République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du samedi 15 septembre 2012 à 8h
57e législature - 3e année - 11e session - 64e séance
PL 10907-A
Premier débat
Le président. Nous en sommes au point 76, PL 10907-A. Ce débat est classé en catégorie II: cinquante minutes, cinq minutes par groupe et par rapporteur. Je donne la parole au rapporteur de majorité.
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. Nous voici à nouveau dans cette salle pour discuter d'un des projets de lois faisant partie du train de mesures du Conseil d'Etat pour générer un certain nombre de recettes fiscales. Celui-ci a pour but de générer 11 millions de recettes fiscales supplémentaires et de supprimer la déduction actuellement prévue dans la LIPP, acceptée par le peuple il y a trois ans, en matière d'assurance-maladie. Pour rappel, la loi actuelle prévoit que l'on puisse déduire le double de la prime moyenne cantonale et à partir de 0.5% pour les frais médicaux. Le projet de loi dont il est question propose de réduire cette déduction à la prime moyenne cantonale et non plus au double de la prime moyenne cantonale.
La majorité vous recommande de refuser ce projet de loi, et j'aimerais aussi rappeler que le même débat avait eu lieu lors de l'adoption en commission puis au parlement de la LIPP, qui a ensuite été acceptée par le peuple. Nous avons donc refait brièvement ce débat en commission.
Mesdames et Messieurs les députés, la majorité vous recommande de refuser le projet de loi pour les raisons suivantes: selon la majorité de la commission, le projet de loi porte clairement atteinte aux intérêts de la classe moyenne et des familles, car ce sont généralement elles qui s'acquittent du montant des primes, alors que certains membres de la population bénéficient de subsides partiels ou entiers de la part de l'Etat pour payer leurs primes. C'est dans le souci de ne pas faire perdre du pouvoir d'achat à cette classe moyenne et aux familles que la majorité a décidé de refuser ce projet de loi. La majorité a également été soucieuse de ne pas bafouer la volonté du peuple, qui s'est exprimé il y a trois ans et a décidé d'accepter cette déduction du double de la prime moyenne cantonale.
Quand bien même l'argument du Conseil d'Etat avait une certaine logique et une certaine cohérence en matière de santé publique, la commission n'a pas été convaincue que la question de la déduction fiscale ait un véritable impact sur le choix du montant de la franchise - et donc de la prime - de l'assurance de base. Contrairement à ce que soutient le Conseil d'Etat, d'autres facteurs ou critères, selon la majorité, motivent en général les assurés à choisir une franchise élevée ou basse. Je pense notamment à l'état de santé, à l'aptitude au risque, au risque d'encourir un certain nombre de frais médicaux durant l'année, etc.
Quand bien même la majorité a reconnu que cet argument avait une logique en tant que tel, la commission a fait une pesée des intérêts en faveur de la classe moyenne et du pouvoir d'achat de celle-ci contre l'argument du Conseil d'Etat. La majorité a également relevé que l'effet incitatif négatif du système que décriait le Conseil d'Etat était moindre que ce que le gouvernement indiquait, dans la mesure où un très grand nombre de personnes bénéficient de primes intégralement payées par le service des prestations complémentaires. D'autres - ils sont plus de 16 000 dans ce canton - bénéficient de subsides partiels de la part de l'Etat en matière d'assurance-maladie. La majorité n'a pas été convaincue par l'argument du Conseil d'Etat affirmant que le fait de prévoir des déductions trop élevées a un impact décisif sur le choix des assurés. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la première minorité, le parti socialiste, est convaincue que, pour une justice fiscale, ce projet de loi est indispensable. Nous l'avions déjà relevé lors des travaux sur la LIPP - loi sur l'imposition des personnes physiques - en 2008; nous revenons sur ce principe de ne pouvoir déduire que la prime moyenne cantonale, dont l'argumentation est également appuyée par les autorités. Ce projet de loi, s'il venait à être accepté, rapporterait environ 11 millions aux finances cantonales. Pour quelles raisons accepter ce projet de loi ? Un quart de la population genevoise a besoin de subsides, totaux ou partiels, pour pouvoir payer ses primes d'assurances-maladie. Une grande partie de ce que vous appelez la classe moyenne, Monsieur Barazzone, ne peut plus s'accorder d'autres cotisations que la moyenne cantonale, afin de simplement pouvoir boucler ses fins de mois.
