs et des salariés quelle que soit la couleur de leur passeport ou leur lieu de résidence, et c'est évidemment dans cette voie-là qu'il faut se diriger pour lutter contre le dumping salarial.

Pour notre part, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas persuadés qu'il faille renoncer à cette initiative et lâcher la proie pour l'ombre d'un accord, quel que soit l'intérêt qu'il puisse présenter; c'est encore l'esquisse sur la muraille d'un accord et sa matérialisation concrète fait défaut. Du côté de l'Etat, on entend aussi que la position est incertaine, on ne sait pas trop ce qui va s'y passer - ma foi, on entendra le conseiller d'Etat à la fin du débat. En l'état, nous estimons que l'initiative mérite d'être soutenue; elle méritait d'être soutenue quand elle a été lancée et mérite toujours d'être soutenue aujourd'hui.

On a poussé les hauts cris à l'idée d'une inspection syndicale, d'un contrôle par les organisations de travailleurs des conditions de travail, du respect des droits élémentaires et de l'équité. Mais, Mesdames et Messieurs, c'est la moindre des choses ! C'est parfaitement normal ! Sincèrement, l'idée qu'on puisse considérer comme non correct, parce que ce serait unilatéral, le fait que les syndicalistes et les syndicats aient accès aux entreprises est une idée qui me choque ! Cela me choque autant que si on disait que les inspecteurs de police qui pourchassent les cambrioleurs et les malfaiteurs le font de manière unilatérale ! Bien sûr, ils devraient le faire avec une participation paritaire des milieux du crime ! (Rires.) Non, Mesdames et Messieurs ! Non, c'est parfaitement légitime: les syndicats sont là pour défendre les travailleurs, ils ont intérêt à mettre le doigt, là où elle existe, sur la sous-enchère salariale, c'est parfaitement normal de leur donner les moyens de le faire. Vous me direz que le Tribunal fédéral s'est prononcé; mais enfin, on a quand même le droit d'avoir une opinion et de l'exprimer, quelle que soit celle qu'ont émise les juges du Tribunal fédéral ! Pour le moment, notre position est la suivante: nous remercions les syndicats et la CGAS d'avoir tracé cette orientation, d'avoir déposé et fait aboutir cette initiative, d'avoir mené la bataille le plus loin possible pour obtenir un contrôle, et nous ne renonçons pas à notre soutien à cette initiative.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a entendu plusieurs fois: ce soir, c'est un message d'unité qui est adressé au parlement avec cette initiative et le principe d'un contreprojet. Cette unité se construit, il faut le signifier, autour d'un constat, d'abord amené par les syndicats, de cas trop souvent répétés de sous-enchère salariale; on a encore pu le voir ces dernières semaines avec des informaticiens payés 800 euros par mois au sein d'une grande entreprise, c'est tout simplement inacceptable. On observe maintenant, grâce à l'unité acquise autour de ce contreprojet, que ce constat est partagé aussi bien par les milieux syndicaux que patronaux. En effet, les cas de sous-enchère salariale nuisent en premier lieu aux salariés, c'est certain, mais dans un second temps aussi aux entreprises et à l'image de l'économie genevoise. Forts de ce constat, nous ne pouvons que déplorer un manque encore trop important de contrôles des conditions de travail.

A ce propos, nous avons auditionné très récemment l'OCIRT au sein de la commission de l'économie - il faut d'ailleurs remercier cet organe ainsi que sa directrice, Mme Stoll - et constaté qu'un réel travail y est effectué. Malheureusement, il faut aussi remarquer que l'accord de libre-circulation des personnes n'a pas été suffisamment accompagné de mesures qui permettraient d'avoir aujourd'hui un vrai contrôle sur les conditions de travail. Malgré les efforts fournis par l'OCIRT, le nombre de cas de sous-enchère salariale est donc encore bien trop élevé à l'heure actuelle et les moyens investis trop faibles. Les chiffres - il est vrai que je les cite assez souvent - sont quand même consternants: le ratio de contrôleurs de l'OCIRT par salarié est d'un contrôleur pour 20 000 salariés tandis que, dans le même temps, Genève dispose d'un contrôleur de la Fondation des parkings pour 350 places de parking ! Où réside la priorité dans notre canton: dans les places de parking ou dans les conditions de travail des salariés ? La question reste ouverte.

Cette initiative, tout comme son contreprojet, apporte des solutions concrètes pour que nous nous donnions les moyens de pallier ces cas trop fréquents dans notre canton. De plus - comme vous l'aurez remarqué, c'est cela qui est essentiel ce soir - elle cristallise une unité et une volonté de travailler à l'amélioration de l'image des entreprises genevoises; pas de toutes, bien sûr, mais en tout cas de certaines qu'on peut aisément qualifier de voyous, qui nuisent à notre image et jouent le jeu d'une concurrence déloyale vis-à-vis des autres entreprises. Mais surtout, et c'est le point principal, elle contribue à améliorer les conditions de travail dans notre canton. C'est cette unité et cette volonté qu'il nous faut aujourd'hui à Genève, et non pas un discours de haine tel que le proposent certains.

Une voix. Oh, ça suffit !

M. Romain de Sainte Marie. Un discours qui reprend... (Commentaires.) Je n'ai mentionné aucun parti, Monsieur le président ! (Exclamations. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. Un discours qui reprend l'idéologie des années trente... (Protestations.) ...et attise la pire des haines que l'on puisse imaginer ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Cerutti ! Monsieur Cerutti, s'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. Je n'ai nommé aucun parti !

Le président. Poursuivez, Monsieur de Sainte Marie. (Commentaires.)

M. Romain de Sainte Marie. Je parlais d'idéologie des années trente, je n'ai évoqué aucun parti spécifique.

Le président. Poursuivez, s'il vous plaît. (Commentaires.)

