République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 149-B
Rapport de la Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 149 « Pas de cadeaux aux millionnaires : Initiative pour la suppression des forfaits fiscaux »

Débat

Le président. Ce débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Madame le rapporteur, vous avez la parole.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Merci beaucoup, Monsieur le président. Comme à son habitude, la commission législative a examiné la recevabilité de l'IN 149. Cette initiative traite de la problématique des forfaits fiscaux et demande l'abrogation de l'article 14, qui concerne l'imposition sur la dépense. S'agissant de la disposition transitoire - article 72, alinéa 6 - celle-ci n'a pas d'effet rétroactif car le droit acquis reste au bénéfice de la convention fiscale qui est signée entre le contribuable et l'administration fiscale cantonale, et cet accord est annuel.

La commission législative est arrivée aux mêmes conclusions que le Conseil d'Etat, à savoir que cette initiative ne pose aucun problème en ce qui concerne l'unité de la forme, du genre et de la matière, sa conformité au droit supérieur ainsi que son exécutabilité. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de confirmer le vote de la commission législative et d'approuver la totale recevabilité de l'initiative 149.

M. Edouard Cuendet (L). Je ne parlerai évidemment pas de cette initiative sur le fond, mais le groupe libéral demandera son renvoi à la commission fiscale pour l'élaboration d'un contreprojet. Je me réfère là à l'excellent rapport du Conseil d'Etat, qui détaillait d'ailleurs les recettes rapportées par ces forfaitaires. Je vous cite juste un petit chiffre assez intéressant: ils rapportent entre 100 et 150 millions par année. Cette somme devrait vous rappeler quelque chose, car c'est en gros ce que l'on va nous demander pendant quarante ans pour sauver les caisses de pension de l'Etat. Or si l'on chasse ces forfaitaires comme le souhaitent les socialistes... (Remarque.) ...il faudra bien trouver des contribuables à Genève pour payer ces montants-là, et donc l'imposition des personnes ordinaires va être augmentée. En effet, il ne faut pas se faire d'illusions, ces gens ne vont pas rester dans le canton !

Je remercie le Conseil d'Etat de tout le travail qu'il a réalisé pour analyser l'impact positif de ces contribuables à Genève en termes économiques, de consommation et de constructions. En outre, le droit comparé qui a été pratiqué montre qu'à Londres il y a 150 000 résidents non domiciliés qui ont un statut à peu près similaire, alors qu'à Genève il n'y a que 700 forfaitaires. On voit donc qu'ils ont l'embarras du choix pour se déplacer ailleurs; si l'on supprime le forfait à Genève, ils pourront traverser la Versoix et s'établir dans le canton de Vaud, ou alors aller à Berne qui, dans sa grande sagesse, a accepté le week-end dernier de maintenir les forfaits fiscaux.

L'enjeu est donc très important et c'est la raison pour laquelle je demande, au nom du groupe libéral, le renvoi de cette initiative à la commission fiscale pour l'élaboration d'un contreprojet. Ce dernier est destiné à transposer en droit genevois le projet de loi qui vient d'être adopté à une très large majorité par le Parlement fédéral, projet qui renforce les exigences pour l'obtention du forfait fiscal et fixe notamment une assiette à 400 000 F ainsi qu'un montant de sept fois la valeur locative ou le loyer pour le calcul du forfait. Nous soutenons cette démarche et pensons qu'il est juste d'avoir une harmonisation au niveau fédéral sur ce point-là, étant rappelé que la conférence des chefs des départements des finances des cantons soutient l'institution du forfait fiscal et que le Conseil fédéral a rendu un rapport exhaustif et très complet sur les bienfaits de cette institution, qui produit en Suisse environ 30 000 emplois directs dans l'économie, notamment dans l'économie domestique.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression de m'être trompé de jour, parce qu'en réalité on doit se prononcer ce soir sur la validité de cette initiative. Nous l'avons étudiée en commission législative, comme l'a dit Mme la rapporteuse, et l'UDC a conclu que cette initiative devait être validée et présentée au peuple, parce que, eu égard à tous ces gens qui font le travail, qui récoltent les signatures et qui sont sur le terrain, utiliser des artifices juridiques pour déclarer que cette initiative n'est pas valable ne convient pas à l'UDC. Mais il est certain, pour rassurer mon préopinant, que le débat de l'UDC sera totalement différent quand nous discuterons de cette initiative sur le fond. Du reste, nous ne sommes pas du tout opposés à la renvoyer à la commission fiscale, mais pour l'heure l'UDC vous demande d'en accepter la validité.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, le groupe MCG soutiendra la demande du groupe PLR quant au renvoi de cette initiative à la commission fiscale. Comme l'a dit très justement M. Lussi, il y a deux problèmes, mais il est trop important de se saisir d'un sujet comme celui-là pour le laisser partir sans contreprojet dans une votation populaire.

Le parti socialiste genevois a les mêmes défauts que les partis socialistes des autres cantons. Nous savons aujourd'hui que nous allons au-devant de périodes fiscales difficiles, or cette initiative va être un cheveu sur la soupe - et je ne parle pas du consommé des quartiers chic, mais de la soupe populaire. En effet, comme l'a dit très justement M. Cuendet, les personnes qui sont visées par cette initiative apportent une contribution extrêmement importante à nos rentrées fiscales, dont nous avons et nous aurons toujours plus besoin pour faire du social - ce social, Mesdames et Messieurs les socialistes, qui vous tient tant à coeur, comme à nous du MCG. Il faut donc que cette initiative soit, le moment venu, soumise au peuple, parce qu'il n'y a pas de raison qu'elle ne le soit pas à Genève alors qu'elle l'a été dans d'autres cantons, mais nous souhaitons qu'elle le soit avec un contreprojet, d'autant plus que, comme vous le savez, un projet de loi va prochainement être adopté au niveau fédéral concernant l'impôt sur la dépense, et il est juste que les règles dans ce domaine soient uniformisées au niveau national.

