République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1993-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Charles Selleger, Patricia Läser, Nathalie Schneuwly, Jean-François Girardet, Philippe Schaller, Mathilde Captyn, Pierre Losio, Antoine Barde, Renaud Gautier, Sylvia Nissim pour une véritable politique familiale de la petite enfance (allocation parentale)
Rapport de majorité de Mme Marie Salima Moyard (S)
Rapport de minorité de M. Charles Selleger (R)

Débat

Le président. Nous en sommes au point 18 de l'ordre du jour... (Brouhaha. Chahut.) S'il vous plaît ! Il s'agit de la motion 1993-A. Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1993 a permis une heureuse réflexion sur le dossier toujours aussi complexe... (Brouhaha.) ...et brûlant d'actualité qu'est l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Cette motion propose une solution qui n'est pas praticable aux yeux de la majorité de la commission, pour de nombreuses raisons que je vais tenter de vous résumer.

Que propose cette motion ? Elle propose une allocation parentale, à ne pas confondre avec un congé parental qui, lui, est d'une durée plus longue, avec un véritable revenu de remplacement, ce qui n'est pas ce qui est proposé. Ce qui est proposé, c'est une somme qui constitue une incitation - qui n'est pas destinée à remplacer un salaire - versée au parent, homme ou femme, qui arrête de travailler ou qui diminue son temps de travail pour s'occuper de son ou ses enfants. Ce n'est donc pas pour le parent qui ne travaillait pas auparavant. La somme envisagée se monte au maximum à 50% du coût, pour les collectivités publiques, d'une place en crèche, c'est-à-dire à peu près 14 000 F par an, soit 1 150 F par mois, avec une clause qui rendrait la somme inversement proportionnelle au revenu - plus on gagne, moins on touche d'allocation. Le but de cette allocation serait d'offrir une alternative au placement d'enfants en crèche, de compenser partiellement la perte financière occasionnée par ce choix et, également, de libérer des places de crèches pour d'autres enfants ou - mais pas et - de permettre de faire des économies à l'Etat, car la somme par enfant serait deux fois moindre. Mais évidemment on ne pourrait pas obtenir les deux résultats en même temps, contrairement à ce qui a parfois été annoncé par le premier motionnaire. Et, dernier point, le retour à l'emploi devrait être particulièrement pris en compte.

Alors pourquoi est-ce une mauvaise idée ? De l'avis même des motionnaires, on ne pouvait évidemment pas régler toutes les inégalités sociales avec cette allocation; ça n'allait pas être intéressant pour les bas salaires, ça n'allait pas être très intéressant non plus pour les salaires élevés, parce que les parents sont intéressés par d'autres modes de garde et que la somme ne serait pas suffisamment pertinente. En outre ça ne serait simplement pas accessible aux familles monoparentales, ni à celles où les parents sont au chômage ou en formation. De plus, il y aurait eu un contrôle problématique pour les indépendants. Il était donc difficile de savoir, du coup, à quel genre de famille s'adresserait cette allocation.

Mais il ressort des auditions et des discussions d'autres inconvénients. En ce qui concerne le travail des femmes - même s'il a été largement rappelé par les motionnaires que cela n'a jamais été leur volonté - il est difficile d'imaginer une autre conséquence que celle d'encourager les femmes qui, en général, ont un salaire moins élevé, à entre guillemets retourner à la maison, ce qui n'est souhaitable, je l'espère, aux yeux de personne. C'est également un problème pour la réinsertion professionnelle; il est difficile de se réinsérer après un arrêt, surtout s'il a été long. Par ailleurs, c'est une perte importante sur les couvertures par les cotisations sociales - AVS, AI, LPP, etc. C'est la peur, aussi, pour certains membres de la commission, du désengagement des communes, par exemple, et de l'Etat, qui va devoir entrer en ligne de compte suite au contre-projet à l'initiative 143; un désengagement des communes par rapport à la création de places de crèches, car les moyens ne sont pas illimités: si on met de l'argent pour ces allocations, c'est de l'argent que l'on n'aura pas pour autre chose. Peur également, pour certains commissaires, de la création d'une sorte de droit...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la rapporteure.