La droite a décidé de défiscaliser, d'encourager le choix de primes élevées et d'assurances complémentaires. Conserver l'article 32 de la LIPP est contraire à une égalité de traitement face à l'impôt, principe fondateur de nos valeurs constitutionnelles fédérales. Avec cette loi, le droit encourage les personnes qui en ont les moyens de contracter des assurances onéreuses et des complémentaires proposant un service hôtelier haut de gamme lors des hospitalisations. Plus ces cotisations sont hautes, plus le contribuable pourra les déduire fiscalement. Pratiquement, avec la LIPP actuelle, chaque personne peut déduire jusqu'à 926 F de primes mensuelles. Mais, Monsieur Barazzone, combien de personnes peuvent se payer le luxe d'investir des sommes pareilles et obtenir une déduction maximale ? Sur un petit revenu, une cotisation Lamal dans la moyenne cantonale ne changera rien au niveau fiscal. Par contre, un contribuable plus aisé serait tenté de s'assurer sur un montant maximum, obtenant ainsi une déduction maximale. Ce montant important aura un impact non sur les tranches basses ou moyennes de l'assiette fiscale, mais bien sur une tranche haute, ce qui permettrait de modifier un palier fiscal. De ce fait, les déductions s'accumulant dans la LIPP, celle dont il est question aujourd'hui comprise, péjorent les finances publiques. La règle de financement des hôpitaux ayant changé, le canton est obligé de subventionner des prestations dans des cliniques privées, ce qui produit actuellement un boom dans ces cliniques, qui ne cessent de vouloir attirer des clients. Nous nous trouvons dans un jeu dangereux de libre concurrence, dans lequel la droite biaise encore le jeu en injectant des subventions indirectes à ces soins privés, via des déductions fiscales surfaites. Votre position va donc au-delà de la fiscalité. C'est le démantèlement du système de soins pour toutes et tous qui se mène actuellement, dans le refus de ce projet de loi. Les socialistes veulent non seulement abolir une inégalité de traitement fiscal, mais également préserver une santé accessible à toutes et tous. Pour cette raison, nous vous recommandons d'accepter ce projet de loi.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Pour les Verts, ce projet de loi est très intéressant à plus d'un titre. Avant tout financièrement, il ne faut pas le cacher, puisqu'il permettrait d'augmenter les recettes de 11 millions par année. Ensuite, ce projet de loi répond également à une préoccupation de maîtrise des coûts de la santé, sur laquelle je reviendrai plus tard. Enfin, il mettrait fin à un particularisme genevois.
Le premier point sur lequel je voudrais insister est que Genève fait figure d'exception. Nous sommes en effet le seul canton de Suisse autorisant le contribuable à déduire l'entier des primes de l'assurance de base, mais surtout, les primes des assurances complémentaires. Les autres cantons suisses n'acceptent même pas que les primes liées à l'assurance de base soient entièrement déductibles. Or, cette déductibilité des primes a des effets contre-productifs, voire négatifs.
Tout d'abord, cette déductibilité fausse le choix de l'assuré, le détournant des assureurs les moins chers. Ce système peut donc être considéré comme un frein au développement d'une plus grande concurrence entre les caisses et donc ne pas favoriser les baisses des primes d'assurances-maladie.
Ensuite, cette déductibilité décourage aussi les contribuables à opter pour une assurance avec une franchise. Or, les études le démontrent, les personnes n'ayant pas de franchise consomment davantage de soins médicaux que les autres et participent ainsi davantage à l'augmentation des coûts de la santé en Suisse. Il est donc nécessaire aujourd'hui de revenir sur ce système de déductibilité et d'opter pour un dispositif encourageant véritablement les assurés à choisir l'assurance la moins chère et à opter pour des franchises élevées lorsque leurs finances et leur état de santé le permettent.
Pour conclure, je voudrais souligner que la déductibilité des primes de l'assurance-maladie à hauteur de la moyenne cantonale - ce qui nous est proposé dans ce projet de loi - positionnerait toujours Genève parmi les cantons les plus généreux de Suisse. Pour toutes ces raisons, les Verts vous appellent à accepter ce projet de loi.
M. Christo Ivanov (UDC). Le projet de loi 10907 prévoit un plafonnement de la déduction des primes d'assurance-maladie et accident. Le plafonnement de la déduction fiscale serait à hauteur du montant de la prime moyenne cantonale, soit 463 F. Ce projet de loi porte atteinte aux classes moyennes, qui continueraient d'être exposées à des primes d'assurance-maladie Lamal élevées, mais perdraient du pouvoir d'achat, si le montant des déductions devait être diminué. Cela, l'UDC ne peut l'accepter. Les primes d'assurances-maladie Lamal sont obligatoires et pénalisent en particulier les familles. Cette déduction faisait partie du paquet fiscal voté par le peuple trois ans auparavant, dans le cadre du vote sur la LIPP. Une fois de plus, la volonté populaire est bafouée, et l'UDC le dénonce avec fermeté. L'UDC dit non à ce projet de loi, qui, s'il est accepté, pénalisera tous les contribuables, mais spécialement les classes moyennes et les familles. Il convient par conséquent de dire non à ce marché de dupes.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, encore un projet de loi «comment plumer la classe moyenne ?»! Nous en avons une démonstration avec ce texte parlementaire, émanant du Conseil d'Etat. Nous avons les primes les plus chères de la Confédération et l'on veut une fois de plus faire payer le Genevois, en proposant une prime moyenne pour plafonner sa déduction fiscale. Non ! Cela ne va pas. Aujourd'hui une bonne partie de nos concitoyens de la classe moyenne ont encore des assurances complémentaires, souvent une complémentaire en semi-privé, la seule qu'ils peuvent encore se payer. Malheureusement on veut leur supprimer cette possibilité de pouvoir déduire l'entier de ces primes complémentaires. On ne parle même pas de la Lamal. Proposer une prime moyenne pour la déduction impliquerait pour ces citoyens une course à modifier les assurances en fin d'année. Il s'agit de tracasseries supplémentaires et de formalités compliquées. Cela n'est pas correct vis-à-vis de nos citoyens, nous ne sommes pas du tout enclins à accepter l'incapacité des autorités de la Confédération et, bien sûr, du canton à ne pouvoir lutter contre la hausse des primes d'assurance. C'est pourquoi notre groupe dira non à ce projet de loi.
