République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10903-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (suspension en 2013 et 2014 du dispositif relatif à la charge maximale - bouclier fiscal)
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (R)
Rapport de première minorité de Mme Mathilde Captyn (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Christian Dandrès (S)

Premier débat

Le président. Il est bientôt 9h. Nous passons au projet de loi 10903-A. Monsieur le rapporteur de majorité vous avez la parole.

M. Pierre Conne (R), rapporteur de majorité. Chers collègues, au vu des efforts nécessaires à réaliser pour atteindre un retour à l'équilibre budgétaire, le Conseil d'Etat propose d'accroître les recettes de l'Etat, plutôt que de réduire ses charges, et donc d'augmenter les impôts. Dans le cas présent, il s'agirait de suspendre le bouclier fiscal pour 2013 et 2014. Qu'est-ce que le bouclier fiscal ? Lorsqu'on est obligé de dilapider sa fortune pour payer ses impôts, l'impôt est alors confiscatoire, ce qui constitue pour le Tribunal fédéral une entorse à la garantie de la propriété établie par la Constitution fédérale.

Le bouclier fiscal intervient alors afin d'éviter ces situations iniques. Le bouclier fiscal est compatible avec la loi fédérale LHID et justifié sous l'angle constitutionnel comme une protection contre la fiscalité confiscatoire. Le bouclier fiscal fait en sorte que les contribuables ne supportent pas une charge d'impôts supérieure à 60% de leur revenu, impôt fédéral direct non compris. En ajoutant l'impôt fédéral direct, on peut atteindre, déjà à l'heure actuelle, un impôt de 72%. Ce dispositif, similaire à celui adopté par le canton de Vaud, est destiné à préserver ce qu'il reste de l'attractivité fiscale du canton de Genève, qui connaît le taux d'imposition sur la fortune le plus élevé de Suisse - et l'impôt sur la fortune en Suisse est déjà extrêmement lourd en comparaison internationale. Le bouclier fiscal est donc une mesure qui se justifie pleinement cela d'autant plus qu'à l'heure actuelle les rendements de fortune sont très faibles, voire parfois négatifs.

La majorité de la commission fiscale est d'avis que ce projet de loi n'est ni souhaitable, ni nécessaire, bien au contraire. La suspension du bouclier fiscal constituerait pour les finances publiques et l'économie genevoise un véritable auto-goal. La levée n'est pas vraiment souhaitable. L'existence de ce plafond de taxation s'inscrit dans le cadre d'une vaste réforme fiscale, adoptée par le peuple en 2009, après des mois de travaux ayant abouti à un fragile équilibre. Il serait malvenu de le remettre en cause par la suppression d'une brique de l'édifice - édifice qui d'ailleurs bénéficie essentiellement aux familles. Une telle augmentation d'impôts n'est pas nécessaire pour trouver de nouvelles recettes.

La majorité de la commission estime que le Conseil d'Etat dispose d'autres outils, moins dommageables, permettant d'atteindre le même but, comme en atteste le projet de loi sur les intérêts différenciés, PL 10967, devant rapporter, selon le gouvernement, 70 millions de francs, soit le double du présent projet.

Soyons attentifs au fait que le canton de Vaud pratique également le bouclier fiscal à 60% et, si Genève suspend ce dispositif de protection fiscale, de nombreux excellents contribuables viendraient à échapper au fisc genevois en se déplaçant ne serait-ce que de quelques kilomètres, dans le canton de Vaud. La perte serait alors toute autre que le prix de la protection en vigueur. La suspension du bouclier fiscal constitue une menace pour les recettes fiscales et les impacts sur l'économie locale pourraient être catastrophiques. Sur la base de ces arguments responsables, la majorité de la commission fiscale vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le présent projet de loi et de maintenir le bouclier fiscal. (Applaudissements.)

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi souhaite suspendre durant deux ans le bouclier fiscal, qui est entré en vigueur avec la dernière réforme des impôts. Cette mesure pèse tout de même 40 millions de francs, en termes de recettes publiques, ce qui n'est pas négligeable en période de creux économique. C'est ce contexte qui a visiblement amené le Conseil d'Etat a proposé sa suspension, en décembre 2011, au vu des années difficiles qui s'annoncent.

Les Verts s'étaient déjà positionnés sur le bouclier fiscal lors de la dernière réforme des impôts. Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez donc notre position, le bouclier fiscal n'est pas une bonne mesure. Il va à l'encontre du principe de progressivité de l'impôt. Il s'agit d'un cadeau aux contribuables dotés d'un revenu important de ce canton. Il crée une sorte d'injustice devant l'impôt et, comme je l'ai déjà dit, il constitue par ailleurs un manque à gagner de 40 millions pour les finances publiques. Un élément qui doit être ajouté est qu'il constitue une de ces exceptions de plus à la progressivité que l'on vote, du moins pour la majorité du Grand Conseil, et cela est évidemment très problématique. Nous avons donc été satisfaits de voir le Conseil d'Etat déposer ce projet de loi, car malgré de nombreuses nouveautés qui nous ont fait soutenir la baisse d'impôts, la pilule du bouclier fiscal a été difficile à accepter.

Depuis, la conjoncture économique maussade ne s'est pas améliorée. Le franc fort affecte l'économie genevoise et il est donc nécessaire de mettre fin à quelques largesses fiscales qui avaient été adoptées lors de cette réforme. Or, il semble que la majorité de droite ne soit pas sortie des années folles du nouveau millénaire. Mais le vent a bel et bien tourné. La France de M. Sarkozy, le pays qui a si fortement inspiré l'Entente au moment de sa proposition d'instaurer un bouclier fiscal, a entre-temps abandonné son bouclier fiscal, le 28 juillet 2011.