Mme Marie Salima Moyard. ...généralisé - je vais terminer dans ce laps de temps, Monsieur le président. Cela mettrait bien entendu les finances de l'Etat dans une posture difficile, car, vu les choix qui sont faits actuellement, il serait compliqué d'ajouter une nouvelle prestation. Finalement, le contrôle serait extrêmement ardu puisqu'il faudrait prouver la baisse ou l'arrêt du travail; le RDU ne suffirait pas, il faudrait fournir les contrats de travail, etc., chose qui est complètement inédite. Donc c'est pour l'ensemble de ces raisons, après un travail fouillé de la commission de l'enseignement, que la majorité de la commission vous propose de refuser cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Charles Selleger (R), rapporteur de minorité. J'aimerais rendre hommage au rapporteur de majorité pour l'excellence de son rapport, qui a fait largement la place aux arguments que j'ai développés en commission, ainsi que pour l'introduction de son allocution de tout à l'heure, qui a fait également une place tout à fait honorable aux arguments que j'ai présentés. J'aimerais répéter que cette motion est partie de deux constatations: premièrement, celle que le coût d'une place en crèche est très élevé et, deuxièmement, celle de la difficulté morale des parents de remettre leur enfant à une structure d'accueil. Cette motion est également survenue dans un contexte précis qui est celui de l'initiative 143 ou de son contre-projet qui a finalement abouti, qui aura pour effet une augmentation massive de l'offre de places en structure d'accueil.

Alors le coût: le coût, c'est environ 40 000 F, pour simplifier. Ça, c'est le coût véritable d'une place en crèche. Et la contribution parentale s'étale entre 0, pour ceux qui sont les plus démunis, et 12 000 F, soit un coût social résiduel de 28 000 F à 40 000 F.

La difficulté parentale, c'est le conflit moral, le conflit de conscience entre la remise de leur enfant, pour les jeunes parents, en structure d'accueil, et la nécessaire revalorisation - on l'oublie trop souvent - du rôle des parents dans l'éducation de l'enfant en bas âge.

Alors les moyens. Le moyen, pour aboutir à résoudre cette équation, c'est faciliter un choix ! Ce n'est pas une obligation, ce n'est pas une incitation qui équivaut à une obligation, non, c'est un simple choix des parents désireux de privilégier leur présence auprès de leur enfant en bas âge, et donc de renoncer provisoirement à reprendre leur activité après une naissance; c'est offrir un système flexible par rapport à la durée - qu'on pourrait choisir librement entre un et quatre ans au cours de la petite enfance - et par rapport au temps partiel ou complet de réduction du temps de travail. Et puis on a établi, dans cette motion, toute une série de cautèles pour éviter une allocation de type arrosage; on tient compte de la capacité économique des familles concernées, on limite l'allocation aux familles qui diminuent réellement leur temps de travail - il ne s'agit pas de verser des allocations à des familles qui précédemment n'avaient qu'un des deux parents au travail - et on offre l'accès aux mesures de réinsertion professionnelle.

Alors on a entendu toutes sortes de critiques, et on nous en a répété quelques-unes. Le système est coûteux: non, le système n'est pas coûteux ! Le système, chaque fois qu'on l'utilise - et même s'il est peu utilisé, eh bien ce sera quand même une économie - permet d'éviter des coûts sociaux. Le système est inutile: on verra ! Si le système n'est pas plébiscité par une majorité de la population, ça répondra en tout cas au souci de ceux qui pensent que ça va coûter très cher, puisqu'il sera peu utilisé ! Et ce n'est pas parce que le public cible, finalement, est restreint, que la motion perd son sens ! Et puis on nous a dit aussi que ce serait un système impropre, en particulier, à aider les familles monoparentales. Alors directement oui, c'est un système qui n'est pas fait pour eux, mais indirectement c'est un système qui va les aider parce que ça va libérer des places de crèche dans un contexte, en tout cas actuellement, où les places de crèche sont extrêmement difficiles à trouver. C'est un système qui entrainera une baisse de l'emploi: on a dit attention, les mères ou les pères qui ne travailleront plus ne seront plus sur le marché de l'emploi, donc ça va diminuer les recettes fiscales. Eh bien pas du tout ! Parce que dans un contexte de chômage, ça fera autant de places à repourvoir, ça évitera des prestations de chômage, et ça fera revenir de l'argent dans la fiscalité. Alors en conclusion, voter cette motion ne peut qu'encourager l'Etat à développer des solutions innovantes, de nature à économiser l'argent public et aussi à revaloriser le rôle des parents dans l'éducation de leurs enfants, particulièrement pendant la période si sensible de la petite enfance. Je vous incite donc, à titre personnel, à voter cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, vous êtes pile poil dans votre temps de parole ! La parole est à M. le député Philippe Morel.