M. Vincent Maitre (PDC). D'emblée, je tiens à préciser le débat, car j'ai souvent entendu les deux rapporteurs de minorité parler de primes d'assurances complémentaires. Pardonnez-moi, mais si l'on s'en tient strictement au projet de loi, nous parlons bien de l'assurance de base. L'assurance complémentaire n'a rien à voir là-dedans. Deuxièmement, vous parlez et vous criez à cor et à cri que vous voulez plus de justice fiscale. Très bien. Pensez-vous qu'il est normal qu'à Genève nous payions plus que nulle part ailleurs dans le monde, probablement, nos primes maladie ? Trouvez-vous également juste que les Genevois aient payé, du point de vue des réserves, en raison de la fédéralisation des primes, beaucoup plus que n'importe quel autre citoyen de ce pays vivant dans un autre canton ?
Enfin, cela a été dit, ce projet de loi grève sensiblement le pouvoir d'achat des familles, le PDC ne peut évidemment pas y être insensible. Quand on sait pertinemment que le paiement des primes d'assurance-maladie par les ménages est un des postes les plus lourds du budget mensuel, nous ne pouvons décemment pas accepter ce genre de projet de loi. L'égalité devant l'impôt, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes en particulier, est belle, vous la revendiquez à chaque fois, mais puisque vous revendiquez ce principe, pourquoi ne déposez-vous tout simplement pas un projet de loi qui vise à imposer une prime d'assurance-maladie en fonction du revenu du contribuable ? A ce moment-là vos voeux seront exaucés, vous ferez payer des dizaines de milliers de francs aux riches par mois et très peu aux classes les plus pauvres. Vous savez très bien que cela est absolument incompatible avec nos principes, et notamment le fameux principe de solidarité, qui devrait pourtant vous parler. Je vous encourage, pour les raisons qui ont été évoquées, en particulier par le rapporteur de majorité, à refuser ce projet de loi.
M. Christophe Aumeunier (L). En ce qui concerne les libéraux, nous refuserons effectivement ce projet de loi et son entrée en matière, parce qu'au fond, comme cela a été dit, il consiste de nouveau à taper sur la classe moyenne. On nous parle ici de générosité quant aux déductions, mais, Madame la rapporteure de minorité, où est la générosité dans ce canton, s'agissant de la progression de la courbe fiscale, s'agissant de la hauteur des primes maladie, qui sont les plus chères de Suisse, et s'agissant de la prise en charge par l'Etat, pour un grand nombre de Genevois, des primes d'assurance-maladie ? Oui, effectivement, il y a la nécessité de pouvoir déduire une partie de ses primes maladie, nécessité éminente pour notre classe moyenne, qui, nous le savons, est celle qui est la plus comprimée dans ce canton, celle qui supporte les charges les plus élevées et qui, à la fin du mois, se retrouve avec le revenu disponible moindre. En outre, les libéraux sont également sensibles à la liberté de pouvoir s'assurer avec une complémentaire. Pour toutes ces raisons, nous refusons l'entrée en matière dans ce projet de loi.
M. Pierre Conne (R). Chers collègues, la chancellerie a publié l'année dernière, sous un format de passeport suisse, des chiffres très intéressants: «Genève autrement». Quand vous ouvrez ce livret, sur la première page, la première information quelle est-elle ? Le revenu disponible des Genevois, après payement des impôts et du loyer, est le plus bas de Suisse. Si nous considérons d'abord la partie fiscale, on s'aperçoit que, dans le cadre de la péréquation financière suisse et de l'impôt fédéral direct, les Genevois paient pour les autres cantons. S'agissant des primes d'assurance-maladie, nous savons, et notre parlement et le Conseil d'Etat s'en occupent depuis la législature précédente, que les Genevois paient les réserves pour les résidents d'autres cantons. Cela est le cadre.
Revenons donc à ce projet de loi. Que propose-t-il ? Il propose d'augmenter encore davantage la charge des citoyens genevois en matière d'assurance-maladie. Car, à l'heure actuelle, chaque résident peut déduire, comme cela a déjà été indiqué, le double de la moyenne de la prime d'assurance de base genevoise. Le projet de loi propose de réduire cela de moitié, c'est-à-dire à la moyenne de la prime d'assurance de base. Il est absolument exclu que le groupe libéral et le PLR acceptent ce projet de loi.