Vous aurez donc compris, Mesdames et Messieurs les députés, que nous souhaitons non seulement suspendre le bouclier fiscal, mais, dans l'absolu, nous préférerions l'abandonner simplement. Ce qui est certain en revanche, si l'Entente reste sur ses positions dogmatiques, c'est qu'il ne s'agira bientôt plus d'accepter ou de refuser une mesure douce - telle qu'elle nous est proposée ici - mais bien de choisir entre une hausse d'impôt et une baisse réelle des prestations. Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, il est non seulement triste qu'une majorité de ce parlement défende les intérêts des plus nantis de notre société, au détriment de la majorité, aux revenus faibles et moyens, mais il est également grave qu'en période de difficultés économiques un effort temporaire des personnes fortunées ne soit pas accepté.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la situation financière du canton nous a été rappelée par M. Hiler. Il nous a indiqué, et il est important de le souligner, que le déficit sera de 750 millions de francs. Dans ce contexte, même l'Entente a reconnu que des mesures fortes s'imposaient; je vous renvoie au rapport de M. Conne. C'est précisément ce qu'a fait le Conseil d'Etat lorsqu'il a déposé ce bouquet de lois fiscales pour corriger les perspectives, qui avaient malheureusement été mal évaluées dans le plan financier quadriennal 2012-2015. Il faut préciser également que les mesures proposées par ces quatre projets de lois frappent toutes à la marge: elles travaillent sur les déductions ou sur les frais de prélèvement de l'impôt à la source.

En cohérence avec la position qui était la sienne en 2009, le Conseil d'Etat a proposé de geler temporairement le bouclier fiscal. Je dis en cohérence pour une raison assez simple. Vous vous souvenez qu'en 2009 le gouvernement avait estimé que les largesses fiscales que l'Entente avait réclamées à cor et à cri étaient supportables compte tenu des perspectives d'alors. Malheureusement pour le canton, l'Histoire ne lui a pas donné raison. A cet égard, j'aimerais rappeler que la responsabilité du Conseil d'Etat est grande, dans la mesure où il n'était pas nécessaire d'être un grand prophète pour deviner en 2009 que ce bouclier fiscal, en plus d'être une infamie politique, serait également une hérésie budgétaire. A présent, nous pouvons prendre toute la mesure du désastre.

Contre toute attente, l'Entente et les partis qui se prévalent d'habitude de la rigueur budgétaire refusent de suspendre temporairement, je souligne temporairement, ce bouclier, comme ils ont refusé ou vont refuser les trois autres projets de lois dont nous débattons au cours de cette session. L'on peut qualifier cette démarche de frénésie, parce que les députés de la commission des finances ont non seulement rejeté ces quatre projets de lois, mais en plus, pris dans leur élan, ont refusé les autres points à l'ordre du jour de cette séance-là, y compris le projet de loi 10924, qui pourtant était une simple mise en conformité de la législation cantonale au droit fédéral. Je me réjouis donc que nous débattions de ce texte et de lire le rapport de M. Ivanov, pour voir comment il réussira à justifier ce choix.

J'aimerais en revenir à l'argumentation développée par l'Entente et par le rapporteur de majorité sur le présent projet. Je pense qu'il faut saluer l'effort qu'il a déployé pour pouvoir justifier la décision de son groupe. Il file la métaphore de la manière suivante: la LIPP, depuis 2009, serait devenue favorable aux familles; la pierre d'angle de cette réforme est le bouclier fiscal et, donc, du coup, en retirant temporairement le bouclier fiscal, tout le système va s'écrouler et ensevelir les familles. On nous sert également la concurrence fiscale avec le canton de Vaud, ainsi que la volatilité des électeurs fortunés, soit les quelque 1300 personnes qui sont concernées par ce projet. J'aimerais rappeler qu'une étude a été effectuée par Standard & Poor's en 2010 qui explique que, contrairement à ce qui avait été indiqué, la moyenne fiscale cantonale se situe dans la moyenne nationale; je vous renvoie à ce rapport très intéressant.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir à présent sur la question politique qui avait été celle de 2009: à cette date, l'Entente avait réussi à faire passer le bouclier fiscal en l'enrobant d'un papier cadeau, le splitting, en disant qu'il s'agissait de soutenir les familles. Le bilan nous est à présent connu, et ses conséquences, pour reprendre les mots du rapporteur de majorité du projet d'hier, risquent d'anéantir les familles avec l'application du frein à l'endettement. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut donner aux familles et à la population genevoise le dernier mot dans cette affaire. M. Meylan criait hier soir - je dis crier parce que vous n'aviez pas la parole - que le paquet fiscal avait été accepté par la population. Monsieur Meylan, adoptez cette loi et laissez le peuple choisir. Je suis surpris de constater que, dans cette perspective, votre foi populaire commence à vaciller. Et je pense, Monsieur Meylan, que vous n'avez pas tort.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'adage qui dit que trop d'impôt tue l'impôt doit être la règle ce matin, dans ce parlement. Lorsque l'impôt frise l'impôt confiscatoire, il n'est plus acceptable que le citoyen soit spolié à ce point. Le peuple a voulu et a plébiscité le bouclier fiscal. Le groupe MCG refusera donc ce projet de loi du Conseil d'Etat. J'aimerais corriger les propos de ma préopinante indiquant que l'Entente allait refuser les quatre projets de lois. C'est faux, puisque nous avons appris avec bonheur, au Mouvement Citoyens Genevois, qu'au sujet de la rétribution des entreprises concernant l'impôt à la source, l'Entente allait voter cette réduction, ce qui amènera plus de sous dans les caisses de l'Etat. Nous nous sommes toujours positionnés pour un Etat social efficace, mais pas avec des ponctions telles que vous les concevez à la gauche de ce parlement. Une économie forte est nécessaire pour avoir une politique sociale efficace et ce n'est pas sur ceux qui créent des richesses et qui peuvent donc se développer et investir qu'il faut taper à longueur d'année. Pour ces motifs et tous ceux que nous vous expliquons depuis maintenant sept ans lors de sujets économiques, le groupe MCG refusera l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC). Le projet de loi 10903 veut suspendre pour les années 2013 et 2014 le bouclier fiscal voté par le peuple trois ans auparavant, dans le cadre de la LIPP. L'impact financier, si ce projet de loi est accepté est de l'ordre de 38 millions et non de 40 millions, pour chacun de ces deux exercices, soit 76 millions.