M. Philippe Morel (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis quatre ans que je suis dans cette députation, cette motion est l'une de celles qui a m'a le plus touché et le plus ému. Je remercie donc le député qui en a été l'auteur et le groupe qui l'a cosignée. Pourquoi est-ce que cela m'a touché ? Eh bien parce que cette motion concerne deux éléments très importants de notre société. Le premier: l'enfant. Un élément fragile entre 0 et 4 ans, un élément extrêmement important. Et puis le deuxième, c'est la famille. (Brouhaha.) Et il s'agit, avec cette motion, d'aboutir à ce que l'un puisse vivre avec l'autre; à ce que durant cette phase cruciale de la vie que sont les quatre premières années, l'enfant puisse rester au sein de son milieu familial. Et n'allez pas me dire qu'il est mieux dans les crèches, et qu'il est mieux dans des structures extra familiales, c'est faux ! N'importe quel pédopsychiatre ou pédagogue d'enfants correct vous dira que c'est faux ! Ou alors nous tous, dont la majorité n'a pas été élevée dans des crèches, sommes des asociaux, puisque la crèche semble socialiser l'enfant. C'est faux ! L'enfant vivra le mieux dans son milieu familial la plupart du temps.

Et puis, accessoirement, mais de manière importante, on peut se préoccuper de ce que les parents pensent. Les parents préfèrent peut-être élever leur enfant plutôt que d'aller travailler ! Et c'est un élément également très important. Mais voilà, le plus souvent, malheureusement, les parents qui travaillent les deux doivent se séparer - et j'ai bien dit se séparer - de leur enfant pour continuer à travailler et gagner assez d'argent. Genève est une ville chère; une des villes les plus chères du monde ! (Commentaires.) Y vivre devient presque impossible pour la classe moyenne. Nous sommes en train de vider cette ville de ses habitants naturels pour des raisons financières. S'habiller, avoir de simples loisirs, vivre décemment à Genève devient impossible. Alors oui, le plus souvent les deux parents doivent travailler et se séparer de leur enfant. Et cette motion vise à réunir l'enfant, sa famille; l'enfant, ses parents. Quel but plus noble pouvons-nous suivre ? Quelle piste plus importante devons-nous suivre ? Oui, on peut discuter des chiffres: qui gagne quoi, qui perd quoi, combien, combien ça coûte, combien on va dépenser, combien ça va rapporter. Futilités ! Trivialités ! Inutile de parler de ça ! La piste est bonne, Monsieur le député Selleger, et je vous encourage très vivement à la poursuivre parce qu'elle ne constitue pas seulement une piste d'économies, de gains, de pertes, peu importe, elle est une piste sociale s'il en est, et je dois vous dire que je suis un peu jaloux que cette motion, heureusement signée par certains membres PDC, n'émane pas initialement du parti qui est celui de la famille. (Remarque.) Monsieur Selleger, je vous félicite.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Philippe Morel. Alors oui, on peut placer les enfants ailleurs, dans des crèches...

Le président. Monsieur le député, vous avez terminé ?