M. Romain de Sainte Marie. Un discours qui prône la haine des salariés contre les salariés ! Or aujourd'hui, le problème n'est pas là; il se situe au niveau des entreprises qui osent employer des salariés à 800 euros par mois, voilà où il se trouve réellement ! Tous ensemble, milieux syndicaux et patronaux, avançons dans la même direction qui n'est pas celle de la haine mais bien celle du respect des conditions de travail. Je vous invite donc à accepter l'initiative et le contreprojet. (Applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Je ne vais pas vous retracer le parcours sinueux de cette initiative 151, qui était vraisemblablement partie d'un constat des syndicats, peut-être aussi d'un manque de dialogue. Pour en arriver à cette initiative, il a fallu faire un constat juste au départ et suivre un parcours sinueux. Le recours au Tribunal fédéral et l'arrêt de celui-ci ont eu un effet positif et réuni les milieux syndicaux et patronaux afin que tous travaillent ensemble à un contreprojet. On s'émerveille ici des éléments paritaires; j'aimerais simplement vous dire qu'ils ne sont pas nouveaux, ils existent dans le secteur de la formation professionnelle, dans le contrôle de l'apprentissage, et fonctionnent très bien. Je crois que ce parlement et le politique en général ont un peu perdu les valeurs de ce que représente le partenariat social dans son sens noble et dans son histoire. Des solutions sont trouvées par ces partenaires; preuve en est les septante-cinq ans de paix du travail. Oui, septante-cinq ans de paix du travail, c'est quelque chose d'important !

J'aimerais citer, retranscrits à la page 30 du rapport de majorité - enfin, du rapport tout court - les propos de Jean-Luc Favre que je fais miens: «Une approche tripartite reste possible. Peu importe le projet retenu, les partenaires sont disposés à travailler avec la commission, pour le bien commun.» Ce que je voudrais relever ici, c'est la notion de bien commun, et ce n'est pas de la naïveté. Je crois qu'il faudrait s'interroger davantage sur ce qu'on fait ici pour le bien commun, sortir du clivage politique et trouver une solution qui profite à la fois aux employeurs et aux employés tout en permettant à l'Etat un regard pas trop intrusif, qui ait sa place. On pourrait ainsi articuler cette problématique dans un tripartisme sain. Le partenariat social, c'est simple: c'est basé sur deux éléments que je souhaiterais voir le politique appliquer aussi de temps en temps, à savoir bonne foi et confiance réciproque. Avec ces deux mots, je vous invite à rejeter l'initiative et à soutenir le contreprojet.

Une voix. Très bien. (Quelques applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je m'étonne des propos de certains députés. Aujourd'hui, on arrive presque à un consensus pour essayer d'agir dans le domaine du dumping salarial, et une fois de plus, Monsieur le président, notre groupe se fait «allumer» - je mets ça entre guillemets - par un collègue, ce que je trouve totalement déplacé. D'abord, nous avons toujours affirmé, et continuons à le faire maintenant, que nous voulons lutter contre le dumping salarial et que nous sommes prêts à renforcer le nombre d'inspecteurs à l'OCIRT - il me semble que nous l'avions déjà indiqué dans le cadre du débat budgétaire. Nous allons également soutenir le contreprojet qui ressort des travaux de la commission. Je pense qu'il est nécessaire d'en faire davantage que ce qui se fait actuellement, même si Genève est déjà le canton qui agit le plus en matière de contrôle des entreprises, il ne faut pas l'oublier.

La question qu'on peut se poser, et c'est ce que nous voulons dire aussi, est la suivante: pourquoi nous trouvons-nous dans cette situation aujourd'hui ? Il y a beaucoup plus de difficultés, beaucoup plus de problèmes et beaucoup plus de nécessité de faire des contrôles pour empêcher les abus ou, à tout le moins, essayer de les limiter. Ma foi, c'est bel et bien à cause de l'ouverture des marchés et des bilatérales, quoi que vous puissiez en dire ! Ça a ouvert de nouvelles perspectives pour les entrepreneurs venant de l'extérieur, qui sous-traitent une fois, deux fois, trois fois, et il est maintenant bien plus difficile de les contrôler. Or qui paie l'addition, si je puis m'exprimer ainsi ? C'est le travailleur qui est à l'oeuvre en étant sous-payé, très souvent sans même que le maître d'ouvrage soit au courant. Tout cela, c'est tout de même un peu une conséquence de ce que je viens d'expliquer, à savoir l'ouverture des marchés, les bilatérales. Cela entraîne d'autres méthodes qui font qu'on en arrive à cette situation. Je pense que c'est ça qui crée la difficulté première, et nous sommes heureux de réaffirmer notre confiance dans le partenariat social entre syndicats et employeurs parce que c'est la méthode la plus efficace pour parvenir à opérer ce contrôle.

J'aimerais encore dire qu'en ce qui nous concerne et quoi que vous puissiez en penser, nous restons convaincus que la préférence nationale et cantonale est un élément primordial dans le contrôle et la lutte contre le dumping salarial. C'est dans cette direction que nous devons nous diriger. Ces problèmes n'existaient pas avant, et on les observe maintenant sur différents chantiers, par exemple celui du CEVA. Combien y a-t-il d'entreprises genevoises ? On en a parlé tout à l'heure à propos de la gare souterraine puisqu'on voulait d'entrée de jeu mettre en place un comité de pilotage. C'est là quelque chose que nous ne pouvons qu'approuver pour éviter d'en arriver à des situations où de grandes maisons - Vinci, j'en passe et des meilleures - décrochent le jackpot de la construction du CEVA, qui coûtera peut-être aussi cher - vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Wenger - que la traversée de la rade qui, pour l'instant, est une hypothèse tellement lointaine et floue que je ne comprends pas pourquoi on nous brandit la menace de 8 milliards alors qu'on n'en sait rien du tout, on ne sait même pas si elle se concrétisera. Par contre, le CEVA est en construction en ce moment même et coûtera probablement 3 milliards, alors je crois que vous êtes plutôt mal pris pour faire des réflexions dans ce domaine ! Mesdames et Messieurs, ce qui est important maintenant, c'est de dire oui à un effort pour contrôler et éviter le dumping, oui au partenariat social; c'est pour cette raison que nous soutiendrons le principe d'un contreprojet.

Une voix. Bravo !

M. Thomas Wenger (S). En préambule, Monsieur le président, vous transmettrez à notre collègue M. Sormanni que la traversée de la rade est définitivement coulée, la population l'a coulée et il nous reste encore la traversée autoroutière du lac; c'est un autre projet que nous espérons pouvoir couler également !

Pour revenir au sujet qui nous occupe, Mesdames et Messieurs, et cela a été dit par mon collègue Romain de Sainte Marie, il faut saluer le travail des syndicats qui ont lancé cette initiative pour le renforcement du contrôle des entreprises et la lutte contre la sous-enchère salariale, qui a permis un dialogue constructif entre les syndicats, c'est-à-dire la CGAS, et les représentants patronaux de l'UAPG, comme on a pu l'entendre à la commission de l'économie. Le contreprojet vise à créer une inspection paritaire des entreprises, qui permettra de renforcer de manière quantitative mais également qualitative le contrôle des entreprises dans le but de lutter contre la sous-enchère salariale.