J'aimerais citer le professeur Auberson, auditionné par la commission fiscale au sujet de ce bouclier. Je cite: «aujourd'hui, l'impôt sur la fortune en Suisse est extrêmement lourd en comparaison internationale. En appliquant un impôt sur la fortune de 1%, alors que le patrimoine ou le portefeuille ne rapporte rien, voire diminue, relativement parlant, c'est comme si l'économie, sur laquelle la personne n'a pas de contrôle, augmente le taux d'imposition indirectement. Pour ces raisons, le bouclier fiscal est une mesure qui se justifie. Cela est d'autant plus valable à l'heure actuelle, sachant que les rendements de fortune sont très faibles, voire même négatifs parfois».

La suspension du plafond à 60% n'est donc pas souhaitable, dans la période difficile que nous vivons, avec une crise économique qui s'accroît, pénalisant les familles et les classes moyennes. Il convient de refuser ce projet de loi. Le Conseil d'Etat veut reprendre d'une main, ce qu'il doit lâcher par ailleurs, par exemple la TVA qu'il a fallu payer dans le cadre des travaux du tram, pour lesquels l'Etat était maître d'oeuvre, en lieu et place des TPG, ayant reçu 200 millions de subventions de Berne pour ces travaux. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, le gaspillage continue. Pour ces raisons, l'UDC vous recommande de refuser ce projet de loi, car il brise l'équilibre voté trois ans auparavant par le peuple genevois.

M. Eric Leyvraz (UDC). Comme mon préopinant vient de le dire, l'UDC refusera ce projet de loi. J'aimerais tout de même rappeler quelque chose, dont on n'a pas parlé, c'est qu'un budget de 8 milliards pour 460 000 habitants est une chose unique au monde ! Avons-nous la meilleure sécurité de Suisse ? Je ne le pense pas. Avons-nous le canton avec les infrastructures les plus performantes ? Je ne le pense pas. Avons-nous la ville la plus propre de Suisse ? Certainement pas ! Germe donc dans l'esprit du représentant de la classe moyenne et des PME que je suis l'idée saugrenue que, comme nous avons les impôts les plus élevés, que nous avons l'impôt sur la fortune le plus élevé, que nous avons la dette la plus élevée, peut-être que notre administration n'est pas la plus performante de Suisse et qu'elle se sert un peu trop souvent pour elle chez Fauchon, plutôt qu'à la Migros.

Franchement, avec tout le respect que je vous dois, à vous, Monsieur le conseiller d'Etat, et au Conseil d'Etat, je trouve que le Conseil d'Etat ne manque pas de souffle en nous présentant quatre demandes d'augmentation d'impôts après avoir demandé à la collectivité publique un effort supplémentaire pour les caisses de 6,3 milliards. Une chose est sûre, vous n'êtes pas les champions du timing. Oui, nous voulons plus de sécurité dans ce canton, oui nous voulons de meilleurs transports, et nous les aurons et, pour cela, vous ferez des économies à l'interne. Vous pouvez très bien le faire, le DIME nous l'a prouvé récemment à la commission des finances, puisque, voulant nous vendre un projet de vélib, il nous a indiqué qu'il était capable de faire 700 000 F d'économies à l'interne pour nous faire adopter le projet de vélos libres. C'est bien la preuve que cela est possible. J'espère que le DIME servira d'exemple aux autres départements de l'Etat, car, soyons clairs, en ce qui concerne la classe moyenne et les PME, nous n'en pouvons plus et il est exclu que nous acceptions des charges supplémentaires.

M. Charles Selleger (R). A entendre ce qui a été dit, on m'a quasiment coupé l'herbe sous les pieds. J'aimerais cependant que l'on resitue le débat. Dans quel but nous présente-t-on ces projets de lois ? Dans le but de redresser les finances cantonales. Pour cela, on nous présente au départ cinq petits projets de lois, qui vont ramasser quelques millions à gauche et à droite. J'aimerais rappeler que Genève a les impôts les plus élevés de Suisse, que le nombre de fonctionnaires par habitant est le plus élevé de Suisse, que le salaire moyen des fonctionnaires avoisine les 9000 F et que notre dette est abyssale, comme nous en avons abondamment discuté hier. Alors, bien sûr, il est nécessaire d'équilibrer le budget et de combler cette dette, mais il faut s'attaquer au vrai problème: le train de vie de l'Etat. Il faut s'attaquer au nombre de fonctionnaires, d'une manière harmonieuse, progressive, c'est ce que notre groupe propose, et il n'est pas question d'entrer en matière sur des projets de lois qui vont à l'inverse de ce que le peuple a voté juste deux ou trois ans auparavant. C'est pourquoi notre groupe refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi 10903 et vous propose d'en faire autant.