M. Philippe Morel. Non, j'ai encore deux phrases, Monsieur le président ! Oui, on peut placer des enfants dans des crèches, à peu près 4 000 s'y trouvent, 2 500 sont en attente. D'ailleurs Dieu sait les solutions qui sont mises en oeuvre pour ces 2 500 enfants ! Il y a des familles d'accueil, oui, on peut s'arranger, la grand-maman qui suit l'oncle, qui suit le grand-papa et qui est finalement suivi par un autre membre de la famille pour prendre en charge ces enfants. Il n'y a pas d'issue décente, cette motion offre une piste. Malheureusement, dans la situation actuelle nous ne pouvons pas complètement la soutenir, mais encore une fois je voudrais encourager très fortement les motionnaires à poursuivre dans cette voie, qui me parait une voie essentielle et une voie sociale.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs personnes, chez les Verts, ont signé cette motion. On voulait soutenir une alternative parmi d'autres, on voulait soutenir un choix de mode de garde supplémentaire. Après étude de ce projet de motion en commission, il apparaît pourtant que cette option est difficilement applicable, est difficile à mettre en place. Le financement de cette proposition est en effet compromis, car excessivement compliqué à calculer; de même, le contrôle de l'accession, ou non, à ce soutien engendrerait des moyens importants que l'Etat n'a pas à disposition aujourd'hui. Cette motion semble également restrictive par rapport aux familles qu'elle pourrait toucher; la plupart des personnes qui seraient intéressées ne pourraient pas se permettre, pour des raisons financières, de se passer d'un salaire pour une compensation si faible; la motion ne profiterait donc qu'à une classe moyenne supérieure. Les Verts seraient plutôt favorables à un congé parental, si ce parlement voulait bien accepter ce genre de proposition. En sa faveur, pourtant, il est vrai que cette motion demande seulement d'étudier la mise en place d'une allocation parentale ! Et cela nous semblait quand même intéressant. Les Verts sont donc divisés sur cette question, et laisseront le vote libre à leurs députés.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à nouveau nous sommes saisis d'une motion qui demande une étude. Alors je remercie le député Morel de son brillant exposé pour défendre cette motion, malheureusement le groupe PDC a préavisé négativement cette dernière. J'ose donc espérer que cette motion sera soutenue également par le parti de la famille ! Et qu'ils retourneront à nouveau leur veste pour voter dans le bon sens, cette fois ! (Brouhaha. Protestations.) Je voulais juste dire que le MCG s'est trouvé effectivement bien seul à soutenir l'unique motionnaire qui a été lâché par les membres de son parti... (Protestations.) ...le parti libéral, alors qu'en définitive il se trouve des signataires qui ont soutenu l'idée ! L'idée, c'est de nouveau de demander au Conseil d'Etat d'étudier cette question ! Et on aura, si on arrive à trouver une majorité pour la renvoyer au Conseil d'Etat, une réponse avec un rapport qui nous donnera des solutions, des pistes, et qui, peut-être, pourra éventuellement nous amener à produire un projet de loi. En tout cas c'est une bonne alternative pour lutter contre la pénurie de places de crèche, comme l'a développé le motionnaire, sachant qu'une place de crèche coûte, pour la collectivité publique, entre 30 000 et 40 000 F ! On parle d'une allocation plafonnée à 15 000 F par enfant, c'est la moitié de ce que coûte une place de crèche; c'est donc une solution qui paraît être même économique. En tout cas elle est de bon sens, elle n'est pas forcément la panacée mais elle contribue à lutter contre cette pénurie de places de crèche ou d'accueil, et c'est également une alternative au congé parental subventionné sur lequel on n'a pas encore entamé le débat mais qui est proposé par les Verts. En tout cas elle sauvegarde la vie de famille et elle encourage les parents à un véritable choix ! Le MCG soutiendra donc cette motion.

M. Melik Özden (S). La motion de M. Selleger part de bonnes intentions. (Remarque.) En effet, vouloir soutenir les parents ayant des enfants en bas âge dans leur tâche éducative est louable. Mais, telle que conçue, la motion 1993 est extrêmement problématique et mal ciblée. En effet, elle pose non seulement le problème de l'égalité de traitement, mais aussi celui des prestations de retraite, de la fiscalité et de la carrière professionnelle des personnes concernées.