Pourquoi faut-il davantage lutter contre la sous-enchère salariale et renforcer les contrôles ? Parce que c'est une nécessité, Mesdames et Messieurs les députés, c'est une nécessité ! On le voit avec certains exemples relatés dans la presse, qui sont un peu la pointe de l'iceberg dans certains secteurs. Je prends deux exemples, et mon collègue Romain de Sainte Marie en a cité un, à savoir celui des Roumains qui travaillent dans l'informatique pour un sous-traitant brésilien d'une entreprise suisse et sont payés 800 euros par mois; autant dire vive la globalisation ! Le second exemple nous avait été communiqué par le syndicat Unia et concernait un chantier piloté par les HUG sur lequel des travailleurs polonais indépendants étaient payés 8 euros de l'heure au lieu du minimum légal de 24,60 euros - 24,68 euros pour être précis. Cela me permet de rappeler le nouveau principe de responsabilité solidaire qui fait qu'aujourd'hui - vous l'avez dit, Monsieur Sormanni - une entreprise qui sous-traite à un sous-traitant qui re-sous-traite engage in fine sa responsabilité en cas de non-respect des conditions de travail; on espère que ça va porter ses fruits et mettre fin à des pratiques qu'on peut vraiment qualifier de honteuses sur des chantiers genevois, qui plus est pilotés par une entité publique comme les HUG.

Ce sont là des exemples inquiétants, et il y en a d'autres. Dernièrement, à la commission de l'économie, certains chiffres nous ont été fournis par l'OCIRT: en 2014, il y a eu 2000 contrôles relatifs aux mesures d'accompagnement et au marché du travail, notamment s'agissant du respect des salaires; si 70% des entreprises étaient heureusement en ordre, environ 15% d'entre elles présentaient des cas de sous-enchère salariale, ce qui est vraiment à combattre, et 15% avaient commis d'autres infractions sans lien avec la sous-enchère salariale. Quant aux secteurs contrôlés par des commissions paritaires et non par l'OCIRT, on nous a expliqué que les chiffres dépendent des stratégies de contrôle. C'est un peu compliqué, mais on peut quand même relever certains chiffres préoccupants, notamment dans les secteurs des parcs et jardins, de la restauration et des cafés ou encore du nettoyage. Certes, un vrai travail est réalisé par le département de l'économie dirigé par Pierre Maudet et on sent une réelle volonté politique d'aller de l'avant par rapport à quelques années plus tôt, mais beaucoup de choses restent encore à faire.

Qu'engendre cette sous-enchère salariale ? Des conséquences sur les conditions de travail des travailleurs et travailleuses, bien sûr, mais aussi des conséquences négatives pour les entreprises ! En effet, c'est de la concurrence déloyale: les entreprises qui trichent sont bien entendu avantagées par rapport à celles qui respectent les règles et jouent le jeu. Ainsi que vous l'aurez compris, le PS soutiendra l'initiative et salue le dialogue constructif qui amène au principe d'un contreprojet. Nous travaillerons sur ce contreprojet parce que renforcer les contrôles et lutter contre la sous-enchère salariale, c'est bon pour les travailleurs et les travailleuses, c'est bon pour les entreprises honnêtes, qui représentent une grande majorité dans ce canton, et c'est bon pour l'économie genevoise ! Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, au MCG, nous sommes toujours surpris par certaines mouvances politiques qui prônent le national-socialisme des années les plus sombres de l'histoire du communisme dans le monde et qui voudraient tout uniformiser afin qu'il n'y ait plus qu'un seul employeur, une seule marque de dentifrice, un seul concept de vie et si possible sans véhicule; les personnes concernées se reconnaîtront certainement ! Ce genre de discours, outre le fait de faire rigoler le Mouvement Citoyens Genevois, a quand même quelques conséquences, et je vais tenter de vous les expliquer. Bien que le MCG soit totalement en faveur des mesures d'accompagnement des accords bilatéraux, parce que c'est bien de ça qu'on est en train de parler, bien que le MCG soit littéralement scandalisé quand des fleurons de l'industrie genevoise se font prendre la main dans le sac avec des contrats de sous-traitance en prétendant ne pas être au courant alors qu'ils ont une kyrielle d'informaticiens payés 800 euros par mois, bien que le MCG s'en offusque, il dit aussi que tout ceci est dû au laxisme de la Suisse lorsqu'elle a négocié ces fameux accords bilatéraux.

Aujourd'hui, nous avons entendu qu'il faut des contrôles pour le bien des travailleurs; certes. Mais pour le bien des citoyens, Mesdames et Messieurs, il faut également de l'emploi, et de l'emploi pour les résidents. Or voilà où se situe tout le problème. Du fait qu'on a oublié de légiférer sur le phénomène frontalier - je ne parle même pas des travailleurs détachés, c'est encore un autre problème - les étrangers qui viennent travailler en Suisse n'osent pas toujours se plaindre et saisir les instances qu'il faudrait pour dénoncer leurs conditions de travail parce qu'ils sont trop contents d'avoir au moins un petit pécule. Alors que si on avait légiféré, vous vous imaginez bien qu'un résident genevois payé 800 euros n'aurait déjà certainement pas accepté ce job ou aurait dénoncé immédiatement cette situation absolument inadmissible. Vous voyez donc, Mesdames et Messieurs, que la responsabilité de tout un chacun est de donner la préférence de l'emploi aux résidents genevois, encore une fois sans distinction de nationalité, c'est une vraie responsabilité des élus. Si chacun appliquait ce principe, ça n'interdirait pas, dans le cas où on ne trouve pas les compétences nécessaires, d'aller les chercher là où elles sont, qu'on soit bien clair. Mais ça donne quand même un sens de marche, ce même sens de marche qu'on vient nous reprocher à longueur d'année en nous traitant de xénophobes, de racistes. Non, encore une fois, Mesdames et Messieurs, nous ne faisons pas de préférence nationale; nous disons simplement que la priorité de l'emploi doit être donnée aux résidents genevois.