M. Serge Dal Busco (PDC). Je dirai également quelques mots pour exprimer la position du groupe démocrate-chrétien. Pour nous, la validité de cette initiative ne fait bien entendu pas l'ombre d'un doute, et nous souhaitons évidemment qu'elle soit soumise au peuple pour qu'on débatte sereinement de ces questions extrêmement importantes. Nous désirons également qu'un contreprojet soit élaboré afin de précisément apporter des réponses à ces questions qui sont très importantes. On ne peut pas éluder l'impact financier actuel de ces forfaits et je pense que, dans la sérénité du travail de la commission fiscale où le groupe PLR envisage de renvoyer cette initiative, nous pourrons bel et bien faire cette analyse. En conclusion, nous soutiendrons donc le renvoi à la commission fiscale.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes acceptent volontiers un débat sur cet objet, mais je crois qu'à ce stade nous étions simplement censés dire dans quelle commission cette discussion devait avoir lieu. Cependant, après les déclarations de quelques-uns de mes préopinants dans ce tour de parole, je ne puis m'empêcher de relever que l'on peut penser que les forfaits fiscaux amènent des rentrées fiscales, mais aussi que, le jour où ceux-ci n'existent plus - et l'expérience zurichoise le démontre facilement - les bénéficiaires de ces forfaits sont remplacés par de vrais contribuables. Et les recettes fiscales cantonales augmentent alors de fait, parce que des cités comme Zurich ou Genève sont extrêmement attractives, y compris pour les hauts revenus.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il ne faut pas avoir d'attitude dogmatique en la matière. Les finances publiques ont besoin de ressources, ont besoin de recettes fiscales, mais il ne faut pas les obtenir au rabais avec celles et ceux qui en ont les moyens et faire payer les plus pauvres de notre société. Car c'est un peu cela que vous souhaitez à réitérées reprises dans les débats que nous avons eu l'occasion de vivre et que nous aurons encore l'occasion de vivre avec le prochain budget, que ce soit ce soir ou ultérieurement. Fondamentalement, les socialistes sont en faveur de solutions équilibrées, et la contribution que nous demandons aux bénéficiaires d'avantages indus est tout à fait légitime quand les temps sont difficiles. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que nous sommes dans le débat concernant la recevabilité. La parole est à M. Stéphane Florey, à qui il reste une minute trente. Deux minutes, pardon !

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Effectivement, nous examinons la recevabilité de cette initiative, mais j'aimerais quand même revenir sur ce qu'a dit M. Deneys car, à défaut d'avoir des contribuables normaux, nous risquons simplement de ne plus avoir de contribuables du tout ! Vous citez dans votre initiative un cas qui est connu de tous; la somme que paie cette personne représente 0,0005% de sa fortune, ce qui peut certes paraître choquant, mais j'aimerais simplement vous dire que je préfère avoir ici dans les caisses ce que ces forfaitaires paient plutôt que d'avoir 0 F ! Parce que quand ils seront tous partis, comme d'ailleurs - et ça vous avez oublié de le mentionner - ils l'ont fait à Zurich, qui s'en mord largement les doigts à l'heure actuelle... Selon moi il faut donc savoir se contenter de ce que l'on a, même si effectivement, dans la pratique, sept fois la valeur locative ne représente pas un gros excédent. Ma foi, ce sont quand même des contribuables qui font entrer de l'argent dans nos caisses !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne encore une fois la parole à Mme le rapporteur Loly Bolay. La liste est close !

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Merci beaucoup, Monsieur le président. Très brièvement, j'aimerais rappeler à cette assemblée que Bâle-Campagne est devenu le cinquième canton suisse à supprimer les forfaits fiscaux: Zurich l'a fait en 2009, Schaffhouse en 2011, Appenzell Rhodes-Extérieures et Bâle-Ville en 2012. Donc, s'il vous plaît, nous ne sommes pas le seul canton à voir qu'il y a effectivement un problème à ce que des gens ne paient pas selon leur capacité financière. C'est la raison pour laquelle je pense que la commission fiscale devra étudier cette IN 149 et voir comment se sont déroulées les autres initiatives et quels effets elles ont provoqués dans les autres cantons. On se réjouit de savoir quelle est la réponse.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons aux différents votes.

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 149 est adoptée par 87 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 149 est adoptée par 80 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 149 est adoptée par 81 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur (y compris la clarté) de l'initiative 149 est adoptée par 65 oui contre 1 non et 16 abstentions.

Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 149 est adoptée par 68 oui et 19 abstentions.

Le président. Nous passons au vote final: l'initiative 149 doit-elle être déclarée valide ?

Mise aux voix, la validité de l'initiative 149 est acceptée par 49 oui et 35 abstentions.

L'initiative 149 est donc déclarée valide.

Le président. Je vous fais maintenant voter sur le renvoi à la commission fiscale.

Mise aux voix, l'initiative 149 est renvoyée à la commission fiscale par 85 oui (unanimité des votants).

Le rapport du Conseil d'Etat IN 149-A est renvoyé à la commission fiscale.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 149-B.