J'aimerais faire une petite remarque s'agissant des primes d'assurance complémentaire privée et préciser que la loi actuelle prévoit que, jusqu'à concurrence du double de la moyenne de l'assurance de base, il est possible de déduire le paiement de la prime d'assurance de base et les primes d'assurances complémentaires. Mais est-ce vraiment encourager ceux qui le peuvent, en raison d'un revenu suffisant, à conclure des contrats d'assurance privée ? Quand on observe la réalité, les choses sont tout autres. Pourquoi ? Parce que les personnes qui sont quinqua-, sexa-, septuagénaires et plus, sont des personnes qui sont liées à leur contrat d'assurance complémentaire privée, sachant que s'ils la quittent éventuellement pour s'adresser à une compagnie qui offrirait des primes plus intéressantes, ils n'arriveront simplement pas à conclure un nouveau contrat. Ces personnes, qui ne sont pas forcément des personnes à haut revenu, peuvent certes changer leur assurance de base, mais pas leur assurance complémentaire. Je pense que, pour cette raison, il est important d'être attentif, évidemment au revenu disponible de la classe moyenne, mais particulièrement au revenu des plus âgés, qui tiennent à l'assurance complémentaire privée, qui se sacrifient pour cela et qui ne peuvent pas s'en passer à l'heure actuelle. Donc s'il vous plaît, soyons raisonnables. Pensons à l'ensemble de la population et particulièrement aux revenus qui ne sont pas forcément les plus aisés, surtout pour les personnes d'un âge avancé, et n'acceptons pas ce projet de loi dans la situation actuelle.
M. Bertrand Buchs (PDC). Il est vrai que chaque fois que l'on parle d'une augmentation des impôts, le réflexe est de dire «on n'en veut pas». Mais ce projet de loi est vraiment malvenu, parce qu'il touche quelque chose de vraiment important pour la totalité de la population: les primes d'assurance-maladie. Pourquoi ? Parce que l'idée qui a été émise par les rapporteurs de minorité, disant que les riches payeront de hautes primes d'assurance-maladie et que les gens moins aisés payeront des basses primes, est complètement fausse ! C'est le contraire. Les gens aisés font extrêmement attention aux primes d'assurance-maladie qu'ils payent, ils vont comparer les différentes assurances-maladie et vont discuter de leur prime, alors que les personnes âgées ou les personnes à faible revenu ne feront, elles, pas attention à leurs primes et tiendront compte de leur assurance.
Les gens sont extrêmement liés à leur assurance-maladie et désirent même ne jamais en changer. Je me bats chaque année pour demander aux personnes de changer de caisse maladie, mais elles ne le font pas. Lorsque l'Etat demande à des personnes percevant un subside d'assurance-maladie de changer de caisse maladie, afin d'obtenir une prime plus basse et devoir rembourser moins de prime, les personnes ne changent pas d'assurance. Je m'excuse, mais ce projet de loi ne touche pas les gens aisés, il touche les gens peu aisés et la classe moyenne ! Celle qui paie le plus. L'argument définitif est de dire: les Genevois, qui ont payé trop de réserves, ne verront probablement jamais cet argent revenir à eux. Ce n'est pas le moment de péjorer leur revenu.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, et je ne vais pas répéter ce que vous avez déjà entendu. Je voulais simplement faire une remarque dans ce débat qui me paraît surréaliste, dans lequel la gauche semble avoir pris la place de la droite en demandant que l'on diminue les déductions fiscales qui profitent à la classe moyenne et à la classe moyenne inférieure, non pas aux plus démunis qui, eux, voient leurs primes intégralement payées par l'Etat, alors que, d'un autre côté, nous avons une droite qui soutient le maintien de ces déductions fiscales.
Deux remarques: on nous dit qu'il faut inciter les gens à changer de caisse et que le moyen de les inciter est précisément de les amener à concevoir que seule une partie des primes qu'ils paient sera déduite - l'équivalent de la prime moyenne cantonale. Il faut donc qu'ils s'approchent de cette prime moyenne cantonale pour pouvoir obtenir une déduction totale. C'est, de cette manière, inciter ce tourisme annuel que l'on connaît et qui ne sert manifestement à rien, si ce n'est à faire tourner les poissons dans le même bocal, poissons que nous sommes tous, ayant l'illusion d'être dans la mer, alors que finalement ce sont les assureurs qui nous font passer d'un coin à l'autre de l'aquarium. Ce tourisme annuel de changement de caisse pour s'affilier à la meilleur marché ne sert à rien, puisque vous connaissez les effets pervers du système: la caisse qui attire le maximum d'assurés voit automatiquement ses primes augmenter l'année suivante, par le simple effet des vases communicants. On ne peut pas différencier les primes pour les anciens et les nouveaux assurés.
