République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 11160-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2012

Premier débat

Le président. Nous passons maintenant au point 171 de notre ordre du jour... (Brouhaha.) S'il vous plaît, nous allons commencer les débats sur les comptes, qui comprendront également les PL 11161-A et PL 11162-A.

Mesdames et Messieurs les députés, ce point va débuter par une déclaration initiale du Conseil d'Etat. Puis, en premier débat, la rapporteure, les groupes ainsi que le Conseil d'Etat disposeront chacun de cinq minutes. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Hiler.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez tous pris note du fait que le Tribunal fédéral a cassé une décision de votre Conseil concernant les redevances à percevoir sur les SIG. La question suivante s'est dès lors posée pour notre Conseil: cet élément nouveau exige-t-il de réouvrir les comptes ? La réponse de la direction générale des finances de l'Etat et de l'Inspection cantonale des finances - que nous avons transmise, dans un premier temps, à la commission des finances - concluait négativement.

La première raison est que, à l'évidence, lorsque vous bouclez des comptes, il y a chaque année un certain nombre d'éléments d'information nouveaux qui interviennent entre le moment où ces comptes sont publiés, soit le 31 mars, et le moment où ils sont approuvés par votre Conseil, généralement trois mois plus tard.

La deuxième raison, relativement simple, c'est que les normes IPSAS indiquent que, lorsqu'il y a une erreur, elle est corrigée rétroactivement l'année suivante, et c'est une règle que nous respectons. Dès lors, un certain nombre d'entre vous, animés par de bons sentiments, à vrai dire, se sont dit qu'il serait peut-être quand même bien de réouvrir les comptes, parce qu'ainsi on aurait 60 millions qui passeraient en déficit sur une année déficitaire, l'année 2012, et cela n'impacterait pas l'année 2013. Nous y avions un peu pensé aussi, bien sûr, mais le fait est que cette approche plus opportuniste n'a pas lieu d'être non plus, parce que si l'on réouvre les comptes, on réouvre la totalité des comptes, et il faudrait alors notamment réviser à la baisse la provision que nous avions constituée pour les caisses de pension, puisque l'opération de transfert des biens immobiliers, qui a rapporté en fait 80 millions - soit la différence entre le bilan et la valeur estimée par l'expert neutre, fixée d'un commun accord avec la CIA et l'Etat de Genève - avait abouti à cette plus-value. Donc en réalité une telle opération, dont on ne connaît d'ailleurs pas le résultat, parce qu'il faut tout réouvrir - et je me demande encore du reste comment on ferait au niveau des estimations fiscales, si on réouvrait tout - n'est pas susceptible de régler le problème, et le respect des normes et surtout celui de la stabilité institutionnelle exigent que nous nous en tenions là.

Vous allez voter des comptes dont vous savez que, s'ils avaient été bouclés deux mois plus tard, ils auraient été différents pour diverses raisons. En réalité, sur les deux éléments marquants que nous connaissons, ils auraient été légèrement meilleurs, à 20 millions près. Nous vous invitons toutefois à traiter ces comptes tels qu'ils sont, tels qu'ils ont été à un moment donné bouclés et vérifiés par l'ICF, et le reste du dispositif comptable, ma foi, s'appliquera sur le bouclement de l'année prochaine.

Dans le cas, que je n'ose même pas imaginer, où vous ne preniez pas une telle option, alors il conviendrait de repousser le traitement au mois d'août, de sorte que nous ayons le temps de réouvrir la machine, si je puis m'exprimer ainsi, et de reconsolider en fonction de toutes les nouvelles informations connues qui concerneraient l'exercice 2012. Vous auriez donc un résultat vraisemblablement un peu meilleur pour 2012, ce qui signifie cependant un résultat encore un peu moins bon pour 2013, or je pense que nous sommes d'accord que ce n'est pas le but recherché. Je vous remercie de votre attention.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme vous vous en doutez, la commission des finances a passé au crible le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2012. Il ressort que l'adage selon lequel quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage, s'est appliqué à deux politiques publiques qui ont été refusées par la commission des finances d'une manière qui paraîtra à d'aucuns excessivement déraisonnable. Mais il n'empêche que, en conclusion, les commissaires dans leur grande majorité sont d'accord de reconnaître qu'à l'avenir la gestion du Conseil d'Etat semblera satisfaisante à la commission des finances lorsqu'une analyse correcte des risques encourus au niveau des différentes politiques publiques sera présentée avec la rigueur souhaitée. En attendant ce moment de grâce, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances vous remercie d'approuver le rapport de gestion du Conseil d'Etat.

M. Charles Selleger (R). Les députés du parti libéral-radical accepteront les comptes malgré leur déficit de 460 millions. Ces comptes, on l'aura relevé, sont plombés par la provision de recapitalisation des caisses de pension, dont le montant s'élève à 763 millions. Ainsi, rien que sans cette dépense-là, les comptes seraient bénéficiaires.

Le vrai problème, ce n'est pas tellement qu'on ait un déficit de 460 millions: c'est qu'on ait une dette abyssale, qui avoisine 12 milliards de francs, une dette qui a cette année augmenté d'un demi-milliard pratiquement. Je rappelle que le service de cette dette représente à peu près 1 million de francs par jour et que, si les taux d'intérêt bancaires remontent ne serait-ce que de 1% - car, comme vous le savez, on connaît des taux extrêmement bas actuellement - le service de la dette va augmenter de 120 millions par an. Pour les années à venir se pose donc le problème du frein à l'endettement. Les comptes 2013 seront vraisemblablement négatifs, contrairement à ce que l'on nous a asséné lorsqu'on a accepté le budget. Je vous le rappelle, un budget à moins 30 millions devait amener des comptes à l'équilibre étant donné l'évolution des recettes fiscales, mais ce ne sera très vraisemblablement pas le cas, et nous serons donc malheureusement par la suite dans l'engrenage du frein à l'endettement, à moins que les règles ne changent. Cependant, je vous rappelle que changer les règles parce que la loi qu'on a votée il y a quelques années devrait prendre effet, c'est en réalité renoncer à l'esprit de la loi que l'on avait adoptée alors.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG va en dernier ressort accepter les comptes présentés. Néanmoins, je tiens à dire ici, au nom du groupe MCG, que nous sommes extrêmement furieux de la manière dont tout cela s'est passé. Nous avions tenté, lors de la construction du budget, de trouver des recettes supplémentaires. Avec le député Gautier, nous avions initié cette ponction aux Services industriels et, croyez-moi sur parole, Mesdames et Messieurs les députés, les 60 millions pour cette première année étaient mieux dans les caisses de l'Etat qu'ils ne le sont actuellement dans celles des SIG. J'en veux pour preuve que nous n'avons plus aucun contrôle sur les Services industriels et que les derniers scandales en date, qui feront sans nul doute couler beaucoup d'encre dans les semaines qui viennent, ont trait au fait que les SIG brassent du vent ! Et quand je dis qu'ils brassent du vent, c'est avec les éoliennes, puisque nous avons eu la désagréable surprise de découvrir qu'ils ont investi plus de 71,5 millions dans une multitude de sociétés dont, pour la plupart, ils ne sont même pas majoritaires et que, renseignements pris, même si ces sociétés respectaient le cahier des charges et fournissaient les kilowatts demandés, on ne rembourserait même pas le tiers des investissements consentis par les Services industriels. Autant dire que, finalement, c'est Monsieur et Madame Tout le Monde, en payant les factures d'électricité, qui couvriront les pertes abyssales que sont en train d'engendrer les Services industriels.

Alors je vous le dis, la tâche du prochain Conseil d'Etat au mois de décembre ne sera pas aisée. Nous le savons tous, M. Hiler ne se représente pas, et je dois ici lui rendre hommage, parce qu'il a été un conseiller d'Etat aux finances sur lequel ce parlement a pu compter. Malheureusement, la relève n'est pas assurée par le parti qui l'a présenté. Je vous le dis, pour l'exercice budgétaire 2014 il faudra trouver beaucoup d'économies, et nous avons bien compris la manoeuvre des socialistes, qui veulent à tout prix augmenter les impôts et mettre en place le frein à l'endettement automatique, afin de pouvoir dire à la population que soit on augmente les impôts, soit on coupe dans les prestations. Eh bien je me retourne vers le centre droit, Mesdames et Messieurs: il faudra assumer la responsabilité d'effectuer des coupes là où nous avons encore la possibilité de le faire, afin que le frein à l'endettement ne se mette pas en place et que finalement Genève puisse avoir un budget à l'équilibre.

En conclusion, Monsieur le président, le groupe MCG acceptera en dernier ressort les comptes 2012. (Remarque.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Depuis quelques années, nous assistons ici à un déplacement des débats: auparavant nous nous prononcions et nous débattions très longuement sur les comptes, or aujourd'hui ce débat s'est déplacé sur le rapport de gestion du Conseil d'Etat. En effet, depuis l'introduction des normes IPSAS, les députés savent bien que les comptes de l'Etat sont tenus avec exactitude et selon des normes comptables en vigueur. L'adoption des comptes n'est donc plus qu'une formalité, sauf élément majeur. Désormais, l'attention de notre Grand Conseil se porte alors sur le rapport de gestion du Conseil d'Etat, et c'est l'occasion pour ce parlement d'exprimer certaines frustrations ou certains désaccords avec la politique menée par le gouvernement. Chaque parti présente sa liste de doléances ou attribue des bons points lorsqu'il est bien luné.

Ces dernières années, les Verts ont exprimé à plusieurs reprises un certain nombre de doutes, de même qu'une certaine impatience quant à la gestion de quelques dossiers, et je voudrais ici citer deux points particuliers: le premier concerne la gestion des bâtiments de l'Etat, et le second l'informatique de l'Etat. Cependant, suite à un changement radical, je dirais, intervenu dans ces domaines-là depuis les dernières élections, avec le sentiment qu'une ère nouvelle était entrée en vigueur et que certaines réformes importantes avaient été initiées, notre groupe a décidé cette année de ne pas sanctionner ces politiques-là et de les voter, car nous espérons que les changements initiés porteront leurs fruits très prochainement.

Pour conclure, les Verts vont donc accepter le rapport de gestion du Conseil d'Etat, même si, au cours de nos discussions, nous exprimerons peut-être un certain nombre de critiques ou d'interrogations concernant quelques politiques publiques. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Si j'ai bien compris, on parle de la gestion du Conseil d'Etat ! Monsieur le conseiller d'Etat, en ce qui concerne le bouclement des comptes, puisque vous l'avez évoqué au départ, le groupe UDC soutiendra évidemment le fait que les comptes soient bloqués au 28 février, et on ne va pas revenir sur quelque chose qui nous paraît tout à fait impossible. En revanche, ce que je vous demanderai, c'est qu'on puisse faire preuve de la même rigueur quand on établit un budget, c'est-à-dire qu'il convient que ce budget ait une date limite, par exemple le 31 octobre, et que l'on ne revienne pas dessus, afin de ne pas reproduire ce qui s'est passé cette année pour le budget 2013, où l'on a quand même bien diminué le déficit en attendant les rentrées fiscales, qui sont venues bien après. Si l'on a de la rigueur pour les comptes, que l'on en ait aussi pour le budget.