Oui, nous allons soutenir le renforcement des contrôles, même si l'idéologie qui se cache derrière les initiateurs ne nous sied guère dans le sens où c'est une idéologie destructrice pour l'économie. Je vous l'ai toujours dit: à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre. Mais le MCG sera là pour vous le dire et vous le rappeler... (Remarque.) Oui, venez toujours ! Voyons, chacun sait que les modèles économiques russes ont fait leurs preuves et que ces systèmes de gauche ne sont absolument pas corrompus, je n'oserais pas prétendre cela ! En conclusion, Mesdames et Messieurs, le MCG va soutenir l'idée d'un contreprojet, il va soutenir les mesures de renforcement. Ce que nous pouvons juste regretter, c'est que le département n'ait pas pris les devants avec des mesures de renforcement des équipes de contrôle au sein de l'OCIRT. Cela aurait été quelque chose de positif qui nous aurait peut-être évité une votation supplémentaire. Mais qui sait ? Peut-être se dissimule-t-il dans le chapeau du conseiller d'Etat Pierre Maudet quelque projet de loi qui pourrait faire retirer leur initiative aux initiants si un consensus était trouvé; apparemment, ce consensus existe ce soir pour le contreprojet, et on pourrait donc peut-être s'économiser les frais d'une votation ou d'une bévue supplémentaire de la chancellerie ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo. (Quelques applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rappeler que nous débattons ce soir de l'initiative et du principe d'un contreprojet. Certes, celui-ci est appelé des voeux des partenaires sociaux que nous avons eu l'occasion de rencontrer en commission, et c'est très bien ainsi. Mais en même temps, on ne sait pas encore quel en sera son contenu. On a des perspectives des partenaires sociaux, qui veulent nous proposer un texte, on a peut-être des perspectives du côté du département, ça a été évoqué, et puis il y aura le travail du parlement. Alors avant de vendre la peau de l'ours, j'ai envie de dire qu'il faut voir ce que ça va donner. On ne peut pas se féliciter à l'avance du résultat du partenariat social, on peut le souhaiter et l'encourager en disant qu'un contreprojet est une bonne idée parce que c'est une demande des partenaires sociaux, mais attendons tout de même le résultat, regardons si tout le monde joue le jeu jusqu'à la fin. En effet, nous aurons peut-être un texte suffisamment contraignant et intéressant pour que l'initiative soit retirée, mais il faudra voir comment ça se passe en commission et se déterminer également en fonction des coûts que pourrait engendrer le projet, parce que c'est un élément essentiel aujourd'hui. Même avec un contreprojet, une telle initiative peut ne rien donner parce qu'elle n'alloue pas les moyens appropriés à la structure pour fonctionner. Voilà ce qui va être important non seulement à la commission de l'économie mais aussi dans le cadre des budgets, à savoir donner des moyens suffisants pour qu'une telle initiative soit mise en oeuvre.

Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative n'a pas été invalidée; elle n'a été invalidée que très partiellement concernant la composition de l'inspection du travail. Ce que l'inspection des entreprises a d'extrêmement intéressant, c'est le ratio d'un inspecteur pour 10 000 emplois. Comme pour l'OCIRT, c'est bien ça qui est extrêmement intéressant parce que le problème aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la taille des mailles du filet, qui sont tellement grandes que de nombreuses entreprises et patrons qui trichent ne sont tout simplement pas détectés ni sanctionnés ! C'est un véritable problème et c'est pour ça que si on aboutit à un contreprojet qui n'est pas satisfaisant en termes de mailles de filet, il faudra peut-être quand même soutenir l'initiative au final.

Pour appuyer mes propos, j'aimerais vous faire part de la réponse du Conseil d'Etat à la question urgente écrite 306, qui se trouve sur la table au milieu de la salle et que j'ai posée la dernière fois s'agissant des informaticiens roumains employés par un prestataire de Firmenich. Si vous lisez la réponse du Conseil d'Etat au bas de la page 3, Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout simplement inquiétant ! Je vais vous lire ce paragraphe: «Dans le cas du dossier des cinq travailleurs détachés roumains, la commission des mesures d'accompagnement (CMA), sous-commission du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, a constaté que l'entreprise avait agi en toute légalité, mais que les salaires qui leur ont été versés ne correspondaient manifestement pas aux salaires usuels suisses dans ce secteur» - ça, c'est bien vrai - «et qu'il s'agissait donc d'une situation de sous-enchère salariale» - c'est vrai aussi. «La loi fédérale sur les travailleurs détachés (LDét) prévoit, dans ce cas, de mener une procédure de conciliation avec l'entreprise concernée. Cette procédure a été menée par la CMA et a permis de déboucher sur un accord stipulant le paiement des salaires usuels suisses aux travailleurs roumains concernés pour toute la période de détachement et l'engagement de garantir ce niveau salarial lors de tout futur détachement éventuel.» Voici encore la dernière phrase, que je mettrais en gras si je le pouvais: «La résolution rapide et heureuse de ce cas démontre l'efficacité et le bon fonctionnement du dispositif.» Sérieusement, si la position du Conseil d'Etat est de montrer l'efficacité et le bon fonctionnement du dispositif alors qu'on détecte par hasard un cas pareil dans une multinationale genevoise, Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout simplement effrayant ! Si nous pensons au nombre de cas qui ne sont pas signalés, qui n'apparaissent pas dans les médias et pour lesquels nous n'avons pas de réponse parce qu'il n'y a ni contrôle ni information à leur sujet, nous pouvons avoir de sacrés doutes quant à l'efficacité des dispositifs actuellement en vigueur.

Oui, il faut renforcer les contrôles dans les entreprises en se donnant les moyens de le faire; oui, il faut sanctionner les patrons tricheurs qui font de la concurrence déloyale aux autres entreprises genevoises. Mesdames et Messieurs les députés, c'est seulement avec le contreprojet sous les yeux que nous pourrons dire s'il est crédible ou non. J'aimerais vous rendre attentifs à ceci, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente: un contreprojet non crédible, c'est autant de voix pour les partis populistes parce que ça favorise tous les abus. Or c'est justement le bien-fondé de cette initiative des syndicats que d'avoir attiré l'attention sur le discours lénifiant de certains milieux patronaux, qui consistait jusqu'aujourd'hui à dire: «Tout va très bien, on gère la situation, il y a des mesures d'accompagnement.» Mesdames et Messieurs les députés, nous attendrons le résultat des travaux de la commission de l'économie et du vote de ce Grand Conseil sur le contreprojet pour dire si l'initiative doit être soutenue telle quelle ou non.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, on nous a rappelé tout à l'heure que la meilleure manière de lutter contre le chômage était de créer de l'emploi; oui, en effet. Seulement, créer de l'emploi à frontières fermées dans un canton comme le nôtre n'a strictement aucun sens. De la même manière, penser l'économie de ce canton sans tenir compte de l'apport des frontaliers est au mieux une omission coupable, au pire un mensonge politique, et c'est bien de cela dont il s'agit.