De plus, ce sont les femmes, surtout celles qui élèvent seules leur enfant et celles qui ont un travail mal rémunéré, qui seront pénalisées, alors que celles qui n'ont pas besoin d'un soutien financier pourraient prétendre à l'allocation prévue par cette motion.

Ainsi, contrairement à son titre, la motion 1993 ne constitue pas une solution pour les familles qui sont dans le besoin. Par contre, il est parfaitement imaginable que notre parlement se penche, dans un avenir proche, sur un véritable congé parental de longue durée, s'inspirant du modèle scandinave pratiqué depuis plus de 30 ans avec un grand succès. C'est pour ces raisons que le groupe socialiste refusera la motion 1993. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). A l'image de l'initiative fédérale de l'UDC en faveur des familles, qui demande une déduction fiscale pour ceux qui font le choix de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants, le groupe UDC reste définitivement en faveur des déductions fiscales plutôt que pour le système des allocations, y compris au niveau cantonal. Nous estimons qu'il ne sert à rien de donner une allocation, quelle qu'elle soit, pour que l'Etat vienne vous la fiscaliser en contrepartie. Cela ne sert absolument à rien, c'est pour ça que nous restons campés sur cette position, comme nous l'avons dit tout à l'heure, et que nous sommes pour les déductions fiscales et rien d'autre. Les travaux de commission nous ont clairement démontré que d'établir un système tel que demandé dans cette motion coûterait énormément. Il faudrait mettre en place des mesures de contrôle, et il y aurait tous les coûts inhérents à ces contrôles et au système lui-même; cela constituerait une vraie usine à gaz dont le groupe UDC ne veut pas. C'est pour ces raisons que nous refuserons cette motion, et nous vous invitons largement à faire de même.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, décidément, depuis ce matin tout ce qui est compliqué, dans ce parlement, on n'en veut pas ! On a peur de se créer des difficultés, de faire des règlements, de trouver des solutions pour les gens qui ont besoin qu'on les aide. Aujourd'hui, on vous propose simplement de trouver des solutions pour avoir des places de crèche, des solutions pour les familles qui travaillent, voire même qui sont au chômage, des solutions d'allocation, d'aide pour l'éducation du jeune enfant qui, plus tard, sera pris en charge par l'instruction publique, par l'école. De 0 à 4 ans il y a des réponses à trouver, et vous ne voulez pas les chercher parce que c'est compliqué ! (Brouhaha.) Cette motion, Mesdames et Messieurs, n'est qu'une impulsion, une volonté de ce parlement de demander au Conseil d'Etat de trouver une solution, une solution légale, une solution réglementée; ce n'est pas un projet de loi, ce n'est pas un règlement, c'est une proposition, et cette proposition ne peut être qu'approuvée, selon nous, au MCG, et selon les motionnaires.

Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, vous le savez très bien, il n'y a plus de places en crèche; aujourd'hui on a un taux de chômage élevé; aujourd'hui les parents sont obligés de travailler tous les deux pour pouvoir assumer les charges de la famille. C'est une possibilité que nous avons, qui nous est proposée, que nous voulons soumettre au Conseil d'Etat, de trouver une solution pour que l'éducation des enfants de 0 à 4 ans soit assumée par les parents avec l'aide de l'Etat, grâce à un soutien, tout cela pour la famille puisse s'épanouir harmonieusement jusqu'à l'entrée à l'école de l'enfant. Cette motion n'est donc qu'une proposition que le Conseil d'Etat doit étudier ! C'est n'est pas à nous de trouver la solution, on pourrait faire un projet de loi mais il y aurait toujours quelque chose à redire, et je pense que le Conseil d'Etat a les capacités de nous proposer une réponse valable.

M. Yvan Zweifel (L). Comme vous l'avez compris - et d'autres l'ont déjà dit avant moi donc je ne me répéterai pas trop - il s'agit ici d'une motion qui cherche à proposer une solution. Certes, elle n'est pas parfaite, certes ce n'est pas la panacée, mais c'est au moins quelque chose qui tente de résoudre des problèmes qui existent. On a parlé places de crèche: on s'est écharpés ici, entre groupes, pour plus de places de crèche ! Certains proposaient une modification des normes - c'est ceux qui ont gagné sur le moment - d'autres proposaient plus de places par la construction de plus de crèches; ici c'est une solution pragmatique qui permet justement qu'il y ait davantage de ces places de crèche.