En ce qui concerne ce rapport de gestion du Conseil d'Etat, moi je trouve que le gouvernement est fort satisfait de lui-même. Il y a extrêmement peu d'autocritique dans ce rapport de gestion, et on peut même dire qu'il y a peu de mise en perspective. Par exemple, je trouve assez extraordinaire que, au niveau de la sécurité, tous les paramètres soient au vert, avec des sourires sur tous les points. On parle d'une augmentation de la criminalité, mais on ne donne surtout pas les chiffres ! Tout cela me paraît un peu extraordinaire.

S'agissant de la mobilité, je trouve aussi que les petits commentaires qui sont faits sont vraiment étonnants, parce que l'opposition qu'a montrée la population au nouvel horaire des TPG de décembre 2011 est résumée de cette manière: «[...] débouchant sur un certain nombre d'actions correctrices pour améliorer la situation...» Si ça ce ne sont pas des euphémismes, alors je ne sais pas ce que c'est !

Pour ce qui est maintenant du résultat global, eh bien à nos yeux ce dernier n'est pas satisfaisant ! C'est un fait qui nous étonne aussi, à l'UDC: on peut dire que ce Conseil d'Etat est constitué de certaines personnalités brillantes, mais malheureusement la sauce n'a pas pris, et le résultat final est mauvais ! Si on prend le canton voisin, on voit que, s'agissant des comptes, en dix ans M. Broulis a baissé la dette de 8 milliards à 1,5 milliard, qu'il a décidé de ne pas créer une fondation de valorisation pour la banque et que celle-ci a été redressée sans que cela coûte à la collectivité publique, alors que chez nous les coûts se sont quand même montés à 8 milliards, ce qui est une somme énorme.

Alors je pense que le Conseil d'Etat a trouvé la recette du bonheur: le bonheur, c'est savoir se contenter de peu. Malheureusement - et c'est désolant à dire - ce Conseil d'Etat laissera certainement une marque tangible dans l'histoire de notre république, parce que la nature humaine est faite de telle manière qu'on se souvient surtout de ce qui ne va pas et de ceux qui sont mauvais, plutôt que de ce qui est bon. Et je pense que la personne qui résume le mieux cela, parce qu'il en est de même dans tous les secteurs, y compris dans le secteur militaire, c'est Victor Hugo, qui fait dire ceci au sixième sphinx de Zim-Zizimi:

«Les rois vainqueurs sont morts plus que les rois vaincus;

Car la mort rit, et fait, quand sur l'homme elle monte,

Plus de nuit sur la gloire, hélas ! que sur la honte.» (Applaudissements. Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes très impressionnés ! La parole est à M. le député Renaud Gautier.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, chacun sait ici que Jean Romain fait toujours assaut de culture, donc je vais lui dédier cette petite phrase, qui s'adresse aussi à ma vis-à-vis: «Timeo Danaos et dona ferentes.» Je traduis: «Je crains Sophie et ses cadeaux.» (Rires.) Mme la députée et cheffe de groupe a très justement dit que nous parlons ici du rapport de gestion et non des comptes. En tant que tels, les comptes étant par définition justes, et j'aurai encore l'occasion de vous le dire, nous sommes le dernier pays dans lequel le parlement accepte les comptes; généralement les comptes lui sont présentés, ce qui me paraîtrait plus juste.

Au niveau du rapport de gestion, je crois qu'il faut quand même faire part d'une toute petite inquiétude, c'est la différence qui existe entre les diverses politiques publiques et surtout l'usage qui est fait des indicateurs. Ces indicateurs, Mesdames et Messieurs, ont été mis en place au moment où on a repartagé les fonctions de l'Etat par politique publique, et l'usage de ceux-ci serait - je parle au conditionnel - extrêmement intéressant s'ils étaient d'une part pertinents et d'autre part construits d'une manière cohérente. Ce n'est pas toujours le cas. Si tous les indicateurs de toutes les politiques publiques étaient mauvais, somme toute ce ne serait pas grave; le problème c'est que, parmi les politiques publiques, l'appréciation que les chefs de département font des indicateurs est différente, ce qui fait qu'un certain nombre d'indicateurs sont de qualité, alors que d'autres sont très objectivement totalement irrelevants. Or si l'on veut pouvoir comprendre et apprécier ces sommités qui forment notre Conseil d'Etat, comme l'a dit M. Leyvraz, qui est un expert en la matière, il faudra aussi que ces indicateurs soient tous relativement pertinents et de même qualité, de façon que la gestion du Conseil d'Etat puisse être mieux perçue à travers ceux-ci. C'est donc un appel à ce qu'un effort particulier soit fourni et amené quant à l'usage et à la qualification de ces indicateurs qui, à mon sens, méritent encore quelques efforts.

M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'avais initialement prévu de faire un rapport de minorité, pour expliquer aussi par écrit les raisons qui me poussaient à refuser ce projet de loi et ce rapport de gestion du Conseil d'Etat. Cependant, le temps étant ce qu'il est, il ne m'a pas été possible de le réaliser dans les délais prévus, et je vous prie de m'en excuser.

Concernant la position des socialistes au sujet de ce rapport de gestion, j'ai envie de dire que nous sommes évidemment pour une entrée en matière: l'exercice étant écoulé et la gestion du Conseil d'Etat ayant eu lieu, nous ne pouvons que prendre connaissance de son rapport de gestion et au final décider s'il faut en faire une lecture factuelle, en regardant si les chiffres sont exacts - même si M. Gautier évoque le fait qu'il s'agit là plutôt de l'objet suivant, le PL 11161-A - et si nous sommes contents, convaincus par la gestion du Conseil d'Etat, notamment au regard des indicateurs et de l'atteinte des objectifs par rapport à ces indicateurs. Alors là, la position des socialistes est nuancée, puisqu'en réalité le Conseil d'Etat fait aussi avec les moyens qu'il a et les dispositions prises par ce Grand Conseil. Du reste, quand on lit ce rapport de gestion, et le Conseil d'Etat l'évoque également, on voit qu'un certain nombre de propositions qu'il avait faites dans le cadre du débat sur le budget 2012 n'ont pas été acceptées par une majorité de ce Grand Conseil, notamment par le PLR et ses amis du MCG - je parle par exemple de la suspension du bouclier fiscal, qui avait été refusée.

Et voilà, résultat des courses, nous avons un rapport de gestion qui n'est pas satisfaisant quant à l'atteinte des objectifs dans un certain nombre de domaines chers aux socialistes, je pense entre autres aux questions d'éducation, de santé, de réinsertion sociale et d'emploi. Dans ces domaines, les moyens alloués au Conseil d'Etat ne fournissent pas des résultats satisfaisants pour la population genevoise, et en particulier pour celles et ceux qui ne disposent pas de moyens financiers conséquents. Donc, à la lecture du rapport de gestion du gouvernement, nous pouvons dire d'un côté que nous refusons ces comptes, parce que le résultat ne correspond pas aux attentes des socialistes. Mais nous pouvons à l'inverse dire qu'en réalité, avec les moyens qui lui ont été alloués, il a fait ce qu'il pouvait et que, ma foi, ce n'est pas sa faute: le budget avait été voté et il a fait avec. Ainsi, peut-être que certains socialistes s'abstiendront en faisant cette lecture moins politique.

En ce qui me concerne, je ferai une lecture totalement politique de ce rapport de gestion et le refuserai au final. J'ajouterai deux éléments, à savoir en premier lieu que je pense qu'il y a une question de véracité du débat qui pose problème. Ce Grand Conseil, dans sa majorité PLR-MCG, nous tient des discours à longueur de séance sur l'équilibre des finances publiques. La réalité, c'est que le budget 2012 annonçait un déficit de 350 millions. Nous sommes face à des comptes qui présentent un déficit de l'ordre de 400 millions, mais en fait cela est aussi dû à un événement extraordinaire, qui est la recapitalisation des caisses de pension. Donc l'écart entre le budget à moins 350 millions et les comptes, si on enlève cet événement exceptionnel, est de l'ordre de 750 millions; je trouve que c'est un écart extrêmement important et que nous sommes en train de donner un message à la population genevoise qui est très éloigné de la réalité. Au moment du budget, nous sommes en train de lui faire peur, de lui faire croire qu'elle ne peut plus disposer de certaines prestations, et au moment des comptes nous passons comme chat sur braise sur les artifices ou les événements extraordinaires qui nous ont permis de faire cette politique d'austérité que les socialistes ne partagent pas.

Par ailleurs, s'agissant du cas du PL 10900 sur les SIG qui visait à voler dans la caisse des SIG 40 millions selon le Conseil d'Etat, 60 millions selon le PLR ou 120 millions selon le MCG, eh bien cet artifice, ce vol a été invalidé par le Tribunal fédéral, mais à l'époque le procédé était déjà contesté par les socialistes, et j'avais en particulier évoqué le fait qu'il fallait renvoyer ce projet de loi à la commission de l'énergie pour étudier sa conformité au droit supérieur. Donc le risque était évoqué à l'époque dans les débats en plénière de décembre 2011. Par conséquent, on ne peut pas dire que l'on ne savait pas, il est trop facile d'aller piquer dans la caisse des autres plutôt que de s'attaquer à la réalité !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. Je vais conclure en vous parlant de la suite. Dans le budget 2013, on voit ce qui se passe ! Et avec le budget 2014, ça va être pire. Et hier, à la commission des finances, qu'a-t-on vu ? Cette dernière a décidé de sabrer 500 000 F dans la subvention à la Fédération genevoise de coopération, sous prétexte de faire des économies... Et par la suite, ce même Grand Conseil, avec les mêmes partis je pense, décide d'augmenter les jetons de présence des députés de 25%, ce qui coûte aussi 500 000 F par année à la collectivité.

Le président. Voilà, Monsieur le député, votre temps est écoulé !

M. Roger Deneys. Donc les choix de ce Grand Conseil, ma foi, nous ne les partageons pas; nous ne pouvons pas assumer cette gestion, et ce n'est pas uniquement contre le Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jeannerat, puis à Mme le rapporteur, et enfin à M. le conseiller d'Etat.

M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. J'aimerais, dans ce bref propos, féliciter la rapporteuse qui, en seize pages sur dix-huit, nous relate véritablement les débats. La page 17 est réservée au texte du projet de loi. Quant à la page 18, chers amis, je vous la lis:

«Rapport de la minorité

Rapport de M. Roger Deneys

Le rapport de minorité suivra.»