J'aimerais juste prendre pour exemple quelques chiffres: en 2012, les frontaliers ont contribué à hauteur de 467 millions aux contributions publiques de ce canton; ils ont contribué à hauteur de 57 millions à l'assurance-chômage de notre canton, sans pouvoir bénéficier de prestations. Venir dire qu'ils ne font qu'alourdir nos finances et poser des problèmes aux résidents genevois est un non-sens ! C'est une manière étroite de comprendre l'économie, c'est surtout une manière de diviser les gens, et je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit tout à l'heure quant à la façon de gagner des suffrages.

Pour finir, il semblerait que M. Stauffer et moi-même soyons condamnés à devoir nous répéter dans ce parlement. En effet, M. Stauffer se plaît à énoncer constamment qu'à force de vouloir prendre l'argent des riches, on finira par voler celui des pauvres; eh bien, à chaque fois qu'il proférera ce genre de fausse sentence, je lui rappellerai pour ma part qu'à force de lécher les bottes des riches, on finit par se faire botter le train par les pauvres ! Je vous remercie de votre attention.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, au-delà de la polémique, au-delà des partis politiques, il y a des réalités et des responsabilités partagées. Oui, Mesdames et Messieurs les socialistes, certains patrons sont de mauvais patrons; oui, certains salariés travaillent au noir, cela existe; oui, certains mandants font travailler ces gens-là au noir. Nous avons tous notre part de responsabilité, et c'est donc en s'élevant au-delà des responsabilités de chacun qu'on réglera ces problèmes de travail au noir et de sous-enchère salariale afin d'avoir une économie saine. Aujourd'hui, dans le bâtiment, les conventions collectives sont contrôlées, c'est une nécessité. Cela signifie que des personnes viennent dans nos entreprises vérifier si les salaires versés à nos employés sont justes et répondent à la convention collective. Oui, Mesdames et Messieurs, certains patrons sont honnêtes et font avancer l'économie, il n'y a pas que des pourris dans cette société. Mais il faudra aussi se donner des moyens. Pourquoi ? On évoquait tout à l'heure le fait qu'il y a un contrôleur pour 10 000 emplois; dans le bâtiment, c'est 1 contrôleur pour 1000 ! Ces contrôles sont une nécessité, Mesdames et Messieurs, et nous devons essayer de persévérer, de dialoguer ensemble parce que le partenariat social, ce ne sont pas les patrons d'un côté, les syndicats de l'autre; c'est une convergence, une volonté commune. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Chers collègues députés, il est assez amusant de voir que ce sont les communistes qui viennent nous donner des leçons d'économie dans ce parlement ! Je veux bien, mais les faits sont malheureusement têtus et chacun sait comment a fonctionné l'économie dans les pays qui se sont dits communistes ou socialistes, appelez-les comme vous voulez. J'aimerais quand même rappeler, parce qu'on l'oublie souvent, qu'au moment de la signature des accords bilatéraux, même si un certain nombre de mesures ont été prises, le parlement fédéral n'a malheureusement pas fait le nécessaire. Il n'a peut-être pas su - ou plutôt voulu - mesurer l'ampleur des problèmes qu'il y aurait suite à cette ouverture et renforcer les contrôles. Ce qui a été prévu dans la loi fédérale est donc extrêmement léger; on le voit et on le paie aujourd'hui. Monsieur le président, vous transmettrez à M. Cerutti que je le remercie pour ses propos. En effet, certains secteurs nécessitent des contrôles très serrés parce que la réalité est aujourd'hui ainsi faite. Avec cette ouverture vers l'extérieur, il y a des entreprises qui viennent de partout, des travailleurs détachés, etc., et il devient extrêmement difficile de tout contrôler, de tout vérifier. Si l'immense majorité des employeurs sont corrects, il reste toujours quelques «moutons noirs», si je puis m'exprimer ainsi - je le mets entre guillemets - et il faut les contrôler, être derrière eux.

J'aimerais encore ajouter la chose suivante: peut-être les frontaliers nous apportent-ils quelque chose, certainement même, on ne le nie pas. Mais je vous rappelle aussi que nous remboursons quelque chose comme 280 ou 290 millions d'impôts à la France ! Il faut rééquilibrer les choses: il n'y a pas seulement l'argent qu'ils nous apportent mais également celui que nous, de notre côté, remboursons à la France, argent qui paraît-il est reversé aux communes françaises - bon, on ne sait plus tellement où il va aller aujourd'hui avec la réforme des régions, qui portera pratiquement de Lyon jusqu'au sud de la France. Mesdames et Messieurs, il faut savoir raison garder. Oui, il faut des contrôles parce que nous sommes supérieurs, parce que nous nous trouvons dans une situation complètement différente de celle de 2002 qui n'a pas été mesurée au niveau fédéral, ou alors on n'a pas voulu voir que ça allait créer des problèmes grandissants et on se retrouve maintenant face à cette situation. C'est la raison pour laquelle nous soutenons un contrôle accru, mais il faut aussi veiller à ne pas se jeter dans la gueule du loup en se disant que c'est facile, que c'est l'ouverture, la mondialisation des travailleurs, de la finance et des entreprises, et puis ensuite ne plus pouvoir rien faire face à cette situation. Parfois il faudrait regarder davantage autour de soi: quand des travaux seront adjugés - et il va y en avoir, des chantiers importants dans notre canton ! - faisons notre possible pour que des entreprises genevoises soient choisies, ceci afin de donner du travail aux employés genevois qui habitent Genève.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est toujours pénible, lors d'une discussion ou d'un débat où une ouverture est faite pour tenter de concilier tout le monde, de terminer lamentablement dans les querelles politiques. A la base, je ne voulais pas prendre la parole mais je trouve tellement dommage d'entendre ce que l'on entend, notamment de la part des bancs d'en face ! J'aimerais juste leur rappeler que si nous étions clairement contre l'initiative 151 au début, ce sont tout de même nos voix de démocrates qui ont permis de la valider lorsqu'il s'est agi de voter. Nous n'étions pas d'accord avec le fond mais, sur la forme, nous souhaitons que chacun puisse s'exprimer. Je ne suis donc pas d'accord qu'on vienne ensuite prétendre que nous sommes par certains côtés... Mesdames et Messieurs, dans la conception de l'Union démocratique du centre, malgré ce que certains tentent de dire urbi et orbi, nous sommes contre un Etat de contrôle, un Etat policier. Nous cherchons des solutions ! Partir du principe que la vie de l'entreprise ne peut se faire qu'avec des légions de contrôleurs, ce n'est pas bien. Vous savez, j'ai une carrière de policier derrière moi; à l'époque, mes collègues et moi-même ne nous occupions heureusement que d'un faible pourcentage de la population, pas de la majorité. Un chef de la brigade des mineurs disait: «Nous avons des problèmes avec les jeunes.» Or tous les matins, je passe devant le stade du Bout-du-Monde - il habite à côté - et quand je vois tous ces adolescents qui vont faire du sport, je me dis qu'ils représentent une immense majorité et que ce sont ceux-ci qu'il faut prendre en compte. Je pense que nous devons avoir la même vision, c'est en tout cas celle que l'Union démocratique du centre tente d'avoir dans cette affaire.