Mesdames et Messieurs, on parle ici, vraiment, d'une motion; c'est-à-dire qu'on demande aux conseillers d'Etat d'étudier quelque chose ! Faisons en sorte que le Conseil d'Etat puisse faire cette étude ! Car je crois que le problème existe et que des solutions doivent être trouvées. Vous le savez également, la société d'aujourd'hui pousse de plus en plus de parents - et j'en sais quelque chose, je le vis aussi - à ce que le père et la mère travaillent, car ils n'ont effectivement plus les moyens de faire autrement. C'est quelque chose qui devrait toucher les bancs d'en face, les bancs de gauche. Certains des parents, pourtant - de gauche comme de droite, d'ailleurs - aimeraient s'occuper de leurs enfants ! Pas parce qu'ils y sont obligés ! On n'est plus dans la société de grand-papa et de grand-maman, où effectivement le père devait travailler et la maman devait rester à la maison - rassurez-vous, ce n'est pas ce que je suis en train de dire ! - mais dans une société où un des deux parents aimerait s'occuper de l'enfant, que ce soit d'ailleurs le père ou la mère. Qui, ici, est conservateur ? Ce n'est pas le motionnaire, Mesdames et Messieurs, mais bel et bien la rapportrice de majorité, qui nous explique que ça ne concerne ni les hauts salaires ni les bas ! Donc fondamentalement ça concerne la classe moyenne ! N'est-ce pas cette classe moyenne que tous les partis, ici, veulent défendre ? Cette classe moyenne qu'on néglige systématiquement, cette classe moyenne qu'on laisse aux oubliettes ?

Eh bien, Madame la rapportrice de majorité, si vous considérez que cela ne concerne ni les hauts ni les bas salaires... (Remarque.) «Rapportrice»... Oui, comme vous voulez ! ...c'est que ça concerne la classe moyenne, pour laquelle tous les partis, ici, se battent ! Donc je crois que le motionnaire, ici, voit tout à fait juste ! (Brouhaha.)

Enfin, on parlait de conservatisme. On parle ici d'une allocation parentale, je tiens à le souligner. Vous attaquez le motionnaire en disant que nécessairement, cela signifie que la femme doit rester à la maison et que l'homme va travailler. Non, justement pas ! On parle d'une allocation parentale, car il y a de plus en plus de pères qui ont envie de rester à la maison et de s'occuper de leurs enfants, et de plus en plus de femmes, de mères qui, au contraire, ont envie d'avoir une activité professionnelle à côté - et je répète encore une fois que j'en sais quelque chose. En conséquence de quoi, Mesdames et Messieurs, moi je soutiens le rapporteur de minorité et le motionnaire. Parce qu'il est visionnaire ! Et plusieurs partis l'ont dit, je l'ai entendu encore tout à l'heure: on est plus ou moins pour, mais on considère que ce n'est pas encore tout à fait d'actualité ! Allez, cessons de perdre du temps, c'est peut-être ma jeunesse qui me fait vous le dire, mais allons de l'avant ! (Brouhaha.) Le motionnaire est visionnaire, et moi je le soutiens et vous enjoins évidemment à faire de même !

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, je n'ose pas imaginer que mon collègue député Charles Selleger rêve d'un retour à une société paternaliste et un peu macho... (Protestations.) ...j'imagine plutôt que M. Selleger et M. Morel auraient rêvé de s'occuper de leurs enfants et de rester à la maison ! (Brouhaha.) Si on a envie de donner du choix aux parents, alors allons vers une solution simple - puisque je crois comprendre que la droite n'aime pas la bureaucratie - et passons directement à l'allocation parentale, parlons directement de choses qui sont connues, mises en place et qui ont des effets qui permettent en tout cas d'assurer une égalité dans le choix aux deux parents. Mais une chose m'a interpellée suite au panégyrique de M. Morel, et j'aimerais bien, Monsieur le président...