Mais on se fout des institutions ! Comment le Bureau peut-il accepter que cette page 18 soit publiée ?! J'espère bien, Monsieur le président, que vous n'allez pas accepter le versement des jetons de présence à un monsieur qui profite de la scène politique pour faire sa campagne électorale au Grand Conseil et au Conseil d'Etat... (Commentaires.)

Le président. Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Jacques Jeannerat. ...sans mettre la moindre ligne dans un rapport et en passant comme chat sur braise sur les 12 milliards de dette de l'Etat. Monsieur le président, je veillerai à ce que vous ne payiez pas de jetons de présence pour un rapport écrit de cette façon-là.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je peux vous rassurer tout de suite... (Brouhaha.) Ecoutez-moi, Monsieur le député ! M. le rapporteur de minorité annoncé ne touchera pas de jetons et d'indemnités, puisqu'il n'a pas rendu son rapport. Et je dois dire aussi que, finalement, on a trouvé une solution et signifié à M. l'ex ou futur rapporteur de minorité qu'il ne pouvait pas s'asseoir à la table des rapporteurs, ce qu'il a parfaitement compris. (Remarque.) Il a donc défendu son point de vue à sa place. La parole est à Mme la rapporteure von Arx-Vernon.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Au nom du groupe démocrate-chrétien, qui me délègue son temps de parole, je tiens à signaler que nous approuverons le rapport de gestion du Conseil d'Etat et que nous serons particulièrement attentifs aux risques. En effet, désormais le point principal de la gestion d'un Etat comme Genève consistera à anticiper les risques, à gérer ces risques et à se doter des outils qui permettront de mieux les calculer.

Mais, Monsieur le président, le groupe démocrate-chrétien n'aboiera pas avec les loups et, dans le cadre des politiques publiques qui ont été refusées, nous ne serons pas d'accord, par exemple pour ce qui est de la mobilité, de rendre responsable la magistrate chargée de ce département, parce qu'à Genève il y a vingt ans de retard pour les infrastructures, vingt ans de retard pour pouvoir assurer la fluidité que tous les modes de transport sont en droit d'attendre, et qu'il est toujours très facile de trouver un bouc émissaire pour pouvoir justifier des refus. Du reste, nous n'accablerons pas non plus le magistrat chargé de l'informatique et de la politique publique P «Activités de support et prestations de moyen», parce que nous savons qu'aujourd'hui s'il y a un redressement, s'il y a enfin une «spéléologie» rigoureuse dans le domaine informatique, cela n'a pas été le cas avec les magistrats précédents, et nous n'accablerons donc pas celui qui est en fonction aujourd'hui. C'est dans cet état d'esprit, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, que le groupe démocrate-chrétien approuvera la gestion du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant du rapport de gestion, il eût été logique que notre président Charles Beer prenne la parole, mais il est retenu par un événement relativement important sur la Genève internationale et nous rejoindra très bientôt. C'est donc moi qui vais m'exprimer à sa place.

Je demande à M. Selleger et quelques autres un peu de patience, je répondrai aux questions sur les comptes quand nous parlerons des comptes. Cela m'évitera de me répéter ! En revanche, il y a un certain nombre de commentaires importants qui ont été faits et j'aimerais m'y arrêter.

Je commencerai par m'adresser à M. Leyvraz: votre remarque, il faut que nous la méditions. Ce que nous faisons, c'est un rapport de gestion. Ce que vous nous auriez demandé, c'est ce que les Américains appellent un discours sur l'état de la nation, et c'est une question qui est un peu en filigrane pendant nos travaux. Je pense que, avec un président élu pour cinq ans, cette partie d'analyse plus stratégique, qui consiste à se demander comment va Genève, est importante dans une période où il n'est pas certain qu'on puisse répondre, comme on a longtemps pu le faire: «De mieux en mieux !» Il y a des défis à relever, ils sont importants, certains nous dépassent, mais nous devons les relever. Et je partage à vrai dire votre frustration, que vous exprimez en nous disant ceci: «Vous devriez nous fournir deux éléments: nous donner votre analyse de l'état de Genève et nous indiquer, dans ce cadre-là, en quoi votre gestion, avec les moyens et les lois existants, a permis ou non d'aller dans le bon sens plutôt que dans le mauvais.» Je pense qu'il s'agit là d'un important sujet, qui devrait être résolu, je dirai, lors du dépôt du rapport de gestion 2014, car il faudra laisser à la nouvelle équipe le temps de se mettre en route.

Je partage, ou plutôt nous partageons totalement le constat que les indicateurs ne sont pas encore ni exhaustifs - ce n'est pas qu'il en faut beaucoup, mais ils doivent pouvoir couvrir les différents domaines - ni tous pertinents, ni en tout cas tous réglés au niveau de la cible. Je constate également qu'il est difficile de faire un lien entre l'atteinte des objectifs en termes de performance et les moyens mis à disposition, avec les indicateurs actuels, et que tout cela exigera, il est vrai, encore pas mal de travail. Là encore, à vrai dire, je table sur la nouvelle organisation du Conseil d'Etat, parce que les indicateurs ne sont pas une question de finances; c'est ce qu'on appelle du contrôle de gestion, c'est-à-dire l'analyse de l'activité, or unifier les pratiques et l'approche est d'abord le rôle du Conseil d'Etat et de son président. Cependant, il faut certainement compter encore deux ou trois ans de travail, et vous devrez vérifier, vous et vos successeurs, que ce travail est entrepris et que l'amélioration est effective.

Vous avez encore eu l'amabilité de remarquer que certains secteurs qui faisaient l'objet de critiques extrêmement acerbes, il est vrai - cela a été mentionné, notamment par Mme Forster Carbonnier - sont aujourd'hui vigoureusement repris en main, et je salue le travail rapide et efficace à ce stade, qui a été accompli par mes collègues Longchamp et Maudet pour vraiment remettre ces secteurs dans de bons rails, mais là encore, Mesdames et Messieurs les députés, croyez-en mon expérience, quand vous partez d'une situation qui s'est détériorée, il faut, à l'échelle de l'Etat, sur des unités relativement grandes, deux ou trois ans pour achever le processus. Mais ce qui compte, c'est que ce processus est engagé, engagé sur une période relativement courte - six mois - et de façon énergique, et que je puis témoigner que, sur les six mois suivants, c'est-à-dire début 2013, on est plutôt dans une phase d'accélération que de stagnation ou de régression.

J'entends donc de vos interventions - car je ne peux pas lire dans vos pensées - que vous estimez que, dans une situation délicate, le Conseil d'Etat a géré, mais n'a pas fait de faute manifeste de gestion, que certains d'entre vous ne partagent pas les bases sur lesquelles ce Conseil travaille, c'est-à-dire un certain nombre de lois, ce qui est évidemment leur droit le plus absolu, et qu'enfin vous êtes demandeurs d'un processus d'amélioration permanente - et vous avez raison, c'est exactement ce que nous devons faire. Plusieurs éléments ont été remis en place, mais ce n'est pas suffisant, et si nous arrêtons une seule seconde, alors la situation se détériorera. Il faut donc sans arrêt avoir cette envie d'adaptation, cette envie de mieux faire, et elle est relativement fatigante, parce qu'elle vous expose en réalité à des conflits incessants, qu'il faut savoir gérer.

Si je peux glisser une touche personnelle, je dirai que j'ai souvent eu l'impression que le gros de mon travail consistait à faire ce qu'il aurait fallu faire il y a dix ans. J'espère que, une fois cet épisode clos, on pourra effectivement se lancer dans un processus plus proactif pour adapter nos structures à un monde qui est compliqué et qui agit à une vitesse phénoménale sur notre cité. Car au fond ce qui est invraisemblable dans le monde d'aujourd'hui, c'est que la plupart des problèmes que nous devons résoudre apparaissent à la suite d'événements qui ne se déroulent pas en Suisse. Et c'est aussi, je pense, une leçon... Mon collègue Jean Studer, dans une interview accordée au «Matin», sauf erreur, disait ceci: «Mais qu'est-ce que nous sommes lents !» Il parlait des politiques, et il a raison. L'un des problèmes, c'est ça ! Vous identifiez un problème, mais vous n'avez une réponse politique définitive, après référendum, etc., que quatre ou cinq ans après; c'est peut-être très long par rapport à la vitesse à laquelle évoluent l'environnement international et l'économie.

Donc, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pris note - votre serviteur et ses collègues - d'un certain nombre d'améliorations attendues et, je le répète, cette attente nouvelle consistant à dire que nous devons faire un discours sur l'état de la nation, sur l'état de notre république, à l'occasion des comptes, je crois que c'est un enjeu clé. C'est aussi une bonne manière de partir non pas du ressenti du Conseil d'Etat ou du Grand Conseil, mais bien de ce qui arrive aux gens, et c'est certainement dans le trend de ce qu'il faut faire: consulter, c'est bien, mais tenir compte de la réalité que vivent les gens, c'est assurément encore mieux ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix l'entrée en matière du PL 11160.

Mis aux voix, le projet de loi 11160 est adopté en premier débat par 66 oui contre 4 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Nous sommes maintenant en deuxième débat et nous abordons l'examen du rapport de gestion. Je vais appeler chaque politique publique, en commençant par la politique D, conformément au tirage au sort qui a eu lieu lors de la séance du Bureau et des chefs de groupe. Nous voterons sur chaque politique publique. Le temps de parole est de trente minutes pour le rapporteur et de cinquante minutes par groupe, chaque intervention étant limitée à cinq minutes.

D - PERSONNES AGEES

Le président. La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Ah, pardon, je suis allé trop vite ! La parole est à M. le député Bernhard Riedweg. Mesdames et Messieurs les députés, je vais tâcher d'aller relativement vite, tout en vous laissant un peu de temps pour réagir ! Et je précise, comme je l'ai dit tout à l'heure lors de la séance du Bureau et des chefs de groupe, que si nous finissons à 22h, je vous libérerai ensuite ! Monsieur Riedweg, c'est à vous.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Nous sommes heureux que M. le député Deneys n'ait pas déposé de rapport de minorité, car on a déjà eu 1322 pages à lire avec les six tomes et le projet de loi; ça suffit ! (Exclamations.)

Nous apprécions la systématique avec laquelle les membres de la commission des finances se sont entretenus avec les responsables des diverses politiques publiques ainsi qu'avec les directeurs généraux et les recteurs afin de cerner la gestion des risques financiers supérieurs à 20 millions et d'interpréter les indicateurs de performance, dont on a déjà parlé tout à l'heure. Ce genre d'analyse sera payant dans le futur, afin d'améliorer l'efficacité, l'efficience et la qualité dans chaque politique publique.