Présidence de M. Pierre Losio, président

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, il est très clair que, lorsque la situation demande des efforts, la solidarité doit jouer. Or, ici, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d'un bouclier fiscal qui vise à préserver la fortune d'un impôt considéré comme excessif par certains.

Si vous lisez la page 381 du rapport sur le projet de loi 10199, celui de la baisse d'impôts, vous verrez que ces 42 millions - tels qu'ils étaient estimés à l'époque sur l'année fiscale 2006 - de baisse de recettes fiscales concernaient des contribuables dont la fortune était supérieure à 3 millions de francs.

On peut se poser la question de savoir si, lorsque la solidarité doit jouer, il s'agit de considérer que ce sont les salaires des infirmières qui sont excessifs, comme l'a dit M. Weiss hier soir, puisqu'ils sont 20% supérieurs à ceux du CHUV, selon lui, et que, sous-entendu, il faudrait baisser le salaire des infirmières... Peut-être faudrait-il augmenter le nombre d'élèves par classe, en l'occurrence pénaliser les bas revenus et la classe moyenne qui n'ont pas les moyens de se payer des écoles privées ?

Ou faut-il demander un effort supplémentaire à celles et ceux qui disposent d'une fortune supérieure à 3 millions de francs ? Je vous le demande: où les efforts sont-ils raisonnablement possibles ? Qui plus est, pour une durée limitée, puisqu'il s'agit d'une suspension et parce que la conjoncture, le changement de paradigme que vous avez notamment imposé à Berne, avec cette réforme absurde de la LPP, le demande.

Les socialistes n'ont jamais été opposés aux baisses d'impôts, mais il est très clair... (Rires. Le président agite la cloche.) ...que les baisses d'impôts doivent être effectuées en prenant compte de l'ensemble des paramètres qui régissent notre société et notre collectivité. Une baisse d'impôts est raisonnable lorsque nous en avons les moyens. Nous n'en avions déjà pas les moyens en 2009, quand nous avons voté la baisse d'impôts précédente, parce que nous avions déjà une dette de 10 milliards, parce que nous avons eu 100 000 habitants de plus en 20 ans et parce que nous ne pouvons pas d'abord baisser les impôts et ensuite prétendre qu'il faut réduire le train de vie de l'Etat, il faut bien entendu faire le contraire.

D'ailleurs, je tiens à le relever une fois de plus, le PLR, l'UDC, au-delà de leurs déclamations ostentatoires régulières, ne font rien pour baisser le train de vie de l'Etat et se plaignent année après année que l'Etat coûte trop cher. Je donnerai deux exemples: l'UDC revient avec une initiative demandant une double traversée du lac, alors que nous n'avons pas le moindre centime à mettre dans ce projet à l'heure actuelle et, lors du projet de budget 2012, le PLR a soutenu un nombre important - au moins 40 - de postes de fonctionnaires pour des plans stratégiques de développement à 150 000 F par an, pour le nouveau plan directeur cantonal. Les socialistes ont demandé que ces postes ne soient pas pourvus, mais vous les avez néanmoins votés, comme vous avez voté des augmentations de subventions pour des associations dont les directeurs gagnent 150 000 F pour un 80%. Cela est la réalité du PDC, de l'UDC et du PLR, ce n'est pas faire des économies, c'est satisfaire les besoins des petits copains, à l'occasion. Nous ne pouvons pas l'accepter.

Le principe est de dire que l'effort de solidarité doit se porter sur celles et ceux qui en ont les moyens. L'impôt n'est pas confiscatoire quand quelqu'un dispose d'un revenu disponible supérieur à plusieurs dizaines de milliers de francs par mois. C'est le revenu disponible qui doit compter et non le montant de la fiche d'impôts. Les socialistes sont très attachés à ce que tout le monde puisse vivre décemment dans cette société. Mais vivre décemment cela ne signifie pas gagner plus de 50 000 F par mois. C'est pourquoi le bouclier fiscal est indécent dans son principe. Cependant on pourrait imaginer que l'impôt baisse pour tout le monde, quand nous en aurons la possibilité. Le jour où la dette genevoise redescendra en dessous de son budget annuel, c'est-à-dire en dessous de 6 milliards, on pourra discuter. Pour le moment, il est clair qu'il faut d'abord diminuer la dette et faire réellement des économies, que vous n'êtes pas capables de faire et, ensuite, discuter de baisse d'impôts. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, c'est ce que vous faites à plein-temps et cela est tout simplement inacceptable. Les Genevois ne peuvent pas comprendre cela.

M. Christophe Aumeunier (L). Je tiens à remettre les choses dans leur contexte, celui dans lequel le Conseil d'Etat a proposé quatre projets de lois destinés à hausser la fiscalité genevoise. Ce contexte est le plan financier quadriennal que le Conseil d'Etat a présenté en novembre 2011. Dans le plan financier quadriennal, il explique: «Nous avons un déficit structurel de 150 millions, que nous devons combler.» M. Hiler nous parle à présent de 70 millions, les chiffres divergent, ce n'est pas grave.