Deuxièmement, on pénalisera ceux qui ont des assurances complémentaires et qui sont de moins en moins nombreux, puisque ces personnes qui avaient pris, des décennies auparavant, des assurances complémentaires en perspective des besoins qu'elles auraient plus tard dans la vie, sont à présent contraintes d'y renoncer, car elles ne peuvent tout simplement plus y faire face. Ces personnes, vous les pénaliserez alors même que, par leurs assurances complémentaires, elles soulagent les coûts supportés par la collectivité dans le cadre de l'assurance-maladie. Il est important de le savoir. Malgré toutes les velléités de nos assureurs qui visent à réduire, année après année, leurs prestations au titre de l'assurance complémentaire - et nous en avons la preuve, en tout cas depuis le début de l'année, puisqu'elles essaient de se rattacher aux prestations de l'assurance de base pour pouvoir payer de moins en moins - il n'en demeure pas moins que le fait d'avoir une assurance complémentaire et de permettre l'intervention de celle-ci soulage le coût de la collectivité concernant les coûts de la santé. Il faut donc permettre ces déductions fiscales et s'y opposer, comme le fait la gauche, me paraît totalement absurde.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons d'un côté une politique affirmée de vouloir réduire les coûts de la santé et, de l'autre, la possibilité à Genève, non pas de déduire la prime moyenne cantonale de sa déclaration d'impôts, mais le double. Cela est absurde, cela n'a pas de sens et, pour réagir à l'intervention de M. Poggia, personne n'est obligé de souscrire à une assurance complémentaire. Lorsqu'on est dans une situation de revenu limité, eh bien on limite ses coûts de la santé, parce qu'il s'agit, en moyenne, de la deuxième dépense la plus lourde sur un budget mensuel. Cela se passe ainsi. Dans la situation actuelle, l'Etat de Genève promeut la consommation de l'assurance complémentaire: cela n'a pas de sens. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à accepter ce projet de loi.
M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, je constate, comme hier, la similitude entre le gouvernement français et la manière dont notre gouvernement appréhende ce problème. La seule différence est que j'ai revu mes calculs, puisque le conseiller d'Etat M. Hiler m'a fait remarquer qu'ils n'étaient pas exacts. Une fois mes calculs revus, j'avoue qu'ils sont pires ! Puisque la dette de la France est de 1717 milliards pour 65,7 millions d'habitants, chiffres au 30 juin de cette année, nous arrivons donc à une dette moyenne en France de 26 000 F par personne. Le même calcul donne 32 500 F pour Genève. C'est dire le grand problème que nous avons à Genève, c'est-à-dire non seulement la dette, mais également les décisions que nous continuons à prendre pour faire augmenter cette dette pour les générations à venir. La démarche, comme je vous le disais, est similaire. On cherche partout des moyens de trouver quelque argent pour compenser des pertes fiscales et arriver à équilibrer le budget. Le budget que l'on nous a annoncé sera déficitaire, si j'ai bien entendu hier soir, de l'ordre de 700 millions. Les 11 millions que nous demande ce projet de loi vont à nouveau être cherchés sur le dos des contribuables en créant pratiquement un nouvel impôt, puisqu'il s'agit d'une augmentation d'impôts. Cela n'est pas acceptable. Si l'Etat veut réellement retrouver les chiffres noirs, il doit avant tout revoir les structures de l'Etat, revoir ses charges, plutôt que d'aller chercher, au contraire, de l'argent à l'extérieur pour gonfler les recettes et essayer ainsi d'équilibrer ses comptes.
M. Stéphane Florey (UDC). Vous transmettrez, particulièrement au parti socialiste, qu'il doit arrêter de taper sur la classe moyenne quand cela l'arrange. J'aimerais lui rappeler que l'UDC avait déposé un projet de loi qui aurait permis une économie au Conseil d'Etat tout en évitant de taper justement sur la classe moyenne. Il s'agissait du projet de loi qui proposait de ne subventionner que le montant de la prime minimum, par exemple pour les personnes étant à l'OCPA et toutes les couches défavorisées. Ce projet de loi, vous l'avez refusé, Mesdames et Messieurs les socialistes. Alors arrêtez de nous taper dessus et revenez un peu à la réalité !