Dès le début, nous ne sommes volontairement pas entrés dans la polémique, mais je tenais tout de même à rappeler quelques éléments. Une armée de contrôleurs n'est pas la solution, un Etat policier dans les entreprises n'est pas la solution; par contre, ce que nous amènent par leur dialogue les syndicats et le patronat nous semble favorable. Je vous l'ai dit: nous sommes au début d'une longue démarche, nous souhaitons - cela a été mentionné - que le département se joigne à nous, et je suis sûr que ce sera... Mais, de grâce, si on commence à évoquer les années trente, le nationalisme et autres...! La seule chose qui m'a réjoui ce soir, c'est que personne... On aurait peut-être pu parler du 9 février, j'avais quelque chose à dire à ce sujet. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt M. Sormanni dire que la gauche n'a pas de leçons à donner en économie. Pour ma part, je tiens à relever, Monsieur Sormanni, que vous faites partie d'un groupe qui soutient l'économie libérale, vous êtes plutôt à droite. Or ce sont justement les partisans de cette économie qui ont libéralisé l'Europe et fait que, d'un côté de l'Europe, certaines personnes gagnent 2000 euros tandis que, de l'autre, d'autres perçoivent 500 euros pour le même travail. (Remarque.) Oui, mais ce n'est pas nous qui avons mis ça en place ! Vous faites partie d'un groupe, Monsieur Sormanni, qui soutient cette économie. Je vais même beaucoup plus loin: s'agissant du logement par exemple, vous avez déposé quatre, cinq ou six projets de lois qui vont justement... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !

M. Alberto Velasco. ...augmenter le prix des logements, de telle sorte que les travailleurs... (Remarque.)

Le président. Monsieur Spuhler !

M. Alberto Velasco. ...n'arriveront plus à les payer ! C'est donc quand même incroyable que vous nous donniez des leçons ! Non, Messieurs, sous les faits que vous attaquez, comme les frontaliers, en réalité vous soutenez toujours cette économie devant le Grand Conseil; vous avez voté pour le budget, vous votez tous les projets fiscaux et vous votez avec la droite, donc la politique libérale. Mais évidemment, pour des questions électorales, vous vous en prenez aux frontaliers ! Voilà la réalité, Messieurs, et ne venez pas nous dire que c'est la gauche qui a mis cela en place. Nous n'avons pas le pouvoir, pratiquement nulle part en Europe, alors on ne peut pas dire ça. Non, c'est votre économie, celle que vous défendez: l'augmentation du prix des logements, les fameux projets de lois que M. le député du MCG habitant à Cologny a déposés plusieurs fois. (Commentaires.) Dans quel sens vont ces projets de lois ? (Brouhaha.) Eh oui, ça fait partie des salaires, Monsieur ! Quand on paie des logements cher, on doit gagner plus, voilà tout le problème. (Remarque.) En effet, Monsieur, exactement ! Je tiens à vous dire que nous n'avons pas de leçons à recevoir de votre groupe là-dessus.

M. Daniel Sormanni (MCG). Je serai très bref. M. le député Velasco me met en cause. D'abord, je m'adressais à Ensemble à Gauche parce que c'est Mme Haller qui en avait parlé; évidemment, chacun peut répondre. Voyez-vous, je crois que personne n'a de leçons à donner à personne ici. Vous nous fustigez parce qu'on vous dit certaines choses que vous avez de la peine à entendre, voire que vous n'avez pas envie d'entendre, à savoir que la situation que nous vivons aujourd'hui, notamment la problématique du dumping salarial et des contrôles, est bel et bien liée à l'ouverture des marchés et à l'internationalisation que vous soutenez, vous aussi, avec l'internationale des travailleurs. Arrêtez de nous dire que c'est seulement la faute des employeurs, c'est aussi vous qui défendez cet accueil sans discernement de tous les travailleurs d'Europe ou du monde entier ! C'est la conjonction de ces différentes problématiques qui fait que nous nous trouvons face à cette situation; il n'y a pas une ou deux raisons, mais c'est bien la conjonction de tout ça qui fait que nous nous retrouvons dans cette situation et nous voyons contraints de faire des contrôles supplémentaires. Bien sûr, il y a un certain nombre de choses. Le MCG ne vote ni à gauche ni à droite; certaines fois, nous votons avec la droite et d'autres fois, nous votons avec vous. C'est marrant, vous l'avez totalement oublié ! Parfois, nous soutenons aussi des projets sociaux: je vous rappelle par exemple les fameux 300 F pour l'intégration, mais vous les avez déjà oubliés parce que ça vous arrange !

