République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1742-A
Rapport de la commission des visiteurs officiels chargée d'étudier la pétition en faveur d'un parloir intime à la prison de Champ-Dollon
Rapport de M. Antoine Bertschy (UDC)

Débat

Le président. Le rapporteur est M. Antoine Bertschy, remplacé par son chef de groupe, M. Stéphane Florey. Celui-ci ne souhaitant pas la parole, je passe le micro à Mme Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Concernant cette pétition qui demande des parloirs intimes à la prison de Champ-Dollon, le groupe socialiste s'était rallié à la décision de la classer lors de son traitement en commission, mais après rediscussion au sein de notre caucus nous avons changé d'avis et désirons maintenant renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Certes, Champ-Dollon est prioritairement une prison préventive, toutefois il y a un certain nombre, voire un nombre certain de détenus qui sont là en exécution de peine; de ce fait-là, les personnes qui exécutent leur peine ont droit ou devraient avoir droit à des parloirs intimes. Ce qui est indiqué dans le rapport est exact, la prison ne se prête pas à une transformation en parloir intime, mais en l'occurrence, que ce soit pour de la préventive ou de l'exécution de peine, il subsiste un problème pour les familles, spécialement pour les enfants. Il serait donc bon, indépendamment des contraintes architecturales, que le Conseil d'Etat ainsi que l'office pénitentiaire examinent ce qu'il est possible de faire afin d'améliorer les conditions, en particulier pour les parloirs destinés aux enfants. Les difficultés matérielles telles qu'elles sont présentées dans ce rapport - et qui sont véridiques - sont une chose, mais les droits de l'Homme et des personnes emprisonnées en sont une autre, les droits des familles et des enfants également. C'est dans ce sens que le parti socialiste renverra cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, après un débat difficile hier sur un sujet sérieux, je note avec plaisir que le parti socialiste souhaite que ce parlement parle de cul, alors allons-y ! (Exclamations.) Vous venez d'entendre ma préopinante faire un savant mélange entre les parloirs intimes et les parloirs pour les enfants. Première question: faut-il que les enfants aient des parloirs intimes dans les prisons ? Si c'est ce que veut le parti socialiste, cela va effectivement faire la une des journaux demain. Deuxième point: les socialistes, si sensibles à la problématique des droits de l'Homme - on notera au passage que la direction générale des droits de l'Homme n'a pas cru bon de soutenir la position des socialistes, ce qui n'est pas franchement pour nous étonner - disent donc qu'il faut des parloirs intimes à la prison de Champ-Dollon. Bien sûr ! On va une fois de plus faire un traitement différencié entre celles et ceux qui sont en préventive et celles et ceux qui purgent leur peine. Voilà qui va certainement améliorer l'ambiance entre celles et ceux qui pourront recevoir leur copain, leur copine, leur concubin, leur concubine, et ceux qui ne le pourront pas. Histoire, évidemment, dans une prison surchargée, d'ajouter de la complexité à un problème qui l'est déjà.

Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, chacun sait ici que la prison préventive suppose un certain nombre de conditions, par exemple le fait d'éviter la collusion entre différentes personnes. Or je vous laisse imaginer l'usage qui peut être fait des confidences sur l'oreiller ! Ainsi donc on voit que le parti socialiste, toujours en retard d'une guerre, souhaite que le Conseil d'Etat s'occupe d'organiser des parloirs intimes à la prison de Champ-Dollon, malgré la décision de la commission des visiteurs, qui connaît relativement bien le dossier, puisque même la socialiste membre de cette commission - que je salue au passage - a reconnu l'inanité d'une telle idée. Mesdames et Messieurs les députés, un tout petit peu de sérieux, je vous prie ! J'admets que nous entrons dans une période électorale, mais ouvrir des parloirs intimes à Champ-Dollon est l'une des idées les plus bêtes qui ait existé depuis le début de cette année. Faites donc ce que vous suggère la commission, Mesdames et Messieurs les députés, et classez cette pétition qui n'a pas lieu d'être et qui, de toute façon, ne peut pas être réalisée à Champ-Dollon.

M. André Python (MCG). L'établissement de Champ-Dollon est une prison préventive, avec son règlement, et ce dernier stipule bien que l'on ne peut pas avoir de parloir intime dans une prison préventive; on ne peut donc pas avoir un établissement avec plusieurs règlements différenciés. Je rejoins sur ce point mon préopinant, qui s'est interrogé sur les problèmes qui pourraient être générés par le fait qu'un détenu puisse avoir accès à un parloir et un autre pas. Pour conclure - je serai bref - il faut absolument classer cette pétition, et c'est ce que le Mouvement Citoyens Genevois vous demande de faire.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts a désavoué sa commissaire. (Exclamations.) Je vous le dis très clairement ! On nous a dit qu'on faisait de l'angélisme, et pourtant depuis Byzance on sait que les anges n'ont pas de sexe, alors en parlant de parloirs intimes, c'est un peu compliqué...

Pour le groupe des Verts, le principe est très simple: aujourd'hui à Champ-Dollon, il y a des gens qui purgent leur peine. Nous parlons uniquement du principe et, sur le principe, nous sommes favorables à ce que les personnes qui purgent leur peine puissent, à certains moments, avoir accès à des parloirs intimes. Nous proposons donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, auquel il reviendra de trouver une mesure d'application. Nous nous prononçons sur un principe, et nous sommes en faveur des parloirs intimes.

M. Charles Selleger (R). Je serai très bref, Monsieur le président. J'aimerais juste dire que le groupe radical, fidèle à sa politique et à ce qu'a dit mon préopinant Renaud Gautier, ne soutiendra pas cette pétition et votera son classement.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la solution et les mesures d'application que le Conseil d'Etat peut vous proposer sont toutes simples: je ne peux que vous encourager à voter les crédits qui pourront nous donner plus de places de prison. Effectivement, la question de créer deux régimes différenciés, pour une population qui a déjà énormément de peine à cohabiter, a été soulevée. Vous savez que, si dans la nouvelle prison nous avons voulu diminuer le nombre de places, c'était pour pouvoir créer des places de travail supplémentaires, considérant que cela fait partie justement du confort de ceux que nous accueillons malheureusement trop nombreux en préventive.

La solution est effectivement de pouvoir accélérer le rythme des investissements, de façon à rattraper le retard que Genève accuse malheureusement depuis un certain nombre d'années en termes de places de détention. Voilà l'application que je peux vous proposer en l'état.

Cela dit, et pour rassurer quand même les pétitionnaires, j'aimerais souligner que je sépare très clairement la question des parloirs intimes et celle de l'accueil des enfants, et tout va être fait dans les aménagements que nous pouvons proposer, afin que les enfants puissent venir voir leurs parents de la façon la plus confortable possible, dira-t-on. Voilà ce que le Conseil d'Etat peut vous présenter.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets maintenant aux voix les conclusions de la commission, à savoir le classement de cette pétition. En cas de refus, nous voterons sur son renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (classement de la pétition 1742) sont adoptées par 36 oui contre 20 non et 1 abstention.