M. Pierre Conne (R). Chers collègues, je souhaite préciser un argument que j'ai entendu tout à l'heure dans la bouche d'une de mes préopinantes. Ce projet de loi n'aura strictement aucun effet sur les coûts de la santé. Il s'agit là d'une question purement fiscale. Les coûts de la santé sont liés directement à la quantité des services médicaux et au prix des services médicaux. Dans ce projet de loi, il est question du montant que l'on va déduire de son revenu par rapport aux primes que l'on a payées. La question de la hauteur de la prime, elle, est liée évidemment aux coûts de la santé. Mais la part que nous allons déduire n'est pas du tout liée au coût des soins. Il s'agit de préciser dans quel débat nous nous trouvons. Nous ne sommes pas dans un débat sur les coûts de la santé, nous sommes dans un débat fiscal. Il s'agit de savoir quelle part il sera possible de déduire de son revenu.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais enfoncer le clou après ce qu'a dit M. Conne. Je crois qu'il faut cesser de mélanger les coûts de la santé et les coûts des primes d'assurance-maladie. M. le conseiller d'Etat, M. Unger, depuis des années, nous répète qu'il n'existe aucune relation entre les primes d'assurance-maladie payées par le canton de Genève et les coûts de la santé. Le canton de Genève a consenti un énorme effort pour limiter les coûts de la santé, a réussi à les limiter avant que l'augmentation des cabinets médicaux n'explose. Or, vous n'avez pas constaté une diminution de votre prime d'assurance-maladie. Ne mélangez pas, vous ne pourrez pas faire baisser les coûts de la médecine en baissant les primes d'assurance-maladie. Cela n'a strictement rien à voir. Les coûts de la santé n'ont rien à voir avec ce que les gens paient, car d'autres composantes entrent en jeu. Si l'on veut diminuer les coûts de la santé, il faut prendre des décisions autres, qui ne concernent pas les primes d'assurance-maladie.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement m'étonner des interventions de MM. Conne et Buchs, parce qu'ils sont tous deux des professionnels de la santé, ils sont tous deux médecins et je trouve que leurs interventions, dans le cadre de ce débat, sont particulièrement inappropriées. Il s'agit d'un cas classique d'article 24, parce que les intérêts des médecins sont évidemment d'avoir le maximum de frais pris en charge par la collectivité publique. En l'occurrence, permettre une déduction de la prime moyenne revient bien entendu à favoriser la classe moyenne. Aller au-delà revient à favoriser les hauts revenus et les privilégiés et, donc, lorsqu'il s'agit de faire des efforts, il s'agit de ne pas d'octroyer des cadeaux aux plus riches d'entre nous.
M. Pierre Conne (R). Je souhaite répondre à la mise en cause dont j'ai fait l'objet et préciser que je suis fonctionnaire, qu'à ce titre j'ai voté d'ailleurs hier la loi sur la fusion des caisses de pensions et que, dans le cadre de mes activités hospitalières, je suis salarié et je n'ai aucun revenu supplémentaire lié à une activité privée. Pour ma part, je n'ai jamais rien facturé à l'assurance-maladie. Je pense donc être parfaitement à l'aise et sans aucune position de conflit d'intérêt sur ce débat. En plus de cela, je suis commissaire à la commission fiscale et il me semble que, dans ce cadre-là, les remarques qui m'ont été adressées sont complètement déplacées. Merci. (Applaudissements.)
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir sur l'argument principal qui a été évoqué par les rapporteurs de minorité et qui sera certainement évoqué par M. Unger au nom du Conseil d'Etat, il s'agit de l'argument de la cohérence, qui dit que revenir au système antérieur fera en sorte que les assurés choisiront des primes plus basses. Mesdames et Messieurs, si cet argument était vrai, nous le saurions, puisque le système projeté par le projet de loi existait avant l'adoption de la LIPP. Et, déjà à cette époque-là, tout le monde disait que les gens ne choisissaient pas les primes les plus basses. Faire croire que, par l'adoption de ce projet de loi, nous allons changer les comportements est simplement une erreur et c'est se tromper soi-même. Le Conseil d'Etat, c'est son rôle, dira qu'il est nécessaire d'avoir un système cohérent. Mais nous, nous appliquons un principe de réalité. Et la réalité démontre, toutes les études sérieuses démontrent, qu'à revenu égal les citoyens genevois et les habitants de ce canton ont un pouvoir d'achat, en valeur absolue, bien moins élevé que celui des assurés des autres cantons. Dans le respect de ce principe et uniquement pour cette raison-là, la majorité vous recommande de ne pas faire perdre du pouvoir d'achat aux familles et aux classes moyennes.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Guillaume Barazzone. Je conclus en vous demandant, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, de refuser ce projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Dans ce débat, deux niveaux: effectivement beaucoup de médecins ont pris la parole concernant la santé. Je souhaiterais rappeler aux députés PDC que, dans ce projet de loi, on parle de primes d'assurance-maladie et non de primes d'assurance-maladie de base. Les complémentaires sont donc inclues dans les déductions possibles. Au niveau de la santé, s'il est vrai que les personnes âgées doivent conserver leurs complémentaires, c'est bien parce qu'un problème de qualité des soins existe. Si, avec l'assurance de base, les soins et le suivi étaient idéaux, une complémentaire ne serait pas nécessaire. Ensuite, par rapport à ce projet de loi, qui est un projet de loi fiscal, en termes d'égalité par rapport à la fiscalité, le seul moyen d'introduire une égalité de traitement est de trouver un dénominateur commun à tous les citoyens et tous les contribuables. Actuellement, la loi telle qu'elle est ne comporte pas de dénominateur commun. Du moment qu'une plus grande déductibilité est permise, on avantage les personnes à plus haut revenu ou ayant le plus de fortune. Cela est mathématique, inéluctable. Dire que l'on touche la classe moyenne et la classe moyenne inférieure est faux. Actuellement, la classe moyenne inférieure, à Genève, ne peut plus se permettre de s'assurer par des complémentaires. Cela est la réalité du terrain, Mesdames et Messieurs. Je crois que vous devriez y descendre un peu. Nous vous demandons donc d'accepter ce projet de loi.