Je dois vous donner quelques chiffres concernant les personnes âgées. En 2040, leur nombre aura doublé, et notre subvention actuelle de 422 millions se montera alors à environ 1 milliard. Cela demande quand même quelques explications ! Et puis il faut aussi relever ceci: si on additionne aux charges de cette politique les coûts des activités de support et ceux des prestations de moyen de la politique publique P, les coûts complets augmentent de 44 millions, soit de 13,4%. Je tenais à le souligner. Il faut donc aussi tenir compte, dans chaque politique publique, des coûts de la politique publique P, je vous le rappelle, qui rassemblent les coûts des activités de support et ceux des prestations de moyen.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste aimerait poser une question et formuler deux remarques sur cette politique publique D. Commençons par la question. On a vu en 2012 l'introduction d'une taxe de 8 F par jour, et notre question porte sur les effets de cette taxe: quels sont-ils, notamment sur l'augmentation de la demande de prestations complémentaires que nous avons pu relever dans les différents textes fournis par le Conseil d'Etat ? Et, toujours en lien avec cette question-là, est-il prévu d'en faire un indicateur qualitatif ?

J'en viens à nos deux remarques. Si on regarde les indicateurs, on peut noter qu'ils sont très favorables: le taux de personnes âgées en EMS est - puisque je n'ai pas été vérifier les derniers chiffres - sinon le plus bas de Suisse, du moins parmi les plus bas. Le taux d'occupation des EMS à Genève est de près de 99%, le taux de plaintes est de 1,6 pour mille - soit une quantité de plaintes très négligeable - et, finalement, le nombre des personnes en liste d'attente est inférieur de près de moitié à ce qui était visé, ce qui est également un excellent signe du travail effectué par l'ensemble des parties.

C'est bien, ce sont de bons résultats, mais nous avons un certain nombre d'inquiétudes. Les EMS aujourd'hui font des prouesses avec des équipes qui sont peu qualifiées. Ils ont affaire, puisque le taux d'institutionnalisation est très bas, à des cas extrêmement lourds. Nous avons donc le souci de dire au Conseil d'Etat et à ce Grand Conseil qu'il s'agirait au fond de profiter de cette situation favorable pour investir dans la qualification, dans la qualification des équipes, afin de soutenir les établissements dans l'encadrement nécessaire mais également dans l'engagement de ce personnel qualifié, ce personnel au bénéfice des nouveaux CFC ou d'attestations fédérales. Il s'agit donc de soutenir la qualité des prestations pour les personnes âgées et de soutenir l'emploi des jeunes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en EMS, ou qui reste assez difficile. Nous aimerions aussi dire qu'il faudrait profiter de cette situation pour ne pas alourdir la charge des familles et des proches soit en augmentant la contribution journalière, soit en créant une assurance qui, pour ceux qui pourraient la payer, serait une bonne chose, mais qui augmenterait la charge ou le passage à l'aide sociale ou aux prestations complémentaires pour les autres.

Enfin, le deuxième défi pour l'avenir, que nous souhaitons rappeler, c'est que la politique des personnes âgées est très étroitement liée à la politique K «Santé», car s'il y a peu de personnes en EMS, c'est parce qu'il y a aussi une très bonne politique d'aide à domicile et de structures intermédiaires, et nous souhaiterions vivement, à l'avenir - nous l'avons dit tout au long de cette législature - que ces deux politiques soient réunies.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, je rebondis sur les propos de ma préopinante pour féliciter le Conseil d'Etat d'avoir mis cette taxe forfaitaire journalière à 8 F par jour, alors qu'il aurait pu quasiment la tripler. Cela prouve l'intérêt que porte ce Conseil d'Etat à la politique des personnes âgées. Je vais continuer dans mes félicitations - et je m'arrêterai là - en relevant la qualité du rapport du Conseil d'Etat RD 952, prospectif, sur la prise en charge médico-sociale des personnes âgées dans les années à venir. Comme l'a relevé M. Riedweg, c'est une bombe atomique qui va nous tomber dessus avec l'explosion du quatrième âge, c'est-à-dire les gens de plus de 80 ans, et je trouve que la politique du Conseil d'Etat consistant à prévoir quasiment trente ans à l'avance ce qui va nous arriver en 2040 mérite nos remerciements.

Mme Esther Hartmann (Ve). La question que le groupe des Verts aimerait poser est un peu difficile à classer au niveau des politiques publiques, car il pourrait s'agir de la politique de la santé ou de la politique de l'action sociale. J'ai toutefois choisi de la poser maintenant et en réalité ce que j'aimerais savoir, c'est ce que compte faire le Conseil d'Etat pour pouvoir vérifier les choix des EMS par rapport aux profils des patients qu'ils choisissent et ce que l'on pourrait faire pour améliorer le lien entre l'entrée en EMS et les besoins réels de la population. Comment pourrait-on avoir une vraie vision de ce qui se passe ? En annexe, je poserai aussi la question suivante: qu'est-ce que le Conseil d'Etat envisage de faire pour coordonner cette politique sociale avec la politique de la santé ? En d'autres termes, comment pourrait-on améliorer les liens entre l'accompagnement social - y compris au niveau des prestations complémentaires, par exemple - et l'accompagnement sanitaire ? Je pense à cela notamment en relation avec l'IMAD également. Comment compte-t-il donc coordonner tous ces éléments qui pour le moment sont bien séparés, ce qui pose des problèmes et finalement induit des pertes financières ? Je vous remercie de votre réponse, Monsieur le conseiller d'Etat.

M. Michel Forni (PDC). Les personnes âgées, c'est une contrepartie qui s'offre à notre population avec une grande longévité. Et Genève a essayé de prévenir le risque de les paupériser et leur a offert des situations et des solutions qui sécurisent en logement, en santé et en institutions. Le niveau que nous avons obtenu est remarquable; les mesures qui ont été prises sont parfaitement dignes d'une stratégie qui est planifiée dans le temps présent, mais aussi par rapport à l'avenir immédiat et lointain. Il y a surtout un équilibre, et l'équilibre a été respecté entre ceux qui pourront travailler, ceux qui seront hospitalisés et ceux qui devront être placés. Il y a bien sûr derrière cela un problème financier: on demande des taxes, mais il est vrai que le prix de la santé doit s'appuyer sur quelque chose, ça ne tombe pas du ciel, comme la pluie ! Il faut produire de l'argent pour pouvoir le placer.

Deuxièmement, il y a peut-être des mesures nouvelles. On a parlé tout à l'heure d'assurances, Mme Serdaly Morgan l'a mentionné; c'est une musique d'avenir qui n'est peut-être pas si lointaine que cela et qui doit appuyer des démarches. Et enfin il y a ce que l'on peut faire, et ce que l'on fait actuellement, c'est ce que l'on fera demain, c'est-à-dire qu'il faut assurer une sécurité, une fiabilité dans la prise en charge, mais aussi, par rapport aux soignants, une éducation, une activité rémunérée, une sécurité et un avenir. Dans ces conditions, Genève n'a pas à rougir ! Au contraire, nous sommes des pionniers, et nous en sommes fiers. Merci à ceux qui ont pensé cette politique et allons de l'avant !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne vais pas répéter ce qu'a dit le parti socialiste, mais je voudrais aussi, s'agissant des EMS, saluer l'ensemble des efforts qui sont faits par le gouvernement ainsi que la relation avec la politique socio-sanitaire et des soins à domicile. Il reste néanmoins deux points que j'aimerais souligner. Par rapport à l'IMAD, à la prise en charge à domicile, la question qui va se poser extrêmement vite est celle de savoir jusqu'où nous irons à domicile; c'est un élément que je voudrais relever dès aujourd'hui parce que la question va se poser véritablement demain matin et nous allons y travailler.

Le deuxième point concerne, pas seulement au niveau des EMS, mais dans d'autres institutions également, la question de l'évolution des professions et du profil des équipes soignantes. Ce sujet mérite véritablement une attention particulière, parce que cela va induire des coûts en termes de formation mais aussi en termes de gestion et d'accompagnement du changement. Cela ne va pas se faire si facilement et aujourd'hui on en voit déjà les effets, par exemple par un taux d'absentéisme extrêmement élevé dans certains EMS. Juste pour une institution, on parle de 14% de taux d'absentéisme, et cela sur une durée de plus d'un an. C'est donc une situation préoccupante, qui tient particulièrement au fonctionnement des équipes et à la difficulté de s'adapter aux changements.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais remercier à mon tour celles et ceux qui ont salué la qualité du rapport sur les personnes âgées que nous avons présenté avec M. Unger et dire que ces fameuses bombes démographiques qui vont nous tomber dessus doivent pouvoir être anticipées. Pour cela, les comptes le démontrent, on reste sur la planification telle qu'elle avait été proposée, et les contrats de prestations qui sont en train d'être signés pour l'avenir témoignent d'une prise en compte de cette donne tout à fait importante. Concernant cette forte augmentation démographique, on sait que, d'ici à 2040, une personne sur cinq aura plus de 65 ans et que le nombre des plus de 80 ans va bientôt doubler, atteignant plus de 40 000 personnes, et l'un des problèmes extrêmement cruciaux est celui des maladies chroniques et dégénératives. Cette problématique est prise en compte par nos deux départements et, s'agissant de ce souci, je peux vous dire qu'il est présent au sein du Conseil d'Etat, et de manière très régulière.

Par rapport à la question qui a été posée par Mme Serdaly Morgan, je crois qu'il est important de rappeler que les effets de la taxe sur les prestations complémentaires entraînent logiquement une diminution du subventionnement, bien sûr. Maintenant, quant à savoir s'il s'agira par la suite d'en faire un indicateur, je pense que pour l'instant la question est encore ouverte, et on regarde les différences de comportement actuellement par rapport à cette taxe. Mais l'effet bénéfique, c'est que cela diminue le subventionnement et, au vu du nombre de personnes qui devront être prises en charge, on ne peut que le saluer.

J'en viens maintenant au choix des EMS, car je crois que Mme Hartmann a posé une question à ce sujet. Vous savez, les instances sociales des différents établissements hospitaliers aimeraient bien pouvoir proposer à leurs patients le libre choix lorsqu'ils sont en attente d'un lit, en attente d'un placement. Malheureusement, ce n'est pas toujours possible, et on est en train maintenant d'abaisser de façon significative le nombre de lits vides, parce que c'est une catastrophe économique pour les établissements de devoir gérer des lits vides. On le sait bien, certains établissements vont devoir fermer et donc diminuent leur taux de placement, comme la Coccinelle à Thônex, mais en tout cas une chose est sûre, c'est que nous devons vraiment inciter les personnes de façon plus active - et ça c'est le travail des assistants sociaux dans les différents hôpitaux - à choisir un EMS, même à titre temporaire. On sait à quel point il est délicat de déplacer une personne âgée, mais il faut en tout cas ne pas laisser un trop grand nombre de lits vides, et c'est ce qui est en train d'être fait maintenant. Lundi, lors de ma dernière inspection de cette liste, j'ai pu constater qu'il y aurait une trentaine de lits vides, on peut donc considérer qu'un réel effort est fourni par les instances sociales pour faire baisser ce nombre. On aimerait pouvoir garder les personnes âgées dans leur cercle social, dans leur réseau. Ce n'est pas toujours possible, mais la décision qui a été prise de garder par exemple Fort-Barreau ouvert grâce à l'action conjointe que nous avons menée avec la Ville de Genève dénote justement cette importance de pouvoir laisser les personnes âgées dans leur climat social.