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur. Je dois dire que je suis assez surpris ce soir parce que je ne retrouve pas du tout l'esprit qui a animé les débats en commission; ici, on parle de populisme alors qu'on n'en a pas du tout parlé en commission. J'ai l'impression que ce sont justement ceux qui disent qu'il ne faut pas attiser le populisme qui finissent par l'attiser eux-mêmes. J'en veux pour preuve ceci: il a été dit qu'il faudra voir le contreprojet et ce qu'il apporte vraiment avant de discuter, notamment sur le fait qu'il y ait un inspecteur pour 10 000 emplois. Monsieur Deneys, si vous aviez lu mon rapport, si vous aviez vu l'annexe qui nous a été présentée par la CGAS et l'UAPG, vous auriez constaté que l'expression «un inspecteur pour 10 000 emplois» n'a pas été touchée. Vous semblez maintenant déjà estimer qu'on pourrait revenir là-dessus alors que ce n'est absolument pas la volonté des parties. Je trouve ça regrettable et j'estime que c'est vous qui attisez ce populisme.

Je relève enfin quelque chose qui fait la force de notre démocratie, à savoir que c'est la CGAS qui a lancé cette initiative et récolté les signatures, et c'est tant mieux si ça permet de faire avancer les choses. Il y a dans ce parlement certaines personnes - qui, heureusement, ne siègent pas à la commission de l'économie - qui veulent un combat jusqu'au-boutiste afin qu'il n'y ait qu'un seul vainqueur, alors que les initiants eux-mêmes sont prêts à retirer leur initiative s'ils aboutissent à un contreprojet avec - entre guillemets - la «partie adverse». C'est aussi ce que je souhaite, Mesdames et Messieurs; je souhaite qu'on parvienne à ne pas laisser ces jusqu'au-boutistes polluer le débat et qu'il y ait des milliers de vainqueurs. Pas un seul mais des milliers de vainqueurs: les entreprises et les travailleurs qui font la prospérité de ce canton, n'en déplaise à certains !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a écouté votre débat avec grande attention et beaucoup d'intérêt, et aimerait rebondir sur cette note «oecuménique» du rapporteur, qui vient à l'instant de rappeler que Genève est un peu un monde en soi. A la faveur de cette initiative, on assiste tout de même au rapprochement des syndicats de travailleurs et des associations patronales, qui se tombent mutuellement dans les bras ! Or on a le sentiment ce soir que d'aucuns seraient enclins à gâcher la fête, alors même que nous n'en sommes qu'à son début. Je m'inscris ici dans la droite ligne de ce qu'évoquait tout à l'heure le député Deneys: nous allons voir ce que donneront les travaux de la commission - mais il faut payer pour voir - laquelle est prête à passer au-delà de l'initiative et à entamer l'idée d'un contreprojet, ce qu'elle vous incite à faire aussi. Pour notre part, nous nous y associons, ce d'autant plus volontiers qu'au-delà du constat d'un consensus et de la satisfaction exprimée par certains d'entre vous quant au travail de l'OCIRT - d'ailleurs, je souhaite également rendre hommage au travail de cet office et de sa directrice générale - le terreau est propice, la méthode est bonne et le résultat escompté est sans doute à notre portée.

Je m'arrête tout d'abord sur le terreau, parce qu'il faut souligner que nous ne partons pas de rien et que, contrairement aux propos quelque peu catastrophistes exprimés tout à l'heure, nous avons de quoi nous rassurer. «Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console»: si nous nous comparons aux autres cantons suisses, nous pouvons en effet constater que les contrôles sont nombreux à Genève. En 2013, près de 1700 contrôles ont été effectués par l'OCIRT dans le cadre des mesures d'accompagnement, en sus du travail des commissions paritaires. D'ailleurs, comparons ce qui est comparable: il faut cesser d'omettre - parce que c'est une omission volontaire - l'important travail réalisé par les commissions paritaires. Sur ces 1700 contrôles, seuls 10% d'entre eux ont révélé des cas de sous-enchère salariale. Dès lors, on peut se demander si ces 10% sont le reflet de l'activité des contrôleurs ou bien celui d'une réalité étayée; nous ne le savons pas vraiment parce que les éléments de comparaison manquent.

Ceci dit, et il est important de le souligner, on peut également estimer que si l'on tombe sur des cas, que d'aucuns jugent trop nombreux, c'est précisément parce qu'on les cherche en faisant des contrôles essentiellement dans les secteurs à risque; il est donc logique qu'un certain nombre de cas émergent. S'agissant par exemple des informaticiens évoqués tout à l'heure, je rappelle que les travailleurs détachés représentent 0,2% du volume total des travailleurs du canton. Oui, bien sûr, c'est un cas choquant; oui, bien sûr, il faut opérer des contrôles; oui, bien sûr, l'idéal serait d'avoir un élargissement de la base légale, mais nous sommes aussi dans une logique, par ailleurs défendue à maintes occasions par les syndicats des travailleurs, de contrôles a posteriori. Il y aura toujours des tricheurs; il faudrait en réduire le nombre et, lorsqu'on en débusque, les saisir. Dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat a répondu honnêtement; en une semaine, l'affaire était réglée, et cette situation doit d'ailleurs servir de vaccin. Mais, de grâce, ne confondons pas la paille et la poutre: nous parlons ici de 0,2% du volume total des travailleurs du canton.

Genève, je le rappelle et cela doit nous rassurer, ce sont 147 conventions collectives de travail, 50% des employés qui sont couverts. Au regard d'autres cantons, c'est énorme ! Sur ces 147 conventions, 27 d'entre elles sont étendues. En 2014, deux arrêtés du Conseil d'Etat concernaient des extensions facilitées, tandis que six procédures d'extension ordinaire de CCT ont été initiées. Genève est également l'un des quatre seuls cantons suisses à avoir initié des contrats types de travail, un dispositif nouveau qui a émergé à la faveur des mesures d'accompagnement - c'est assez rare pour être souligné. Là encore, il s'agit de mesures assez coercitives prises par le gouvernement sous l'impulsion des syndicats, visant, dans quatre secteurs donnés, à ne pas laisser les travailleurs à la merci de conditions non correctes. J'insiste sur ces décisions parce qu'elles ont été prises par le nouveau gouvernement en janvier de l'année passée, malheureusement à la suite du cas du chantier de l'hôpital évoqué tout à l'heure: ce sont des décisions dures et contraignantes dans le domaine des marchés publics destinées à sanctionner sévèrement les entreprises qui sortiraient du cadre, c'est une cellule de crise que nous avons mise sur pied avec les syndicats pour exprimer notre ferme volonté d'aller de l'avant ensemble. Monsieur de Sainte Marie, cessez d'omettre en permanence les commissions paritaires; il n'y a pas que le travail de l'OCIRT qui compte, mais aussi le leur. Nous ne pouvons pas considérer que l'OCIRT sera la solution à tout car ce serait passer sous silence l'importance du partenariat social.