Ce déficit structurel, le Conseil d'Etat se propose, par des mesures extrêmement rapides, immédiates, d'y faire face avec une première série de mesures, dont j'aimerais parler. Cette première série de mesures concerne la limitation des charges et des économies. Mais nous attendons du Conseil d'Etat un rapport sur la limitation des charges et des économies, à l'heure où on nous demande de voter des hausses fiscales, qui sont évidemment extrêmement malvenues dans le canton de Genève, car, nous le savons, nous vivons une crise des dépenses ! Nous ne vivons pas une crise des recettes. Genève est le canton qui perçoit le plus de recettes fiscales. Il est évidemment celui qui dépense le plus, celui ayant la dette la plus élevée de Suisse. Un budget de 7,6 milliards nous amène à constater que ce qui est demandé dans ce projet de loi est un demi-pourcent du budget. Le Conseil d'Etat, lorsqu'il nous présente ce budget, nous indique qu'il n'est pas en mesure de trouver un demi-pourcent d'économies ! Respectivement, si le déficit structurel est de 150 millions, 1% d'économies. Le Conseil d'Etat nous dit qu'il ne peut pas le faire. Ce qui est plus gênant, c'est l'attitude tendant à nous dire: «Mesdames et Messieurs les députés, vous choisirez». Non ! L'Exécutif est en charge des budgets, l'Exécutif doit trouver 1% d'économies dans un budget de 7,6 milliards !

Il est inconcevable que nous n'y arrivions pas et cela est extrêmement décevant, car nous ne devrions pas devoir choisir entre des prestations ou des nouvelles charges fiscales, déjà énormes dans notre canton. Nous devons pouvoir faire en sorte que l'administration soit plus efficiente, que l'Etat soit plus efficient, plus efficace, c'est là notre propos. Après que ces quatre projets de lois ont été déposés, le Conseil d'Etat en a retiré un - il s'agit de l'exonération qu'il souhaitait supprimer sur les collections artistiques - considérant par là qu'il avait été un peu vite et que les recettes fiscales à la clé étaient moindres. Nous avons, par ailleurs, déjà refusé deux autres projets de lois.

Il s'agit en revanche de constater qu'il faut remercier le Conseil d'Etat, car il a pris une mesure de gestion, celle de déposer un projet de loi qui vise à introduire un intérêt différencié entre les intérêts créditeurs et les intérêts débiteurs. Ce projet de loi constitue pour nous, groupe libéral, un projet de loi de remplacement, un projet de loi que nous voterons le cas échéant, car il s'agit d'un projet de loi de gestion. C'est ce que nous demandons, c'est ce que nous souhaitons ardemment.

Dans ce contexte, et s'agissant maintenant du bouclier fiscal, le groupe libéral refusera de suspendre celui-ci pour des mesures d'équité et pour des mesures d'opportunité. S'agissant de l'équité et de solidarité, l'on nous parle de niche fiscale, alors que nous faisons face à une cathédrale qui est l'Etat, complètement disproportionnée aujourd'hui et qui est beaucoup trop lourde. En opportunité, il s'agit de maintenir à Genève une prospérité élevée. Les personnes touchées par le bouclier fiscal apportent de la prospérité, ils sont ici des entrepreneurs, des gens dynamiques, nous ne pouvons pas nous permettre de leur dire: «Allez ailleurs, allez trouver d'autres champs plus prospères». Nous ne pouvons pas nous le permettre. C'est irresponsable de la part de la gauche de le penser, raison pour laquelle le PLR refusera ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Alain Meylan (L). Concernant le fond, tout a été dit et très bien dit, notamment par M. Aumeunier. Quant à la forme, j'aimerais dire que ces projets de lois figuraient dans les travaux de la LIPP et ont été largement votés par le peuple, cela a été dit plusieurs fois ce matin, il paraît donc difficile de se moquer du peuple en revenant aussi vite sur ces sujets.

Quant à la responsabilité du groupe libéral, le PLR prendra ses responsabilités quand il s'agira de rémunérer la perception de l'impôt à la source par les entreprises en votant l'amendement des 2%. Je tiens à le dire, quand il s'agit de prendre nos responsabilités, nous les prenons. Cela signifie aussi que la fiscalité des entreprises devra être modifiée au cours des prochaines années. Dans ce cadre-là aussi, nous voterons le projet de loi structurel et administratif qui se trouve actuellement à la commission des finances, comme l'a dit M. Aumeunier, de façon que les revenus augmentent quelque peu pour l'Etat et puissent atténuer un tout petit peu les années difficiles à venir pour le budget. Le PLR refuse naturellement ce projet de loi mais prendra ses responsabilités pour le suivant.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes ce projet de loi ne va pas assez loin, car il ne prône la suspension de ce bouclier fiscal que sur deux ans. En commission fiscale, est en attente un projet de loi socialiste qui, lui, demande l'abolition de ce bouclier fiscal. Mesdames et Messieurs de la droite, il sera très intéressant de voir si vous avez le courage de faire ce que vous auriez dû avoir le courage de faire avec la LIPP, c'est-à-dire non pas un paquet ficelé, mais bien de demander au peuple si, oui ou non, il accepte un bouclier fiscal, car un bouclier fiscal, Mesdames et Messieurs, représente 40 millions de manque à gagner pour l'Etat et pour quoi ? Pour pouvoir arroser les 1250 contribuables - peut-être 1300 dans le canton - se situant au-dessus de 3 millions de revenus et qui déduisent en moyenne, avec ce mécanisme, 31 000 F par année par rapport à ce qu'ils devraient payer si l'impôt était juste et égalitaire. Ainsi, pour 25% de la population du canton de Genève, cette déduction, faite par 1300 personnes, représente une somme supérieure à leur revenu annuel pour vivre. Avant de dire que cela n'est pas une ineptie, il y a encore du chemin...