Maintenant, la politique en général est faite d'équilibre, on le sait bien, et entre l'hospitalisation, les soins à domicile et la mise en résidence, il convient de pouvoir le respecter. C'est vrai que, dans le rapport présenté par M. Unger et moi-même, il est question d'avoir cette limite des nonante minutes de soins à domicile, et cela pendant une durée supérieure à quarante jours, mais c'est une limite qui est quand même théorique et je crois qu'on fait confiance aux professionnels pour juger de la pertinence de laisser les personnes à domicile le plus longtemps possible, parce que l'effet corollaire, c'est bien sûr de voir, lors de leur entrée en EMS, des personnes de plus en plus lourdes à traiter médicalement, avec en conséquence une prise en charge beaucoup plus difficile. C'est donc la prise en compte de ces équilibres qui nous fait vraiment pencher vers des solutions plus transitoires peut-être, notamment les anciens D2, c'est-à-dire les IEPA, avec éventuellement des maisons de la vieillesse, des lits de jour, des lits d'attente de traitement, une hospitalisation de jour ou des foyers de jour qui permettraient justement cette fameuse phase de transition, pour éviter d'une part que l'on surcharge les coûts des hôpitaux et d'autre part que les personnes âgées arrivent en trop mauvais état dans les EMS.

Voilà ce que je pouvais dire sur cette politique publique qui, encore une fois, marque une grande stabilisation, en tout cas pour l'année 2012, entre les ouvertures et les fermetures des places. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique D «Personnes âgées» est adoptée par 49 oui contre 8 non et 9 abstentions.

E - HANDICAP

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je lis avec beaucoup d'intérêt dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat que «l'augmentation du nombre de personnes vieillissantes en situation de handicap et l'augmentation de personnes avec handicap psychique constituent deux enjeux majeurs» de la politique publique dont nous parlons. Alors, Madame la conseillère d'Etat, je suis en colère aujourd'hui, je suis en colère parce que si vraiment ce sont des enjeux - et je partage ce point de vue - que faites-vous pour créer les places qui correspondent aux besoins ? Vous nous dites, toujours dans ce rapport de gestion, que dix places en hébergement ont été créées dans les institutions pour les personnes en situation de handicap. Mais que faites-vous, Madame la conseillère d'Etat, des vingt personnes en situation de handicap mental qui sont aujourd'hui sur les listes d'attente et qui dans l'immédiat attendent une place en institution ? Que faites-vous des six personnes qui sont à Belle-Idée parce qu'aucune institution du canton n'a actuellement les moyens de les prendre en charge ? Que faites-vous des dizaines, voire de la centaine de personnes en situation de handicap psychique qui vivent à l'hôtel parce qu'il n'y a pas de logements ou de structures adaptés à ces personnes aujourd'hui ? Et enfin, Madame la conseillère d'Etat, créer des places en institution, soit, mais si on peut aussi éviter que les personnes handicapées aillent trop vite en institution, on s'en donne également les moyens. Que fait votre département quand il vient de refuser un financement inférieur à 200 000 F annuels pour un service de relève qui permet, grâce à quelques heures par semaine, et avec bien sûr la contribution financière des parents, de retarder la mise en institution parce que ces parents et ces familles sont aidés, sont soulagés dans la prise en charge de leurs enfants ? Alors, oui, Madame la conseillère d'Etat, je suis en colère et, oui, Madame la conseillère d'Etat, je vais descendre manifester avec les parents et les proches de personnes handicapées qui m'attendent dans la rue. (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Cette politique publique est la cinquième plus importante en termes de subventions dont elle bénéficie. Je ne sais pas si on arrivera ce soir encore à la politique de l'action sociale, mais si on prend les politiques publiques de l'action sociale - dont on n'a pas encore parlé, j'en suis conscient - des personnes âgées et du handicap, cela nous coûte 1,256 milliard, soit 14% de toutes les charges. Je le répète, il s'agit de 1,256 milliard, soit 14% des coûts totaux des politiques publiques, ce qui nous situe au sixième rang au niveau suisse.

Il faut savoir qu'une personne handicapée coûte 63 000 F à la collectivité, soit quand même 5250 F par mois... (Commentaires.) Et ces personnes vivent malgré tout beaucoup plus longtemps que celles qui ne sont pas handicapées. Et pour faire suite à ce que disait Mme Emery-Torracinta, j'ajouterai que, afin de répondre à la demande croissante des personnes en situation de handicap psychique ou mental et au vieillissement de la population en situation de handicap, 61 places ont été créées en 2012, ce que nous trouvons très bien.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne parlerai pas en termes de chiffres, mais le MCG et moi-même nous joindrons à la bonne réaction saine et à l'inconfort réel qui est ressenti par rapport au handicap. Je crois que l'on n'a pas dix ans, mais au moins quarante ans de retard ! En effet, les enfants handicapés - et je parlerai en particulier du handicap mental - deviennent adultes, jeunes adultes, et on fait tout pour qu'ils puissent être comme nous et bénéficier de la longévité la plus grande possible, mais on n'en tient pas compte ! Alors lorsqu'on retrouve des adultes handicapés mentaux qu'on rapatrie à un moment donné dans le canton de Genève, parce que de toute façon on n'avait déjà pas de place avant, pour les mettre à Belle-Idée, qui est une très belle institution, mais qui ne leur est strictement pas nécessaire, eh bien c'est effectivement scandaleux ! Alors c'est vrai qu'on a fait un effort par rapport aux personnes âgées, c'est vrai qu'on a mis un accent très très fort ces dix dernières années sur l'hôpital universitaire en particulier, mais regardons quand même la situation avec les bonnes lunettes ! Il y a une certaine honte quand même à ne pas pouvoir répondre dans notre canton à ces difficultés-là. Quand je pense que des mères de famille sont venues nous expliquer en commission les trajets qu'elles effectuaient dans la journée pour emmener un jeune enfant handicapé à Lavigny ou ailleurs, c'est quand même purement scandaleux. Je crois qu'il y a suffisamment de terrains, suffisamment de professionnels - et Dieu sait si des efforts ont été réalisés au niveau de la formation professionnelle - pour encadrer véritablement et accompagner dans leur éducation et leur développement les personnes les plus handicapées que nous ayons. C'est donc quand même un peu honteux, je dois dire. Et qu'on ne parle pas des chiffres qui sont mis à disposition, etc. Ils ne sont pas suffisants puisque de toute façon ce qu'il faut faire maintenant, c'est mettre à plat la situation et augmenter le nombre de places d'une manière correcte ! On peut à un moment donné lever le pied sur un autre type de politique sociale, sur les hôpitaux ou ailleurs, mais là, l'accent doit être mis sur ce point lors de la prochaine législature. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, l'éthique d'une société se mesure souvent à la manière dont elle s'occupe des personnes les plus fragiles, et il faut rappeler aux Genevois que, dans notre nouvelle constitution, les droits des personnes handicapées figurent parmi les droits fondamentaux. Alors je ne vais pas vous parler de chiffres, et il y a des cas particuliers qui sont très douloureux, Madame Emery-Torracinta, j'en conviens le premier. Je m'inscris quand même un peu en faux par rapport aux déclarations de Mme Engelberts: nous n'avons pas à rougir de la politique du handicap à Genève; de plus, ces cas particuliers, est-ce que Genève doit les assumer tout seul ? Il y a des handicaps qui sont très particuliers et qui nécessitent peut-être une politique supracantonale au niveau régional. Si on veut que ces personnes soient prises en charge par les meilleurs professionnels, peut-être que l'approche régionale est la seule qui est possible. (Quelques applaudissements.)

M. Michel Forni (PDC). Je m'interroge un peu suite à cette entrée en matière de Mme Emery-Torracinta. Genève a toujours été à la pointe du combat en matière de handicap et il y a un modèle important qu'il faut toujours percevoir et garder en tête, c'est celui des militants au début du sida. La situation était différente mais le résultat était tout aussi difficile et, par une certaine forme de politisation dans ces domaines, on a alors soumis aux considérations logiques et institutionnelles, voire médicales, toute une série de manoeuvres pour bouleverser les légitimités, les certitudes et les habitudes, ce qui a finalement permis de développer une approche inédite. C'est ce qu'il nous faut, mais ça prend du temps, parce que ces maladies sont parfois incurables pour certains, alors que pour d'autres c'est un handicap coûteux. Mais ce qui est important, c'est qu'une recherche, un accès aux soins, un suivi et un soutien médical permettent aussi de s'associer aux droits de ces personnes malades, aux droits de ces handicapés, et que des partenariats permettent de lutter contre des logiques de gouvernance peut-être un peu étroites, mais parfois surtout contre de simples indifférences.

Alors ces membres d'associations qui ont lutté et qui vont lutter tout à l'heure, puisqu'ils sont ici dans la rue, on les comprend, mais ce n'est pas là qu'on peut avancer, car ceux qui en sont les victimes sont malheureusement toujours les précarisés. Les enjeux sont là et, comme l'a dit mon collègue Saudan, il nous faut de nouvelles stratégies. Il est vrai que cela passe probablement par une approche supracantonale, et c'est dans ce sens que nous espérons, lors des prochaines législatures, être en mesure d'apporter un autre visage.

Mme Esther Hartmann (Ve). Monsieur le président, j'aurais une question à poser au Conseil d'Etat. L'année dernière, celui-ci a trouvé une solution à un changement au niveau du mode de financement des places pour les personnes handicapées dans les institutions. En effet, il faut savoir que des frais qui étaient financés au niveau fédéral se sont reportés au niveau cantonal. Alors le gouvernement a pu trouver une solution de bricolage qui est valable une année, mais que compte-t-il faire pour pérenniser ce financement et permettre aux institutions de fonctionner déjà maintenant au niveau de l'accueil des personnes et de l'ouverture de certaines places qui sont nécessaires pour que l'on puisse faire face à la demande des personnes handicapées dans ce canton ?