J'en arrive maintenant au deuxième point: après avoir évoqué le terreau, il faut parler de la méthode proposée, soit celle du tripartisme. Nous sommes des adeptes du tripartisme. Ce matin encore, j'ai présidé durant près de trois heures le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, qui est la commission tripartite instaurée dans le cadre législatif fédéral; cette commission nous permet d'avancer, de faire évoluer des positions, de nous rassembler sur des points précis. Vous avez reconnu que nous n'avions pas encore de position tripartite, et c'est sans doute le chemin supplémentaire à faire. Nous avons une ébauche de projet dont je me félicite qu'elle existe pour pouvoir en discuter, nous aurons sans doute des apports du côté de l'Etat, et je veux croire que nous trouverons à la commission de l'économie un texte qui fasse consensus. Cette méthode est importante, et il vaut la peine de mener cet exercice qui a donné de bons résultats dans d'autres domaines.

Troisième et dernier aspect, après avoir parlé du terreau et de la méthode, je veux évoquer les résultats. Quels résultats veut-on obtenir ? Je vais aller un peu plus loin que le député Deneys parce qu'on peut déjà poser quelques jalons. Je pense que nous devons confirmer, à travers le contreprojet qui émergera, la volonté de partager les responsabilités. C'était l'un des défauts qu'a corrigés le Tribunal fédéral et ce n'est pas là le moindre des apports de la haute cour. Il s'agit d'avoir un réel souci de coordination et d'efficacité vis-à-vis des entreprises, pas juste d'ajouter une couche supplémentaire ou de procéder à quelques gesticulations pour se donner bonne conscience. Non, cela doit être coordonné avec le reste et efficace, ce qui demeure encore à démontrer. Nous devons être soucieux des deniers publics, et j'ai eu le plaisir d'entendre tout à l'heure sur les bancs socialistes l'expression de cette volonté-là; nous ne pouvons pas gaspiller les fonds publics, il ne s'agit pas simplement d'ajouter des postes pour se faire plaisir mais de déterminer comment ces fonds seront utilisés, à plus forte raison en période de difficultés budgétaires. Enfin, il s'agira de doser le contrôle. Les références et métaphores policières m'enchantent d'ordinaire et j'ai adoré les entendre, mais je vous le dis d'emblée: pour le Conseil d'Etat, s'il s'agit, à travers ce contreprojet, de renforcer massivement les contrôles pour les contrôles eux-mêmes, la réponse sera non, et je signe demain l'affiche d'Ensemble à Gauche intitulée «Non à une économie militarisée !».

Une voix. Mais non ! (Rires.)

M. Pierre Maudet. Il s'agira donc, Mesdames et Messieurs, de doser le contrôle et, encore une fois, d'en appeler à la responsabilité des entreprises. J'ai trop peu entendu aujourd'hui le fait que renforcer les contrôles, c'est également mettre en exergue les employeurs qui jouent le jeu. Vous l'avez dit, Monsieur de Sainte Marie, et c'est juste: dans le fond, nous voulons montrer à travers ce processus et les résultats escomptés que beaucoup d'entreprises jouent le jeu et méritent d'être récompensées, d'abord en soulignant le fait qu'elles jouent le jeu et ensuite en punissant celles qui se livrent à une concurrence déloyale. J'aimerais ajouter que je rencontre beaucoup d'employeurs qui en ont assez de vivre cette situation de concurrence déloyale. Il est également nécessaire de penser à eux, pas seulement aux travailleurs, et de les soutenir. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, précisément à l'inverse de la métaphore policière qu'on aurait pu filer, j'aurais tendance à dire que plus l'économie sera policée, moins elle sera policière.

Nous avons peut-être l'occasion, à travers le processus que nous allons initier dans le contreprojet - je vais finir sur cet enjeu parce qu'il est très important et qu'on en a parlé durant plusieurs heures ce matin avec les syndicats patronaux et ouvriers - de donner un exemple au reste du pays ! Je reviens sur mes propos de départ: «Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console.» Le reste de la Suisse se trouve à des années-lumière de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement. Il y a dans les cantons voisins ou proches des situations bien pires mais dont on ne parle pas parce qu'on ne les découvre jamais. Et pour cause, il n'y a pas de contrôles ! L'enjeu est de servir d'aiguillon pour notre pays, de façon solidaire, conjointement avec les syndicats de travailleurs et les associations patronales, parce que nous sommes, un peu malgré nous, à l'avant-garde dans ce domaine.

Les questions qui se posent maintenant à Genève vont se poser demain voire dans les heures qui viennent, pour utiliser la métaphore horaire, dans d'autres cantons, lesquels vont vivre les mêmes secousses que nous. Le but est donc de faire passer le message à M. Schneider-Ammann, au Conseil fédéral et aux organisations faîtières patronales et syndicales qui se trouvent encore dans une guerre pour partie larvée, pour partie franchement apparente, que nous arrivons à trouver des solutions ensemble. Faute de quoi, l'ensemble de l'économie, et vous savez que c'est un écosystème qui dépasse largement les frontières genevoises, va péricliter par l'accroissement des inégalités et par le désordre, ce que nous ne voulons pas parce que ce n'est précisément pas le terrain propice au développement de l'économie. Je conclurai ainsi, Mesdames et Messieurs: notre enjeu est de donner, à travers le résultat d'un processus assumé qui nous mènera à un contreprojet tripartite, un modèle pour le pays, une ambition pour une économie qui favorise l'emploi et permette indirectement de lutter contre la pauvreté en générant des richesses les mieux réparties possible. Ce jour-là, nous aurons peut-être réussi bien plus que nous ne l'imaginions au départ. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant procéder aux différents votes en commençant par la prise en considération de l'initiative 151.

Mise aux voix, l'initiative 151 est refusée par 60 non contre 29 oui et 1 abstention.

Le président. Vous êtes donc priés de vous prononcer sur le principe d'un contreprojet. Oui, Monsieur Hiltpold ?

M. Serge Hiltpold. Je demande le vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, vous l'êtes. Nous passons donc au vote nominal.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 91 oui et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements.)

Vote nominal

L'initiative 151 est renvoyée à la commission de l'économie.

Les rapports IN 151-A et IN 151-C sont renvoyés à la commission de l'économie.

Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance et vous retrouve à 20h30. Bon appétit à tous !

La séance est levée à 19h.