Ce matin le MCG nous annonce qu'il est devenu un parti comme les autres, même plutôt un parti de droite, vu qu'il négocie 40 millions contre, je m'excuse de le dire, quelques clopinettes qui viendront dans le projet de loi suivant en faveur de l'Etat. Nous prenons acte et sommes heureux de vous accueillir comme un parti parlementaire comme les autres et bien aligné à la droite, en tout cas pour ce qui est de la fiscalité. Mesdames et Messieurs, comment faire gagner une Genève forte, lorsque la majorité de ce parlement n'a qu'une idée: l'individualisme et l'accumulation de richesses personnelles ? Pourquoi n'y aurait-il pas, une fois, la possibilité de valoriser les personnes fortunées qui paient correctement leurs impôts, qui soutiennent véritablement une démocratie et des politiques publiques issues d'un parlement et appliquées par un gouvernement pour toutes et tous ? L'apogée de la réussite consiste-t-elle uniquement à accumuler une fortune personnelle la plus grande possible ? Pourquoi la contribution via la fiscalité n'équivaut-elle pas aux dons, aux legs ou autres soutiens que des personnes fortunées font, individuellement, pour redorer leur blason par le marketing ?

Mesdames et Messieurs, nous sommes ici à un noeud de la démocratie et ce bouclier fiscal en deçà et au-delà de la contribution fiscale pose un problème d'éthique, un problème de limite de démocratie. Les socialistes, par l'acceptation de ce projet de loi, non seulement veulent des rentrées fiscales pour Genève, mais veulent une démocratie faite de politiques publiques qui soient applicables et qui profitent à toutes et tous, pas seulement à une partie fortunée de la population. C'est pour cela que nous accepterons ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (L). L'intervention de M. Hiler à la fin du débat sur le projet de loi précédent m'a fait regretter notre consensus d'hier soir. Sa mine réjouie, son rire même, dans les accusations qu'il porte contre les députés pour mauvaise gestion, risquent malheureusement de se retourner comme un boomerang sur le Conseil d'Etat dans son ensemble, et sur lui en particulier. Il n'est pas acceptable, Monsieur Hiler, que vous opposiez, comme vous le faites, les prestations à la population et les hausses d'impôts, sans vous interroger, vous qui êtes à la tête du département des finances, sur le coût du service des prestations à la population. Qu'avez-vous fait pour réduire le coût du service des prestations à la population, quand vous avez, au cours de votre mandat, augmenté précisément le coût de ces prestations en introduisant le 13e salaire, pour ne prendre que cet exemple ? Qu'avez-vous fait, si ce n'est de ne pas vous opposer systématiquement à nos quelques tentatives de réduire le coût du projet de loi d'hier sur le sauvetage des caisses de pensions ?

Vous avez maintenu, contrairement à votre collègue jurassien, la primauté des cotisations, vous avez maintenu la répartition 2/3 - 1/3, vous avez maintenu la pénibilité. Tous les efforts fournis pour réduire le coût ont été conduits par les députés du PLR et de l'Entente, qui se sont échinés à trouver des économies. Je trouve que vous avez quelque ingratitude, quelque façon peu agréable de vous rire de nous publiquement et avec vos collègues, ce matin. J'ajouterai à cela que cette affaire des intérêts moratoires qui va venir sur le terrain, certes il s'agit d'un projet de pure gestion, mais vous auriez pu y penser avant de vouloir taper dans la poche des contribuables. Si on vous amène à présent à une retraite bien ordonnée, qui s'appelle en réalité une défaite des actions du Conseil d'Etat dans ses propositions de réduire le déficit de l'Etat, c'est parce que vous avez à notre égard un certain mépris, qui se traduit par vos éclats de rire. Je regrette ce mépris et je regrette presque mon vote d'hier soir.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne sais pas si j'ai le droit de prendre la parole, mais comme je vais m'exprimer sur un sujet sur lequel je suis absolument incompétent, je vais la prendre, parce que sur les sujets où on est compétent, il semble qu'on ne doit pas prendre la parole. Le débat que nous avons ce jour est passionnant, parce qu'il s'agit d'un débat gauche-droite sur le rôle de l'Etat et je crois que nous aurons ce débat sur le prochain budget. Il s'agit de savoir que doit faire l'Etat et quelles sont les limites de l'Etat. Voilà le débat.

Venir avec des arguments contre les riches, cela n'a pas sa place, car il y a des gens riches et des gens pauvres. Mais je crois que quelque chose doit être revu complètement au niveau des impôts, c'est la taxation des gens riches. Il existe actuellement un courant philosophique et politique qui demande, à l'extrême - et ce ne sont pas des gens de droite, ce sont des gens de gauche - de supprimer les impôts pour les riches. Pourquoi ? Parce que ce courant a senti que les gens riches, quand ils ne paient plus d'impôts, dépensent plus d'argent pour la communauté, par des fondations, par des donations, par des legs. Quand j'entends la gauche nous dire que les gens riches donnent de l'argent pour se faire plaisir, c'est lamentable ! Si les riches ne donnaient pas leur argent de cette façon, nous n'aurions aucun parc à Genève. Pourquoi a-t-on des parcs à Genève ? Ce n'est pas l'Etat qui a créé les parcs, ce sont des gens riches qui ont légué leur propriété à l'Etat. Pourquoi a-t-on les Bastions ? C'est parce que des gens riches ont légué leurs terrains. Il faut donc arrêter d'avoir cette habitude stupide qu'a la gauche de toujours tout ramener sur le terrain de la morale.