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je tiens à remercier M. Barazzone pour avoir remis l'église au milieu du village, à savoir que ce projet de loi n'est pas une idée farfelue des Verts et des socialistes, il s'agit d'un projet de loi qui nous est présenté par le Conseil d'Etat, à majorité de droite, qui, il me semble, n'est pas si farfelu. Vous vous plaigniez du fait que les primes sont trop élevées. Oui, elles le sont et nous le regrettons tous. Ce n'est pas juste, nous devons payer énormément. Mais ce projet de loi, comme l'a dit Mme Lydia Schneider Hausser, permet en fait aux personnes à hauts revenus de déduire l'entier des complémentaires qu'ils ont choisies. Ce sont souvent des choix de vie qui amènent les gens à choisir ces complémentaires extrêmement chères et je ne trouve pas juste que nous permettions aux gens aisés - et non à la classe moyenne, comme on veut le faire croire - de bénéficier d'une telle ristourne sur les impôts. Enfin, j'ai écouté tous vos arguments, notamment celui affirmant que «le fait de retirer la déductibilité totale de ce que nous payons en assurances-maladie ne va pas favoriser la libre concurrence entre les caisses et ne va pas induire chez le consommateur la volonté de s'affilier à une caisse moins chère». Apparemment, la libre concurrence entre les caisses n'est donc pas la solution. Alors quelle est-elle ? La prime unique ! Et nous nous trouvons tous au même stade. La première étape est donc d'accepter ce projet de loi, puis de passer à la caisse unique.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout ou presque a été dit dans le débat qui nous occupe. Je n'ai pas été particulièrement sensible - pas plus probablement que mes collègues - aux arguments de la lutte des classes, qui sont du type de ceux du XIXe siècle. Les problèmes se posent d'une manière un peu différente. Personne n'a parlé de la mesure complémentaire qu'apporterait l'impôt dans le cas présent, qui est la mesure d'efficience de l'AFC. En effet, déduire par âge et par sexe un montant donné, est plus simple que d'aller vérifier des bouts de factures cornés, salis avec une tache de café, ce qui prend un temps considérable. Je ne sais pas si mon collègue pourra vous dire combien de postes cela concernerait, mais ces postes pourraient être utilisés à faire mieux que des additions individuelles de primes individuelles, que tout le monde veut pouvoir déduire de manière individuelle. Je crois que tous ceux qui sont attachés à l'efficience de l'Etat auront compris cela.
Cela n'a pas d'influence sur les coûts de la santé, nous sommes entièrement d'accord à ce sujet, il ne faut pas tout mélanger. En revanche, on se reparlera prochainement, vraisemblablement en octobre, quand le Conseil fédéral publiera les primes d'assurances-maladie, de ces caisses qui, non seulement, en termes d'assurance de base, se contentent d'être les plus chères de Genève, mais qui, par ailleurs, augmentent le plus à Genève, alors qu'elles ont plus de 100% de réserves. Ce sont vraiment ces gens-là que vous voulez indirectement subventionner en empêchant de dire aux gens «si vous prenez cette assurance, vous ne pourrez déduire, comme tout le monde, que la prime moyenne cantonale» ?
Je trouve que nos discours pourraient prendre un caractère un peu schizophrène. On ne peut pas dans le même temps, vu sous l'angle de celui qui paie la prime, défendre des choses que j'entends volontiers de la part des uns et des autres et, d'un autre côté, ne pas se rendre compte qu'il s'agit d'une subvention indirecte à un certain nombre de caisses qui se comportent comme des voleurs. Nous l'avons souvent partagé. Il s'agit du moyen le plus simple d'éviter la publicité que l'on fait chaque année par des pages entières dans les journaux, disant aux gens «assurez-vous, pour l'assurance obligatoire de soins, à des assurances ne dépassant pas la prime moyenne cantonale». Le plus simple, c'est de le prêcher par l'exemple, en leur disant «si vous payez plus, vous ne pourrez pas le déduire». Le but n'est pas uniquement que cela rapporte de l'argent, le but est aussi pédagogique. Il est vrai que ce raisonnement ne s'applique pas à l'assurance complémentaire, cela est d'une autre nature. Or, vous savez que les assurances complémentaires sont désormais, grâce à une loi fédérale, subventionnées très largement par les pouvoirs publics. Il nous faut là aussi être vigilants, puisque vous savez bien que la part cantonale dans le financement des hospitalisations privées n'est pas pour améliorer le sort des cliniques, mais pour améliorer le sort des assurances complémentaires. On ne peut pas d'un côté avoir un discours véhément sur les caisses d'assurances et leurs départements et, d'un autre côté, éviter une mesure simple qui permettrait tout à la fois de décourager ces comportements et de rapporter 11 millions à l'Etat, d'après l'évaluation qui en a été faite. Je vous rappelle, le ministre des finances vous en a parlé hier soir, que ces 11 millions pourraient se traduire, l'année prochaine, par cent postes d'infirmières dans les hôpitaux. Nous verrons si les gens préfèrent avoir les infirmières et renoncer à ces 11 millions d'économie totalement factice, qu'on leur fait faire, ou le contraire. Merci de votre attention.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crains de n'avoir pas été bien compris par votre collègue M. Bertinat. Je recommence un peu plus lentement. Du fait des décisions que vous avez prises hier soir, et comme nous l'avons fait connaître par un communiqué de presse datant de début septembre, le déficit 2012 - et non pas 2013 - sera équivalent à 750 millions de francs, imputables pour l'essentiel, vous l'aurez compris, à la question des caisses de pensions, d'autres éléments non récurrents, voire comptables en l'occurrence, venant améliorer quelque peu le résultat.