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'entends bien votre colère, je l'entends, Madame Emery-Torracinta, à l'instar de celle que nous entendrons en bas de la rue à 16h. Laissez-moi vous répondre au sujet de l'histoire qui a fait l'objet d'un article dans la «Tribune de Genève» ce matin. Ce cas-là très précisément - et j'en viendrai ensuite à des considérations plus générales - n'est pas bloqué à Belle-Idée. Je crois qu'il faut être extrêmement clair, car les situations sont très sensibles. Il n'est pas bloqué à Belle-Idée. Ce cas très particulier concerne un jeune homme qui était effectivement placé à Savigny et qui a dû être rapatrié à Genève. Le placement à Aigues-Vertes ne lui convenait pas, pour des raisons, encore une fois, très sensibles, mais je crois que, là encore, le secret médical m'empêche d'aller plus loin. Ce sont des cas qui sont vraiment difficiles ! Vous savez, il n'existe pas de règles absolues dans le domaine du handicap, c'est un peu du cousu main, et chaque cas fait l'objet d'une attention très particulière. Une place à Thônex aux EPI lui est réservée pour cet automne, et cela m'a été confirmé encore ce matin par la présidente de la commission d'indication. Et actuellement il n'est pas abandonné, il n'est pas privé de soins, on s'occupe de lui, il n'est simplement pas maintenant très précisément en mesure de pouvoir intégrer l'appartement de Thônex. On est en train de lui trouver une place et c'est prévu pour cet automne. Mais j'ai bien compris que cette situation était emblématique et que vous vous êtes servis de ce cas-là, qui est bien sûr douloureux et difficile, comme exemple pour les autres.

Maintenant je crois qu'il ne faut pas avoir honte; cela a été dit par l'un ou l'autre des députés, et à juste titre. On n'a pas à avoir honte de la politique du handicap à Genève, comme on n'a pas à avoir honte de la politique de la santé en règle générale. J'encouragerai Mme Engelberts à se rendre, comme je l'ai fait à plusieurs reprises, dans les appartements de Thônex I et Thônex II, pour voir l'attention qui est apportée à ces jeunes autistes, avec toute une démarche de formation, toute une démarche de prise en compte de leur handicap. Une situation qui est intolérable à Genève, je vous l'accorde, c'est lorsque ces autistes prennent de l'âge - puisque la technologie médicale actuelle permet à ces jeunes de devenir âgés - car là, effectivement, on doit vraiment avoir une réflexion. Je me propose donc cet automne de mener une vraie réflexion sur la prise en charge de ces jeunes qui avant, malheureusement, ne vivaient pas. On leur permet aujourd'hui de vivre, donnons-leur donc une chance de vivre dignement, et non pas à l'intérieur d'établissements qui ne sont pas adaptés. Il n'est pas normal non plus - et je vous l'accorde - qu'un jeune de moins de 40 ans trouve comme unique voie de sortie, comme unique issue, une place en EMS. Ce n'est pas normal.

Cela dit, je crois qu'il faut être tout à fait clair. Il y a un certain nombre de places qui ont été ouvertes; vous ne voulez pas parler de chiffres, mais je pense qu'il faut quand même mentionner ces 61 places qui ont été ouvertes, puisque nous sommes dans les comptes. Ce sont donc 61 places qui ont été ouvertes: il y a le Nouveau Prieuré qui va ouvrir à partir de 2016 et Clair Bois a été rénové, avec des places et un étage supplémentaires. Des efforts considérables sont donc fournis. On peut toujours faire mieux, c'est sûr; dans ce domaine-là comme dans d'autres, je crois que la perfection n'existe pas, mais du moins la prise en charge est des plus optimales, considérant le contexte et l'attention qui est portée pour traiter chaque cas à la mesure de son handicap.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique E «Handicap» est adoptée par 38 oui contre 20 non et 8 abstentions.

F - ENVIRONNEMENT

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je précise juste que, en principe, on vous encourage à poser des questions, mais si possible à ne pas faire de trop longues déclarations. Je ne veux rien limiter, mais il faut qu'on avance un peu ! La parole est à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous vous en doutez, cette politique m'intéresse à plus d'un titre. En lisant le rapport de gestion, je constate que le travail se poursuit: on poursuit les plans d'action, par exemple pour la flore et la faune, on poursuit le développement des réseaux agro-environnementaux, on poursuit la renaturation des cours d'eau, bref, on continue à appliquer des programmes qui ont été entamés il y a bien des années. On affine également les données, notamment les données cartographiques ou d'inventaires, et avec toutes ces données qu'on commence à connaître et bien connaître sur notre territoire en matière de corridors biologiques, de cours d'eau, de flore ou de faune, sans doute que l'on identifie aussi à un moment donné les risques. Mais est-ce que l'on en tire des conclusions ? Est-ce que l'on anticipe ? Est-ce que l'on anticipe sur une période de quarante ans, comme dans la politique de la santé dont on parlait tout à l'heure ? Permettez-moi d'avoir des doutes, quand j'entends que d'un autre côté on envisage une augmentation de 100 000 habitants dans cette région; car 100 000 habitants supplémentaires, c'est autant de pression, que ce soit sur nos ressources naturelles ou sur l'environnement, l'environnement qui nous est évidemment précieux car, sans lui, nous ne pourrons rien ni ne serions rien.

A ce niveau, je n'ai pas trouvé dans le programme relatif à l'environnement d'impulsion, d'anticipation et de décisions par rapport aux risques dont j'ai parlé en raison de ces 100 000 habitants supplémentaires, mais aussi aux projets qu'on envisage. Nous avons renaturé la Seymaz ainsi que tout l'environnement agricole et naturel situé à côté. Aujourd'hui, on envisage d'y faire passer une autoroute. (Brouhaha.) Eh oui, l'autoroute ! Et demain, la traversée du lac, regardez le plan directeur cantonal 2030 ! (Commentaires.) Eh oui ! Et je doute que cette traversée soit totalement souterraine d'un bout à l'autre. Il faut donc se demander si véritablement nous allons pouvoir préserver ces richesses naturelles, ces milieux naturels que nous avons eu tant de peine à renaturer, justement. Alors je cherche les mesures, les mises en oeuvre, et notamment - car vous vous doutez bien que je vais quand même parler de vidange - concernant la vidange du barrage de Verbois. Ça fait dix ans qu'il y a un groupe de travail qui étudie les mises en oeuvre qui devraient être faites pour supprimer ou pas ces vidanges, et nous lisons qu'un nouveau groupe de travail a été mis en place pour examiner les mesures de mise en oeuvre à réaliser. Alors j'ai l'impression qu'on fait un peu du surplace, je m'inquiète énormément pour les dangers que nous faisons courir à notre cadre de vie, à notre qualité de vie, et j'aurais bien voulu avoir, dans cette politique publique, un programme aussi ambitieux que dans les autres.

M. Bernhard Riedweg (UDC). A l'époque, cette politique publique faisait 62 millions de bénéfices, et elle n'en fait plus que 16 millions. Plus on avance dans le temps et moins les choses vont bien. Toutefois, nous avons relevé que le taux de recyclage des déchets urbains s'est établi à 45%; par rapport aux 50% qui étaient prévus, on est tout de même très proches.

La gauche ne cesse de demander des investissements éthiques qui font augmenter le prix de la facture. Dans cette politique publique, il faut se demander jusqu'à quelle limite et pour quel coût on veut protéger l'environnement à titre préventif, réguler la gestion des eaux et préserver le patrimoine naturel genevois. Le plus difficile, dans cette politique publique, est de définir le ratio écologie par rapport aux coûts engendrés. Je donne des exemples: l'assainissement des bâtiments publics, la réduction des émissions de CO2 de l'Etat ou encore l'atteinte des objectifs de recyclage du plan de gestion des déchets.

Il faut encore relever dans cette politique publique - ce sera dans les comptes consolidés, mais j'en parle déjà maintenant - que les Services industriels, à cause de la recapitalisation de leur caisse de pension qui va coûter 521 millions, contribuent à raison de 521 millions à la perte consolidée du petit et du grand Etat, qui s'élève à 937 millions. Concernant les SIG, je relève encore que les actifs de la filiale des SIG appelée Alpiq ont dû être dépréciés, ce qui a coûté 116 millions aux Services industriels de Genève.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je voulais profiter de l'occasion, non pas pour poser en tant que telle une question, mais pour féliciter la conseillère d'Etat chargée de cette politique publique de son excellent travail en la matière. Je crois qu'il faut se féliciter d'avoir une conseillère d'Etat qui se préoccupe réellement des questions environnementales et qui est capable de ne pas céder à toutes les sirènes de la croissance, de la croissance bétonnée, selon les voeux de M. Riedweg et de sa collègue Meissner, qui - et cela m'a d'ailleurs assez surpris - a dit à ce département qu'il faudrait se préoccuper des conséquences de la traversée du lac. En effet, venant d'un parti politique qui a déposé une initiative sans se soucier de quoi que ce soit, c'était pas mal ! (Commentaires.) On va bétonner d'abord, et on discutera du lac et des parcs ensuite, c'est bien connu ! Vive ce genre de projets politiques... (Exclamations.)

Je crois qu'il faut justement se rendre compte qu'un environnement agréable et sain bénéficie à la population genevoise, notamment parce que ça réduit aussi les coûts de la santé. Et pouvoir se promener dans une nature agréable, pouvoir courir au bord de l'Aire ou d'un autre cours d'eau, ou encore dans les champs, c'est bien plus plaisant que d'être sur le pont du Mont-Blanc ! De même, il est bien plus sympathique de bénéficier d'espaces, de plages et de loisirs à Genève que de prendre sa voiture et de parcourir 100 kilomètres pour enfin trouver un peu de nature agréable !

Je profite justement de cette dernière partie de mon intervention pour relever les questions de la plage des Eaux-Vives. Une urgence a été votée pour évoquer les nuisances qui se produisent sur les pontons à la Jonction, eh bien c'est typiquement l'une des inconséquences dont notre république a le secret - ma foi, il y a eu un recours. Mais en l'occurrence un espace public gratuit d'envergure tel que la plage des Eaux-Vives est réellement nécessaire aujourd'hui, parce que la population ne cesse de croître. On prévoit 100 000 habitants supplémentaires en vingt-deux ans, et ces personnes ont besoin d'endroits pour aller faire la fête, s'amuser, pratiquer des loisirs en famille, etc., et la plage des Eaux-Vives était typiquement une réalisation - votée à l'unanimité de ce Grand Conseil, je vous le rappelle - qui permettait de le faire en milieu urbain, sans prendre la voiture. Il faut donc se féliciter d'avoir une conseillère d'Etat qui vise à mettre en oeuvre cette politique publique en faveur de l'environnement. Bravo, Madame la conseillère d'Etat !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller... euh, Monsieur le député. J'ai la langue qui a failli fourcher ! Je vais encore donner la parole à Mme Christina Meissner... (Remarque.) ...puis je la passerai à Mme la rapporteure et enfin à Mme la conseillère d'Etat.

Mme Christina Meissner (UDC). Suite à l'intervention de mon préopinant, vous me permettrez juste, Monsieur le président, de souligner que je parlais bien de la traversée lacustre, donc de la grande traversée, et non pas de la traversée de la rade. La traversée de la rade de l'UDC pourrait même permettre de réaliser cette plage, de trouver des synergies entre les deux projets qui seraient bienvenues, et je n'ai certainement rien à ajouter sur ce sujet.