Pour finir, comme il est samedi et qu'il faut se cultiver un peu, je vous lirai une citation d'une professeure américaine de gauche, qui dit dans son livre: «La gauche n'a souvent plus rien à offrir que des dénonciations morales, dénonciations des atteintes envers les institutions et les principes de démocratie libérale, des comportements des dirigeants et des élites du camp politique opposé, des injustices commises par le système économique capitaliste». Merci beaucoup.

M. Eric Stauffer (MCG). Vous voudrez bien transmettre à ma collègue de gauche qu'il ne faut pas qu'elle se méprenne sur les positions stratégiques du Mouvement Citoyens Genevois. J'aimerais rappeler que le MCG a toujours été en faveur d'une économie forte, afin de pouvoir faire du social efficace. Il est à noter que les dépenses engendrées et proposées notamment par le parti socialiste font qu'à certains moments, dans l'histoire de ce canton, les budgets sont déficitaires.

J'aimerais, Mesdames et Messieurs les socialistes, que vous puissiez prendre exemple sur quelques communes qui ont dû composer avec le système D. Je parle de communes qui ne sont pas très riches, qui ont des budgets un peu tirés, comme par exemple la commune d'Onex, dans laquelle je suis magistrat des finances, comme vous le savez. Avec un budget de 45 millions pour plus de 18 000 habitants, laissez-moi vous dire que mes deux collègues de gauche ont l'intelligence d'écouter quelqu'un qui, du point de vue économique, serait plus situé à droite. Nous avons des budgets équilibrés, des budgets qui nous permettent de rembourser la dette de la commune d'Onex à hauteur de 6,5 millions, ce qui n'était pas arrivé depuis vingt ans, et cela simplement en raison d'une rigueur dans la gestion financière. Bien sûr, surcréer des postes, cela coûte cher. A Onex, non seulement nous avons étudié les prestations de certaines opérations pour la population, mais nous avons également supprimé l'encaissement de ces prestations, parce que le fait d'avoir un employé pour les encaisser coûtait plus cher que ce que nous percevions. Cela s'appelle une bonne gestion des deniers publics. Si vous pouviez prendre exemple sur cela, nous n'en serions pas à nous écharper dans ce Grand Conseil pour savoir s'il faut ôter ou maintenir le bouclier fiscal.

Voilà ce que je voulais dire, mais ne vous méprenez pas sur nos positions. Nous, nous savons économiser là où cela est nécessaire et vous le verrez dans le projet de loi qui devrait arriver dans 30 minutes.

M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque j'entends la députée socialiste comparer les riches, cette maladie honteuse que l'on doit assimiler à la peste, celles et ceux qu'il faut bouter hors de la ville, parce qu'ils représentent un danger, ceux que l'on ne peut fréquenter que lorsque l'on se met un long masque en carton devant le visage, de façon à éviter d'obtenir ce vilain microbe, on peut ne faire que ce qu'a fait excellemment le député Buchs: regarder un peu en arrière et se poser la question de ce qui à Genève a été fait par l'Etat et ce qui doit être attribué à ces horribles riches.

A la longue, à force de les vilipender, à force de dire qu'ils sont la lie de l'humanité, qu'ils sont juste taillables et corvéables à merci, qu'ils paient moins d'impôts que les autres, ce qui est juste un mensonge mathématique - s'ils paient, en termes relatifs moins d'impôts, en termes absolus ils en paient beaucoup... Que l'on cesse donc, par les temps qui courent, de bien vouloir stipendier une certaine classe de la population, s'imaginant que le reste de la population sera capable de subvenir à l'entier des besoins, que les socialistes ne cessent de mettre en avant et qui doivent être payés par l'Etat. Il y a, à un moment donné, un minimum de pudeur, Madame, que vous devriez avoir, en vous rappelant que si ces horribles riches n'étaient pas là, un grand nombre de politiques publiques ne pourraient tout simplement pas être financées. (Applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je crois qu'il ne faut pas déformer les propos que j'ai tenus: lorsque j'ai dit qu'il n'était pas acceptable que les riches de Genève, les 1300 personnes, bénéficient de ce bouclier fiscal, c'est que l'égalité de traitement, que nous soutenons en tant que socialistes, en termes de contributions publiques, n'est pas maintenue avec le bouclier fiscal tel qu'instauré. A ce titre, ce n'est pas d'une exclusion des personnes riches - si leurs entreprises réussissent, tant mieux - dont j'ai parlé, mais bien d'une inclusion, dans un système collectif, constitué par les politiques publiques, l'Etat et une valorisation de leur participation, avec les mêmes règles que tout citoyen de ce canton.