Le problème ne se pose pas cette année. Le problème se posera les années suivantes. Ce que j'ai essayé de vous indiquer hier, en début de débat, c'est que par rapport à la planification de l'année passée, qui nous permettait de revenir, en 2014, à l'équilibre. Nous avions de facto, 70 millions de retard. Parce que, certes, vous vous apprêtez, et je vous en remercie, à voter des mesures qui compensent un certain nombre de votes négatifs que vous avez fait dans le domaine des recettes fiscales et que vous continuez à faire, mais il n'est pas dans l'intention du Conseil d'Etat, au vu de l'absence d'une crise majeure, pour le moment, en Europe, de venir avec des centimes additionnels sur la fiscalité ordinaire. Ainsi, tout en respectant parfaitement notre planning sur les charges, 70 millions restent à trouver. Si cela ne se fait pas, vous aurez le 31 mars 2014 une liste d'économies, sur laquelle nous allons travailler dès à présent, que nous opposerons individuellement à des augmentations d'impôts, comme le veut la constitution, que vous êtes nombreux à avoir soutenue ici. L'addition, comme l'a dit mon collègue M. Unger, peut prendre ce genre de forme.
Ce que je veux surtout vous dire, c'est que ce retard de 70 millions que nous avons, vous pourrez bien sûr le compenser sur les charges, mais alors accrochez-vous, parce qu'il n'y a que 71 millions de charges libres supplémentaires sur le prochain budget. Tout le reste est contraint ou relève de la mécanique comptable. Contraint signifie qu'il s'agit d'une obligation à l'égard de tiers, sur lequel on ne peut pas revenir. Curieusement, nous avions eu l'idée, mais sans doute ne vous plaira-t-elle pas, de concentrer cette augmentation de ressources sur la justice, la sécurité, l'enseignement, puisque vous avez voté et plébiscité des réformes assez coûteuses, que ce soit le cycle d'orientation ou le mercredi matin d'école, et en dernier lieu la mobilité, car il semblait y avoir un vague problème.
Mesdames et Messieurs, il faudra être cohérents. Les 70 millions que vous ne voulez pas donner, en partie pour des «Genferei», vous êtes les rois de la «Genferei», laissez-moi vous le dire: la déduction sociale pour indépendant, pas un seul canton en Suisse ne l'a. Mes collègues suisses, cela les fait mourir de rire ! Nous avons la plus haute déduction sociale pour la fortune, pour tout le monde, puis encore une déduction sociale pour les indépendants. Allez raconter cela à un Zurichois. En effet, jusqu'à 150 000 F, on paie moins d'impôts à Genève qu'à Zurich. Comme cela a été dit, cela dépend de qui l'on veut protéger. Ensuite, pas un canton ne prend l'entier de la prime maladie en déduction ! Le canton de Vaud voisin, qui a une fiscalité sans doute moins avantageuse que la nôtre à l'heure actuelle, ne permet qu'une partie de déduction. Je comprends bien, Mesdames et Messieurs, et nous affronterons, dès la fin de ce mois, ce problème avec vous, que ce qui vous dérange est, globalement, d'avoir une imposition relativement élevée de la fortune - cela est vrai, c'est le seul cas dans lequel j'admets la comparaison avec la France - mais sans dire qu'à force d'introduire des correctifs divers et variés, telles que valeurs totalement fantaisistes des biens immobiliers, déductions pour des catégories particulières; nous sommes dans une apparence de fiscalité élevée.
Nous allons vous mettre tout cela sur la table et vous verrez ce que vous voulez en faire. Mais ne continuez pas à dire que, parce que les taux sont en apparence élevés, la fiscalité est si élevée que ce que l'on dit. En réalité, les taux sont maintenus élevés parce qu'on multiplie les exceptions, les dérogations, la non-prise en compte des lois fédérales et de la réalité économique. Vous aurez l'occasion, le Conseil d'Etat vous la donnera, de corriger tout cela, sans forcément augmenter d'un seul sou, les recettes fiscales. Pour le moment, la meilleure conclusion que l'on peut donner à ce débat est qu'en refusant ce jour cette mesure vous êtes à peu près sûrs de la voir revenir et elle sera opposée à une baisse de prestations dans les hôpitaux. Le peuple tranchera et je ne suis pas sûr qu'il le fasse dans le sens où la majorité le prévoit ici.
Le président. Je fais voter au vote nominal l'entrée en matière du projet de loi 10907.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10907 est rejeté en premier débat par 60 non contre 26 oui et 1 abstention.