J'ajouterai par contre que l'objectif de mon intervention était de dire que l'on poursuit certes des programmes qui ont été initiés depuis longtemps, mais qu'aujourd'hui il s'agirait d'identifier, grâce à tous ces indicateurs, les risques par rapport à la croissance de notre canton et de prendre des décisions ambitieuses pour préserver la qualité de vie, non pas seulement des animaux à quatre pattes, mais aussi des animaux à deux pattes de ce canton. Donc je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, de ce que vous avez fait, mais j'attends de vous, notamment pour la nature en ville, qu'il y ait des mises en oeuvre en matière de préservation de certains corridors et que ceux-ci soient véritablement identifiés, afin d'éviter que, lorsqu'on passera à des autorisations de construire avec des procédures accélérées, qui iront donc plus vite, on loupe un certain nombre de biotopes, qui seront alors perdus pour toujours.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rassurer Mme Meissner. En effet, en tant que rapporteure d'une majorité définitive, j'aimerais relever que, dans la politique publique F «Environnement», il y a des détails extraordinairement précis concernant le suivi du programme de législature: protection de l'air, substances dangereuses, évaluation environnementale, management environnemental, gestion des déchets, construction d'un nouveau barrage, etc. Bref, il y a un détail extrême, et c'est exactement ce dont on a besoin. Alors je ne vois pas pourquoi il pourrait y avoir là un manque de précision, un manque d'anticipation; ce n'est vraiment pas un exemple pertinent. Et puis, Monsieur le président, vous pourrez me reconnaître comme étant particulièrement objective dans le domaine, parce que j'appartiens à un parti qui veut et la traversée du lac, et la protection de l'environnement ! Donc c'est à ce titre-là que je vous prie de regarder les choses en détail, Mesdames et Messieurs les députés. Il y a vraiment des précisions qui nous sont très utiles.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la politique environnementale a connu pas mal de changements l'année dernière. Le Conseil d'Etat a réuni les différentes politiques publiques liées à l'environnement pour en faire un tout cohérent. C'est déjà un premier point extrêmement positif et qui va dans un sens de prévisibilité et de long terme.

D'autre part, je crois qu'on peut dire que le Conseil d'Etat a vraiment une vision à long terme, que ce soit à travers le projet d'agglomération ou toutes les propositions qu'il a faites pour développer ce canton, de manière intelligente et de façon durable. Tous les programmes qui sont actuellement mis en oeuvre dans les nouveaux quartiers comportent à la fois du développement et de la construction de logements, c'est absolument nécessaire, et j'y tiens, mais de manière intelligente, c'est-à-dire qu'il faut avoir aussi une vision environnementale, que ce soit sur l'énergie, la gestion intégrée des eaux ou tout ce qui concerne la nature.

On peut quand même dire que l'on a connu un succès exceptionnel l'année passée, puisqu'on a voté la première loi sur la biodiversité et que nous avons signé des contrats de corridors biologiques avec nos voisins français, qui s'élèvent chacun à 4 millions d'euros par an. Nous avons, sur les questions des rivières aussi, progressé de manière très importante, puisque la renaturation de l'Aire est actuellement en chantier. Vous avez pu voir que le méandre vient d'être remis en eau.

Nous avons aussi classé un maximum de zones naturelles. Toute la révision de la planification territoriale a été réalisée. Hier encore, le Conseil d'Etat a classé huit zones naturelles et des biotopes supplémentaires. S'agissant de l'agriculture, un projet là aussi extrêmement ambitieux, le plan régional de développement, a été mené à bien. Il concerne des investissements pour la rénovation de l'agriculture de plus de 70 millions, qui sont financés par la Confédération et le canton à raison de 12 millions. Du reste, pas plus tard que la semaine dernière, nous avons déjà pu inaugurer deux projets importants, dont une serre de 60 000 mètres carrés. Je crois que nous n'avons pas à rougir de cette politique. Le plan OPair est maintenant voté aussi, et nous avons toutes ces mesures qui avaient été longtemps abandonnées et qui concernent les chaudières du canton. Certains d'entre vous ont peut-être reçu une lettre concernant la révision de ces dernières, car il y a 40 000 chaudières qui n'avaient pas été traitées pendant vingt ans. Je pense donc que c'est le moment de diminuer la pollution de l'air.

En conclusion, nous menons vraiment une action importante dans tous les domaines et comptons bien continuer dans ce sens, afin d'avoir un canton, comme le demande la constitution nouvelle, doté d'un environnement sain et lié au développement durable. Nous aurons également du logement, mais aussi - et j'y tiens - un environnement qui sera protégé, revalorisé, revivifié, et je crois qu'on y a tous intérêt.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique F «Environnement» est adoptée par 47 oui contre 2 non et 12 abstentions.

G - AMENAGEMENT ET LOGEMENT

M. Bernhard Riedweg (UDC). En 2011, seuls 1018 logements ont été construits: c'est le pire résultat de ces soixante dernières années, d'autant qu'il faudrait construire en tout cas 2500 logements par année. Actuellement, 3300 logements sont en cours de construction, ce qui constitue une nette amélioration, comme vous pouvez le constater. En 2013, Genève a besoin de 3000 logements par an pour assumer ses ambitions économiques, plus 2000 logements par an pour faire face à la décohabitation des familles, sans oublier 850 logements par an pour loger sa jeunesse, soit au total 5850 logements. Il y a 5644 logements prévus dans le cadre des PLQ adoptés depuis le début de la législature, on sent donc une amélioration.

La pénurie du logement contribue à la hausse des loyers, cela va pratiquement de soi. Et on pourrait encore dire que cette politique publique contient un potentiel illimité d'aide à la personne en permettant aux ménages des catégories les moins favorisées de la population de disposer d'un logement accessible et en rapport avec leurs moyens, principalement par le biais de l'attribution de logements et de l'octroi de subventions personnalisées telles que les allocations. Il faut quand même relever qu'il y a des gens qui vivent dans un hôtel cinq étoiles mais qui ne paient que pour un hôtel trois étoiles. Et nous en profitons pour rappeler aux Genevois les conséquences de leur refus de grandir et de construire du logement. C'est une ville qui se ratatine à force de vieillir. Pour terminer, je dirai qu'il semble que des procédures simples en matière de construction vont s'accélérer, selon une information donnée par M. le conseiller d'Etat Longchamp, qui nous en parlera peut-être tout à l'heure.

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour la sixième année consécutive, les socialistes doivent regretter que le protocole d'accord sur le logement ne soit toujours pas respecté. Lorsque ce protocole a été signé en décembre 2006, le nombre de logements subventionnés représentait 10% du parc immobilier genevois. Aujourd'hui, on en est à 8,76% et les chiffres, je pense, vont continuer à diminuer dans l'avenir. Il y a deux causes à cela. La première - et le Conseil d'Etat n'en est pas responsable - c'est la sortie du contrôle de l'Etat des logements HLM. La seconde, en revanche, il en est responsable, c'est sa volonté de ne pas utiliser les outils de politique foncière, en particulier le droit de préemption. Or, ce droit est absolument nécessaire: il faut pouvoir acquérir des terrains, il faut aider également les communes à acheter des parcelles, de manière à construire des logements sociaux. Le fonds LUP sert à cela.

J'avais également une question au magistrat: lors de l'examen des comptes, j'ai pu constater que onze parcelles avaient été acquises pour un montant de 40 millions de francs. J'ai donc fait un rapide calcul: vu la taille de ces parcelles, on arrive à un prix du terrain de 1300 F le mètre carré, ce qui me semble une somme démesurée. Et alors que le Conseil d'Etat avait indiqué en 2007 qu'il voulait réduire les coûts de construction de logements sociaux, je vois que, quelques années plus tard, on en est toujours loin. Je voulais donc savoir si le Conseil d'Etat avait fait usage de son droit de préemption pour l'acquisition de ces onze parcelles, sachant que le droit de préemption à Genève permet de déterminer une valeur des mètres carrés qui ne soit pas liée au marché aujourd'hui spéculatif, mais à la valeur réelle des biens immobiliers.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Deneys... (Remarque.) ...puis à M. le conseiller d'Etat.

M. Roger Deneys (S). Sauf si un autre député prend la parole, évidemment ! Pour compléter les propos de mon collègue Christian Dandrès, j'aimerais insister sur la nécessité, pour le Conseil d'Etat, d'exercer un droit de préemption, afin d'offrir non seulement du logement dans l'absolu, mais du logement qui réponde aux besoins prépondérants de la population, parce que sinon c'est bien beau de dire que l'on fait du logement ! Je vous rappelle que le revenu médian genevois se situe à 7000 F par mois, ce qui fait que la grande majorité des Genevoises et des Genevois ne peut pas acquérir un logement en PPE ni s'offrir un logement sur le marché libre, avec la spéculation que nous connaissons à Genève. Il est donc bien entendu indispensable que l'Etat mette à disposition du logement, soit sous forme de LUP, soit sous forme de coopératives, parce que c'est une façon de réaliser du logement à un coût moindre et dans des délais moindres que lorsqu'il s'agit du marché libre.

Le président. Merci, Monsieur le cons... euh, le député.

M. Roger Deneys. Conseiller d'Etat !

Le président. Mais j'ai vraiment la langue qui fourche ! (Commentaires.) La parole est à M. François Longchamp, conseiller d'Etat.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur Riedweg, merci de reconnaître les efforts de construction de logements qui ont été réalisés, merci de reconnaître la volonté qui est la nôtre d'en construire plus, merci de partager le souci du Conseil d'Etat - qui est aussi celui de beaucoup de gens dans cette salle - de loger nos enfants, nos 100 000 enfants qui ont entre 1 et 19 ans aujourd'hui à Genève et pour lesquels nous devons trouver une solution avant de nous préoccuper de loger le reste de la planète. Je déduis donc de vos propos que vous allez soutenir avec ardeur le plan directeur et je m'en réjouis. Je vous invite d'ailleurs peut-être, si l'occasion vous est donnée de remplacer le ou la titulaire de votre parti à la commission d'aménagement... (Exclamations.) ...à venir tenir ces propos qui nous seront utiles et certainement nécessaires pour avoir la plus large adhésion possible sur ces principes-là. J'en suis d'ores et déjà très heureux. (Commentaires.)

J'aimerais aussi dire à l'intention du député Dandrès qu'effectivement nous avons poursuivi cette année certains efforts. C'est la première fois, vous l'aurez peut-être remarqué, que nous avons utilisé les crédits LUP dans leur totalité. Vous avez pendant des années reproché au Conseil d'Etat de ne pas l'avoir fait. Cette fois, cela ne pourra pas être dit, et je puis d'ores et déjà vous indiquer que pour l'année 2013, l'année en cours, il en sera fait de même.