Quant à l'intervention de M. Weiss, qui est absent actuellement, je souhaitais préciser que le frein à l'endettement et que l'opposition «prestations versus imposition plus grande», cela ne vient pas de nos bancs. Il s'agit d'un choix que la majorité de ce parlement a fait et imposé. Ensuite, dire que ce que le Conseil d'Etat a déclaré est inadmissible... A quoi vous attendez-vous par rapport au frein à l'endettement ? Que l'on essaie de réduire le prix du parquet du réduit du fond de la salle du Grand Conseil? Non, nous parlons bien de prestations qui seront réduites ou d'une augmentation des contributions demandée aux citoyens. Le dire, pour une fois, de manière claire, je ne vois pas en quoi cela représente un scandale. Nous aurons effectivement des mois et des années difficiles et des choix difficiles à imposer à la population. Nous verrons, à ce moment-là, comment elle réagira.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas laisser dire certaines choses dans cette assemblée. Je me réfère ici aux propos de Mme Schneider Hausser, qui dit que ce matin nous nous sommes réveillés en changeant d'avis. Cela n'est pas du tout le cas. Je vous demande de relire le rapport. Vous verrez que les deux commissaires en commission ont voté non; j'en faisais partie et je vous confirme que nous avions bien voté non. Nous n'avons pas changé de position. D'autre part, les discussions qui peuvent survenir à la salle des pas perdus font partie de la vie politique. Nous confirmons cependant notre vote.

En outre, cela a été dit par la droite, mais je crois que vous ne l'avez pas compris, celle-ci est prête à voter, prochainement, un projet de loi concernant les intérêts moratoires et équivalant à 70 millions, contre le présent projet de loi qui ne vaut que 40 millions. Je pense que l'effort de notre part existe et que vous ne savez peut-être pas calculer.

Le prochain projet de loi est plus intéressant que celui-ci. Seulement, vous voulez tout, c'est votre habitude, vous voulez continuer à plumer toutes les catégories ayant des revenus, c'est votre seul enjeu, vous ne défendez même plus les travailleurs, la seule chose qui vous intéresse est de défendre les bras cassés de votre République ! Ceux-là vous les défendez, mais, en ce qui concerne les travailleurs, je ne vous vois pas souvent présenter des textes pour défendre les contrats collectifs, etc. Vous voulez toujours plus de recettes, mais le reste, ceux qui gagnent de l'argent pour payer le système de notre collectivité, ne vous intéressent pas.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, le présupposé répété à maintes reprises par la droite, consistant à dire «Nous sommes dans une telle situation, parce que l'Etat de Genève vit au-dessus de ses moyens», me fait penser à l'hypothèse d'un individu à qui on dirait la même chose: «Monsieur, vous vivez au-dessus de vos moyens». Que peut faire cette personne, de façon rationnelle, pour essayer d'avoir un budget équilibré ? En fait, la recette que vous proposez, un enfant de quatre ans ne la comprendrait pas et, en tout cas, contesterait sa logique. Parce que la solution que vous proposez, c'est de dire à cette personne qui vit au-dessus de ses moyens: «La première chose que vous devez faire est de demander une réduction de salaire». La première chose que doit faire une personne vivant au-dessus de ses moyens serait de réduire son train de vie et ensuite peut-être il pourra réduire son salaire, parce qu'il aura un budget équilibré et une certaine marge de manoeuvre. Or, quand on vit au-dessus de ses moyens, ce n'est pas en commençant par réduire son salaire, que l'on va pouvoir tourner. Or, c'est bien ce que vous proposez, car une baisse d'impôts revient à réduire les moyens de l'Etat, revient à réduire le «salaire de l'individu-Etat», qui ne peut ensuite plus payer ses charges, ses dépenses. En l'occurrence, vous empirez la situation.

Evidemment, nous pouvons discuter sur le fond. Il n'existe pas de dogme sur l'impôt, il doit permettre à l'Etat de fonctionner. Nous souhaitons maintenir la paix sociale en Suisse, nous souhaitons maintenir des conditions-cadre satisfaisantes pour l'économie, bien entendu. Mais pour cela, il faut aussi que les personnes aient les moyens de vivre décemment. Quand nous sommes dans une situation de déficit, il s'agit de faire des choix. Nous pouvons choisir de prendre de l'argent sur les plus pauvres, ce que vous souhaitez faire à maintes reprises - et, à titre personnel, je trouve que le prochain projet de loi, qui s'attaquera aux personnes ayant des retards d'impôts, va aussi toucher les plus faibles de la société, car souvent, les personnes ayant des retards d'impôts sont celles qui ont du mal à boucler leur budget mensuel. Mais ce n'est pas le cas de toutes les personnes qui sont en retard, je ne dis pas que cela est aussi simple.

Dans le présent projet de loi, on demande un effort de solidarité aux plus hauts revenus, aux personnes qui ont plus de 3 millions de fortune. Est-ce qu'un effort de leur part est véritablement indécent ? Au parti socialiste, nous ne le pensons pas. Nous pensons que les efforts doivent être partagés mais aussi proportionnés. Ce n'est pas la richesse des riches qui est indécente, c'est le fait de dire que les riches paient trop d'impôts, quand ils ont des moyens exceptionnellement élevés pour vivre, alors que d'autres sont dans la misère. C'est cela qui est indécent. Donc, comme en France, il est normal de demander aux plus riches de notre société qu'ils rendent une partie de leur richesse, par effort de solidarité collective. C'est une question de dignité, une question de solidarité élémentaire et c'est ce que les socialistes demandent pour une durée limitée, parce que les circonstances l'exigent. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de faire cet effort maintenant, de façon proportionnée et raisonnable, et de demander un effort aux personnes ayant une fortune supérieure à 3 millions de francs. Cela ne concerne pas tout le monde. Mesdames et Messieurs, merci d'accepter cette proposition de projet de loi.

Le président. Par décision du Bureau la liste est close. Reste la parole à MM. les députés Lussi, Leyvraz, les trois rapporteurs et M. le conseiller d'Etat.

Fin du débat: Session 11 (septembre 2012) - Séance 65 du 15.09.2012