Le président. Madame la députée, je m'excuse de vous interrompre. J'aimerais demander au député Thierry Cerutti d'aller téléphoner à l'extérieur. Je suis désolé. (Applaudissements.) Poursuivez, Madame la députée.

Mme Christine Serdaly Morgan. Merci, Monsieur le président. Je disais que suite au panégyrique de M. Morel, il y a une question que je souhaiterais que vous lui adressiez, car je suis un peu restée sur ma faim: quelle est la raison pour laquelle il ne peut pas soutenir cette motion, puisqu'il lui voit toutes les qualités ? Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée von Arx-Vernon, pour dix secondes.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Dix secondes ?!

Le président. Oui, il a tout mangé, votre collègue !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Eh bien alors je vais aller très très vite ! (Brouhaha.) Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez le parti démocrate-chrétien est le parti de toutes les familles; la version qui vous a été donnée par M. Morel correspond à une sensibilité réelle du parti démocrate-chrétien, mais moi j'ai la sensibilité de ceux qui estiment que les crèches sont utiles, que les familles d'accueil peuvent être indispensables dans certaines familles...

Le président. Voilà !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. ...et que ce qui est proposé aujourd'hui ne correspond pas à ce dont nous avons besoin pour aller vers une égalité des parents face à la responsabilité de leurs enfants !

Le président. Voilà !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. C'est pourquoi nous ne soutiendrons pas cette motion maintenant, et même si le principe est intéressant... (Brouhaha.)

Le président. Madame la députée, franchement !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. ...et nous vous proposerons autre chose de mieux ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Alexis Barbey, pour trente-trois secondes.

M. Alexis Barbey (L). Merci, Monsieur le président, alors j'essaierai de ramasser ma pensée... (Brouhaha.) ...en un certain nombre de phrases très courtes, qui vont consister à dire, dans un premier temps, que je ne voudrais pas que l'on pense que le PLR est un parti qui prône l'attribution de subventions à des familles quel que soit le motif, et en particulier pour les aider à choisir si elles vont ou ne vont pas rester à la maison pour élever leur enfant.

La deuxième chose, c'est que je ne voudrais pas qu'on laisse dire que cette motion est une avancée sociale, puisque je rappelle que le fait que les femmes puissent travailler était quand même une revendication extrêmement importante du droit des femmes et de l'émancipation des femmes... (Brouhaha.) ...pendant tout le XXe siècle. De nos jours on y est arrivés...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! Je suis désolé !

M. Alexis Barbey. ...et je trouve qu'on jette un peu rapidement...

Le président. Monsieur le député, je dois vous arrêter !

M. Alexis Barbey. ...le bébé avec l'eau du bain. C'est pourquoi je vous demande de ne pas accepter cette motion, et de laisser aux familles le choix de savoir... (Le président coupe le micro de M. Barbey, qui continue à s'exprimer. Rires.)

Le président. Voilà. La parole est à Mme la députée Esther Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole avec un certain agacement...

Des voix. Oh !

Mme Esther Hartmann. ...parce que j'entendais une file d'hommes s'exprimer... (Brouhaha.) ...sur le congé parental... (Remarque.) L'allocation parentale, oui, excusez-moi ! J'étais visionnaire, je voyais déjà le congé parental ! Ce que je voudrais dire quand même, c'est que cette motion, qui avait une allure avant-gardiste, cache quelque part la position et la vision d'une certaine place donnée à la femme. (Commentaires.) Pourquoi cela ? Parce que cette motion prévoit de donner une aide, une allocation... (Brouhaha.) ...à la personne qui souhaite rester à la maison, mais qui serait à la limite financière de ne pas pouvoir le faire; on lui donnerait alors un coup de pouce. Dans la situation actuelle, les femmes, généralement, ont 30% de revenus de moins que les hommes. Pour un couple, quel est l'avantage économique majeur pour la garde à domicile ? C'est que ça soit la femme qui reste à la maison. Parce que 30% en moins, c'est quelque chose d'assez conséquent; si la femme travaillait et que l'homme restait à la maison, ça voudrait dire que le revenu serait insuffisant pour assumer cette charge-là. Donc c'est cela qui est dit d'une manière indirecte, même si le motionnaire ne l'a pas voulu, et la conséquence à long terme de la motion telle qu'elle est proposée serait un retour des femmes à la maison. Et moi, en tant que femme, je ne suis pas pour cela, et en tant que Verte je préfère que l'on réfléchisse vraiment à un traitement égalitaire entre femme et homme, qu'on mette en place un congé paternité et qu'on puisse vraiment réfléchir à une allocation parentale qui soit conséquente et qui réponde réellement aux besoins de la population. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Patricia Läser. Je précise que les députés ou les rapporteurs inscrits M. Selleger, Mme Moyard et M. Poggia, n'ont plus de capital temps, ils ne peuvent plus s'exprimer. Madame la députée, vous avez la parole.