S'agissant de l'exercice du droit de préemption, le Conseil d'Etat utilise ce droit lorsque celui-ci est utile. Nous l'avons d'ailleurs exercé pas plus tard qu'hier, dans le cadre d'une parcelle à Lancy, lors d'une opération qui précisément le justifiait. Il s'agissait de l'acquisition d'un bien immobilier qui était vendu par une personne relativement âgée qui souhaitait le vendre à des gens beaucoup plus jeunes. Avec l'expectative de l'occuper longtemps, dans un quartier où un PLQ est en force et certaines parcelles propriétés d'organismes publics ou privés qui désirent construire.

Nous ne préemptons pas lorsque les promoteurs acquièrent des parcelles. Si nous ne le faisons pas, c'est parce que ces promoteurs ont précisément non seulement la vocation, mais également un intérêt évident à construire. Nous sommes d'ailleurs dans une situation qui est, pour tout vous dire, inverse. La vraie mesure que nous avons prise en matière de droit de préemption - et qui a été confirmée par les tribunaux - a été celle d'empêcher une commune qui voulait exercer son droit de préemption non pas pour construire, mais pour ne pas construire, ou plus exactement pour construire moins. Cette commune est celle de Chêne-Bougeries. Je crois me souvenir que dans la majorité qui a voulu exercer ce droit de préemption à cette fin se trouvait l'une de vos collègues de parti dont j'aime à souligner le sourire ici, Mme Sobanek, même si je la sais, comment dirais-je... (Remarque.) très désabusée ? Non, certainement pas, mais je dirais très distante par rapport au résultat de cette procédure qui a confirmé les vues du Conseil d'Etat. Une commune ne peut pas préempter avec l'intention de moins construire. Ce droit de préemption, qui est une atteinte grave au droit de propriété, doit être utilisé lorsque la loi le prévoit, c'est-à-dire lorsque des logements peuvent être construits, et non pas pour permettre à des communes - et des communes qui auraient des moyens - de se barricader entre elles et d'éviter de construire les logements dont leurs propres enfants auront besoin... Excusez-moi, il est 16h30 et je dois être un peu fatigué ! (Rire. Remarque.)

Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.) Pardon ? Je n'ai pas compris votre remarque ! (Commentaires.) Il ne s'agit pas seulement de préemptions en zone de développement. Il peut y avoir des acquisitions qui sont faites pour les besoins de l'Etat, et notamment de bâtiments déjà construits. On ne peut naturellement pas diviser le prix du terrain par la valeur de celui-ci, mais bien évidemment par la valeur de ce qu'il contient. De temps en temps, il y a des acquisitions de biens qui sont construits et dont la valeur est évidemment largement supérieure à celle du terrain nu.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique G «Aménagement et logement» est adoptée par 45 oui contre 9 non et 7 abstentions.

H - SECURITE ET POPULATION

M. Eric Leyvraz (UDC). Très rapidement, pour reprendre ce que j'ai dit précédemment et ce dont a discuté le conseiller d'Etat Hiler, voilà bien un département pour lequel le rapport de gestion a des indicateurs qui sont véritablement trop optimistes. Tous les indicateurs sont en vert, ça semble quand même un peu extraordinaire ! Et c'est là aussi qu'un état des lieux objectif devrait être fait avec les actions entreprises et la vision nécessaire pour une amélioration de la situation. Cette description de la politique publique H présente un exemple de ce qui manque à un rapport de gestion et pourrait inciter à une réflexion prospective. (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) S'il vous plaît, Monsieur le député Cerutti ! La parole est à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Les charges de personnel de cette politique publique sont les deuxièmes plus importantes et s'élèvent à 418 millions. En 2009, selon l'OCSTAT, les dépenses dans cette politique publique se montaient à 1900 F par habitant à Genève, alors que la moyenne suisse se situe à 1100 F. Donc là nous battons un record, et je pense même que ce montant doit être légèrement supérieur.

D'autre part, on notera qu'en 2012 le Conseil d'Etat s'est donné pour objectif d'intensifier durablement la lutte contre l'insécurité à Genève. Conjointement avec le Ministère public, le Conseil d'Etat a signé une convention portant sur la définition d'une politique criminelle commune. C'est une démarche sans précédent à Genève, qui doit permettre une cohérence concrète entre l'action policière de terrain et le suivi juridictionnel.

De plus, les multirécidivistes ayant commis de petites infractions devraient être sanctionnés par de longues peines pour être mis hors d'état de nuire et bénéficier d'un encadrement.

Enfin, la prison de Champ-Dollon étant surpeuplée, certains détenus optent pour le cachot, le mitard ou la cellule forte après avoir fait des écarts de conduite. Finalement, c'est fort bien car la prison se forge une réputation malsaine, ce qui sera certainement communiqué à l'extérieur: cela dissuadera peut-être les criminels de sévir dans le canton de Genève, de peur de finir dans une cellule peu confortable, voire spartiate. Il faut rendre cette prison moins attrayante !

Mme Loly Bolay (S). J'aimerais tout d'abord faire une remarque. Quand j'entends mon préopinant, qui ne fait pas du tout partie de la commission des visiteurs, dire que Champ-Dollon doit être moins attrayante, j'ai envie de dire ceci: Monsieur, je crois que vous ne connaissez rien à la prison de Champ-Dollon, et quand on n'y connaît rien, on se tait ! Pour la simple et bonne raison que le Conseil de l'Europe attaque la Suisse pour les conditions de détention que subissent aujourd'hui les détenus de la prison de Champ-Dollon. Alors je suis vraiment choquée par vos propos ! (Applaudissements.)

Cela dit, Monsieur le président, j'avais des questions à poser à M. le conseiller d'Etat Maudet, mais puisqu'il n'est pas là, permettez-moi une remarque. Ah, il arrive...

Une voix. Le voilà !

Mme Loly Bolay. Une manifestation de handicapés se tient à l'heure actuelle, et la police présente sur les lieux a interdit les pancartes des familles des personnes souffrant de gros handicaps. Or il y a une voiture appartenant à un député - et tout le monde sait de qui il s'agit - qui dérange. Les gens ont donc demandé aux policiers de faire enlever cette voiture, mais ils n'ont absolument rien fait ! Cela me choque d'autant plus que ce sont des handicapés qui viennent ici demander que la loi soit appliquée, alors qu'il y a cette voiture d'un député qui réclame sans arrêt du respect, mais qui sans cesse fait preuve d'irrespect total envers les institutions et les gens. (Remarque.) Je suis extrêmement choquée, Monsieur le président, et j'espère que le problème de cette rue, dans laquelle les gens se garent à longueur de journée, sera vite réglé ! (Remarque.) Je demande au département, au chef du département, d'y mettre bon ordre, parce que c'est inacceptable. Que les policiers ne mettent pas d'amendes aux personnes qui sont mal garées - et même si ce sont des députés ! - ce n'est pas acceptable. (Applaudissements.)

J'en viens maintenant à mes questions au chef du département, sur d'autres thèmes. Concernant le service de probation et d'insertion, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez dit que vous vouliez, à juste titre, augmenter le nombre des gardiens à Champ-Dollon, ce qui est une très bonne chose, étant précisé que la prison de Champ-Dollon contient plus de 800 détenus, précisément 820, selon le dernier chiffre que nous avons reçu la semaine dernière. Cela dit, le service de probation et d'insertion, qui s'occupe du social, doit aussi, Monsieur le conseiller d'Etat, voir ses effectifs augmenter: en effet, il ne suffit pas d'accroître le nombre de gardiens, il faut aussi augmenter la filière du social, parce que c'est extrêmement important. Il y a en outre la problématique des locaux, alors j'aurais voulu savoir comment la situation va être résolue à ce niveau.

Enfin, ma dernière question porte sur les cellules d'attente du Palais de justice, dont une vingtaine sont en travaux. Je me suis laissé dire que ces travaux étaient stoppés, parce qu'on ne dispose pas des budgets pour pouvoir les poursuivre dans ces cellules. Je vous remercie de vos réponses.

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, compte tenu du nombre de personnes inscrites, je vais interrompre les débats jusqu'à 17h. Mais avant de lever la séance, j'aimerais dire à Mme la députée Loly Bolay que le président du Grand Conseil s'est ému, pour ne pas dire plus, de la situation du parcage dans cette rue de l'Hôtel-de-Ville et en a déjà touché deux mots à M. le conseiller d'Etat responsable du département. Je dois vous dire que la situation actuelle dans cette rue est inadmissible... (Commentaires.) ...et je suis décidé à prendre des mesures, pas personnellement, mais en tout cas de manière à régler la situation... (Commentaires.) En effet, lorsqu'on voit que des voitures, immatriculées aussi à Monaco - il faut le dire ! - sont parquées devant l'entrée de la république, personnellement je ne peux plus l'accepter non plus. (Applaudissements.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous pourrez répondre tout à l'heure ou tout de suite, mais je pense qu'on va poursuivre le débat à partir de 17h. Est-ce que cela vous convient ? (Remarque.) Vous voulez répondre sur ce point ? Très bien, alors j'interromprai les débats après votre intervention.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Monsieur le président, j'aimerais quand même répondre très brièvement sur le point en question qui est tout à fait légitime. S'agissant du parcage de ces véhicules - et ils sont nombreux sur cette rue - régulièrement en infraction, et du véhicule en particulier de type 4x4 noir auquel vous faisiez référence, je peux vous assurer ici - et je tiens à votre disposition un listing - que celui-ci est régulièrement verbalisé. Concernant la capacité de le faire évacuer par la fourrière, la règle est stricte: s'il s'agit de places pour handicapés qui sont squattées indûment, c'est départ direct. A défaut d'une signalisation adéquate, il n'est pas possible légalement de faire dégager le véhicule par voie de fourrière, à moins qu'il ne pose un problème de sécurité majeur du point de vue des piétons, ce qui n'est pas le cas ici en l'occurrence. (Commentaires.)

Donc je le redis ici: si le président du Grand Conseil - et je confirme qu'il m'en a entretenu - souhaite que l'on prenne des mesures plus dures, ou que l'on signale de façon beaucoup plus claire quelles sont les restrictions de circulation - cas échéant, avec ma collègue Michèle Künzler, parce que c'est d'elle que dépend la direction générale de la mobilité - et la pose préalable de panneaux, nous sommes prêts à entrer en matière, avec tout ce que cela peut comporter comme éventuels inconvénients, parce qu'il n'y a pas qu'une personne concernée qui se gare ici en urgence, mais plusieurs ! Quoi qu'il en soit, nous sommes déterminés à faire appliquer la loi de la même façon pour tout le monde, et nous le faisons - je peux encore une fois vous mettre à disposition les listings.

S'agissant enfin de l'évacuation des véhicules, ce n'est pas possible à teneur de la signalisation et du périmètre tel qu'il est inscrit en termes de circulation.

Une voix. Les vélos aussi, alors !

Deuxième partie du débat sur les comptes 2012 (suite du 2e débat): Session 10 (juin 2013) - Séance 56 du 27.06.2013