République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10963-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Thierry Cerutti, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Mauro Poggia, Pascal Spuhler, Eric Stauffer, Florian Gander, Guillaume Sauty, Dominique Rolle, Roger Golay, Jean-François Girardet, André Python modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (LEDP) (A 5 05)
Rapport de majorité de M. Miguel Limpo (Ve)
Rapport de minorité de M. Jean-Marie Voumard (MCG)

Premier débat

Le président. Le rapporteur de majorité est M. Miguel Limpo. Le rapport de minorité émane de M. Jean-Marie Voumard, remplacé par M. Thierry Cerutti. Il s'agit d'un débat en catégorie II, soit quarante minutes. Je passe la parole à M. Limpo.

M. Miguel Limpo (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais signaler que la commission a étudié assez rapidement ce projet de loi, non pas parce qu'elle ne s'y intéressait pas mais parce que nous avions reçu exactement le même, déposé en février 2010 par M. Yves Nidegger. Puisqu'il n'y a pas vraiment eu de faits nouveaux, la commission a jugé qu'il n'était pas utile de relancer une étude. (Brouhaha.)

L'idée de ce projet de loi est donc de supprimer tout bonnement et simplement les listes de traverse et de n'autoriser que les listes neutres... Cela signifie qu'on enlèverait la possibilité à 50 citoyens de soutenir un candidat ou l'autre, puisque évidemment, quand on parle de listes de traverse, on parle bien d'un droit populaire, d'une possibilité qui est donnée à la population de soutenir un candidat ou une liste de candidats.

Très brièvement, j'aimerais juste récapituler un certain nombre de points qui avaient, lors du précédent projet de loi, motivé la commission à refuser ce changement dans la loi. Premièrement, la brochure de vote actuelle propose déjà une liste vierge, où le citoyen, s'il ne se reconnaît pas dans un parti ou l'autre, peut choisir les candidats et composer sa propre liste pour un exécutif. Donc il nous semble que cette option existe déjà et que le projet de loi actuel, en supprimant la possibilité à 50 citoyens de soutenir un ou plusieurs candidats, constitue un recul démocratique.

Deuxièmement, la Chancellerie ainsi que le service des votations nous ont confirmé qu'actuellement, lors des élections, le taux de biffage était déjà très élevé: on considère qu'entre 40 et 50% des bulletins de listes sont modifiés, soit la moitié ! Cela montre que la population est parfaitement au clair sur les candidats qu'elle souhaite soutenir et que, par conséquent, avoir ou non une liste neutre ne change rien.

Troisième point, on nous a dit en commission que le projet de loi améliorerait le taux de participation... C'est faux ! On a vu que ce sont pour les élections proportionnelles que les taux de participation sont les plus faibles. Ainsi, la solution actuelle, avec des bulletins de listes, remporte plus de suffrages auprès de la population, donc elle se rend plus souvent aux urnes.

Autre argument - et je pense que c'est l'un des principaux arguments - une liste commune à un exécutif est avant tout un contrat de gouvernement, qui propose à un électeur un choix clair et viable... Cela veut dire que l'électeur sait que des alliances existent, par exemple - par le passé - entre le PS et les Verts; entre le PDC, le PLR et les radicaux; parfois entre l'UDC et le MCG, dans certaines communes; parfois entre le MCG et les radicaux dans d'autres... (Brouhaha.) Donc le choix à la population est clair et on sait qu'il y a un gouvernement. Après, la population se prononce et choisit des proportions à l'intérieur de ces listes.

Enfin, les gens qui ont déposé ce projet de loi - et je pense qu'ils étaient parfaitement au clair - nous ont dit que ce système existait ailleurs en Suisse. C'est vrai ! Il existe ailleurs en Suisse. Le système qui ne connaît pas de listes existe ailleurs en Suisse ! Mais le système genevois...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Miguel Limpo. ...existe aussi ailleurs ! Et ce système que Genève a choisi est une volonté, un choix politique que d'autres cantons ont également fait. Raison pour laquelle - parce que les règles actuelles fonctionnent et parce qu'elles ont montré que la population les apprécie et qu'elle y adhère - je vous propose de ne pas les modifier. Peut-être qu'on a envie de changer les règles du jeu simplement parce qu'on perd et qu'on n'est pas satisfaits par elles, mais actuellement ces règles fonctionnent, donc je vous propose à nouveau de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, très nettement, comme on l'a fait en commission. Je vous remercie.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi demande que le résultat d'une élection au système majoritaire découle de la volonté populaire, et non d'un mécanisme quel qu'il soit, et que ladite élection se fasse par un système respectueux des électeurs, système transparent et correspondant à un vrai choix démocratique. Cela constitue le préambule du rapport de minorité que nous avons déposé.