Mme Patricia Läser (R). Merci, Monsieur le président. Juste un petit mot pour dire qu'à aucun endroit, dans cette motion, on parle de remettre la femme à la maison; il s'agit d'une allocation parentale - parentale ! Je vous signale juste aussi que dans plus en plus de couples, aujourd'hui, la femme a fait carrière et gagne plus que l'homme, et que de nombreux hommes seraient d'accord de rester à la maison pour une allocation parentale comme celle-là. (Brouhaha.) Et je crois que contrairement à ce qui a été dit, c'est justement une égalité que de proposer aussi aux hommes de rester à la maison.

Une voix. Bravo !

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, très rapidement j'aimerais formuler un certain nombre de remarques. Je crois que visiblement, tout le monde s'entend à dire - particulièrement les motionnaires - que si une telle mesure devait prouver son efficacité, elle devrait alors reposer sur une allocation digne de ce nom ! Or, en commission, nous avons eu l'occasion d'évoquer, certes de façon imprécise, quel pouvait être le coût réel d'une telle allocation pour qu'elle soit à la fois moins chère que le système dit collectif, tout en permettant à des parents de faire ce choix, c'est-à-dire de renoncer à travailler. Alors après une rapide estimation, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés - Monsieur le rapporteur de minorité en particulier - nous avons évoqué un montant, et vous l'avez vous-même non pas véritablement approuvé mais dit qu'il était facile de faire des économies pour le compenser. C'était votre réponse. Alors Mesdames et Messieurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...si le département, le Conseil d'Etat vous proposait de suivre une telle motion, il viendrait demain avec un montant d'allocation qui devrait avoisiner, probablement, 120 millions de francs au total ! Mesdames et Messieurs les députés, je sais que tout est toujours possible en politique, surtout lorsque l'on est à la veille des élections. (Commentaires.) Mais comment peut-on à la fois défendre des budgets rigoureux, défendre également un contre-projet et une initiative sur les crèches en prétendant qu'il faut justement que l'Etat les finance - c'est le choix, je vous rappelle, de la majorité qui a voté contre l'initiative et pour le contre-projet - et dire qu'il faut maintenant que l'Etat soutienne aussi les familles qui sont des familles d'accueil. Et il faut ajouter encore à cela l'accueil individuel.

Mesdames et Messieurs les députés, faire de la politique, c'est faire des choix. Et laisser penser à longueur de rédaction de motions, d'une part qu'on travaille, d'autre part qu'on peut simplement proposer et additionner les mesures, n'est tout simplement pas sérieux. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens simplement à vous dire que vous avez voté, que la population a voté - c'est inscrit dans la nouvelle constitution - que dorénavant l'Etat, avec les communes, devra subventionner les places de crèche. Alors il faudra trouver les montants, Mesdames et Messieurs les députés ! Et en rajouter chaque fois une couche, tout en demandant au Conseil d'Etat de présenter des budgets équilibrés et de s'y tenir, est tout simplement impossible, et vous le savez, la période électorale n'excuse pas tout. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la prise en considération de cette motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 1993 est rejetée par 52 non contre 21 oui et 4 abstentions.