Notre collègue, M. Limpo, parle, lui... (Brouhaha.) ...de cinq points précis, dont un disant que si l'on supprimait aujourd'hui les listes de traverse, ça empêcherait cinquante citoyens de pouvoir s'exprimer. Vous savez toutes et tous - et arrêtons l'hypocrisie ici - comment se font ces listes de citoyens, puisque nous sommes, nous, les partis, derrière la requête de ces signatures et que c'est nous-mêmes qui créons ces listes de traverse. Donc arrêtons de prendre les citoyens pour des imbéciles, ils ne le sont pas.

Ensuite, on parle de taux de biffage... Mais on sait très bien aussi que le taux de biffage se fait souvent à l'interne du parti ! Et en particulier dans les élections qui touchent le législatif, car il y a des sièges à gagner et qu'on est tous un peu, disons, adversaires. Cela même si l'on sait que la priorité, c'est la liste du parti, soit les suffrages que le parti peut acquérir, ce qui lui permet notamment d'avoir plus de sièges, donc plus de députés. Mais comme chacun veut être député, eh bien effectivement, il y a une guerre interne entre candidats, et les biffages se font surtout à cause de cela.

On nous parle également du taux de participation. Alors effectivement, ça c'est l'inconnue, on ne peut pas dire que si demain les partis se présentent chacun pour soi - et Dieu pour tous ! - il y aura plus de votants; mais cela vaudrait peut-être la peine de pratiquer l'exercice.

On parle aussi d'une liste commune et, avant tout, d'un contrat de gouvernement... Mais c'est totalement faux, puisqu'aujourd'hui on voit très bien - que ce soit dans les communes ou même au Conseil d'Etat - qu'il y a un clivage gauche-droite, donc qu'il y a des adversaires. Parce que si l'état d'esprit était de se dire qu'on veut gouverner ensemble, les partis cantonaux se mettraient autour d'une table - quelle que soit leur philosophie ou quels que soient leurs penchants politiques - et puis, on se dirait qu'on va placer sept candidats de différentes entités, de façon à créer un collège gouvernemental - et puis on s'épargnerait de faire des élections, on empêcherait la population de pouvoir s'exprimer, et comme ça tout le monde serait content dans le meilleur des mondes... Et vive la planète de Candy et des bisounours.

Aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Moi je comprends que les Verts soient inquiets ! Parce qu'aujourd'hui, si les Verts arrivent à placer des exécutifs, que ce soit au niveau des communes ou du canton, c'est parce que sans leurs amis socialistes ils ne placeraient personne ! Il en va de même avec le PDC. (Brouhaha.) Aujourd'hui, les seuls partis qui peuvent se targuer de ne pas avoir besoin de ces alliances, ce sont le parti socialiste et le PLR, qui sont suffisamment puissants pour partir seuls contre tous ! Et il a raison, M. Limpo, de dire que le MCG réclame un changement... Parce que le MCG, sans alliance, malgré qu'il a des pouvoirs, malgré qu'il a une force politique dans certaines communes, laquelle varie entre 25 et 35%, eh bien, il n'arrive pas à placer de conseiller administratif pour la simple et bonne raison qu'il n'a pas d'alliance et qu'il part seul contre tous. Donc oui, aujourd'hui, si on veut une élection qui soit transparente, si on veut un vrai respect de la démocratie et, aussi, réellement considérer la position de la population - qui correspondrait notamment à la force au sein d'un législatif - on devrait avoir des listes de candidats qui sont uniques par parti.

Ensuite, le rapporteur de majorité a, dans son rapport, parlé de candidatures individualisées, en lieu et place d'un programme; je rappelle que pour le Conseil d'Etat ou pour l'exécutif il s'agit bel et bien d'une candidature individualisée. D'ailleurs, on a vu le résultat...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Thierry Cerutti. Oui ! ...on a vu le résultat en juin - l'année passée - puisque notre conseiller d'Etat fraîchement élu, Pierre Maudet, est parti sur sa personnalité, sa candidature, et il a été élu !

En conclusion, je dirai qu'on doit pouvoir offrir cette modification de mode électif. D'ailleurs c'est ce qui se passe avec la constituante, on va le voir le 6 octobre, puisque chaque parti va partir seul contre tous, justement pour connaître sa force et les intentions de vote des électeurs. Ce n'est pas pour rien ! Et pourquoi ne pas finalement, dans ce deuxième tour, inscrire cela dans le marbre en disant «Chacun pour soi, Dieu pour tous», de façon à respecter la vraie démocratie, la vraie représentativité des conseillers d'Etat ou des exécutifs, comme c'est le cas au sein des législatifs !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur - je vous signale que vous avez un peu mordu sur le temps de votre groupe. Mesdames et Messieurs les députés, afin de vous donner les résultats de l'élection 2055, j'interromps momentanément notre débat.

Fin du débat: Session 05 (février 2013) - Séance 22 du 21.02.2013